
dans le doute *, maintenant je fuis tranquille , je
luis sûr du fuccès. On ne s’ égare point fur les
traces d’Alcide. Èt que mHmportè après tout
d’ être - le premier ou le fécond auteur de cette
idée ? la petite vanité à bien peu d’empire lur
celui qui ne veut & ne cherche que la vérité ,
Ton coeur eft fatisfait dès que le bien s’ opère.
Telle eft la machine qui nous a paru devoir
être adoptée : elle n’eft point difpendieufe -, elle
eft fimple , d’ une exécution prompte , facile , &
mettra sûrement l’ infanterie , quelque efpèce de
colonne qu’elle forme , à l’abri dés efforts de là
cavalerie : mais comme elle deviendroit encore
plus utile & plus sûre entre les mains des fan-
taftins formant une très-bonne colonne , nous ne
pouvons qu’encourager les militaires à perfeétion-
ner , s’ il eft poffible , le travail fait par M. le
chevalier Dutheil, fur la colonne de Guftave-
Adolphe.
La machine dont il s’agit ici a été dépofée au
jardin du roi , chez M. le comte de La Cepède ,
de l’ amitié duquel je m’honore , & qui pourroit
la montrer aux perfonnes qui voudraient la con-
noître pour la perfectionner.
§ . V .
Des colonnes £ attaque , ou colonnes <Tinfanterie
contre de ^infanterie.
De l’ infanterie qui Veut renverfer de Finfarite-
¥ie formée èn bataille ou en colonne, doit-elle elle-
même fe former en colonne7, oui : tout le monde
en çônvient -, mais on n’eft pas également d’accord
Lur les dimenfions que l’aflaillant doit donner aux
colonnes qu’il forme. Occupons-nous d’abord de la
profondeur de ces ‘colonnes.
Quelques auteurs militaires prétendent qu’il
fuffic de doubler les files , c’eft-à-dire , de mettre
fix hommes à chaque file ; quelques autres affûtent
que fix hommes ne Luffifént pas , & qu’ il en
faut au moins huit ; mais que huit hommes ont
autant de force & d’impuliion que douze , que
feize & ç . ; d’autres enfin , & c’eft -le plus
jgrand nombre , ont fixé à feize le nombre
d’hommes qu’il faut mettre en file , ils prétendent
que fi les derniers rangs ne pouffent, ne
preffent point les premiers , ils influent au moins
fur leur imagination , ce qui eft beaucoup à la
;guerre •, ils penfènt que , lorfqu’ il y a moins
de fei?e hommes à chaque file , la colonne devient
Foible dès qu’ elle éprouve la perte la plus lé-
.gère -, mais aufli ce nombre de feize eft pour eux
fe nec plus ultra : car , difent-jls , c’eft une erreur
de croire que la force de la colonne augmente en
raifon de fa profondeur •, car , ajoutent-ils , n’y
ayant union intime que dans les feize premières
files de chaque colonne, H vaut mieux multiplier
‘Ig pgîîi^re des colonne# que celui des files dans
chaque colonne. Quelque fage & 'bien motivée
que foit cette dernière opinion , nous ne l’adopterons
cependant point dans fon entier -, nous
convenons qu’il ne fuffit point de mettre fix
ou huit hommes en file , mais nous croyons que
c’eft y en mettre trop que d’y en placér feize ;
les quatre dernières files nous paroifTent en effet
absolument inutiles. Si l’imagination du premier
rang de la colonne n’eft pas raffurée par. onze
files , quinze ne la raffureront point ; fi douze files
ne font pas une trouée, feize ne la feront pas non
plus j douze files fuffiront, comme feize , à pouffer
a droite & à gauche les troupes qu’elles auront
ouvertes -, il eft d ailleurs beaucoup plus facile ,
d’après l’ordre primitif adopté pour notre infanterie
, de la faire paffer , quand les colonnes n’ont
que douze files , de l’ordre du feu à l ’ordre do
l ’arme blanche , ou , ce qui eft la même chofe ,
de l’ordre pafiif à l’ordre d’attaque : nos bataillons
étant en effet divifés., abftraétion faite des
troupes d’élite, en quatre divifions, qui font chacune
fur' trois hommes de hauteur , les douze
files fe trouvent auffi naturellement qu’ aifément
raffemblées. Dans les occafions importantes ,
dans les momens où il s’agira de faire une trouée
difficile , les hommes d’élite feront placés à la
tête 'des colonnes , & alors on aura les feize files
demandées par les partifans de ce nombre. Les
militaires qui ont adopté exclufivement le nom.
bre de feize, véulent que notre formation pr-iiiii ■
tive foit fur quatre rangs de hauteur ; ils appor >
tent, pour foutenir leur opinion , beaucoup de
raifons qui rie font fortes qu’en apparence. Voye£
F iees. Mais , dira-t-on peut-être , en ne paroif-
fant donner que douze files de profondeur à votre
colonne, vous lui en donnez réellement fëize, car
les ferre-files forment un rang dans chaque divi- fion ; cela eft v ra i, & c’ eft précifément ce qui me
•peine : il ne faut qu’avoir marché quelquefois en
colonne ferrée, pour être convaincu que ce quatrième
rang "eft celui qui met le détordre dans toutes les colonnes ; d’abord , parce qu’ il.n’eft pas
complet , puis , parce qu’ il eft formé d’hommes
qui ne fouffrent pas aufli patiemment ' que le
foldat qu’on les preffe , qu’on les ferre. J’adopterais
donc avec, empreffement l’opinion des taéti-
ciens qui placent tous les ferre-files fur le flanc
d es colonnes , fi les officiers de nos troupes étoient
armés d’une manière convenable à çette deftina-
tion qu’ ils leur donnent -, mais leurs épées courtes
& plates , mais leurs petits fufils & leurs faibles
bay on nettes offriront toujours un obftaçle infur-
montable à cette manière de placer les officiers.
On eft plus d’accord fur le front des colonnes-, que
fur leur profondeur; on ne varie guères que de vingt-
quatre à trente-deux hommes. Si j’avois à décider
entre ces deux nombres, je me rapprocherais plus
volontiers dupremierque du leçon d -, il me femble
* qù§ quatre colonnes, qui o’auroient que vingt-'
quatre hommes de front chacune , pofteroîent
plus de trouble dans la ligne ennemie , que. trois j
qui auroient trente-deux hommes de front chacune;
Le nombre vingt-quatre n’ a pas, j’en conviens,
comme le nombre trente-deux , l’avantage d etre
toujours exaâenient divifible par deux -, mais cela
eft-il ici abfolument néceffaire t II eft bien rare,
il eft impoflible qu’une colonne qui attaque l’oit
obligée , après avoir percé, de former des divi-
fions perpendiculaires à fon front qui aient moins
de trois hommes de profondeur : obferv.ons de plus
que fi une colonne de vingt-quatre files de front &
de douze de profondeur eft obligée de fe divifer
pour en former dfc'.ux, chacune de ces nouvelles
colonnes , ayant douze files de profondeur 8c
douzé de hauteur , eft également forte par quelque
face qu’elle marcùe : obfervons enfin que les
plus petites fubdivifione d’une colonne^ de vingt-
quatre files, font naturellement marquées par nos
caporaux placés dans le cang : mais , fans nous
occuper plus long-temps des détails des colonnes y
cherchons plutôt les principes généraux qu’on doit
fitivre dans leur formation , o u , ce qui eft la
même chofe , difons quelles font les qualités
qu’elles doivent réunir pour être bonnes.
Une colonne parfaite feroit celle qui fe mou-
yeroit en ayant, en arrière & fur fes flancs ,
avec la plus grande légéreté *, qui ferait également
forte fur chacun de fes differens fronts ;
qui fe formerait & fe déploieroit avec promptitude
& facilité ; qui fe diviferoit fans rifque &
avec vivacité , pour tomber lur les flancs d’une
troupe qu’elle aurait percée -, qui reparerait fans
peine les défordres arrivés dans fon intérieur i q u i,
malgré fes pertes, préfenteroit toujours à fes àdver-
faires un front égal & une profondeur fuffifante >
qui par fon feu éloignerait l’ennemi *, qui^ pourroit
être compofée avec des divifions inégales-,
& qui fe prêterait enfin avec facilité a tous les
terrains qu’ elle devroit parcourir.
Les colonnes faites >pour fixer l’attention des
militaires peuvent fe réduire a trois , les autres
n’en font en effet que des' variétés. Ces trois colonnes
font : i ° . celle que notre infanterie exécute -,
z®. celle que M. Dumenil-Durand a imaginée, &
3°. celle que M. de Seguier a créée.
La colonne formée en arriéré & for le centre
du bataillon:, eft , fans doute, une des meilleures
qu’on puiffe imaginer ; elle réunit plufieurs des
qualités que nous avons demandées, & nous ne
devrions même point en chercher d’autre , s’il etoit
poffible d’éviter dans fa formation ce calcul de
files qui eft néceffaire peur en rendre les divifions
égales -, fi Fon habituoit les troupes à la
former & à la déployer en marchant-, fi l’on trou-
voit le moyen de placer ailleurs que.,dans fon intérieur
les officiers & les bas-officiers de ferre-ftle.
Nous nous difpenferons de parler de la colonne
de M. Dumenil-Durand & de fon mécamfme ;;
il n’eft , j’ofe le croire , aucun militaire inftruit
ou défireux de s’inftruire , qui ne la connoiffe ,
qui ne l’ait, étudiée : paffons donc a la colonne
de M. de Seguier.
M. de Seguier, après avoir prouvé, dans l’ouvrage
qu’ il nous avoit confié, les avantages de
l’ordre profond & des colonnes qui en font la,
bafe -, après avoir payé aux -créateurs des differentes
colonnes le tribut d’éloges qu’ils méritent ;
apprécié leurs ouvrages avec équité, & démontré
qu’il eft de l’intérêt général de permettre
l’expofition & la difculfion de tous les fyftêmes
& de toutes les opinions , parce que les débats
produifent les jugemens folides, demande fi c eu;
par réflexion ou par imitation qu’on a divifé , par
des intervalles parallèles à leur front, toutes les
colonnes qui ont paru depuis celle de Folard.
Cette manière de divifer lés colonnes paraît , à
M. de Seguier , vicieufe à beaucoup d’égards.
1®. Lorfque la colonne, dont les intervalles
font parallèles au front, eft ferrée en maffe , elle
ne fait plus qu’ un corps contigu ; il n’eft^ donc
plus poffible de remédier aux défordres qui arrivent
dans fon intérieur , & les hommes qui ont
été bleffés , n’ ayant pas la poflibilité de fe retirer
de la mêlée , font ou foulés aux pieds par la
colonne entière , ou la caufe qu’elle dérange l’on
mécanifme pour leur ouvrir une iffue.
z°. Les colonnes , dont les intervalles font
parallèles au front , ont bien toujours la même
ptofondeur , parce qu’elles font compofées du
même nombre de divifions , mais leur front varié
de la manière la plus grande , foit à caufe des
pertes fuccelfi\oes qu’elles éprouvent, foit par les
détachemens , la mort ou les maladies, 8c&. ; or ,
s’ il eft important de conferver aux colonne* une certaine
profondeur , il eft bien plus effentiel encore
de leur conferver un front toujours le même , &
c’eft ce que le mécanifme de ces colonnes ne permet
point.
30. Si les coVmnes tranfverfales veulent faire
feu , elles ne le peuvent guères que par leur
front ; leurs flancs font eji effet compofés de
bouts de rang fournis à differens commandeniens ,
& d’ officiers qui ne doivent .jamais tirer : cependant
ce font les flancs des colonnes qui feals
peuvent être obligés de faire fouvent feu.
4®. Si les colonnes tranfverfales font dans le
cas de marcher par leur flanc, elles ne préfentent
encore que des bouts de rangs entremêles d’officiers
& de bas-officiers , q u i, mal armés ou mal
foutenus , ne peuvent faire un grand effort.
50. Si les divifions qui compofent une colonne
tranfverfale ne font point égaies , ce qui arrive
très-fouvent, fes flancs ne font point contigus.
6°. Si l’on eft obligé de détacher d’une de
nos colonnes la troupe qui forme un <te