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cara&ère léger du Français j careffez fes goûts, ne
1 enchaînez fous Tes drapeaux, ne le foumettez à
la difcipline, à la vie, aux exercices mi itaires, que
quelques inftans chaque année, & foyez alluré que
dès 1 inftant ou l’ennemi voudra fe montrer,il volera
la ou 1 honneur & la gloire l’appelleront. Aucun
climat, aucun obftacle ne pourra l’arrêter ;
vous le verrez traverfer les mers les plus orageu-
fesf . les montagnes les plus inacceffibles j il ne
craindra ni la chaleur de l’Afrique, ni le danger
de fes fables brulans, ni le froid du nord, ni
fes neiges , ni fes glaces, & il fera jaloux de mériter
les éloges fans nombre, prodigués à fi jufte
titre à fes pères ou à fes proches pendant la
guerre de la liberté.
PRÉSENCE D ESPRIT. Selon M. de Vauve-
nargue, on pourvoit la définir une aptitude à
profiter des occalions pour parler ou pour agir :
c eft un avantage infiniment précieux pour les généraux
en chef & ceux particuliers j elle demande
un efprit facile, un lang-frOid modéré, un grand
ufage, & félon les différentes occurrences,.divers
avantagés } de la mémoire, de la fécurité dans
les périls, & cette liberté de tête qui nous rend
attentifs à tout ce qui fe pafife, & nous tient en
état de profiter de tout.
PRÉSOMPTION. La préfomption eft un vice
de 1 efprit, qui compte trop fur fes propres forces
> elle naît de l’amour - propre & fou vent de
1 ignorance. Ce vice eft infiniment dangereux parmi
les officiers comme parmi les foldats.
«Flaminius ayant fait une ample provifion de
chaînes pour 1 armee d’Annibal, les Gaulois pour
celle de Caffius j Hannon , général des Carthaginois
, pour celle d’Agathocle ; les alliés partageant
entr’eux les provinces de France avant la
bataille de Bouvines, font des exemples frappans
du ridicule & du danger delà préfomption, prefque
toujours le partage des généraux médiocres.
La préfomption fait fouvent hazarder à un général,
des mouvemens, des marches, des campe-
mens fans précautions, d’où s’enfuivent des défaites
cruelles.
PRISONS. Nous nous bornerons fur cet objet
important, a ce qu’en dit M. Servan, ci-devant
avocat-général au parlement de Grenoble : nous,
aurons cru en dire allez pour les hommes qui pen-
fent & qui fentent : nous aurions écrit des volumes,
nous n’aurions pas réufli à nous faire entendre
à ces coeurs durs & inhumains, à ces hommes
qui ne s’ occupent que d’eux, & ne connoiffent
d’autres maux que ceux qui peuvent les atteindre.
« Tant que les lois fur l’emprifonnement feront
95 diêlées dans des cabinets dorés, je tremblerai
*> pour les. prifonniers : mais defcendez dans les
*> cachots, obfervez bien les effets de cet enfer.
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»» fouterrain fur les malheureux qu’il tourmente,
m goûtez leur pain, buvez leur eau, touchez leur
« paille} jugez-en par l'horrible dégoût de tous
» vos fens, par l’épouvante fecrète de votre ame,
» par cette angoiffe fubite , ce mal- être inexprim
ab le , effet d’un air chaud, humide & tou-
« jours plus ou moins empoifonné j jugez-en par
» votre impatience à quitter ces lieux terribles ,
» où tous les maux du corps & de l ’ame, la
w crainte, l ’infeêliçn, le'remords, femblent fe
» répandre & fe refpirer avec l’air qui vous en-
« vironne ; pénétrez-vous profondément de ce
w qu’eft une prifon, & furtout de ce que font
» nos prifons en France pour un êtrè né libre
» & paflîonné pour la liberté} lifez enfuite la loi
» H a b ea s co rp u s, & vous pourrez alors méditer fur
» les emprifonnemens, des lois impartiales Jk hu-
» mai nés.
w Et fi vous voulez faire des lois pour régler
» l’intérieur des prifons , écoutez d’abord, éçou-
» tez du coeur les prifonniers > vous écouterez
« après leurs geôliers, & lorfque vous aurez ba-
» lancé les droits des, conditions inégales, s’il
” refte encore quelques grains dans votre main,
« jetez-les hardiment du ,côté du plus foible, &
s» l'oyez fûr que le plus fort aura bientôt.rétabli
» l’équilibre, m
Nous ajouterons feulement que nous regarderions
comme très-effentiel que chaque homme en
prifon y fût renfermé dans une petite cellule,
feul, & qu’il n’en fortît que pour aller travailler ,
mais en lilence , aux ouvrages auxquels on peur-
roit les employer, ou à ceux qu’ils préféreroient
s’ils étoient artifans ou artiftes, & dont la moitié
du profit leur feroit exactement remife. Rien n’augmente
le danger & l’efpèce de contagion morale
des prifons , comme l’habitation des prifonniers
dans les mêmes chambres, les mêmes cours, &
furtout comme leur oifiyeté, & le via & les ligueurs
fortes que les concierges ou les geôliers fe
permettent de leur vendre. (
PROJETS MILITAIRES. Les projets militaires
dépendent en partie de la manière de régler l’état
de la guerre.
Pour former des projets militaires, il faut fe
repréfenter ce qui fuit, & le mettre en évidence
& en queftion. Quelles font ou peuvent être lesj
puiflances ennemies ? Ce que chaque puiflance
peut mettre de troupes fur pied & en campagne.
En quels endroits font ces troupes pendant l’hiver
? En quel tems l’on eftine que l'ennerhi ou fes
alliés peuvent s’aflembler? Où ils peuvent être,
fe porter d’abord , & enfuite fucceffivement ( par
fuppofition ) ? Quelles font leurs difpofitions préliminaires,
magafins , &c. afin de pénétrer au
moins à peu près leurs delfeins ? Quels font les
projets dangereux qu’ils peuvent former offenfi-
vement? Quels font vos alliés ? l’étendue de leurs
facultés , l’état de leurs troupes & les lieux où
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elles exîflein ? Quelles font vos forces, les garnirons
déduites ?
Sur ces premières connoiffances, qui donnent
les moyens de juger des forcés réciproques , il
faut dreifer divers projets de çampagoe relativement
à la pofîtion de l’ennemi, à ce qu’il peut
avoir deffein d’exécuter , à la nature des entre-,
prifes offenfives ou dëfenfives qu’on médite , & à
l’état dés frontières.
Plufieurs perfonnes, en particulier, peuvent former
des projets, lefquels doivent être examinés
par dès hommes de génie , cohipétens en fait de
guerre , & autant qu’ il fe peut par les généraux
qui doivent les exécuter. Plusdes projets feront
multipliés, & plus il fera facile? de garder un fecret
dont-fouvent dépendent les plus grands événe-
meis. ’ I
Sur chaque projet on doit mentionner le nom,
le nombre & la fitüation aCtuellé des corps def-
tinés à compofer -chaque armée. On fixe enfuite
le tems de leur départ & le lieu’de leur affemblée.
Il eft à propos que eê-s marches foient combinées
avec beaucoup de jûfte.ffe,- afin que la réunion
totale des thmpés ;foit telle qu’ elle a été projetée.
,
Il faut auffi déterminer fur chaque projet la
quantité de fubfiftance qu’il faudroit, les lieux les
plus propres pour remplacement des magafins , le
train néceffaire , ile nombre des chevaux utiles
pour le transport du canon , mortier, &c. dés
vivres , les jours où ils doivent partir & ceux où
ils doivent arriver-;
Quand il eft queftion d’un fiége , on doit marquer
au jufte ce qui exifte dans les arfenaux les
plus voîfînSjdes places-qu’on veut affiéger , afin
de les munir d’avance s’ils ne l’étoient pas pro- |
portionneliement aux vues qu’on a. Sans cette précaution
on eft fouvent réduit à faire des tranfports
durant les opérations même } ce qui eft ordinairement
très-coûteux.
Il faut toujours s’y prendre de bonne heure pour
faire des amas de vivres & de fourrages ÿ car il
peut arriver qu’en différant, ces approvifionrie-
mens deviennent très-difficiles ou impoflibles.
Sur tous les projets quelconques, il eft très-
important de joindre différens projets d’exécution,
& différens états de vivres , artillerie , fourra-
« ges, &c. parce qu’on pourra choifir alors-les plus
avantageux.
Les projets relatifs aux hôpitaux doivent être
réglés félon les projets & le nombre de troupes
qui doivent les exécuter.
L’adminiftration des hôpitaux eft ordinairement
fujète à une infinité d’abus : on y remédieront en
partie , en fuivant les idées propofées au mot
Hôpital , & en fai Tant exécuter à la rigueur les
différens ordres donnés à ce fujet.
Il arrive quelquefois que les opérations de l’en-
nemi , à l’entrée de la campagne , peuvent faire
changer toutes vos vues & vous réduire même à
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la défenfive j c’eft pour cette raifon qu’il importe
d’entrer en campagne avant l’ennemi, & d’avoir
établi dans les projets un grand nombre d’hypo-
thèfes } mais les- difpofitions fondamentales bien
établies , il eft rare , quoi qu’il arrive , qu’on ne
^puiffe pas prendre un parti avantageux.
1 PROPOS. Tenir des propos indifcfèts, libres,
fatyriques ou qui marquent de l’inquiétude, les
permettre , même dans les armées , eft une faute
,'de la part des généraux.
Tenir des propos qui annoncent la tranquillité
de l’ame , le calme des pallions, la confiance dans
fes troupes & dans fes,projets, eft une conduite'
qui doit avoir les meilleurs effets & contribuer'
au fuccès des généraux : nous nous bornerons à '
citer quelques exemples à l’appui de ces affermions.
[ La nuit qui précéda la bataille d’Arbelles,
Alexandre , inquiet de l'événement, ne s’endormit
que fort tard. Ses généraux s’étant affemblés ,
à la pointe du jour, devant fon pavillon pour
prendre fes ordres, furent fort furpris de ce qu’il
n’étoi.t pas éveillé. Parménion, après avoir attendu
quelque tems, entra, l’éveilla, & lui témoigna fa.
furprife de ce qu’il dormoit fi-profondément au
. moment de livrer une bataille qui devoit lui donner
ou lui faire perdre l’ Afîe. « Comment ne fe-
rois-je pas tranquille, répondit Alexandre, puif-
queDarius, en raffemblant toutes fes forces, m’épargne
la peine deXonger aux moyens de le pour-
ifuivre.w Exemple qui prouve que les généraux,
doivent toujours témoigner par leur air &. leurs
propos, la plus grande confiance dans les fuccès ,
& qu’un grand-homme fait tirer avantage des moindres
événemens.
Avant la bataille de Cynocéphales, quelques-uns
des .foldats de Pélopidas étant venus lui annoncer,
avec un air troublé, que l’ennemi approchoit avec
une armée extrêmement nombreuse : Tant mieux,
répondit l’intrépide général, nous en tuerons davantage.,:
Paul Emile défendit à fes foldats de critiquer fes
I actions & de vouloir lui preferire fes devoirs.
Lors de la journée de Cérignoles, en 15-03 ,
' Yves d’Aligre, fe fentant appuyé d’ un très-grand
nombre d’officiers , & furtout des StiifTes, qui mena
çoient de fe féparer de l’armée fi on ne les me-
noit pas combattre , perfifta de vouloir attaquer
l’ennemi, & s’oublia même au point d’ofer taxer
le général de lâcheté. Nemours, mettant la main
fur la garde de fon épée & fautant de fon fiége ,
alloit venger cruellement cette offenfe fi Louis
I d’Ars ne l’eût faifî entre fes bras 8c ramené à fa
place. Puifqu’on m’y force , dit-il, marchons au
combat : on m’y verra tel que je me fuis toujours
montré, & non tel qu’on voudroit me dépeindre ;
mais j’ai bien peur que ce brave, qui parle fi haut,
, fe fie pas plus à la viteffe de fon cheval, qu’au