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vice : il y pafferoit le tems néceffaire au retour de
fes forces , qu'il recouvreroit d'une manière* d’autant
plus lenlible, qu'il refpireroit un air libre, un
air vivifiant, & que de plus il pourroit y trouver
tous les fecours qu’exigeroit fon état de conva-
lefcence.
SECOURS. Nous ne croyons pas inutile d'ajouter
quelques maximes à la manière fèche & à peu
près infignifiante dont on a traité le mot S e c o u r s
dans ce Dictionnaire.
Quand on veut introduire du fecours dans une
place afliégée, on doit, à l’exemple de Pedacillius
à Afculum, choifir l ’inftant où la garnifon fait une ,
lortie , ou à celui du chevalier de Luxembourg
a Lille, après avoir choifi les cavaliers les mieux
montés de chaque régiment, & ceux qui ont la
réputation d’être les plus braves & les plus déterminés
pour porter du fecours, détourner l'at-
- r^nt/on desaflïégeans en envoyant des troupes d'un
cote & d’autre, fuppofées des’oppofer aux partis
d»s ennemis. Il faut aufli convenir auparavant avec
Je commandant de la place, de la porte par laquelle
on pourra faire entrer le fecours.
En feignant de donner bataille ou d’attaquer le
camp de l’ennemi , on réuffit quelquefois à' détourner
fon attention & à faire entrer des fecours
dans la place affiégée.
Quelquefois on procure des munitions de guerre
& de bouche aux affiégés, en chargeant des cavaliers
de jeter dans les folles de la place des facs de
cuir remplis de farine, de poudre, &c.
Le maréchal de Lautrec ferroit de près la ville
de Pavie : Profper Colonne voulut y faire péné-
trer^ du fecours } il y envoya deux mille hommes
d’élite , qui payèrent tous au travers du camp
des affiégeans, au moyen du ftratagême de l'officier
qui les commandoit : celui-ci ayant rencontré
un corps-de-garde français , parla italien &fe
fit paffer pour un capitaine vénitien qui alloit au
quartier des troupes de la république} & au quartier
des Vénitiens , il parla frança:s et dit qu'il
ajjpit, par ordre de Lautrec, occuper un pofte
qu’il indiqua : on le crut, on le laiffa paffer, & il
n£ fut reconnu que quand il ne fut plus tems de
l'empêcher de pénétrer dahs Pavie..
SECRÉTAIRES. Les généraux ne doivent jamais
permettre que leurs fecrétaires lignent pour
eux, même les ehofes de la moindre importance.
M. le duc d’Orléans, dans la campagne de 1707,
eft un exemple des foins que doit apporter un général,
de bien choifir & bien connoître les personnes
qui doivent 1 approcher & être dans fon
intimité.
Le prince d'Orange ayant découvert qu’un fe-
crétaire4 de l’éleéte,ur de Bavière donnoit avis au
maréchal de Luxembourg, de tout ce qui fe-pafibit.
ià fou armée, l’obligea à écrire au maréchal, que|
les ennemis dévoient fourrager le lendemain, t^ns
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dis qu’ ils dévoient venir attaquer l’armée du roi •
exemple du parti que l’ on peut tirer d'un efpion
découvert, & preuve de l’attention que ie gêné-
ral doit porter dans fes fecrétaires : d'où s’enfuit
la fage précaution, pour un général, de ne point
confier à un fecrétaire les ordres importans, &
de les écrire de fa propre main.
SEDITIEUX. Les généraux romains j pour éviter
les féditions, avo:ent la plus grande attention
d'occuper continuellement leurs foldats.
Pendant qu'Epaminondas affiégeoit Sparte,
quelques citoyens, au nombre de deux cents,*
confpirèrent pour livrer la ville à l’ennemi, &
s'emparèrent d’un pofte confidérable. Les Spartiates
vouloient qu’on les attaquât & qu'on les paf-
lat au fil de l'épée 5 mais Agéfilas , ignorant le
nombre des complices , alla, accompagné d’un
feul officier, a 1 endroit ou fe trouvoient les re-
belles, & leur témoigna fon étonnement de les
trouver dans un endroit où il ne les avoit point
envoyés : en même tems il leur marqua differens
poftes où leur préfence étoit néceffaire & où ils
fe rendirent, perfuadés qu’ils n’étoienr point découverts
; ainfi difperfés, on les faifit plus facile-
ment, & on les punit.
La fédition eft aveugle : plus vous la flattez ,
plus -elle eft entreprenante ; elle augmente fes
forces de toute la timidité qu’elle vous infpire.
Alexandre, animé par les propos de quelques fé-
ditieux, defeend de fon trône , ordonne à fes
gardes de fe faifir des principaux mutins , & en
envoie treize au iuppiiee.
Le moment qui fuit une fédition appaifée, eft
celui qu'il faut choifir pour mener, s'il eft pof-
fible, le foldat au combat : la honte, le defir de
réparer fes fautes , lui fera faire des aftes de la
plus grande valeur. La conduite de Germanicus ,
après la révolte des légions de Germanie, en eft
une preuve : cette révolte fut occafionnée par
un grand nombre de foldats nouvellement levés à
Rome, choifis parmi des hommes élevés dans la
moîleffe & détenant la fatigue.
Dans la guerre entre Vitellius & Othon, Spu-
rina , qui commandoit dans Phrffance, fut contraint
par fes foldats, de fortir de la place pour
aller âu devant de l’ennemi. Spurina céda à leur
fureur , & feignit même de l'approuver j mais
quand ils furent à la vue du P ô , & qu'il fut quef-
tion de fe retrancher à l'approche de la nuit , ce
-travail & les exhortations de leurs officiers ralentirent
leur fureur & leur firent changer de langage :
il eft donc utile quelquefois de ne pas s'oppoler de
front aux féditions.
M. de VieiJlevillé ne put empêcher, en 1 y36,
; le fac d’Avignon, dont il venoit de s'emparer,
qu’en tuant un capitaine & cinq à fix de fes foldats.
L armée d'Avidius-Câffius s'étant révoltée pour
quelqu'acte de févérité qu’il avoit fa it, le gêné*
ral, fpujojars ferme & frojd, parut fan* arme au
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rniHeu de cette multitude féroce & forcenée, &
dit à haute voix : Tuez-moi} & à l'oubli de votre
devoir ajoutez, fi vous l'ofez, le meurtre de
votre général : cette tranquille intrépidité calma
le foulèvement.
Un foldat ayant interrompu Ximénès dans fon
difeours, en criant : De l’argent, point de harangue.
11 le fit arrêter & pendre fur le champ en fa
préfence, puis il continua fon difeours avec la
plus grande tranquillité.
Après la prife de Tarente, la plupart des foldats
de Gonfalve, mécontens demanqner de tout,
vinrent chez lui en ordre de bataille pour exiger
leur foldei Un des plus hardis ofa lui préfenter la
pointe de fa hallebarde : le général, sans s'étonner,
faifit le bras du foldat} & affe&ant un air
riant : Prenez garde, camarade, de me bleffer,
en voulant badiner avec cette arme. Un capitaine
porta l'outrage plus loin : Eh bien ! s'il te manque
de l'argent, dit-il à Gonfalve, livre ta fille, tu
auras de quoi nous payer. Le générai feignit de
ne pas avoir entendu} mais la nuit fuivante cet
officier fut mis à- mort, & attaché à une fenêtre
ou toute l'armée le vit le lendemain} ce qui ne
contribua pas peu à éteindre tout*à-fait le feu de
la. fédition.
SEMESTRES. Avant la révolution on accor-
doit chaque année des femeftres à chaque corps
militaire, de manière à laiffer abfenter, pendant
fix mois , la moitié des officiers de chaque grade :
quant aux foldats , on accordoit un certain nombre
de congés limités par compagnie, c'eft-à-dire j
à peu près à un quart des fous-officiers & foldats
qui la compofoient.
Il ne réfultoit aucun bien, pour le fervice, des
femeftres accordés aux officiers, parce que le
tour pour le femeftre arrivant tous les deux ans,
l'officier négligent y avoit le même droit què
celui affidu à Tes devoirs, & il y avoit une trop
grande quantité d’officiers abfens du corps fans
aucun motif. La guerre de la liberté étoit à peine
terminée, & déjà, fans examiner profondément
cet objet important, on avoit remis en vigueur
le mode des femeftres } mais I on ne s'en croit pas
moins autorifé à penfer qu'il y auroit eu autant
d’avantage que de juftice à fupprimer entièrement
les femeftres pour les remplacer par des congés
limités à tems très-court, accordés uniquement
aux officiers & aux fous-officiers qui auroient réellement
des affaires urgentes qui pourroient les au-
torifer à en folliciter. Plus on croit qu'il auroit
été effentiel d'accorder des congés pour neuf mois
de l'année au moins à la trèsrgnnda majorité des foldats
, plus on penfe qu'il n’auroit fallu en accorder
que d'indifpenfables aux officiers & aux fous-officiers,
qu'il eft fi important-de beaucoup inftruire
& de tenir dans une,pratique habituelle de leurs
devoirs & de leurs connoiffances acquifes , afin
ftue, par cette habitude, ils. fuffent. toujours !
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prêts à entrer en campagne & à former dans peu
de jours les foldats novices ou ceux qui auroient
oublié leur métier.
En adoptant le fyftème fi fage de fixer chaque
troupe très à portée des lieux qui doivent la recruter
, en officiers, fous-officiers & foldats, en
détruifant cette méthode fi nuifible, de faire parcourir
fansceffe la république aux différentes troupes
de l'armée, en forçant le foldat à devenir ro-
bufte par les travaux de l’agriculture ou des arts ,
en évitant de l’énerver , par des courfes toujours
auffi inutiles que nuifible^, chaque individu n’auroit
jamais que de courts efpaces à parcourir pour
fe rendre fur fes foyers, & feroit toujours très
à portée de rejoindre fes drapeaux toutes les fois
que fa préfence y feroit néceffaire pour le fervice
ou pour les grands exercices annuels, auxquels
il viendroit afiifter avec d'autant plus de plaifir,
qu'ils s'y réuniroit à fes camarades, qu'on le retiendrait
peu de tems & qu'on n’excéderoit jamais
ni fa force ni fa patience.
SERMENT. Tel étoit le ferment militaire des
Romains : « Je jure d’obéir à un tel ( général ),
d'exécuter fes ordres de tout mon pouvoir , de le
fuivre quelque part qu'il me conduife, de ne jamais
abandonner les drapeaux , de ne point prendre
la fuite, de ne point fortir de mon rang} je
promets auffi d’être fidèle au fénat & de ne rien
faire au préjudice de la fidélité qui lui eft due. »
Outre le ferment que les' foldats romains prê-
toient à leur général lorfqu’ils étoient dérachés
en petits corps de dix, de cent , &c. ceux qui
founoient chaque bande, fe juroient volontairement
lés uns aux autres, « de ne point prendre la
fuite, de ne point fortir de leurs rangs, finon
pour reprendre leur javelot ou pour en aller chercher
un autre pour frapper l'ennemi ou pour fau-
ver un citoyen. »
Le ferment que le foldat romain prêtoit au moment
de la levée, faifoit l'effencede l'engagement}
il en refferroitles liens par la religion: c'étoit les.
dieux même qui, dans la perfonne descanfuis,•
recevoient leur-parole : le fervice de la république
devenait pour eux une fonction facrée, & la-
défobéiffance. prenoit la couleur du parjure & du
facrilége. M. de Montefquieu, dans fes Confidé-
rations fur les caufes de la grandeur & de la dé-,
cadence des Romains, dit avec raifon qu'ils furent
le peuple le plus religieux fur le ferment},
que le. ferment fut toujours le nerf de leur difei-
pline militaire: c'étoit le plus puiffant motif que
les généraux puiflent préfenter à leurs foldats ;
c'étoit le frein le plus fort pour contenir la défobéiffance
Scia poltronerie. La loi du ferment, félon
M. Mirabeau, n'étoit autre chofeque le ref-
peêt pour la religion. Par lui , le plébéien le plus
féditieux dans fes murs devenoit le foldat le plus
fournis & le plus fidèle à ce même praticien qu'il
menaçoit de mettre en pièces dans le forum, & qui