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aux lois des Romains. Antiochus étoit d éfait,
Carthage détruite, & les Grecs firent envain
quelques efforts pour conferver une liberté qui
les avoit rendus fi célèbres} on ne trouve point
dans Phiftoire du monde de peuples qui aient
défendu la conftitution républicaine d’une manière
plus ferme j mais dès le moment où les
Grecs eurent perdu refprit militaire, & lepatrio-
tifme qui conftituent la force & la fureté des
nations , à peine leur refta-t-il encore cette fupé-
jiorité , portée parmi eux à un fi haut degré
dans tous les arts»
Dès-lors , l’ar.t militaire ne fit plus aucun
progrès qui puiffe être cité j les Romains eurent
cependant encore quelques grands hommes à la
tête de leurs armées, comme Marius, Sylla , !
Lucullus, Pompée, Céfar, mais ils n’avoient
plus de Grecs à combattre, ni des généraux
du mérite de Pyrrhus, d’Asdrubal, d’Annibal,
ou même de Philippe & d’Antioçhus.
Marxus , Sy l l a , Lucullus, Sertorius ,
P ompée, C ésar. :— Les campagnes de Marius
contre JugurthaJ, fes marches, la manière favante-
dont il fut fe tirer dé l’embarras où l’avoit jette
le roi de Numidie, qui l’avoit furpris dans
un moment ou il marchoit avec trop de fécu-
rité. La pofition qu’il fut prend e , la défaite
de Jugurtha qui 5’ en fui vit ; les victoires de ce
même général, contre les Cimbres en Provence
& aux pieds des Alpes > la bataille liyrée à
Cheronée par Sylla àMithridate 5 fes manoeuvres
pour s’ affurer la -vidtoire 5 les conquêtes de
Lucullus en Afîe j la deftruétion de la puifian.ee
de Mithridate par Pompée 5 la manière, favance
dont Sertorius fit la guerre dans les montagnes
de l'Efpagne. Enfin les vi&oires de Céfar dans les ■
Gaules, fes campagnes contre Scipion, Afranius, I
Labienus & Pompée : la bataille de Pharfale, où i
-il plaça aux ailes des troupes en potence, aux- I
quelles il dut la victoire. Tous ces evénemens
militaires concourent à prouver combien fart
étoit parvenu alors à un haut point de fplen-
deur, & combien les Romains fur palpèrent les
Grecs dans la fcience de la guerre, par la raifon
fans doute de l’infériorité de l’ordonnance de
Ja phalange fur celle de la légion. En effet,
comme nous l’avons déjà obfervé, tandis que
la phahnge étoit obligée, pour fe mouvoir ou
pour combattre avec avantage, de chercher des
terreins unis & fans aucun obftacle j la légion
pouvoir fe plier à tous les terreins, à toutes
les circonftances, à toutes les attaques, à toutes 1
.les dé Fc nies: comme infanterie en bataille contre
une autre infanterie , vous la voyez, quelquefo
is à- rangs & files ouvertes, conformément à
fes armes $ quelquefois en phalange, d’autres fois
en .colonne. Contre de la cavalerie, vous voyez
ferrée n’ayant plus d’ intervalles, afin de ne pou-
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voir pas être entamée. Par ces fages moyens, la
légion devint formidable à tous les peuples
avec lefquels elle fut obligée de combattre ,
pouvant prendre tout de fuite les différentes
formes exigées par les circonftances ou par le
terrein fur lequel elle devoir agir, ou par les
ennemis avec lefquels il falloir combattre.
Quand les différentes nations eurent été vaincues
par les Romains , une feule puiffance, une feule
tactique fut alors connue dans l’univers j mais
ce moment fur celui où Rome ayant pour ennemis
fes richeffes & fes vices, abandonna à quelques
légionnaires obfcurs & méprifes un art qui ne
fu t , plus qu’une étude de théorie & de spéculation
j la difeipline dès-lors ne tarda pas à
dégénérer, & bientôt après il n'y eut plus de
fcience de la guerre.
Pour achever le tableau de 'l’état de l’ art militaire
chez les anciens, nous aurions dû peut-être
nous arrêter à confidérer avec quelqu’ attention la
fameufe journée de Pharfale , la dernière peut-
être de l’antiquité ou l ’on ait déployé des talens
& des connoifiances militaires. Mais déjà nous
avions fait obferver, dans une note fur la bataille
de Thimbrée, que la feule manoeuvre favante
de Céfar, exécutée à Pharfale , & à laquelle
il dur fa victoire, avoit été mife en ufage par
Cyrus j quoique très-probablement jamais Céfar
n’ait eu connoiffance de cette bataille} mais
cette manoeuvre, ou exécutée par Cyrus, ou
imaginée par Xénophon, n’étoit pas inconnue
à nos leéteiirs..
Nous allons donc nous borner à quelqnes
obfervaticns plus importantes.
La rapidité des conquêtes chez les Anciens,
en partie due fans doute à l’inégalité daiis les
connoifiances militaires, de la part des peuples
conquis & des conquérans.
. plufi eurs moyens employés chez les anciens
pour s’ aflurer la vi<ftoirp, devenus impraticables
parmi nous.
L ’impoffibilité où l ’on eft d’imaginer par quels
moyens les Séfoftris, les C y ru s , les Créfus ,
les Artaxercès, les Xercès, les Darius, venoient
à bout de faire fubfifter l ’effroyable multitude
d’hommes, de femmes , d’enfans & d’animaux
qu'ils traînoient à leur fuite. On ne voit en
général aucune précaution prife pour pourvoir
aux befoins d’une armée} quelques capitaines
feulement doivent être exceptés de cette obfer-
vation générale 5 Céfar ehtr’autres ne paroît
jamais avoir fait d’expéditions, - avant d'avoir
établi des magalïns &: fortifié une place d’armes.
À l’égard des plans de campagne , ils fe réduL
foient chez les Grecs à prcçjettqr : une invafion.
Long-
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Long-tems chez les Romains ils fe horftèrént
à la conquête de tel ou tel peuple} cependant
Alexandre marchant à la conquête de i’Afie,
Annibal pénétrant en Italie , Fabius contre
Annibal j le grand Scipion en ; Efpagriè & en
Afrique} Marins, Sylla, Pompée,.Céfar, tous
ces grands capitaines1 durent néceffairement
former des plans de campagne } mais les hif-
-toriens-ne nous en ont tranfmis aucuns, avec
des détails qui tiennent à la fcience de la
•guerre.
Sertorius paroît être le fe.ul qui ait -connu
& pratiqué d’une manière Payante la guerre de
montagne.
La fcience des pofîtions patoît avoir été bien
foiblement entrevue par ces mêmes anciens}
nul exemple chez mx de ces pofîtions favantes,
par lefqueiles on parvient à couvrir tout un pays,
a empêcher l'ennemi d’y pénétrer, & à le forcer
de confumer tout le tems de fa campagne à faire
des marches ou des mouvemens inutiles.
La guerre défenfive fut aufli très-peu connue
chez les anciens } Fabius, Marius, Sertorius,
Céfar, paroiffent à-peu-près les feuls qui furent
mettre en pratique cette partie fi difficile de
l'art militaire.
On voit affez fouvent chez les anciens, des
furprifes d’ armées en plein jour & en pleines
marches, des camps furpris & enlevés.
Les lignes, les convois, les fourrages femblent
avoir été entièrement ignorés par les anciens.
Mais on feroit porté à attribuer à l’invention
& à l’ufage de la poudre, & furtout de la groffe
artillerie, les caufes les plus actives chez les
modernes, de la fcience des pofîtions, des cam-
pemens, des lignes & de la guerre défenfive.
Si les études des ta&iciens, dont Xénophon ,
Strabon & Plutarque vantent tant les travaux ,
parvinrent à établir des règles, fur les rapports
qui doivent exifter entre les différens corps d'une
armée } règles qui pourroient être appliquées
en partie avec fuccès à celle des modernes. Si
Onozandre , Elien & les autres, paroiffent quelquefois
présenter des vues, dont ilpourroit être
utile de tirer parti dans nos exercices, furtout
pour attaquer} fi ces vues ont été méditées
& mifes en ufage, par quelques grands capitaines
, & furtout par Frédéric } fi elles ont
produit dans fes favantes mains l’ordre d’attaque
oblique & par échelons, auquel on eft encore
fi peu & fi mal accoutumé , il n’en eft pas moins
certain que ces principes théoriques, trop peu
éclairés par la pratique, n’avôient pu leur faire
éviter les défauts & les vices dont nous avons
fait mention, furtout dans l’ordonnance grecque 5
A n Milit. Suppl, Tuait IV ,
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défaùts & vices qui furent corrigés momentanément
par quelques grands capitaines, comme
Alexandre, qui trouva dans fon génie lès moyens
dont il ufa pour s’affùrer- la viétoire, mais qui
dans des mains mo<îns habiles occabonnèrent les
défaites & les pertes j dont l’hiftoire a fi fou-
vent enfanglanté1 fés annales.
Avant de poursuivre Phiftoire de la fcience de la
guerre, qui devient dès ce moment abfolumen
différente , il nous a fe;mblé .utile d’indiquer les
ouvrages des; différens auteurs qui ont écrit fur
Part de la guerre , ; c)nez le s . Grecs, & chez les
Romains. Il n’en n’eft pas de la fcience de la
guerie commé-des autres fciences. Rarement ici
l’inventeur, a-t-il é c r it, l’auteur eft prefque toujours
l ’hiftorien des avions & , des découvertes
des autres. Quelquefois cependant, comme Pyrrhus
j Céfar & Arrien, il a commandé les armées ,
quelquefois aufii, commeThucydide, Xénophon,
Polybe, & c . , il a. fait la gue r re^ a été témoin
des faits dont il donne les détails, ce qui doit
contribuer à dpnner beaucoup plus de poids a
fon ouvrage. ç
La fagacité avec laquelle Homère décrit tout
ce qui regarde Part de la guerre, l’ a fait regarder
avec raifon comme un des premiers & des plus
iritéreffans hiftoriens de cet art, dans un tems
où l’on ne connoiffoit encore aucun moyen de
communiquer facilement fes penfées aux autres ,
Homè;e erroit, dit-on , dans fept villes différentes
de la G rè ce , récitant fes ouvrages. On
pourroit croire qu’ il préféra de les mettre ea
vers, afin de les faire mieux écouter & plus
facilement retenir. Quoi qu'il en foit de cette
manière fi intéreffante de tranfmettre l’hiftoire
d’une guerre, qui avoit fait prendre les armes
aux différentes villes de la G ré cë , dans le f queiles
Homère la récitoit j les détails dans lefquels
entre ce grand homme, fur tout ce qui
regarde les armes, la formation, la difeipline,
le campement, la manière de combattre des
Grecs au liège de T ro y e ; doit intéreffer le
militaire qui aime fon a r t , & qui fe plaît à
le voir dans les premiers inftans, où , pour amfî
d ire , il commença à devenir une fcience. L’ Iliade
d’Homère & tous fes ouvrages, ont été traduits
dans toutes les langues} on nous permettra de
préférer dans la nôtre, la traduélion du refpec-
table citoyen Bitaubé.
Hérodote, nommé le père de Phiftoire, écrivit
celle des guerres des Perfes contre les Grecs,
depuis le règne de Cyrus jufqu’à. celui de Xercès ;
il l'acheva au tems d e là guerre du Péloponèfe.
On lui reproche de n’être pas toujours très-
vrai dans les faits dont il occupe le leêteur.
Le citoyen Larcher en a donné une tradu&ion qui
eft très*eftimée , elle eft en lept volumes i«-S°.
Thucydide écrivit Phiftoire de la guerre du
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