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cette perfévérance ne fuppofoit pas une vertu héroïque
lorsqu'il n’y avoir point de citoyens qui ,
pour remplir quelque devoir, ne fe réfignaflentà
l’ennui, aux fatigues, &c.
Malheur donc aux nations dont les lois ou les
moeurs étouffent le courage ! Elles en font bien
peu dédommagées par les reflources de l’art, trop
foible garant des empires. Il pourra bien leur pro-.
curer un moment d ’eclat à l’aide de quelque grand
homme ; mais la feule fupériorité permanente eft
celle qui a fa bafe fur les vertus. Un peuple brave
& magnanime fait éprouver des revers , des humiliations
par l’effet des circonftances paffagères 5
mais bientôt il fe relève 8c prend fa place. Voyez;
Rome : tant qu’elle conferva l’énergie de fon courage
, la fortune parut à diverfes reprifes avoir
juré fa perte. Les Gaulois, Pyrrhus, Annibal l’accablèrent
tour- à-tour } mais bientôt après on la vit
fortir de fes débris & de fes cendres, & charger
de fer les • mêmes peuples qui l’avoient mife au
bord du néant, plus redoutable , plus püiffante
avec fon feul héroïfme, qu’avec la monarchie du
monde quand cèt héroïfme eut difparu.
V ENT. Chacun fait combien il importe fur mer
d’avoir l’avantage du vent j mais on n’ eft peut-être
pas affez perlùadë de fon heureufe influence fur
terre rThiftoire la prouve cependant par mille
exemples.
Une des principales caufes du gain de la bataille
de Cannes fut' fattention qu’eut Annibal de dif-
pofer fon armée de manière à avoir le vent à dos. ,
Les Carthaginois ne furent battus par les Co-Î
• ïinthiens fur les bords de la rivière de CremifeY,
que parce qu’il s’éleva pendant le combat un vent
furieux, q u i, chaflant la grêle au vifage des pre->
miers, les força d’abandonner le champ de ba-;
taille.
Les Romains furent défaits par les Sarrafins au- '
près de Damas , fous le règne a’Héraclius , parce
qu’il s’éleva au commencement de l’aêtion un vent
violent, qui pouffoit des tourbillons de pouffière .
vers les Romains & les èmpêchoit de faire ufage
de leurs armes.
Dans la bataille que Màrius livra aux Cimbres, \
l ’an de Rome 652 , il dut principalement la victoire
à la manière dont il rangea fes troupes j il
les difpofa de façon à ce que les Cimbres euflent
Je foleil levant 8c la pouffière dans les yeux. Ce^ :
défavantages, joints à la chaleur de l’étéYà laquelle j
ces peuples n’étoient pas accoutumés , caufèrèfït j
leur défaite.
A la célèbre bataillé dé Bouvines., donnée2éh j
1214-, Philippe - Aiïguftë^duïi en'gràndè partM là -
victoire à l’adreffé de-frère Guérin T chevalier'dé
l’ordre dès Hôfpjtàliers f ëvêque: dé’ ;Senlis 3 tjpi ;
difpofa l’armée, françaife de manière qu'elle‘ eut *
toujours 1^ vent à dos.• t1;* - y 3 -Dans îel;cdîpméncemeht -de la bataille dè$ei$-
f i c k , ; lés^ ïm p é r i^ avdient le véht' SMe&Y^Ie-s {
V t T
Suédois &• les Saxons l’avoient en face, & ils
étoient très incommodés par la pouffière & la fn*
mée pendant la canonade qui précéda le combat 5
I le roi fit faire divers mouvemens à fes troupes,
au moyen defquels il réuflit à avoir le vent à dos.
La bataille de Narva fut perdue par les Mofco-
vites, parce que le vent leur portoit la neige au
vifage..
D’après ces divers exemples, nous conclurons
qu’un général doit , avant de fe décider fur le
choix d’un champ de’ bataille, connoître les vents
qui y régnent le plus communément, & l’heure à
Iaquellè ils fe font fentir, pour diriger , d’après
cette connoiffance, le commencement 8c la durée
de l’aétion.
Nous dirons aufli que fi le vent commence à
fouffler lorfque la bataille eft commencée, fi l’on
ne peut pas changer fa poficion, il faut fe prefier
de joindre l’ennemi.
Si*, pendant les batailles, le vent peut être contraire,
il ne peut que favorifer dans les furpiifes:
aufli doit-on choifir de préférence les nuits où il
foufflera avec force. L’agitation de l’ air empêche
que les troupes foient aufli aifément entendues
Sc découvertes.
Les vents doivent être aufli confidérés dans la
conftruétion des magafins : on doit avoir l’attention
de les expofer à ceux qui paffent pour les plus
' fainà.
VÉTÉRANS. Chez les Romains, on donnoit
le nom dë vétérans aux foldats qui avoient fervi,
pendant vingt^-cinq ans, dans les armées de la république,
& q u i, après ce tems prefcrit par les
ordonnances , ayant la liberté de fé rétirer, fe déterminaient
à continuer le fervice., 8c étoient mis
au rang des vétérans ou volontaires. Ils avoient
'des privilèges , étoient exempts des faCiions 8c
Mes1 travaux, excepté feulement lorfqu’ il s’agifloit
de s’oppofer à l’ennemi } .s’ ils vendoient ou achetaient
quelque chofe , ils étoient difpenfés du
droit des halles : ils étoient francs de toute capitation,
dé tôute charge personnelle. S’il arrivoic
que. quelqu’ un d’eux fût recherché on arrêté fur
le.foupçon d’un crime capital, la confidération
qti’ôn avoit pour fa qualité de vétéran, le 4fùi-
voit, jufque dans la priion, ou il avoit un lieu fé-
paré des autres criminels. On ne pouvoit le condamner
aux verges ni aux peines décernées
•contre les gens du menu peuple : aufli, dahs les
‘à&es publics & le s monumens lesf plus communs,
m n’ bublioient guère de fé parer de ce nom, qui
ie^ diftingUQit fffo r t de l'éiirs concitoyens.
‘''.Xügufté , qui abrégea lé tem’s du‘ fer vice des
Vétfétans 8c le réduifit à vingt ans,pour 1'.infante-
¥iè & à dix pour la cavalerie -, ' fit ùn règlement
perpétuel pour aflurer leur fortune} il' accorda
5,OQO drachmes, aux .prétoriens , 8c 3,000. aux
■ àutrès'^ldats aprè^s vingt ans. La draçjimé valoit
un pèu'plÙs dè i livre.-' ■
V Ê T
On peut v o ir , par ces détails 8c beaucoup
d'autres que l’ on trouvera dans le mot T ac tique
du Dictionnaire 3 combien les foldats vétérans ,
chez les Romains, étoient infiniment mieux traités
que chez nous , où l’on croit avqir tout fait
pour eux quand on les a renfermés dans line e f p è c e
d’hôpital, ou qu’on leur a accordé chez eux une
penfion fi modique 8c fouvent fi in e x a c t em e n t
payée, qu’elle ne peut pas leur aflurer de quoi
fe foutenir pendant un tiers de l’année. Nous nous
fommes déjà occupés de cette intéreffante portion
du militaire français au mot I n v a l i d e dans ce
Supplément, & nous faififfons avec empreflement
l’occafîon d’ y revenir encore. En effet, n’éroit-ce .
pas affez pour ces braves défenfeurs de la patrie,
d’avoir été fournis à la rigidité de la difcipline
militaire pendant le tems où ils étoient réunis
pour maintenir la tranquillité dans l’empire, ou
repouffer l’ennemi de fes frontières ? Faut-il encore,
dans le moment où ils ont le plus befoin
de libertés 8c de jouiflances, être obligé de les
founîettre à des contraintes & à des privations ?
Parce qu’il plut autrefois à un roi pétri d’amour-
propre d’entaffer leur devancier dans une maifon
dont le luxe extérieur & les dépenfes hors d’oeu-
vreannonçoient, non le bonheur des individus
qu’elle renferrnoft , mais bien la vanité du fondateur
'8c les dilapidations des régifleurs & de
l'état-major.
Chez une grande nation il faut, à chaque pas ,
trouver des objets qui proclament fa gloire. Eh !
la proclamerez-vous, en entaffant dans une, deux
ou trois maifons les défenfeurs de la patrie , eftro-
piés, mutilés ou fouffrans ? Aurez-vous travaillé
de la manière la plus efficace au bonheur de ces
rèfpeCtables citoyens , en les éloignant des lieux
qui les ont vu naître, en les foumettant à une
efpèce de vie m o n a c a l e , en les r é u n i f ia n t dans
,des fieux où les vivres font aufli chers, les moeurs
fi corrompues , les opinions fi dépravées , les fé-
duÇtions fi faciles, les mauvais exemples fi fré-
,quens ?
Voulez-vous, au contraire , faire proclamer la
gloire de la grande nation 8c la faire bénir dans
chacune des communes de la république ? voulez-
vous contribuer à procurer aux vétérans de véritables
jouiflances & une bonne fanté , aflurer une
grande économie pour le fife, de bons exemples
& un bon efprit dans les communes 8c la campagne?
renvoyez fur leurs foyers ces vétérans retenus
depuis fi long-tems ifolés par de fauffes idées
de munificence à l’extrémité d’une grande ville.
Les fer vices qu’ils ont rendus à leur patrie , ne
doivent pas.les priver des douceurs de la fociété.
Hs peuvent encore prétendre à être bons pères ,
bons maris, fils vertueux, frères fenfibles, amis
fidèles 5 leurs talensg leurs connoiffances , leur
induftrte’, leur force , tout ne doit pas être enfoui
j tout ne doit pas refter dans une inertie
préjudiciable, à e u x , à U fociété, à.leur pays.
V Ê T p i
-Qus l’ on rencontre donc partout des défenfeurs
de la patrie bénifiant fes foins pour eux, exerçant
là jeunefie au métier des armes, excitant
fon courage, s’occupant des arts, de l’agriculture
, faifant l’ornement des fêtes républicaines j
contribuant à la fureté des routes , à leur entretien,
à faire refpe&er les récoltes , à percevoir
les droits aux barrières , 8cc, 8c dès - lors vous
trouverez à chaque pas ces4 objets fi néceffiures
à la profpérité de tous, relégués encore exclufi-
vement & rarement fur quelques points de la fin-
face de la-république.
Et ne craignez pas que cette munificence bien
mieux entendue fût onéreufe au tréfor pubiic.
Nous avons dit , au mot Invalide , que'chacun
d’eux coûtoit'au gouvernement 1 f r a n c 3 y cent,
chaque jour j mais cette fomme ne doit être employée
qu’à leur nourriture & à leur habillement :
il y a une foule d’autres dépenfes auxquelles il
faut encore fubvenir, & les p e r fo n n é s qui ont
été chargées de cette partie comme r é g i f l e u r s 8c
comme entrepreneurs, les portent à p k s d e 2 fr.
par jour pour chaque vétéran j ce qui n é c e f i k e r o i t
une fomme de plus de 7,30 francs p a r 'a n n é e pour
chaque individu.
Deftinez au contraire à chacun d’eux une fommo
dont le minimum foit de 273 francs 75 centimes
par an ou 7 y centimes par jou r, 8c le maximum,
de yJ7 fr. 50 cent, par an , ou 1 fr. 50 cent, pat
jour î ce qui feroit moins de 400 francs par an
par tête de-vétéran^ & par conféquent un gain
de la moitié de la fomme qu'ils coûtent aujourd’hui
au tréfor public, & vous aurez contribué
au bonheur de chaque vétéran, à celui de leur
famille} & peut-être même y auroit-il encore un
moyen de foulager le tréfor public de plus de la
moitié de cette dernière fomme , ainfi que de
celle deftinée à payer actuellement la retraite des
officiers de tous grades, qu’ il faudroit aufli ranger
dans la claffe des vétérans , en fixant la quotité
de leurs retraites pour l’ inftantoù ils auroient
mérité la vétérance, & félon le grade qu’ils oc-
cuperoient à cette époque , mais dans la fuppofi-
tion toutefois que leur fortune ne fût pas fuffi-
fante pour les faire vivre dans une médiocrité
ai fée ( Y aurea. mediocritas d’Horace ) ; car, dans le
cas où ils pour-roient fe pafler des bienfaits pécuniaires
du gouvernement, on fe borneroit à
leur donner des marques diftinCtives de leur vétérance
, félon leur grade. ,
Car l’on ne doit pas oublier, 8c jamais peut-
être l’ on n’en a eu de plus fortes preuves que
dans la guerré de la révolution, furtout depuis
la création de la république, parmi les officiers de
tous grades, mais furtout les officiers-généraux »
les employés du gouvernement &rles commiffaires
des guerres , que , pour quelques hommes privi-^
légiés qui ont ambitionné la probité 8c la gloire ,
tous les autres n’ont pourfuivi que l’ argent : aufli
\ l’ambition, en agitant fonhambleau, a-t-elle cou