
fans danger de nos jours. Une armée qui fe place
en potence & qui forme quelque grand Taillant
dans Ton ordre de bataille , y a par là même
un endroit très-foible. Les troupes placées ainfi,
ne fauroient ré lifter aux feux croifés , à ceux
d’enfilade , d’écharpe & de revers , dont un
ennemi qui fait profiter de fes avantages peut
les accabler dans cette fituation. Voilà pourquoi
line armée tournée ainfi par l’ennemi n’a
pas même la reffource de lui faire face ,
en jetant des troupes en potence fur fon flanc.
Il faut qu’elle cherche une pofition en arrière:
Il eft douteux qu’elle en trouve tout de fuite
une auili avantageufe que celle qu’on l’auroit
ainfi forcée d’abandonner. Mais quand il y en
auroit une à portée, ce feroit toujours un mouvement
rétrogradé, qui par fes imprellions peut
avoir de mauvaifes fuites. Tout cela ne feroit
pourtant que peu de chofe -, le principal c’ eft
d’avoir le temps d’exécuter ce mouvemènt rétrograde
fans être au moins entamé par l’ennemi
, & même fans recevoir un échec conlî-
dérable, & c’eft ce qui devient prefque impof-
fible avec la pefanteur de nos armées , d’autant
plus que la promptitude, qui efl excellente pour
un mouvement en avant, efl: ce qu’il y a de plus
dangereux dans un mouvement rétrogradé, rien
n’étant plus capable que cela de le changer en
une fuite totale. I l faudroit donc exécuter fon
changement de pofition en arrière avec lenteur,
tandis, que l’ennemi mettroit dans fa marche
fur vous toute la célérité poffible. Qu’on fonge
donc quelle avance i f faudroit avoir lur
lui , pour avoir achevé fon mouvement , &
fi on peut s’expofer à un pareil 'événement. Je
ne finirois point fi je voulois citer tous les
exemples qui prouvent la vérité de es que j’ai
avancé jufqu’içi. Les militaires qui ont vu des
événemens, ou même ceux qui ont lu avec un
efprit d’obfervation, en çonnoitront affez, &
me dilpefiferont d’en cite». . Je conclus qu’il
efl pour nous d’une néceiïïté indifpenfable , & te ut-à-fait inconnue aux anciens, de couvrir
les flancs»
DÉBOUCHER., (fortir d’un défilé.)
DEBOUT. Commandement dont on fe fert
pour faire relever le foîdat qui a mis genou
à terre pour rendre au S. Sacrement les honneurs
que les ordonnances militaires preferivent.
L’énoncé de ce commandement offre à Pefprit
Une- idée baffe ; il devroit être changé.
DÉCAMPER, Décamper quand on efl: encore
éloigné de l’ ennemi, c’eft une opération' aiféey
décamper quand pn eft proche de l’ennemi ,
mais féparé de lui par quelque grand obftaçle ,
ce n’eft point non plus une opération bien difficile
j H eft de même aifé de décamper quand
on eft fupérieur en forces*, mais décamper quand
on eft proche de l ’ennemi , quand on eft le
plus foible, & quand aucun grand obftaçle ne
fépare pas les deux armées, c’eft fans contredit une
des opérations des plus difficiles & des plus
périlleuies. Celui qui dans cette circohftance ne
recourt point aux ftratagêmes, qui ne s’enve-
lope point des ombres du fecret & de la nuit
eft un imprudent qu’une défaite complette punit
prefque toujours.
Le général que les circonftances forceront à
décamper , emploira donc pour^cacher fon projet
des précautions plus grandes èncore que celles
qu’il prendroit s’ il vouloit aller furprendre fon
adverfaire. Ces précautions font détaillées , article
C a m p , §. des connoijfances que doit avoir le
général ■ voye{ aulfi les articles S u r p r i s e &
S e c r e t -, & fouvenez-vous que Strozzi ne fut
battu après fon décampement de Marciano, que
pour avoir manqué à cette première maxime
militaire.
Il faut vous débarrafler de bonne heure de
votre parc d’artillêrie & de vos gros bagages ;
mais que ce foit toujours à l’inlu de l’ennemi :
s’il apprenoit que votre artillerie eft partie , il
deviendroit plus entreprenant -, 8c le départ de
vos gros bagages lui décéleroit votre entreprife*
C’eft pendant la nuit que vous devez décamper ,♦
celui-là eft indigne de la place qu’ il occupe, qui
par vanité entreprend de décamper en plein jour
devant un ennemi plus fort que lui. Strozzi
l’éprouva à Marçiano, Coligni à Montcontour ,
mille autres l’ont éprouvé depuis. Voyez
R e t r a i t e .
Il faut çffayer de retenir l’ennemi dans fon
camp en lui failant donner une chaude alarme
par un corps de troupes légères , conduites par
un officier général plein de valeur & d c fang-froid.
François premier ne dut, à Landrecies, fon falut
qu’ à cette précaution.
11 faut que dans votre camp rien n’annonce
que vous avez le projet de changer de pofition ;
vos gardes , vos feux, vos fignaux militaires,
tout en un mot doit cette nuit-là paroître à
l’ennemi tel qu’il étoit la veille.
Aucun bruit d'inftrumens militaires ne doit
annoncer le départ *, les fourdines difent plus
dans cette oçcafion que le bruit le plus éçlatant ;
il fe cache , donc il a intérêt à fe çaeher, donc
il a peur -, voilà le raifonnement que fait l’ennemi ,
& il agit d’après çette çonclufion.
Il faut bien fe garder de donner à fon décampement
J’air d’une fuite -, du calme , de l’ordre ,
du filençe 8c de la fermeté , avec ces foins on
deçampe en préfencc de l’ennemi comme on
changeroit de pofition loin de lui.
Les maximes que nous venons de rapporter
doivent être l’uivies , l’oit qu’on évite un ennemi
en campagne , foit qu’on lève le fiége qu’on avoit
mis devant une place forte.
Quant à la manière dont on doit difpoïbr fes
troupes pour un décampement, voye[ l ’article
Retraite.
DÉCORATIONS. ( Marques vifibles d’honneur
& de dignité ). 1 H .
Les décorations ont tenu chez plusieurs peuples
de l’antiquité , & tiennent avec raifon , chez
prefque tous les peuples modernes , un rang
diftingué parmi les récompenfes militaires : elles
font fur les jeunes gens une imprelfion fort vive,
elles excitent une émulation générale , & ^ ne
coûtent rien à la fociété : mais par cela meme
qu’elles font vifibles , elles perdent beaucoup, de
leur valeur dès l ’inftant où elles font accordées
fans difeernément , diftribuées fans juftiçe , ou
prodiguées fans choix. Qu’ un bas couttifan , qu’un
vil délateur obtienne une récompenie pécuniaire ,
on en parle pendant quelques jours avec indignation
, mais bientôt on l’oublie , car aucun objet ne
rappelle cette injuftice : que la proteélion fafle
obtenir une place élevée à un homme fans mérité,
on crie pendant quelque temps , mais bientôt on
s’appaife, un bon choix en fait oublier un mauvais *,
ceux qui avoient des prétentions fur cette place
font prefque les feuls qui élèvent la voix avec
aigreur : mais un cri général & durable fe fait
entendre toutes les fois que les décorations font
profticuées , & bientôt l’émulation s’éteint *, on
rougit de les porter comme de ne point les avoir
obtènues. Voye^ O r d r e s m i l i t a i r e s & R é c o m pense.
DÉCOUVERTE. (Supp. ) Quelques hommes
fenfes prétendent qu’il vaudroit mieux ne point
ordonner pendant la paix de prendre certaines précautions
néceffaires a la guerre, que de permettre
aux militaires de s’en acquitter avec négligence.
Les guerriers , dilent-ils , habitues pendint la paix
à faite les choies à demi , ne s’aftreignent que
difficilement, pendant la guerre , a les executer
dans leur entier. Ces réflexions pleines de i^gefle
font particulièrement applicables aux découvertes
que l’ on fait chaque jour à l’ouverture des portes
dans nos places de guerre , 8c a celles que font
nos troupes quand elles font en marche dans
l’intérieur'du royaume.
Un jeune officier de cavalerie qui fort au galop
par une porte 8c rentre au galop par l’autre, a t-il
line idée vraie , après cette galopade , de la
maniéré dont on doit faire une découverte ? Le
caporal qui , accompagné de deux fufiliers ,
s’avance dix ou douze pas au delà du glacis eft-
il plus inftruit. le lendemain que la veille ? Non ,
je n’ hofite point à le dire , il eft aulfi ridicule
que dangereux de jouer ainfi avec le fervice
militaire. Ne tracaffons point pendant l’année
e n t i è r e n o s tro u p e s p o u r I r u f ! p r r e n d r e le u r
m é tie r *, m a is d è s l’in f ta n t o ù n o u s n o u s o c c u p o n s
à le s f o r m e r d o n n o n s - l e u r d e s le ç o n s q u i n e
p la c e n t p o i n t d a n s le u r t ê t e d e s id é e s fa u f le s .
Voye^ d a n s le d i& io n n a ire n o t r e a r tic le G a r d e ,
DÉCOUVREURS. ( Hommes chargés de faire
une découverte).
Les découvreurs qui forrent d’une place ou d un
fort pour s’ affurer que l’ennemi n’eft point em-
bufqué dans les environs , ont fans doute des
devoirs importans à remplir *, mais ces devoirs
n'offrent point de grandes difficultés *, fouiller
les maifons , vifiter les chemins creux & tous les
objets qui entourent la .place de très-près , voila
en effet à quoi fe bornent leurs fondions -, celles
qui font confiées aux découvreurs charges d’éclairer
la marche d’une troupe , 8c fur-tout d’ un corps peu
nombreux , font bien plus difficiles : de nouveaux
objets fe préfentent à chaque inftant à leurs yeux , 8c chaque objet exige d’eux une conduite différente
*, les circonftances du temps & du terrain
varient fans céffe, & il faut que leur conduite ,
quoique toujours la même , varie avec les circonftances.
Effayons de raffembler ici , pour eux , des
principes d’après lefqueîs ils puiffent fe diriger.
Nous fuppoferons qu’ils font attaches a un petit
corps de troupes parce qu’ils doivent être alors
encore plus vigilans que lorlqu’ ils dépendent d’un
corps un peu confidérabie *, parce que les décou-
vreurs dépendent réellement toujours d un corps
peu nombreux *, parce que les précautions des
découvreurs ne peuvent jamais , quelque grandes
qu’ elles foient , devenir dangereufes.
Les découvreurs feront compofés de cavalerie
ou d’infanterie , fuivant les qualités du pays qu on
devra parcourir.
Quand un officier particulier n’aura point de
cavalerie à fes ordres , fes découvreurs feront
choifis parmi ce qu’il aura de plus sûr , de plus
btave , de plus intelligent ,& de plus lefte dans
fon détachement.
On doit toujours mettre parmi les découvreurs
des hommes qui connoiffisnt a fond le pays ou Ion
fait la guerre , 8c qui en parlent bien le langage.
Comme il ne fuffit pas de fouiller le terrain
qu’on a en avant de loi , & qu il faut encore
s’affurer de les flancs , les découvreurs feront
diviiés en trois parties *, une éclairera le front de
la marche -, la fécondé , le flanc droit , & la
troifième , le flanc gauche : chacune de ces petites
divifions de découvreurs fera compoféede cavalerie
ou d’infanterie, fuivant les qualités du terrain
qu’eile devra parcourir.
Comme les découvreurs doivent être toujours
aux moins deux enfembles , le plus petit détachement
en aura au moins fix : ainfi la .plus petite
ayant-garde fera compofee de douze hommes.