
cohérentes ; en un mot | qu’à former tout au
plus des pelotons de fpadaffins , mais non des
combattans. Seroit-ildonc impoffible d’erchâf-
fer cette fcience dans un corps de doCtrine,
dont les élémens affis fur des bafes vraiment
guerrières , & clafles dans des "cadres judicieu-
fement conçus, pourroient du moins mener les
gens de guerre au même point où arrivent ceux
qui font un cours de fciences conjecturales, &
prouver jufqu’à quel point dans la guerre de
campagne, ainlï que dans celle de liège, il eft
puiùble à l’induftrie guerrière de fubjuguer les
caprices de la fortune ?
Pour réuffir^ dans cette entreprife très-difficile
, ilfaudroit peut-être envifager Part de la
guerre fous trois grands afpeCts généraux : parties
mécaniques de la guerre ; parties dogmatiques
; parties pofitivcs. Les premières façonnent
les matériaux , 8c les organifem ; les fécondés
raifonnent fur leur activité , & en dirigent
le cours > les dernièies , démêlées avec
difcernement, purifient Pexpérience.que Pon a ,
ou fuppléent à Inexpérience que Pon n'a pas.
Entrons dans quelques détails.
Premières parties mécaniques de la guerre-....
C’eft i’organifacion d’une armée , c’eft la naturev
des principes qui animent fon inftruCtion , c’eft,
en V” rPot i une férié Procédés judicieux qui
familia-ifent cette armée avec toutes les circont-
tancës qu'une guerre de campagne peut produire
, préparent les relforts lecrets qui captivent
la victoire. Ainfi , i°. cette belle ordonnance
de principes qui, dégagée: de fuperfluités
& dé tours de force , ne propofe que des moyens
folides, fatishifans pour la raifon , faciles à.,
concevoir, & non moins faciles à pratiquer....
Cette féconde fobriété de documens qui ,
généralifant les préceptes fans les ôbfcurcir,
abrégé & éclaircit les données pour le général
qui commande , ainli que pour Parmée qui
obéit.... j°. Cette université dé reflources qui
embraflant toutes lés localités , & calculant
toutes les poflibiljtés , fe trouve toujours prête
à faire face aux contre-tems , & à en accabler
fon ennemi.... 4® Cette flexibilité de relforts
qu'un léger taCt peut facilement animer.. ..
5°. Enfin , cette fubtilité d’indication qui fend
la nue , & provoque fans délai Péxécution : qualités
auguftés, mais qui doivent indifpenfable-
ment fe trouver réunies dans une ordonnance
d’inftruCtion vraiment guerrière.
Secondes parties, dogmatiques de la guerre...
C ’eft la théorie des opérations d’une armée
c’eft le régulateur qui leur imprimé le mouve-
yement, c’eft , en un mot, un afîembîage de
maximes raifonnées, fortes d’expérience, & propres
à diriger TaCtivité des reflorts que la doc- >
trine des parties mécaniques aura judideufe-
ment façonnés. ^M. de Feuquièrés a déjà traité
' ces objets i mais fes écrits font diffus, pénibles
a la mémoire , difficiles même à l’intelligence
vulgaire j il y a nombre de vérités importantes
qu il pafle fous filence ou qu’il ne fait qu’effleurer.
Souvent fes bafes font gratuites 8c indéfinies
3 plus fouvent il fe plaît à montrer les
fautes & les difficultés , fans donner les moyens
de vaincre celles-ci 8c d’éviter celles-là ; enfin ,
il écrivoit dans un tems où les reflources de la.
tactique moderne n’ étoient pas encore autant
développées. Il faut fuppleer à ces dé fe élu ©fîtes
, décompofer les faits d’armes des plus grands
généraux , chercher à démêler les principes qui
les ont animés , 8c en tirer des moyens de
vaincre lumineux, sûrs & adaptés à la taCtique
moderne , propres à régler tous les mouvemens
d'une armée dans fes opérations générales ou.
particulières, & à aflurer la victoire.
Troifièmes parties pofîtives de la guerre....
C’eft le teftament des grands capitaines, c'eft le
tableau de leurs aCtions guerrières ; c’eft, en un
mot, l’examen réfléchi , raifonné 8c approfondi
de tous les faits d’armes qui peuvent offrir dés
traits de lumière à notre inftruCtion. On peut
commencer ces recherches à Guftave Adolphe *
regardé avec raifon comme le premier capitaine
moderne qui a’it fait la guerre avec art.
GUERRE. C Hîftoire de. la fcience de la }
; O vous, hommes tranquilles & fîudîeux , qui
vous occupez uniquement à augmenter les con-
noiflances 8c les jouiflances de vos femblables
par vos découvertes & vos expériences, n’hé-
fîtez pas de nous donner l’hiftoire 'des fcienceS-
que vous cultivez ,, & qui font amies de l’humanité
; dites-nous quelles font les differentes
routes qu’ont fui vies les hommes de génie auxquels
nous devons les progrès des fciences &
des arts , dont vous travaillez tous les jours à
augmenter la perfection; ofez exciter notre re-
connoiflance , 8c ne vous laflèz pas dé la mériter
toujours davantage î
Mais moi, obfcur légionnaire , doué, peur
mon malheur , d’-uhe extrême fenfibiliréJ çoro-
mént airrai^e le couràgè* d’écrire fur la fcience
de la guerre; comment pourrai - je fuivre fans
frémir les progrès de cette fcience , fa décadence
, fa - renaiftance, ; le génie ufant toutes fes
reffources pour inventer des moyens toujours
plus deftruCteurs. Les ‘hommes oubliant qu’ils
font frères. L’humanité voulant en vain fe faire
entendre , 8c la ragé1, là fureur , la colère , les
douleurs & la rnort fembknt feules avoir des
droit-s fur- des êtres ;dont Tunique occupation
paroit êcré -la deftiruétion de leurs femblabies.
| Quel dernç ce charme qui accompagne h
paflion des armes, & cjui donnant aux hommes
l ’ ardeur de s’ entre-detruue , étouffe en eux
tous les fentimens de la nature ?
Quelque choie cependant peut confoîer l’é-
.crivain fenfible qui ofe troubler fon repos pour
s’occuper de l’art deftruCteur de la guerre. Devenu
plus favant, il eft devenu bien plus égal
& bien plus fournis à des marches & à des pointions
qu'à des combats. Enfin , connu à peu-
près également par toutes les puiffances qui fe.
partagent la Terre, chacune eft plus intéreflee
a craindre la guerre, par laquelle on ne peut
plus rien gagner ; mais qui neceffite impérieusement
la dépopulation , les déprédations , le
dérangement, des finances , les emprunts, les
dettes , la misère des peuples, la deftruCtion du
commerce, & le malheur des vainqueurs & des
vaincus.
Pour nous convaincre de ces différentes vérités,
remontons à l’origine connue des focié-
tés, & après avoir fuivi les différentes époques;
de l ’art de la guerre , nous nous arrêterons au
moment heureux auquel nous nous trouvons , où
prefque tous les peuples réçouvrant leurs droits
ou travaillant à les recouvrer , s’emprefleront ,
dès Tinftant où ils jouiront de la paix , de fe
lier entr’eux par des traités de commerce , afin
de ne.faire qu’une feule famille , & de ramener
les Soldats au milieu des campagnes , pour leur
apprendre à manier alternativement la bêche,
leurs armes & la charrue.
Les hommes fe réunifiant 8c enchaînant leurs
pallions par des lois , ne peuvent empêcher à
la jaloufie, à l’amour de. la vengeance & à la
cupidité de fe faire fentir; de-la le defir du plus
fort d’opprimer le plus foible , 8c la néçeflité
pour ce dernier de veiller à fa sûreté & à fa
défenfe. Les pallions qui maîtrifent les hommes ,
maîtrisèrent auffi les fouverains, 8c les Etats fe
trouvèrent entreux comme les particuliers ; plus
ils furent ignorant , moins ils furent inftruits fur
leurs véritables intérêts plus fouvent & plus
long-tems la difeorde fema parmi eux la défu-
pion. On eft donc forcé de convenir avec dou-r
leur que l’art de lé nuire fut le premier inventé-
par les hommes ; & la guerre , qui produilît le
defir de vaincre 8c de s’affurer des fuccès , enfanta
l’art militaire.
D’abord foible à fa naiflance , il fut d’homme
à homme le talent de tirer parti d,e fon adrefle
& de fa force, & dut fe bor er ,à la lutte, au
pugibt , à Tefçrime. Bientôt lps moyens de def-
truétions fe perfeélionnèrènt ; l’ait s’étendit avec
les fociétés ; les hommes fe raffemblèren en
plus grand, nombié , ils formèrent des armées ,
qui ne furent pas d’abord des corps de foldats,
mais, des peuplades, où le nombre des femmes
& des enfans pou voit être égal à celui des
combattans, auxquelles cependant on ne tarda
pas de donner une efpèce d’organifation. Ce
fut dans ces momens d’ignorance où l'art militaire
fut ce qu’il eft encore aujourd’hui chez
les Arabes , les Tartares 8c plufieurs autres peuples
de l’Afie, de l’Afrique & de l ’Amérique ,
c’eft - à - dire encore bien éloigné d’être une
fcience.
Cependant il fe formoitun peuple qui devoit,
finon inventer les arts , du moins les porter tous
au plus haut degré de perfection , 8c fisrvir de
modèle dans les tems les plus reculés. Mais
d’abord agreftes et pauvres , les Grecs dûrent
faire la guerre : fournis à plufieurs rois , il dut
y avoir fouvent des difficultés entr’eux ; & de-
fireux de fatisfaire leurs paffions , quelques-uns
de ces princes plus ambitieux dûrent s'occuper
à perfectionner l’art militaire , pour en faire
l’inftrument de leur gloire & de leur ambition.
Pour marcher avec plus d’ordre, nous allons
fixer deux époques ; nous croyons qu’il faut les
regarder comme -les âges de la fcience de la
guerre, 8c lès momens où fes principes éprouvèrent
les plus grands changemens.
La première fera occupée par les Grecs jufqu’à
Philopemen, 8c par les Romains jufqu’à
Céfar.
La fécondé fera deftinée aux modernes, à
dater depuis Céfar jufqu’à nos jours. •
P r e m i è r e E p o q u e .
A N C I E, N S.
L es G r e c s .
Ce qui porte à fare regarder les Grecs comme
le, premier peuple où la guerre commença
à devenir un art, c’eft l’Iliade qui paroît êrre le
premier livre où l’on ait traité de cette fcience.
En effet, cet ouvrage immortel d’Homère. fem-
ble parler du; fiége de Troye comme d’une époque
où l’art de la1 guerre av.oit commencé à fe
perfectionner,chez les Grecs.
Il falloit même qu’ils fuflent avancés dans
cette fcience pour être parvenus où ils en étoient
déjà au moment du fiége.
Leurs foldats étoient divifé.s par troupes qui
ayoîent chacune leurs chefs; ; 8c lorfque Neftor
dqpne des ravis à Agamemnon , relativement à
la partie fi Teflentielle de la'formation , il lui
confeille:- de , féparer • fës ifoldats mêlés fans dif-
ûpiCtion; de pays & donation , .d’en former dee
F f f f 4