
la tyrannie des fouverains. Mais les défordres
dévoient avoir un terme & ce terme de voit
etre funefte aux rois $ ils devinrent en effet l'objet
ja haine des peuples, qui lafîes d'être la
victime de leur ambition fecouèrent Je joug.
Thèbes en avoit donné Je premier exemple 5
Athènes fe hata de . le fuivre; plufieurs autres
villes de la Grèce 8c Sparte furtout, guidées par
Lycurgue, ne tardèrent pas à imiter les Thébains
& les Athéniens.
Telle étoit donc la fîtuation des peuples .de
cette contrée j aucun n’étoit affez puiffant pour
commander, aucun n’étoit affez foible pour
recevoir la loi 5 cependant, toujours jaloufes
les unes des autres, les villes de la Grèce
1 étoient furtout de l ’afcendant qu’Athènes &
Sparte prenoient tour à-tour, elles firent des
ligues pour tenir ces deux puiffances en équi-
libre. Mais la jouîoufie leur fit faire de fauffes
démarchés, les vues particulières des hommes
oui les conduifoient leur en firent faire de plus
fauffes encore. Le fyftême politique de la Grèce
fut donc expofe a des révolutions continuelles,
chacunes occafionnerent des guerres, qui fuf-
citées plutôt par l'inquiétude que par l’ambi-
tion, contnbuèrent toutes à perfe&ionner l'art
militaire, en laiifant Ls peuples dans un épui- !
fement & une haine qui les divifa de plus en
plus.
Les effets de la jaloufie, dont nous parlons,
furent fufpendus, il eft vrai, pendant quelque
toms pour fe défendre contre les Perfes j mais
lis éclatèrent aptès cette guerre avec d'au-
tant plus de force, que les Grecs y avoient
r U,ur ^ • Sranés fuccès 5 de manière qu'af-
foiblis & incapables de fe réunir contre un
ennemi commun , ils finirent par être la proie
d une puiffance étrangère.
Pendant ces différentes guerres on donna
plufieurs batailles 5 il eft néceffaire de parler
j f ^lî5^ues~unes > afin de fuivre avec plus
d exactitude les progrès de l'art militaire, &
jufqu’où fut pouffée la fcience de la guerre dans
cette époque.
f Cyrus etoit mort depuis près de quarante ans,
Jorfque Darius porta fes armes dans l'Attique J
les Perfes alors avoient pris. les moeurs des
nations qu'ils avoient vaincues, cen'étoient plus
ces folnats, qui ivres des fuccès d'un chef
vi&orieux, étoient portés à tout ofer, & qui
combattoient pour fe partager les dépouilles
dçs monarchies lé$ plus opulentes. C'étoient des
armées mercenaire s 8? corrompues, qui h’étoient
encouragées par aucune' efpèce de gloire, ni
même aucune.efpéce de butin.
Àthëhes/au contraire étoit libre 5 on armoit
pour lui donner des fers au moment où elle
venoit de fecouer le Joug des Pififtraies , 8c
ou elle'lentoit très-vivement tout le prix de
la liberté. •
D ailleurs, Athènes étoit alors dans toute
la force $ le luxe n’avoit pas encore énervé les
moeurs, les Athéniens étoient durs à la fatigue,
comme ils etoient intrépides à la vue du danger.
^ VeSri5,aC^^monlens avo*ent Ie même amour
dé la liberté, le même courage , la même intrépidité.
Mais tous uniquement livrés à la vie
la plus dure , & au métier des armes dès leur
plus tendre enfance, ils étoient plus enJurcis
& plus aguerris que les Athéniens ; une difci-
phne entièrement militaire étoit leur unique
police, & cette difcipline établie par Lycurgue
s étoit perfectionnée depuis ce légiflateur.
Jufqu alors, il eft vrai, les Athéniens & les
opartiates n'avoient point eu de fuccès brillants,
mais ils avoient fait des guerres inftruc-
tives. L art militaire fe perfectionne dans les
républiques, parce que l'amour de la liberté
attache une grandé Confidération au métier des
armes & à la défenfe de la patrie j d’ailleurs
taifant la _ guerre ^ avec; de petites armées , il
eft plus facile d’imaginer les moyens de les
divifer , de les former, d'en régler les ' mou-
vemens j on fait plus aifément des obferva-
tions fur la difcipline, les campemem, les
marches, le choix des armes, les ordres de
bataille, les fituations les plus avantageufes
pour livrer ou recevoir un combat. On s’éclaire
fur fes fautes ^ on s éclairé fur la conduite de
1 ennemi, & les découvertes faites" dans une
république font bientôt communes à toutes les
autres..
Ainfî la phalange ( V o y e Phalange ) , connue
peut-etre en Grèce & ailleurs avant le fiècle
a Homere , fut perfectionnée 8c compofée avec
beaucoup plus d’art parmi les républiques
grecques,. Il en fut de même des troupes armées
a la légère,: & d e tout ce qui avoit des. rapports
avec l.art militaire.
Lés Pérfès comptoient peut-être fur l'avantage
du nombre ; mais cet avantage feul n’eft
rien. Darius, il eft vrai, venoit de fubjuguer
les Grecs de l'Afie mineure } mais les Athéniens
& les Spartiates étoient bien plus diffi-
C1 . s . ar f'oumettre > ils avoient prévu l’orage
qui fe formoit dans l’éloignement. La barrière
qui féparoit la Grèce de l’Afie, les progrès
oc les connoiffances des Grecs dans l’art militaire,
ne permettoient à Darius ni de tomber
tout-à-coup fur eux, ni de fe retirer facilement
après un ; échec, ni de revenir promptement
avec de nouvelles forces. Ses troupes
étoient d'ailleurs . fi nombreufes , qu’ elles dévoient
être fans, reffources après une défaite.
Ainfî pour fe délivrer des Perfes, il devoit
fuffire aux Grecs de rempotter fur eux une;
grande victoire.
Cependant Darius, jugeant de fa ^ puiffance
par le nombre de fes foldats, & s’exagérant
la foibleffe des Grecs, avoit envoyé dans l ’Açr
tique fon armée forte de cent mille hommes
■dr’irifanterie & de dix mille chevaux, & fes
généraux l’avoient conduite d’abord dans'les plaines
de Marathon.
Aristide et Miltiade. — Les Athéniens fe-
courus des Platéens, ayant formé un corps de dix
mille hommes pefamment armés, ( fans infanterie
légère ni cavalerie ) fe hâtèrent d’aller au devant
de l’ennemi dans la réfolution de le combattre ,
malgré l’inégalité du nombre. Par le confeil
d’Ariftide & à fon exemple, on déféra le commandement
à Miltiade, comme ayant le plus
d’expérience & de capacité. Maître d’agir à
fa volonté, le nouveau général vint fe camper
à moins de demi-lieue du camp des Perfes ,
au pied d’une montagne qui fe courboit en
forme de fer à cheval. Pour fortifier fes ailes
il forma fur fes flancs dés retranchemens avec
des abattis 5 il fit en même tems embarraffer par
des arbres tous : les endroits de la montagne
jugés acceffibles. , 8c fe décida , dans le cas
ou ilTeroit attaqué, à refuier fon centre & à
combattre par fes- aîles.
Bataille de Ma rathon. — Quatrième
d ispo sition . Le général perfe auroit pu fe convaincre
aifément combien la fîtuation des lieux lui
. étoit peu avancageufe; cependant perfuadé d’écra-
fer aifément ta petite armée des Grecs, il n’hé-
fita pas à l’attaquer. Mais il fut obligé de changer
d'idée en voyant l’impétuolité avec laquellêfes
troupes furent attaquées elles-mêmes, culbutées,
renverfées dans cet te-journée j il eft vrai, malgré
la bravouredes Grecs,8c leur favante manoeuvre ,
les Perfes furent vaincus plutôt par l’opinion
ue^ par la force. Affez ordinairement la har-
iefïe d’une petite troupe en impofe à une autre
beaucoup plus nombreufe, quand la première
fe décide a fe défendre.
D’ailleurs en réfléchiffant un peu fur cette
bataille , on eft étonné de voir les Grecs n’avoir
point de troupes armées à la-légère ,, dont ils
auroient pu tirer un grand parti, en les plaçant
fur les fommités ou derrière les abattis; ,.,foit Î>our attaquer les Perfes par derrière, foit pour
es inquietter pendant le combat, foit .pour lès
empêcher de tourner l'armée , manoeuvre qui
n’auroit pas dû être négligée par les Perfes,
s’ils avoient été mieux inftruits, 8c iis auroient
pu la faire aifémeut vu leur grand nombre 8c
la poflVoilké ou l’on eft prefque toujours de
tourner une Montagne , furtout lorfqu’elle eft
peu ou point gardée., Ces réflexions peuvent
aider à fixer à quel point en étoit la fcience
de la guerre, au moment où fe livra la bataille
de Marathon.
Chez les Perfes, point de formation, nulle
divifion ni fous-diviiion , pour aider les troupes
à fe mouvoir & à manoeuvrer, point de machines
de guerre, point d’ordre de bataille ,
des hommes entaflés les uns derrière les autres j
chez les Grecs, point de troupes légères, point
de cavalerie, point de machines pyrobaiiftîtjues.
Peut-être dans cette occafîon , les Perfes
méprisèrent-ils trop les Grecs, dont i's con-
noiffoient le très-petit nombre j peut-être les
Grecs de leur côté comptèrent-üs trop fur la
préfomption de «leur ennemi 8c fon ignorance
dans- i’art militaire.
La défaite des Perfes à Marathon irrita encore
davantage Darius, elle auroit dû le perfuader
de la difficulté de vaincre les Grecs} mais aux
yeux de ce monarque le courage des Athéniens
parut une infolence & leur victoire une nouvelle
injure à punir. La mort vint empêcher
Darius de fuivre fes projets de guerre contre
les Grecs ; mais Xercès qui le remplaça adopta
fes idées de vengeance & U ne tarda pas à
envoyer, fes héraults en Grèce pour y demander
la terre & l’eau. Athènes 8c Lacédémone, fou-
tenues par les Platéens 8c les Eginètes, furent
les feules villes qui osèrent réfifter au roi de
Perfe, tout h refte fe fournit.
Cependant Xercès approche à la tête de fon
armée, 8c Léonidas roi de Sparte, à la tête
de quatre mille hommes , fe hâte de s’emparer
du palTage des Thermopiles & de le défendre,
afin d’empêcher les Perfes de pénétrer dans
la Grèce.
Vingt mille Mèdes marchent pour forcer
le défilé & font repouffés, un corps de P e r f e s >
; nommés les immortels, n’a pas un plus heureux
fuccès, 8c les Perfes n’auroient pas pénétré
dans l’Attique, tant ils faifoient la guerre
avec ignorance, fi on ne leur avoit pas découvert
un fentier qui n’étoit pas gardé. Léonidas inf-
truit de ce malheur, renvoie les alliés 8c garde
avec lui trois cents Lacédémoniens, dont il
ne s’en échappa qu’pn. Tant d’intrépidité auroit
dû convaincre! les jPerfes de la ferme réfolution
prife par les Grecs de vaincre ou de mourir 5
mais Xercès incapable de fagefie ni de modération
, voulut faire attaquer l’armée navnle des