
la place. Affurément rien n’empêche cependant d’é'
loigner ce rempart, & de procurer à ces flancs toutes
les mêmes ouvertures par où, dans le fort de
l’ Ile-d'Aix, l’air fit encore plus aifément fortir la
fumée : ce léger changement dans la conftruâion
n'en apporteroit aucun dans le fyftème, 8c alors
meilleurs les officiers dn génie n’auroient plus de
doute fur la fumée, même dans les flancs cafe-
matés; alors àuffi le feu de ces flancs ne feroirplus
méprifable : on ne pourroir plus nier leur effet, &
toutes les opérations de l ’attaque de Louifville
deviendraient impoffibles à exécuter, de l'aveu mê-
■ me de meilleurs iesofficiers du génie. Eh bien! pour
trouver cette conftruâion, il fuffit de regarder le
plan de Louifville, planche XXIII; le profil de ce
plan, planche XXIV, fig. 9 du j e volume de Y A n
déjinjif: on y verra tous les flancs cafematés entièrement
féparés des terres du rempart, ainfi que
le défirent ces meffieurs.
Mais les auteurs du mémoire ne s’en tiennent
pas là ; ils obfervent encore q ue , «dans les vaif-
H féaux , comme ,1a volée du canon dépaffe le
» bordage , la fumée du coup ne peut entrer dans
» Fentre-pont fans un vent qui l’expulfe auffitôt,
« et en même tems celle de l’amorce. ?? Nous ob-
ferverons à notre tour, que, quoique la volée du i
canon fe trouve dans rerabrâfure de la cafemace
la fumée du coup n’en reftepas moins en entier en
dehors de cette cafemate, par le moyen d’un vo-
1 ;-r qu’ on ferme au moment que le coup part.Tout
le monde peut avoir obfervé que l ’explofion chafle
cette fumée allez loin pour qu’il n’en rentre aucune
partie pendant le moment du recul, à moins
que le vent ne foit debout & d’une force très-
fenfibîe 5 mais alors on ne ferme plus le volet,
& 3 à l’aide du courant d’ air qui s établit entre
les embrâfurés et les autres ouvertures pratiquées,
la fumée fe diffipe fur Je champ : on peut même’
affurer que c’ eft le cas le plus avantageux.
Il faut obferver déplus que, tant que la batterie
d’un vaiffeau eft en aétion, lés fabords ne peuvènt
en être fermés ; ce qui lai fie prefque toujours
rentrer daps cette batterie une grande partie de
la fumée du coup ; au lieu que, dans les cafe-
mates d’une place afliégée , le feu étant néeeffai-
rement moins v if, il eft toujours poflible de tenir
le volet fermé jufqu’à ce que la fumée foit entièrement
diflipée i en forte qu’il n’y a abfolument
dans ces cafemates, que la rumée des amorces ;
fumée qu’on peut encore diminuer confidérable-
ment en fe fervant d’ étoupillts.
On auroit pu combattre ces prétendus incon-
véniens de la fumée avec le même fuccès, & d’ uae
toute autre manière, en attaquant les ra’ifonne-
mens en eux-mêmes : nous aurions pu dire que la
fumée ne refte ftagnante que dans le cas d’un
calme abfolu, et q ue, dans ce cas particulier,
c’ eft un inconvénient commun aux cafemates, aux
entre - ponts de vaiffeau , et même aux batteries
en plein a ir , avec cette différence que cela
ne peut troubler le fervice du canon que fur le*
vaiffeaux , ou pour l’artillerie de campagne, où
il eft important de tirer v ite , tandis que dans une
piacé afliégée chaque pièce tire au plus un coup
par quart d heure ; ce qui laifle de refte le tems à
la fumée de s'élever et de difparoître. On auroit
pu dire que la fumée'de la poudre n’empoifonne
point les lieux où elle fe trouve , et que les canonniers
des cafemates n’en feroient pas plus incommodés
que ceux des vaiflèaux. On pourroit
dire aufîi qu’on ne peut nullement comparer une
galerie de mines où l’air ne fe renouvelle que très-
lentement avec les batteries propofées, où l’air
circule avec toute liberté : on auroit pu affurer
enfin que les remparts, appuyés contre les flancs I
cafematés, n’empêcheroient pas le fervice du canon
dans ces cafemates , puifque toutes les fois
qu un vaiffeau fe bat fous le vent & que la mer
eft un peu forte, il eft obligé de tenir fermés les
fabords oppofés., fans pour cela discontinuer fon
feu.
Voyons actuellement fi meftîeurs les officiers du
génie parviendront, comme ils s’en flattent, à
rafer les flancs cafematés, & à faire brèche au
corps de la place.
Nous avons promis de nous en tenir à nos flancs
cafematés , diminués même d’un .étage , et au
grand mur cafematé qui forme l’enceinte de la
place : en cet état, les flancs cafematés nous fourniront
un feu de dix-huit pièces de canon, dont
les canonniers^ feront parfaitement couverts contre
Une batterie à conftruire, de neuf pièces de
rcanon.
Pour parvenir à cette conftruCHon , meffieurs
lés officiers du génie commencent par s’enfoncer
de quatre pieds plus bas que le niveaudu rempart;
& ce travail, ils le font tout à découvert fous
le feu de dix-huit pièces de canon qui pourront
tirer à cartouche fur leurs travailleurs, expofés
en outre a tout le feu des fufils du rempart, que
fourniffent les mêmes flincs : il ne peut plus être
queftion i c i , ni de profiter de l’obfcurité de la
npit, ni de dérober le premier travail ; Fafliégeanc
n'ett féparé dé l’afliégé que par le foffé de la
place, et l’on fait qu’à cefte petite diftance le
moindre bruit eft entendu : on fait auflî qu'au
moyen des balles à fe u , on parvient facilement
a eclairer les travaux.
Et pourquoi feroit-on obligé de croire que cette
batterie de neuf pièces pourra fe conftruire & fe
conferver contr-’une batterie de dix-huit pièces,
& que ceile-ci fera détruite & rafée par celle-là!
Qu'on nous permette à ce fujet la plus grande
incrédulité & l’efpérance que nos le&eurs la
partageront, d’autant que nous avons encore à y
ajouter le feu de vingt - quatre pièces de canon
que fournit de plus contre cette batterie le grand
mur cafematé qui forme l’efcarpe du grand foffé.
Nous penfons même que l’afliégé tirera fa principale
force de ce grand mur cafematé; et en cela
nous
bous différons entièrement d’opinion avec mef-
fieur.s les officiers du génie : voyons d’abord ce
qu’ils difent à ce fujet.
« Nous ne concevons pas comment le général
» Montalembert peut fuppofer que le canon du
M revêtement càfematé empêcheroit la conftruc-
3* tion de la batterie de brèche de quatre pièces : 35 A fuffit de fe rappeler que le canon le plus élevé
» du revêtement étant inférieur de neuf pieds du »3 rempart du cou vre - fa ce , & à vingt toifes au
»s plus de diftance, tout boulet qui ne paffera pas
v au deffus de cette batterie, s’enterrera dans le
»3 talus du rempart, fans faire à la batterie plus
» de tort que n’en fouffre la butte d’une écple 30 d’artillerie, que le canon bat pendant tant d’à'n-
»> nées fans la détruire. Ce fait d’expérience eft
33 d’inconteftable notoriété , & rend également
»» impoflible à l'artillerie des flancs cafematés,
30 quand même elle feroit toute en aétion, d’em-
» pêcher la conftruétion de la batterie de brèche
*> de neuf pieds, dont il a été parlé ci-deffus.
Difons d’abord que chaque année on répare foi-
gneufement la butte de l’école d’artillerie, & qu’à
laide d’ un travail confidérable on.refait la partie
que le canon a détruite pendant la campagne. Ce
fait <f expérience eft- d‘iriconteftable notoriété.
Difons en fuite que nous ne concevons pas à !
notre tour comment on peut fuppofer que le canon
du revêtement cafematé, qui fera au plus à
vingt toifes de diftance^ tirera toujours au deffus
ou au deffous de la batterie de brèche de quatre
pièces , fans jamais tirer fur cette batterie ; il fau- i
droit pour cela'qu’il y .eut une retraite confidérable
entre la contr’efcarpe & la batterie, & alors
cette batterie ne verroit plus le pied du revêtement
cafematé, et ne pourroit plus le battre en
brèche. D’ailleurs, comment fuppofer q u e , d’un
point quelconque 9 on verra un autre point, fans
accorder aufli que de cet autre point on verra ce
point quelconque ! Le canon du revêtement cafematé
pourroit donc fort bien empêcher.la conf-
truélion de la batterie de brèche de quatre pièces;
& parce qu’ il eft inférieur de neuf pieds du rempart
de couvre - face , il n’en hachera pas moins
les fauciffons des embrâfures ; il ne les déchiquet
a que plus facilement ; il ne fera pas moins
ébouler dans le foffé les terres d elà batterie, ce
n’en fera pas moins toujours un combat d’ artillerie
de cinquante-quatre pièces contre quatre.
Mais pourquoi fe borner à des fufils & à des
cations ? Ces batteries de brèche , placées à vingt
toifes du revêtement cafematé, ne pourrions-nous
payle^battre avec des obufîers? Nous avons l’ex-
perience qu’un obufier de huit pouces , dont la
capacité eft remplie de poudre , tiré à chambre
pleine à quarante toifes de diftance , dans une
terre forte & non remuée, y produit, en éclatant,
«ne excavation de douze pieds cubes de terre :
• ^u ,nous conclurons qu’ à la même diftance, &
îlfe dans une terre fraîchement remuée, il y pro- i
Art. Milit,. Suppl. Tom. I F .
duira une excavation de vingt-un à vingt-deux
pieds cubes. Chaque obus, tiré contre ces batte-
ries, y fera donc l'effet d’une véritable fougaffe :
un feul, logé dans un merlon & près d’une em-
brâfure, en éclatant, fuffiroit pour en renverfer
toute une joue ; tous jetteroient hors de Lento-
noir la plus grande partie des terres remuées, qui
s'ébouleraient dans le foffé. Nous ne parions pa*
des dégâts que cauferoient les nombreux éclats de
ces obus i mais nous demandons à meilleurs les
officiers du génie, s’il exifte quelque moyen de
conftruire des batteries au milieu des fougaffes
qu’on place pour ainfi dire à volonté, & qui fe
renouvellent fans celle.
>La conftruâion de ces batteries eft donc démontrée
impoflible : il n’y aura donc pas de brèche faite
au corps 4e la place ; elle ne fera donc point prife.
C ’eft donc fans préfomption que l’on peut dire,
i®. que les méthodes du général Montalembert
font préférables aux méthodes en ufage; z° . qu'elles
procurent à la défenfe une véritable fupério-
rité fur l’attaque ; 30. que cette fupériorité eft
telle qu’on ne peut raifonnablement efpérer de
prendre une place conftruite d'après ces méthodes
; 4*. c[ue la fortification de Louifville eft en
effet la véritable fortification , celle qui fupplée
au nombre, à la qualité des troupes & même au
génie des commandans.
C ’eft d’après les limites que vient de fe donner
la France, c’elt d ’après le defir fi naturel que l’ on
doit avoir de n’entretenir fur pied que le moins
de troupes poflible j .c’eft avec des frontières qui,
bien fortifiées , nous mettraient entièrement en
fureté ; c’eft avec une milice nationale très-nom-
breufe, qu’il devient plus important que jamais d’avoir
des places qui puiffent rendre une médiocre
quantité de foldats égale en force à une puiffante
armée, &dans lefquelles furtout on puiffe fe fer-
vir de troupes qui ne feroient ni formées ni aguerries.
O r , la fortification de Louifville, propofée
par le général Montalembert, réunit ces cond.tions
effentielles.
Cette fortification fe prête autant, & plus que
toute autre, a toute aâion de vigueur que voudrait
tenter une nombreufe & brave garnifon •
mais nous avons,pr ecédémmenc démontré que ces
actions ne font pas néceffaires à la défenfe, & que
fa force abfoiue fuffit pour en affurer les fuccès.
Ici les lièges ne font plus une fuite de batailles
dans lefquelles il feroit impoflible qu’une médiocre
quantité de foldats fût égale en force à une
puiffante armée. La fortification de Louifville fupplée
au noijibre des troupes.
On a v u ,pareillement que l ’afliégé pouvoir toujours,
& dans tous les cas, empêcher l'étàbliffe-
ment des feux de l’affiegeant: or. a vu que, même
en fuppofant ces feux établis, l’.fliégé auroif encore
l’avantage d’en avoir de plus nombreux &
d ’être mieux couvert: d’où il fuit que des troupes
encore peu formées pourroient ailèment y
V v v v v