Chez les Romains , afin de rapprocher les'
troupes étrangères donc on l é iervoit, de l’ef-
prit militaire qui animoit les légionnaires , on
les divifoit auffi par cohortes j on les trouve dé-
fignées dans les auteurs latins par les noms de
cohortes alariA focU , cohortes fociorum , pour les
diftinguer de celles des légions qu'ils nomment
legionariA , ou Amplement cohortes.... Vefpafîen
entra en Judée avec vingt-trois cohortes auxiliaires
: on attachoic fou vent à chaque légion un
certain nombre de ces cohortes. Elles pcrtoient
le nom de leur nation.... Scipion eut un camp
devant Numance, des volontaires qui lui furent
envoyés , du confentemenc du fénat, par les
rois & les villes alliés qui avoient pour lui une
amitié particulière.
Mais ce que les Romains appelloient leurs
alliés y n’étoient proprement que leurs fujets.
11 n'y avoit donc aucun inconvénient pour
eux à en compofer une partie de leur armée j il
faut confidérer bien différemment les troupes
auxiliaires j auflî dans les derniers temps de la
république , l'admiflion des Barbares dans les
corps de troupes nationales , lut une des plus
puifiantes caules de la décadence & de la def-
truétion de l'empire romain. Comptant fur ces
fecours dès que la guerre fe déclare, les citoyens
accoutumés aux‘douceurs de la paix, & redoutant
les fatigues d'une campagne , aiment mieux
payer des étrangers ou des mercenaires que de
défendre leurs propriétés > cet abus devient bientôt
un ufage j & F ufage ^ une loi.
Cependant, dira-t-on , avec ces troupes vénales,
il feroit peut-ê.re polfible de former
des corps bien difciplinés , peu: être même de
les incorporer dans les corps des troupes nationales
, afin d’exciter entre ces différens individus
une émulation utile ; mais comment of-r
croire que l ’on ne préférera pas toujours de
rendre fes concitoyens fpeéfcateurs de les vertus,
plutôt que des étrangers? Aulfi par une inftitu,-
rion admirable, les anciens enrôloient-ils, dans
une même cohorte, ceux d une même tribu ;
dès-lors ils marchôient, ils combattoient à côté
de leurs parens , de leurs amis , de leurs voi-
fins, de leurs rivaux ; quel foldat auroit ofé
alors commettre une lâcheté en préfence de témoins
fi redoutables i Comment à fon tour au-
-roit-il foutenu des regards toujours prêts â le
confondre.?
Policé intérieure;
La police doit être l'art de procurer aux ha-
bitans d’un Etat, d'une v ille, &c. une vie commode
& tranquille 5 & les citoyens chargés de
veiller fur cette partie intérelfante, doivent faire
exécuter les lois publiées à cet effet | malgré les
j efforts de l’erreur & les inquiétudes de l'amour-
j propre & des pallions.
Quo que l'objet de la police fût le même partout
, c'eft le génie des peuples, la nature des
. lieux qu’ils habitoiem, &c. qui ont décidé des
moyens propres à obtenir ces avantages.
Chez les G re c s , la police avoit pour objet
la confervation , la bonté & les agrémens de la
vie j ce qui concerne la naiffance , la fan té , les
vivres, & c ..... . Ils travailloiènt à augmenter le
nombre des citoyens , à les avoir fains, ainfi
qu’u.i air falubre , des eaux pures, de bons aii-
mens, des remedes bien conditionnés & d es
médecins habiles Sê honnêtes gens.
Les Romains fuivirent, pour leur police , à-
peu-près la même divifion que celle des Athéniens.
La plus grande partie des peuples de l’Europe
imita »es Romains dans leur police.
Pour les moyens d'exécution, chez les Athéniens
, on partagea l’autorité de la magiffrature
entre plufieurs perfonnes ; il y avoit un magistrat
différent chargé de la police pendant chaque
mois j il y en avoit d'autres pour chaque jour
de la fe mai ne.
Tous ces officiers étoient amovibles & annuels.
Chez les Lacédémoniens, il y avoit à-pe/j-près
les mêmes divilions & fous-divifions.
Les .autres villes de la Grèce étoient auffi
divifées en quartiers , avec des infpeéleurs pour
la police, & des gens du peuple deftinés à leur
prêter main-forte.
Chez les Romains d’abord , les rois & leur
préfet fe chargèrent de la police.
Vinrent enfuite les confuls, les édiles, les
préteurs, les centumvirs, les décemvirs, & c . ,
aidés des plébéiens chargés de prêter main-forte
& de faire le guet.
Enfin fous les empereurs, les préteurs furent
fubordonnés à un préfet -de la ville, dont la ju-
rifdi&ion s'étendoit fur Rome & fur fon territoire
, à trente-cinq de nos lieues. Augufte lup-
prima auffi les dix édiles chargés de veiller à la
fureté de la ville , préféra à leur fervice,
celui de mille hommes d’é lite , dont il fit fept
cohortes qui eurent chacune leur tribun fournis
à un commandant, nommé préfeStus vigilum. Il y
avoit auffi des commiffaires dans chaque quartier
, qui avoient fous eux des dénonciateurs pour
dénoncer les coupables > des vicomaires, qui mar-
choient avec eux & leur prêtoienc main-forte,
& des ftationnaires placés à porte fix e , pour
appaifer les fédicions.
Le proconful faifoit la police dans les provinces
romaines; il avoit fous lu i , dans chaque v ille ,
des députés pour remplir le même ob je t, fous
le nom de fervatores locôrum.
Subfijlance,
Par le mot fubfïftance, relativement aux individus
qui peuvent compofer la force publique,
nous entendons leur nourriture , leur vêtement,
leur logement &t leur guéri fon.
Chez les Grecs on tranfportoit, à la fuite
des armées , du froment & de l'orge rô ti, &
on y entre tendit des boulangers j on faifoit marcher
à leur fuite, des médecins, des vivandiers,
des marchands & des valets ou elclavesj enfin,
lorfque la guerre étoit réfolue , on ordonnoit
de préparer autant de chaiiots & de bêtes de
charge qu’ il éteit néceffaire pour le tranfport,
des outils & uftenfiles dont les troupes avoient
befoin.
Nourriture.
Chez les Romains, on diftribuoit aux troupes
le blé en nature; ils ignorèrent Ion g-te ms l’ulage
du pain , & mangèrent la farine en bouillie. Le
foldat faifoit griller le b e fur les charbons, &
le broyoit fur une pierre. On en fit enfuite des
pains qu'on faifoit cuire fous la cendre, ou bien
fur des charbons... On fit alors ufage des meules
à bras... Lorfque Scipion paffa en Afrique , les
habitans d'Aretium fournirent des meules à fon
armée, avec d’autres outils & uftenfiles ; le
bifeuit ne fut en ufage que vers le temps des
Antonins.
La diftribution en nature étoit avsntageufe,
en ce que le froment étoit plus léger d'un tiers
que n'auroi.t été le pain, & d'un moindre volume
; mais félon Boerhave, l’ ufage du pain fermenté
elt plus fain ; ceux qui fie nourriffent de
matières faiineufes non fermentées font fujets au
feorbut.
Le foldat romain recevoit, par mois, environ
foixante livres de froment ; le cavalier cent
quatre-vingt livres pour lui & deux valets, &
nx cents trente livres d'orge pour la nourriture
de trois chevaux ; c'eft ce qu’on nommoit menf
truum.... Le foldat allié recevoit la même ration
que le foldat romain 5 mais on ne donnoit au
cavalier allié que cent vingt livres de froment
« c in q cents viqgt - cinq livres d 'orge , parce
qu'il n'avôit qu’un valet & deux chevaux. Ces
fournitures étoient délivrées gratis aux alliés ;
mais le quefleur en faifoit 1a retenue aux troupes
romaines fur leur paye , & on les leur donnoit
a bas prix, âinfi qu'au peuplé.
On diftribuoit auffi au foldat de la viande,
des légumes, du fel & du vinaigre. Scipion voulant
rétablir la difeipline dans fon camp devant
Numance, ordonna que les foldats dînaffent debout
, avec des alimens qui ne fufient pas cuits,
& foupafient avec de la viande. Avidius Caffidius
preferivit à fes foldats de ne porter que du bifeuit
, du vinaigre &: du cochon falé : on trouve
auffi du vin mis au nombre des fournitures de
l'armée.
Le loldat portoit le blé ou le laifficuit dans
des facs de peau , jufqu'au temps u Alexandre
Sévère, qui les fit aider par des rpulets & par
des chameaux.
Lorfque le territoire de Rome étoit le théâtre
de la guerre , on ordonnoit aux habitans des
campagnes de porter leurs grains dans les villes
fermées , afin de lés ôter a l’ennemi f & d’en
former des magafins, dont le général tiroir les
* fubfiftances de fon armée. Dans le pays ennemi,
les magafins étoient placés dans les plus fortes
places dont on étoit maître. Céfjr , campé à
Dyrrachium, & obligé de tirer fes fubfiftances
de 1 Epue , ecablit des entrepôts fur la route ,
ïC preicrivit aux villes voifines de fournir, pour
les tranfports, un certain nombre de voitures.
Lorfque , ious les empereurs, il y eut des
troupes en garnifon dans les principales villes de
1a frontière, on y établit de grands magafins de-
vivres... Pendant lé règne de Gordien , on raf-
fembla , dans les villes du premier ordre , des
vivres pour la fubfïftance dune armée pendant
un an ; dans celles du fécond ordre, pour quelques
mois; dans les autres, pour quinze jours.
Les entrepôts étoient ou des villes fermées, ou
des forts établis fur les grands chemins & furies
bords -des rivières.... On réfervoit auffi des
pâturages pour les befuaax deftinés à la fubfif-
tance des troupes ; c’etpient alors les provinces
qui étoient chargées de remplir les magafins
L’empereur régloit l’impofition, & dans les cas
extraordinaires, nul citoyen n'étoit exempt ni
des fournitures, ni des dépenfes du tranfport...
Les provinces cependant pouvoient fe racheter j
en payant au gouverneur une fomsne convenue.
Mais cette adminiftration fut fujette à un grand
nombre d'abus ; il y eut des gouverneurs qui
vexèrent leurs provinces, en obligeant'les habitans
de fournir ce qu ils n°avoient pas, & de
faire tranfporter de loin des vivres qu'elles ach'e-
toient ailleurs ; c’étoit afin d'en retirer un rachat
plus confidérable....... Il arriva auffi quelquefois
que les troupes exigeoient mal-à-propos des
vivres des habitans...... Aurelien preferivit à fes
officiers de contenir l'avidité du foldat fur cet
objet..... << Qu'aucun, d ifo i t - il , ne foit allez,
j » hardi pour prendre un mouton , un poulet
1 ” fine grappe de raifin, une poignée d'épis ;