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Ne difputons pas fur les mots, mais au moins
n’appelons valeur que ce qui l’eft véritablement.
Sacrifier fa vie fans craindre & fans héfiter
paffe pour l’effort de la vaillance, le plus fublime
& le plus glorieux ; cependant, faire ce facrifice
pour un fuiet léger, c’ett pure témérité; le faire
pour un fujet injufte, c’eft le comble de la méchanceté.
Le mépris de la vie n’eft point un mérite en
foi ; au contraire, la règle générale eft de pourvoir
à fe la conferver. Le feul cas où il foit permis
de fe difpenfer de cette lo i, c’eft quand le
devoir nous engage à quelqu’aéle de vertu qu’on
ne peut exécuter fans l’expofer ou la perdre : il
eft beau de mourir pour défendre fa patrie, fon
honneur ou fa c o n fc îe n c c j mais il eft honteux d,e
— «iJi victime de fes paffions, de fes defleiiis
ambitieux, de fon avidité fordide ou de fa fureur
vindicative.
11 eft faux qu une aétion foit glorieufe à proportion
de fa difficulté, fi en même temps elle
n’eft utile & vertueufe : la d iff icu lté n’y a jo u te
de prix qu’autant qu’elle marque, de la part de
celui qui l’a faite, un attachement confiant à fon
devoir.
Prêchez donc cette .maxime vraie, préchez-la
furtout a des hommes véritablement patriotes :
le fervice militaire y gagnera; la bravoure, en
s’épurant, ne fera que s’accroître : toute difpofi-
tion de l’ame réglée par la droite raifon, "n’en
eft que plus ferme & plus fiable. Connoiffez le
périi avant de vous y expofer : n’en étant point
furpris, vous en ferez plus intrépides : ménagez
votre vie pour le moment où il fera plus nécef-
faire de la rifquer ou de la perdre ; vous en fer-
virez l’état plus utilement.
Un moyen très-propre furtout à redoubler votre
intrépidité, c’eft d’être homme de bien : votre
confcience alors vous donnant une douce fécurité
fur le fort de l'autre vie, vous en ferez plus dif-
pofé à faire, s’il en eft befoin, le facrifice de
celle- ci. Dans une bataille, dit Xénophon, ceux
qui craignent le plus les dieux, font ceux qui
craignent le moins les hommes. -
Pour ne point redouter la mort, il faut avoir des
moeurs bien pures ou être un fcélérat bien aveuglé
par l’habitude du crime. Voilà deux moyens pour
ne pas fuir le danger : choififfez.
HEUREUX. Quand on follicitoit une place
pour quelqu’un auprès du cardinal de Mazarin,
e f t - i l h o i ir o u x ? ne manquoit-il pas de demander.
Comme il ne dépend pas de nous d’être heureux
au moral, cette difpofition de notre ame
dépendant de nos organes, lefquels ont été arrangés
fans que nous y ayons la moindre part, de
mêmé ne dépend-il pas de nous d’être heureux
**u phyfîque. Un concours d'événemens arrangés
à notre infu & fans notre participation, font
pour ainfi dire de nous un nomme heureux ou
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malheureux. Ces événemens ne font pas plus en
notre pouvoir qu’une phyfîonomie heureufe: ainfi
y a-t-il d’heureux fcélérats ; ainfi à \ t - o u f e l i x S i l l a !
l’heureux Silla ! Ainfi un Alexandre V I , un duc
de Borgia, ont heureufement pi lé, trahi, empoi-
fonné, ravagé, égorgé. Il elt beau, à force de
talens, de favoir maîtrifer la fortune; mais on ne
peut pas difconvenir qu’ il y a des hommes à qui
tout réuflit, tandis que d’autres, malgré leurs
talens, font toujours malheureux; ce n’ étoit donc
pas fans raifon que le cardinal de Mazarin vouloit
préférer les hommes heureux.
HIE. C ’eft un des noms que porte l’inftrument
dont les paveurs fe fervent pour faire entrer les
pavés dans la terre, & dont les militaires peuvent
fe fervir pour tafler les terres des parapets qu’ils
élèvent. ( V o y e£ Demoiselle.)
HIÉRARCHIE (militaire). Cemot, dont l’origine
eft grecque , & qu’on n’avoit jamais employé
quJen parlant des anges & des cccléfiaftiques , fut
tranfporté dans le Vocabulaire militaire, dans une
ordonnance du 17 mars 1788, ayant pour titre :
O rd o n n a n c e p o r ta n t r ég lem en t f u r la h ié ra r c h ie d e to us
le s em p lo is m i l i t a i r e s , & c .
Quelques Français rirent de ce titre & en chan-
fonnèrent le créateur : les gens-de-lettres crièrène
au néologifme ; les militaires fenfés fe plaignirent
de quelques-uns des articles contenus dans cette
ordonnance, comme entachés" d’une trop forte
ariftocratie. Nous ne devons pas avoir pour objet
une pareille difcuflîon, mais uniquement de dire
un mot de l’ ordre, hiérarchique des emplois militaires
dans l’armée françaife.
i° . Le foldat, dans l’infanterie, la cavalerie,
les dragons, les chafleurs, les huffards, l’artillerie,
& c .; i° . le caporal ou le brigadier ; 30. le
caporal-major ; 40. le fergent ou le maréchal-deslogis;
50. le fergent-major > le maréchal-des-logis
en chef ou le fourrier; 6-?. l’adj udant-major-fous-
officier ; 70. le porte-drapeau, le porte-guidon;
8°. le fous-lieutenant ; 9 . le lieutenant ; io°. le
capitaine; i i ° . l’ adjudant-officier; 120. le quartier
maître ; 130. le commandant de bataillon ;
140. le chef-de-brigade ; iy°. les adjoints aux
états-majors ; 160. les adjudàns-généraux ; 170. les
généraux de brigade ; 180. les généraux de divi-
fion; \<f. les lieutenans-généraux ; 20°. les généraux
en chef.
C ’eft alternativement l’ancienneté & le choix
dès foldats,. au ferutin, qui fait les fous-officiers ;
l'ancienneté, le ferutin & le gouvernement portent
fucceflivement les fous - officiers ou d’autres citoyens
ayant fervi un certain nombre d’années,
dans les places d’officiers, jufqu’à celle de chefs-
d’e-brigade inclufivement ; le miniftre de la guerre
& le fouverain magiftrat nomment feuls les adjoints
, les adjudans-généraux , les généraux de
brigade, ceux de divifion, les généraux en chef.
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(Voyei au mot Grade, Supplément, ce qye l’on
pente de cette manière de procéder à l’avancement.)
HISTOIRE. L’hiftoire eft moins faite pour pré-
fenter à la poftérité le tableau des événemens qui ,
nous ont précédés, que pour nous offrir le catalogue
de nos foiblefles, & confacrer à la mémoire
les noms de ceux qui fe font rendus recommandables
par leurs vertus.,,
« L’un des plus grands moyens, dit Commines,
„ de rendre un homme fage, eft d’avoir lu les
» hiftoires anciennes, & appris à fe garder, à fe
»3 conduire & entreprendre fagement par icelles
03 & par les exemples de nos prédéceneurs ; car
33 notre vie eft fi briève, qu’elle ne fuffit à avoir
os de tant de chofes expérience, encore ne me
03 puiffe tenir de blâmer les feigneurs ignorans.
33 Environ tous feigneurs fe trouvent volontiers
03 quelques clercs & gens de robe longue (comme
03 raifon eft), & y font bienféance quand ils font
os bons , & bien dangereux quand ils font autres.
»3 A tous propos ont une loi au bec ou une hif-
03 toire ; & la meilleure qui fe puiffe trouver, fe
03 tourneroit bien à mauvais fens. Mais les, fages,
os & qui couroient là, n’en feroient jamais abufés,
33 ni ne fe.roient les gens fi hardis de leur faire
03 entendre menfonges ; & croyez que Dieu n’a
» point établi l’office de roi ni d’autre prince pour
03 être exercé par les bêtes ni par ceux qui, par
33 vaine gloire, difent : Je ne fuis pas grand clerc,
03 je laiffe faire à mon confeil, je me fie en eux,
3o et puis, fans afligner autre raifon, s’en vont en
os leurs ébats : s’ils avoient été bien nourris en la
«3 jaunefle, leur raifon feroit autre, & auroient
3* envie qu’on eftimât leur perfonné & leurs ver-
os tus. Je ne veux point dire que tous les princes
os fe fervent de gens mal conditionnés ; mais bien
»3 la plupart de ceux que j’ai connus n’en ont pas
■03 toujours été dégarnis. Au tems de néce/fité ai-
33 je bien vu que les aucuns fages fe font fervis
>3 des plus apparens, & -les chercher fans y rien
33 plaindre ; & entre tous les princes dont j’ai eu
» la connoiflance, le roi notre maître l’a mieux
»3 fu faire & plus honorer les gens de biens & de
33 valeur ; il étoit affez lettré ; il aimoit à deman-
03 der & entendre de toutes choses, & avoit le
»3 fens naturel parfaitement bon ; lequel précède
03 toute autre fcience qu’on fauroit apprendre en
>» ce monde ; & tous les livres qui font faits, ne
03 ferviroient de rien fi ce n’étoit pour ramener
»s en m moire les chofes paffées ; & qu’aufli plus
»3 on voit de chofes en un feul livre en trois mois,
o> que n’en fauroient voir à l'oeil & entendre par
M expérience vingt hommes de rang vivant l’un
* après l’autre. 33
Le tableau des malheurs affreux que la guerre
entraîne, ne fauroit être mis trop fouvent fous
les yeux des militaires; c’eft pour eux une efpèjce
défiai plus heureux & plus néceflaire qu’on ne‘le
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croit communément ; il leur apprend s’ils font
doués de cette force phyfique qui fait fupporter
les grandes fouffrances, & de cette force morale
qui les fait endurer fans fe plaindre.
On eft naturellement porté à fuivre les traces
des grands-hommes dont les allions & le caractère
font le jufte objet de l'amour & du refpeét pour
la poftérité : par cette raifon l’hiftoire a toujours
été recommandée,-comme la meilleure, la plus
facile & la plus efficace méthode d’inftruire l’humanité.
Mais les hiftoriens anciens & modernes, qui nous
ont donné le récit des différentes guerres, méritent
prefque tous le reproche de l’inexaélitude.
Ils n’ont pas mis affez de précifion & de netteté
dans la defeription du pays qui étoit le théâtre de
la guerre, ni dans celle des champs de bataille en
particulier; ils n’ont pas remarqué le nombre,
l’efpèce, la qualité des troupes qui compofoient
chaque arméeg & ce qui paroît fixer le plan des
opérations; à peine même ces opérations font-"
elles indiquées , fi ce n’eft celles qui ont paru extraordinaires
; ils n’expliquent pas davantage, ou
comment, ou pourquoi chaque opération a eu lieu ;
ils se bornent à faire l’hiftoire d’une campagne ;
mais ils fe taifent fur les motifs des généraux,
fur la manière dont ils conduifirent leurs mouve-
mers ; & enfin, quelle étoit la nature du terrein
fur lequel chacun des événemens fe pafTa.
La Nature fe cache aux hommes médiocres.
L’homme de génie, en remontant rapidement des
effets à leurs çaufes, a bientôt reconnu que ces
caufts font elles-mêmes dépendantes de plufieurs
autres 5 & portant fa vue perçante fur tous ces
objets, il a bientôt pénétré jufqu’à ce petit nombre
de vérités-principes qui s’enchaînent mutuellement,
& forment un premier cercle de confé-
quences, dans lequel la Nature s’enveloppe.
L’étude de l’homme conduit à celle des focié-
tés. Les états font désagrégations d’individus, où
l’efprit attentif retrouve les mêmes paffions, les
mêmes intérêts, les mêmes préjugés ; mais chez les
modernes , on femble avoir tout rapporté à la riche
Ile : le bonheur des empires, de vains calculs
d’agiotage, d'échange, de commerce, ont remplacé
le s rêves confolans fur le bonheur de l’homme.
La bourfe a fuccédé au portique & au lycée,
& des banquiers font devenus les philofophes du
jour.
HOMME. Il faut vingt ans, dit Voltaire, pour
mener l'homme de l’état de plante où il eft dans
le ventre de fa mère, & de l’état de pur animal,
qui eft le partage de fa première enfance, jufqu’à
celui où la maturité de la raifon commence à poindre
: il a fallu trente fiècles pour connoître un peu
fa ftruéture, il faudroit l’éternité pour connoître
quelque chofe de fon ame ; il ne faut qu’un inftanc
pour le tuer.
D’après ces vérités fi inconteftabîes, comment