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range intérieurement pour ne les point écrafer : ces
inconvéniens font légers fi on les compare à ceux
qui fuivent. Dans la théorie des manoeuvres on
compte toujours chaque corps de troupe fur un
certain pied, approchant du complet : d ou refulte
la quantité de files 8c de rangs d’ une colonne ; mais
les variations ne tombant po’nt fur la profondeur
de la colone, elles tombent feulement fur fon front,
par la raifonqu elleeft toujours compofée du même
nombre de compagnies ou divifions, a trois de
hauteur chacune, 8c que la perte générale du corps
tombant à peu de chofe près également fur les compagnies
, elles diminuent de front & non de rangs.
Or, l’expérience nous prouve que les fatigues de la
campagne , les maladies, les pertes de détail dans
les affaires, les circonftances du lervice , des dé-
tachemens, 8cc. font continuellement varier un
corps d’ un tiers, de moitié ou plus. La petiteffe du
front d’ une colonne peut donc devenir^ extreme
& nuifible au parti qu’on en veut tirer. J ajouterai
que le feu qui doit partir de la colonne , n’ eft pas
uniquement celui du front /mais encore celui des
flancs, fur lefquels' l’ennemi doit fe porter pour
l ’embraffer & la détruire : ces flancs doivent donc
être formés autrement que par des flancs de divi—
fion, qui ne font ni des mêmes compagnies ni
fous le même commandement.
' Les colonnes deFolard, de Ménil-Durand, de
l ’ordonnance, ont toutes cette forme , que je crois
défeaueufe , d’autant que, fi l’on eft dans le cas de
détacher d’un corps, d’une troupe la partie qui en
forme le flanc , elle fe trouve compofée d e partie
-de quatre compagnies différentes ; inconvénient
qui fe retrouve dans toute colonne où les intervalles
font tranfverfaux & parallèles au front. Ne fe-
roit-il pas plus fimple 8c plus fur de former (es
flancs d’ une même portion ou même compagnie,
accoutumée à marcher, a faire feu enfemble, 8c
au même commandement ? t
Peu importe quelles foient les troupes qui forment
la tête de la colonne, & fi e les font toutes
de la même compagnie ou divifion : il n’en eft
pas de même pour les flancs ; il eft important que
les troupes qui les connpofent, foient entières &
contiguës, foit pour faire feu enfemble, foit pour
fe porter fur la droite ou fur la gauche, après avoir
percé une ligne ou un retranchement5 foit pour
conferver toujours la même quantité de files à la
tête de la colonne.Or, cela peut aifément fe faire
en changeant la direction des intervalles qui fepa-
rent les compagnies ou divifions, 8c en les fai fan t
perpendiculaires au front, 8c non parallèles,; ce
qui s’exécuteroit en formant le front de la colonne
du flanc des compagnies & les flancs de leur
front.*Par ce moyen le front feroit immuable,
ayant conftamment huit fois trois fufiliers, 8c les
officiers 8c fous-officiers dans les intervalles, les
diminutions de la troupe ne pouvant plus tomber
que fur la profondeur, qui feroit toujours affez
confidérable pour-porter le front en avant.
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I1 réfulteroit de cette formation, le grand avantage
de pouvoir en tout te ms 8c en tout lieu fe
déboîter en avant 8c par c ô té , par compagnies
entières, foit pour pafier un défilé, foie pour marcher
fur le flanc. O r , dans les marches d’armées,
rien n’eft plus commun que de trouver des obRaclés
qui s’oppofent au paffage du front entier d’ une
colonne, & dans les combats, fi l’on fe feryoit de
l'ordre profond, rien ne feroit plus ordinaire que
la néctfiké où l’on fe trouveroit de détacher les
flancs des colonnes, pour difperfer les troupes
qu’on auroitrenverfées. Tout militaire un peu inf-
truit concevra aifément les facilités infinies que
procureroit la formation propofée pour toute
efpèce de divifion ou fubdivifion de la colonne,
toujours par des corps qui fe trouveroient être
eompofés de compagnies entières j 8c dans le. cas
où l'on voudroit alonger les flancs , foit que l’ennemi
menaçât de les attaquer, foit que les fer-
vices de l’armée , les hôpitaux ou la mort euffent
trop diminué le nombre des foldats dans chaque
compagnie, on auroit la facilité de remplir cet obje
t, en faifant marchei en avant les quatre compagnies
du centre, jufqu’au moment où leurs derniers
rangs fe trouveroient à la hauteur des premiers
de chacune des deux compagnies des ailes.
Par cette manoeuvre bien fimple, le front de la
colonne feroit diminué de moitié, mais préfen-
teroit encore un front contigu de feize hommes,
8c les flancs auroient doublé de profondeur. Si la
colonne n’avoit rien à craindre pour fes derrières,
les quatre compagnies qui auroient relié en arrière
pour alonger les flancs, reftèroitnt dans la
pofition où elles fe trouveroient, 8c préfente-
roient un nouveau front de chaque côté du centre*
Si au contraire la colonne éroit attaquée, de
manière à être enveloppéeH ces quatre compagnies
doubleroient fut les quatre premières.
Plus on examine la formation des troupes en colonne,
obferve M. de Séguier en fini fiant, plus,
fans être enthoufiafte, on y trouve des raifons de
préférence fur tout autre, & on y découvre combien
l’ expérience en retireroit une foule d’utilités
qu’on ne peut efpérer du fyftème étendu, très-borné
dans fes manoeuvres, & réduit an feul moyen
du feu. Les partifans de l’ordre profond n’ont pas
encore découvert toutes les reffources qu’il peut
fournir, & Ton pourroit encore indiquer d’heu-
reufes dilpofitions dont ils n’ont pas fait mention :
c’eft /par exemple, un avantage à confidérer, que
de raflembler une troupe fous les yeux & la voix
de fon chef, qui peut alors avec facilité I inftruire
de ce qu’on exige d’elle , l’encourager, l’exciter,
l’arrêter à propos, la rallier plus facilement, la
ramener au combat, 8cc, 8cc. toutes chofes im-
poffibles avec un bataillon à trois de hauteur :
c’ étoit cependant par leurs difeours, que les
plus fameux généraux enflammoient autrefois leurs
troupes. Les difeours que leur font tenir tous les
hifiorieris, auroient été perdus devant une ligne
de mille toifes, tandis que deux légions, pref-
fées autour du général, ne perdoient pas un mot
des difeours qu’ il leur adreffoit. ■ .
Ce raffemblëment d’une troupe dans un petit
efpace, ne feroit pas moins utile la nuit que le :
jour : c’eft ordinairement dans les nuits ob cures
qu’il eft difficile de conferver l’ordre fi neceflaire,
de fe v o ir , de.fe toucher , de s’en ten d r e c e qui
eft impoflible pour un corps mince 8c étendu /qui
eft nécefiairement toujours dans 1 incertitude, 1 inquiétude
, 8cc. la gauche ignorant ce qui fe dit
ou fe fait à la droite, & 1 une & 1 autre ne fachant
quel ordre on a donné au centre. Un bataillon en
colonne ne fe trouve pas dans ce cas : on fe voit
on s’entend , on fe touche ; le moindre mouvement,
quel qu’ il fo it, s’exécute en mafle, 8c
toutes les parties font trop rapprochées les unes
des autres , pour qu’aucune en faffe languir une
autre.
Ne tireroit-on pas encore avantage de cette
formation pour les affaires de nuit, 8c ces affaires
alors ne pourroient-elles pas devenir plus fréquentes,
puifqu’ on n’auroit rien à y craindre du
canon dont on fait une fi grande peur à l’ ordre
profond, 8c.c-.ttec ?
. Ce feroit-ici où l’on devroit trouver naturellement
l’extraie de l’ouvrage de M. Mauvillon, Sur
t influence de la poudre 'a canon dans L art de la guerre
moderne. Cet ouvrage excellent eft trop peu connu
en France, où un cenfeur, ami de l’ordre profond,
en arrêta la circulation au moment ou. 1 on voulut
le faite paroître \ il mérite d’etre lu 8c médité, 8c
ce feroit faire tort aux militaires cjui aiment a
s'inftruire ,. de les priver de connoître en entier
les excellentes idées répandues dans cet ouvrage,
dans lequel nous nous bornerons a dire fommaire-
ment : On voit que i’ itivention de la poudre eft
véritablement la caufe des changemens faits dans
l’ordonnance des troupes , 8c qu’ il feroit impof-
fible d’allier une ordonnance plus^ profonde avec
les armes à feu : on y voir autfi qu’un changement
isfians l’ordonnance en néceffiteroit un dans les
armes, la tactique ou les évolutions 8c les manoeuvres
, & vice verfâ : on y voit enfin mille vérités
qu’ il ne paroît pas qu’on eût même^entrevues juf-
qu’ alors > vérités dont nous avons tache de donner
quelques idées au mot Poudre A canon, mais
dont l’extrait ne doit pas empêcher le militaire
qui a le deffein d’approfondir les matières qu’il
étudie , de lire en entier cet ouvrage 8c de le méditer
, perfuadés , au> refte ,, d avoir donné des
idées fuffifantes fur la manière de penfer de tous
les autres auteurs militaires importans qui ont
écrit fur la tattique, & d’ après les ouvrages def-
quels on a dû fe convaincre q ue, depuis le chevalier
Folard, la très-grande majorité des écrivains
militaires français fe font décidés pour
l’ordre profond, tandis qu’ en Allemagne, depuis
le grand Frédéric, on a cru devoir regarder l’ordre
mince comme le feul approprie aux armes à feu
dont on fe fert actuellement Pârmi les écrivams
français dont nous avons parlé, M. de Maizeroy
eft celui qui nous a paru avoir prop.ofe, au moyen
de quelques modifications , le milieu le plus rai-
fonnabie pour une formation mixte qui pût être
propre au feu 8c au choc s mais trop enthoufiafte
des anciens, méprifant trop les armes a feu 8c
leurs effets , il eit encore refté trop homme.à fyftème
, 8c doit conféquemment n’être que confulté,
fans adopter entièrement fes idées. Pour la formation
des colonnes, nous croyons quil faudroit
méditer fur les moyens propofés par M. de Séguier
, 8c peut-être trouveroit-on à en tirer un
parti avantageux. Chez les Allemands, nous regardons
M, Mauvillon comme celui qui a établi les
avantages de l’ordre mince , relativement à 1 u-
fage de la poudre à canon, de la manière la plus
viCtorieufe; cependant, même après fon ouvrage,
ilrefte à examiner :
i p. Si le feu de l’infanterie, pour l’offenfive ou
même la défenfive, eft auffi meurtrier qu’on paroît
vouloir le croire j
20. S’il ne feroit pas préférable, toutes les fois
que l’infanterie peut joindre celle de l’ennemi, de
marcher à elle fur un ordre plus profond que celui
à trois de hauteur, 8c de ne pas perdre autant de
tems à fe fufiller au lieu de che rcher à prendre
l’ennemi en flanc 5 * _
3°. Si, l’ ufage aêtuel .de l’artillerie légère & de
bataille ne rend ras à peu près inutilecelui de ia
moufqueterie en maffe quand il faut attaquer, 8c
fi les effets de cette artillerie ne nécefiitent pas ,.
pour les rendre complets, que l’infânterie marche
rapidement dans un ordre qui facilite fes mouve-
mens fur l’ ennemi déjà ébranlé, afin d’affurer ou
de compléter fa défaite. Au refte, nous fommes
fort portés à croire avec M. de Guibert, 8c contre
la façon de penfer à ce fujet de M. de Mauvlilon ,
que, pour revenir à un ordre un peu plus profond,
ilne faudroit changer, pour y arriver, ni nos manoeuvres
ni notre conftitution militaire, ou au moins U s
changemens feroient-ils bien peu confidérables'8c
très-aifés à exécuter, puifqu ils ne devroient tendre
qu’à diminuer 8c à Amplifier les manoeuvres
actuelles. Tout'cela confifte, ce me fembie, à
favoir ce que l’on entend par ordonnance profonde
î car, en fuppofant que l’ ordre primitif fût
à quatre , celui pour attaquer à huit, on pourroit
facilement avoir des baïonètes q u i, placées au
bout du fufil feulement au moment de l’ attaque ,
procureroient aux cinquième 8c fixième rangs l’avantage
de dépaffer le premier. Quant aux fep-
tième 8c huitième rangs, ils doivent fervir à augmenter
la maffe , à remplir les vides qui peuvent
fe faire dans les fix premiers rangs, 8c à les fou-
tenir.
Mais au lieu de s’occuper très - férieufemenc
d’un objet auffi effentiel que celui de décider la
manière la plus avantageufe de fe former pour
combattre , on s’ eft occupé à écrire de part 8c
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