
On dit au contraire qu’ il ne parviendra point à
établir fes batteries. Les feux que Taffiégé pourra '
toujours lui oppofer & qu’il ne pourra éteindre,
foit des remparts de la dernière enceinte de la
place 3 foit de la courtine de la tenaille, ne le lui ■
permettront pas } tandis que ces feux le bat- ,
tront de plein fouet, dès que la parapet de Taîle- !
ron aura été écrêté par l’effet de ces batteries
mêmes $ on dira plus , c’ eft qu’il ne doit pas
même chercher à les établir, attendu qu’ elles
lui feroient inutiles , puifqu’il eft démontré qu'il
p eut, par leur moyen , battre en brèche le
corps de la place qu’ il ne voit pas * il faut donc
abandonner toutes ces idées de dévaluations
fiibites.
Sur un pareil fait , la marche doit être bornée
& méthodique ; on ne peut aller que fucceffive-
ment d’un ouvrage à l’autre. Attaquer d’abord
les lunettes , enfuite la demi-lune , les tenaillons
& la contre-garde, conftruire des batteries dans
chacune de ces pièces, après y avoir formé un
logement folide 5 & quoiqu’ il y ait bien des feux
ffifpofés pour s’y .oppofer, il faudia les conftruire
autant de fois qu’elles feront détruites, afin de
battre en brèche & fe rendre maître du réduit
& des ailerons ; c’ eft alors qu’après être parvenu
à établir de pareilles batteries dans ces derniers
ouvrages, en confervant celles conftruites dans
les tenaillons , on pourra battre en brèche le
couvre face que nous fuppofons prolongé jufqu’à
la hauteur de l’angle du baftion. Alors les batteries
qu’on parviendroit à établir fur le couvre-
face j pourroient battre en brèche à-la-fois la
face du baftion retranché , et le réduit d’avant
la courtine du retranchement j enfin , l’un &
l ’autre ayant été ou*, erts, & le logement établi
fur le baftion , on / conftruira la dernière batterie
pour renverfer l’enceinte du corps de la
place, & la capitulation fera la fuite des premiers
coups de canon fixés contre cette ençeinte.
T e l eft le chemin que doit tenir l'affiégeant
pour fe rendre maître d’une place fortifiée fuivant
cette méthode, & fi l’on veut compter
la quantité de fois qu’ on aura été obligé de
conftruire de nouvelles batteries dans les diffé-
rens ouvrages , on trouvera quatre changemens
de batterie , & quatre nouvelles conftruftions in-
difpenfables pour ouvrir les différentes encéintes
de ce front ae fortification j tandis qu’une place
conftruke fuivant le fyftême Cormontagne n’exigera
que les batteries du chemin cou vert, lef-
quelles feront brèches à-la-fois à la courtine &:
à la face du retranchement, de façon qu’il fe
trouvera ouvert en même-tems que les faces du
baftion 5 ee qui entraînera la néceflité de la capitulation
, fans qu’il foit néceflaire d’établir de
nouvelles batteries daçs le baftion même.
On peut a&ueilement juger facilement du mér
rite des deux fyftêmes j & voir de quelle manière
il faut juger la force des différens fyftêmes j
point d’arbitraire, point de fuppofitions d’un certain
nombre de nuits déterminé à volonté. C’eft
fur le nombre des obftacles à furmonter qu'il
faut foncier fes calculs : o r , la grandeur de ces
obftacles dépend de la quantité d’artillerie que
l’aftiégeant peut avoir contre lu i, & de la quan tité
d’ enceintes qu’ il a à forcer par de nouvelles
batteries en brêcne.
Ce n’eft pas qu’il faille adopter la méthode de
multiplier les enceintes par des ouvrages à revê-
temens de maçonnerie , la dépenfe eft trop ex-
ceflive j les garnirons doivent être trop nom-
breufes, & une artillerie placée fur le haut des
! remparts, fera toujours démontée par celle de
l’aftiégeant, plutôt ou plus tard 5 mais au moins
ces enceintes multipliées vaudront toujours infiniment
mieux que les baftions tout nuds avec
leurs foibles demi-lunes , quoi qu’en puiffent dire
les maîtres de l’arc, tels que l'ingénieur Cor-
montagne.
N o u v e a u x d é y e l o p p e m e n s
SUR l’ a r t DÉPENS! F.
Lui donnant toujours une plus grande fupérioritê fur
f attaque , d’après les méthodes du général Mon-
XaUmbert.
Qui ne croiroit après nous avoir fuivi dans tous
les détails infiniment trop fuccinéts des différentes
découvertes du général Montalembert
fur l’art défenlif , que fon génie s’étoit enfin re-
pofé après des découvertes aufli grandes des
travaux aufli utiles 5 mais on fe tromperoit , la
mort feule pourra mettre un terme aux conceptions
toujours avantageufes de ce militaire
infatigable , fur la tête duquel l’ âge n’a pu faire
aucune impreffion , & qui ne ceffant de s'occuper
de ce qui peut être néceflaire pour augmenter la
fupériorité de l’ art défenfif 3 ne ceftè de donner
de nouveaux développemens toujours plus fatif-
faifans à fes fyftêmes fur tout ce qui peut inté-
relier la fureté des frontières de la République,
& de fes différentes pofleflîpns lointaines. Ainfi,
dans un neuvième volume il donne, non-feulement
les détails & les plans de différentes fortifications
circulaires & angulaires , q u i , conftruites
fur des rayons infiniment p e titsd on n e -
roient néanmoins jufqu’ à trois cents pièces de
canon foudroyant l’ennemi dans fes parallèles,
mais il s’occupe enfuite de tous les moyens de
rectifier les fortifications des différentes places,
foit fut les côtes de France, foit dans les Indes,
de manière à ne laifler aucun doute fur la fupériorité
de fes différentes méthodes. Ces dernières
preuves encore plus évidentes & plus multipliées,
méritentquelques développemens.
On a vu précédemment que le général Montalembert
avoit fait tout ce qu'il étoit pofiîble
de faire , pour la défenfe des places, en adoptant
la méthode des foffés profonds pratiqués généralement
par les modernes. Il a également creufe
des fofles, mais en les rendant fufceptibles de
s’oppofer avec fuccès aux progrès de l’aflié-
geant.
Cependant, de l’aveu du général, en adoptant
l’ufage des foffés profonds dans le nouveau fyf-
tême angulaire , il n’ a pas fait tout ce qu il
auroit pu faire en faveur de la défenfe, & il a
fait plus qu’ on eût dû faire , relativement aux
travaux & aux dépenfes que peuvent exiger les
enceintes des places de guerre 5 puifque d’une
part les feux qui dominènt les campagnes environnantes
, fe bornent dans la conftru&ion des
fyftêmes angulaires à la batterie la plus élevée
des cafemates placées aux angles rentrans de ce
fyftême j & que de 1 autre , cette conftruétion
donne lieu à des déblais & remblais de terre
très-confidérables, objet qui forme une grande
partie des dépenfes qu’occafionnent les fyftêmes
baftionnés des modernes i objet qui fera nul pour
les places dont les enceintes feroient formées par
les nouveaux murs cafemates que propofe ici le ,
général.
Un dernier avantage de cette ^ dernière méthode
fur l’ancienne baftionnée, c’elT de n’avoir
plus befoin de chercher à défiler les faces de
fes ouvrages des feux partans des hauteurs voi-
finesj objet qui a fait jufqu’ à préfent la plus
grande partie de l'inftru&ion donnée aux éleves
ingénieurs 5 ceux devenus profès y attachant
même la plus grande valeur, quoiqü il ne les
rempliffe jamais que très-imparfaitement ; car ce
n’eft qu’en facrifiant une partie très-confidérable
de l’étendue de leurs remparts pour y pratiquer
des itraverfes , qu'ils prétendent y remédier >
mais des expériences multipliées prouvent toute
l’infuffifancè de ce moyen , puifqu’il n’empêche
pas que leur artillerie ne foit très-promptement
détruite par l’aftiégeant, & les bombes dont il eft
impoflible de fe défier , achèvent bientôt ceue
le canon auroit pu épargner : tandis que
ans la fortification propofée par le général, on
n’aura plus à Te défier , tout fera réellement
couvert de quelque manière que puiffent être
dirigés & les boulets & lés bombes, & dans
quelqu’endroit que puiffent être placées les batteries
de l’afliégeant ; de façon que les conf-
tru&ions du général pourront être toujours régulières
& d'ùne égale fo r c e , quelque foit la
difpofitioo de- terrains environnans 3 tandis que
par la méthode chérie des ingénieurs , ils font
obligés dans de certaines occafions, de donner
lés formes les plus irrégulières à leurs fronts baftionnés
, fans pouvoir remédier que très-imparfaitement
au commandement ’ (les feux partâns
■ Art Mi lit. 1 Suppl,11*0 mè IV-,
des hauteurs voifines, ni en aucune manière an
bou’.everfement auquel leurs remparts (ont expo-
fés par les bombes.
Pour prouver les avantages de ces nouvelles
méthodes, & en donner des idées claires, le
général, offre quelques exemples.
Dans le premier, il propofe une enceinte circulaire
& angulaire cafematée , fur un rayon d&
vingt toifes, & un autre de quarante , afin d'en
faire l’application dans un efpace trop peu étendu
, pour qu’une enceinte baftionnée fût fufeep-
tible de quelque défenle. En effet, on peut voir
en formant un quarré baftionné fur d’aufli petits
rayons, que leurs parapets fermeroient entièrement
la gorge des baftions , que fa capacité intérieure
deftinée aux cafernes, magafins d’armes,
magafins à poudre , & maifons d habitans , tous
bâtimens indifpenfables , n’auroient pas la moitié
de l’emplacement intérieur néceflaire pour y contenir
ces différens objets, & que ee fort ne fe-
roit d'aucune défenfe.
Tandis qu’ une conftruétion du même rayon
de quarante toifes , fuivant la méthode du général
, rempliroit l’ un & l’autre objet. On y
voit d’abord , quant aux magafins & aux loge- '
mens j une cafemate circulaire de cinq toifes de
largeur dans oeuvre j & de vingt-trois toifes de
diamètre moyen, ce qui donne cinq cents toifes
quarrées de.bâtiment fous des voûtes à l’épreuve
de la bombe, & cette cafemate ayant cinq étages.,
conttendroit deux mille cinq cents toifes quarrées
de furface cafematée.
L’enceinte angulaire, compoféede vingt-quatre
faces , fourniroit par étage fix cents foixatire- ;
douze toifes quarrées i ayant deux étages , elle
donneroit treize cents quarante - quatre toifes;
quarrées fous voûte , & en total pour ce petit '
fort , ' trois mille huit cents cinquante-quatre
toifes quarrées de ■ furface voûtée , contenues
dans fes deux enceintes circulaires & angulaires
cafematées. ---
Quant aux moyens défenfifs de Ce petit fort ,
ïu r chacune des capitales de fa cafemate angulaire.,,
il peut fe réunir fur un feul point de
leur angle flanqué foixante-huic coups de canon
par décharge ,,en même-tems , depuis deux cents
huit pièces, jufqu'à deux cents cinquante-fix., &
trois.cents peuvent battre la troifième. parallèle-, '
d’une attaque embraffant à-peu-près ,1e tierS delà
circonférence de ce fo r t , fous une ouverture de i
cent dix-huit degrés i ainfi que l’écendue de la fécondé
parallèle d’une attaque embraffant un angle
de cent foixante degrés. ,
Dans ce cas, quels feroient donc les moyens à
employer par- l’ ailiegeant, pour fe rendre maître
d'un petit fo r t, ^occupant qu’ un efpace m.bitu
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