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modernes ne retrouvent plus rien en eux de
cette vigueur d’ame que tout infpiroit aux anciens?....
Voulez-vous acquérir ce courage d’ef-
p it & de corps fans lequel les hommes ne-font
que de vils efclaves ? Infufez , pour ainfi dire ,
dans toute la nation * le befoin du patriotifme;
établi liez tellement la république dans les coeurs
des Français* qu’èlle y fubfilte malgré tous les
efforts de fes détraûeiirs......... N’avez-vous pas
d’aflez grandes preuves de tous vos moyens,
pour braver la oui (Tance & l’ ambition de tous
vos voifins ? Voulez - vous les affurer? Voulez-
vous les augmenter? Joignez-y la vertu de vos
citoyens* leur zele patriotique* la forme particulière
que des inftitutions nationales peuvent
donner à leurs âmes : faites enfin qu’un. François
foit un homme qui fafi'e oublier à l’univers
les monftruofités de favrévolution, pour ne laiffer
que le fouvenir de fes vi&oires , de fon courage
& de l’héroïfme de tant d’hommes refpec-
tables & de femmes furprenantes * dans les priions
& fur l’échafaud.
: Ce font les inftitutions nationales , les fêtes *
Jes fpeêtacles, les jeux qui forment le génie, le-
caractère, les goûts * le corps & les moeurs du
peuple s qui le font être lui & non pas un autre*
qui lui infpirent cet ardent amour de la patrie ,
fondé fur des habitudes impollibles à déraciner*
& qui le. font fouffrir par-tout où il n’ eft pas
dans fon pays.... Sou venez-vous de ce Spartiate*
gorgé des voluptés de la cour du grand ro i, à
qui l’on reprochoit de regretter la fauce noire :
Ah / dit-il au fatrape* en foupirant , je comtois
.tes pluijjfs * mais tu ne connois pas les nôtres.
Donnez une pente heureufe aux paffions des
François, vous donnerez à leurs âmes une phy-
fïonomie nationale ; commencez toujours par
leur infpirer une grande opinion d’eux-mêmes 8c de leur patrie ; après la réfiftance qu’ils ont
oppofée pendant cinq ans aux efforts de toute
l’Europe ; après leurs victoires fi éclatantes ,
cette opinion ne fera pas : fauffe'; combien il fe-
roit précieux de faifir la circonftance des événe-
mens préfens, pour monter les âmes au ton des
âmes antiques...... Inftituez une fokmnité périodique
pour célébrer vos ,vi<fto;res 8e les noms
de tous ceux qui y .ont contribué ou qui ont
bien fervi la chofe publique * vouez en même-
temps à l’anathême tous ceux qui ont trahi la
caufe commune ; que cette fête foit célébrée
.ay.ec une pompe non brillante 8c frivole* mais
fimple , fière ’& républicaine ; qu’on y fafl’e dignement,
mais fans emphafe* l’éloge de ces ver-
tU€jUX citoyens qui ont eu l'honneur de fouffrir
ou dépérir pour. la patrie ; qu’on accorde même
à leurs'fam;lies quelques privilèges honorifiques
qui puiffent rappeller toujours ce beau fouvenir
a.ux yeux du public.
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f Par des honneurs * par des récompenfes publiques
, donnez de l’éclat à toutes les vertus
patriotiques* occupez fans ceffe les citoyens de
la patrie, faites-en leur plus grande affaire, tenez-
la inceffamment fous leurs yeux.
Beaucoup de jeux publics* où la bonne mère-
patrie fe plaife à voir jouer fes en fans ; qu’elle
s’occupe d’eux fouvent, afin qu’ils s’occupent
toujours d’ elle; pourquoi n'auioit-on pas le courage
de fupprimer ces amufemens ordinaires des
cours , lé jeu * les théâtres , comédie * opéra ,
tout ce qui efféminé les hommes* les dét-uit,
les ifole , leur fait oublier leur patrie 8c leur
devoir; tout ce qui les fait trouver bien partout
y pourvu qu’ ils s’amufent? Beaucoup de fpec-
tacles en plein air ,o ù tout le peuple prenne part
également, comme chez les anciens, 8c où, dans
certaines occafions,les jeunes propriétaires riches
falfent preuve de force & d'adreffe j les combats
des taureaux n’ont pas peu contribué à maintenir
une certaine vigueur chez la nation efpagnole;
ces cirques, où s’exerçoit jadis la jeuneftè , de-
vroient être foigneufement rétablis * on en de-
vroit faire des théâtres d’honneur 8c d’émulation;
rien ne feroit plus aifé que d’ y fubftituer
aux anciens combats, des exercices moins cruels,
où cependant la force 8c l’adfeffe auraient part *
& où les victorieux auroient de même des honneurs
& des récompenfes; le maniement des chevaux
eft auffi un exercice très-fufçeptible de l’ éclat
du fpeêtacle.
Lés héros d’Homere fe diftinguoient tous pnr
leur force 8c leur adr.efîè , 8c par-là montroient
aux yeux du peuple qu’ils étoient faits pour le
défendre 8c lui commander. Les tournois dés
Paladins formoient des hommes non-feulement
vaill&ns 8c courageux, mais avides d’honneur &
de gloire, 8c propres à toutes les vertus; l’ufage
des armes à feu, en faifant regarder mal à-propos
ces facultés du corps comme moins utiles à !a
guerre, les a fait tomber en difcrédit, d’où il
eft arrivé que hors les qualités de l’efprit foü-
vent déplacées, équivoques, fur lefquelles on a
mille moyens de. tromper, & dont le péuple eft
mauvais juge, un homme avec l’avantage de la
richeffe n’a rien en lui qui le diftingue d’un
autre, qui juftifie fa fortune, qui montre dans
fa perfonne un droit naturel à la fupériorité; 8c
plus on néglige ces lignes extérieurs , plus les
nommes faits pour afpirer à des places s effé-
minent 8c fe corrompent impunément; il importe
pourtant, 8c plus qu’on ne penfe, que ceux qui,
I par leur inftruction, leurs talens, leurs connoil-
] fances , doivent avoir plus de prétention aux
| places , fe montrent dès leur jeuneffe fupérieurs
j aux autres en tous points, ou du moins qu'ils’ y
! tâchent. Il eft bon d’ailleurs que le peuple de
i routes les clalfes fe trouve fouvent avec eux dans
• des occafions agréables; qu’il les connoiffe, qu’ il
s’accoutume
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s'accoutume à les v o ir , qu’il partage avec eux
fes plaifirs ; c ’eft le moyen qu’il s’y affectionne 8c qu’il joigne pour eux l'attachement aux égards;
enfin le goût des exercices corporels détourne
d'une oifiveté dangereufe* des plaifirs efféminés
& du luxe de l’efpric ; c’ eft fur-tout à caufe de
Fauve qu’il faut exercer le corps , 8c voilà ce
que nos petits fages Font tro;p loin dé’ voix.
Ne négligez point une certaine décoration
publique.; mais évitez , dans l’appareil des fo-
îemnités, le clinquant, le papillotage 8: les dé
corations de luxe qui font d’ufage dans les cours.
Les fêtes d'un peuple libre doivent'toujours
refpirer la décence & la gravité , 8c l ’on n’y
doit préfenrer à fon admiration que des objets
dignes de fon eftime. Les Romains, dans leur
triomphe, étaloientun luxe énorme; mais c’était
le luxe des vaincus : plus il brilloit, moirts il
féduifoit ; fon éclat même étoit une grande leçon
pour les Romains : les rois captifs étoient
enchaînés avec'des chaînes d’or 8c de pierreries;
voilà du luxe bien entendu ; fouvent on vient
au même but par deux routes bien oppofées
Deux Balles de laine * mifes dans la chambre des
pairs d’Angleterre, devant la place du chancelier,
forment une décoration touchante 8c fublime.....
Deux gerbes de b lé , placées dans le fénat français,
n’y feroient pas un moins bel effet.... Au
refte, tolérez le luxe militaire* celui des armes,
des chevaux; mais que toute parure efféminée
foit en mépris, 8c fi vous ne pouvez y faire renoncer
les femmes, apprenez-letir au moins à Fim-
•prouver & la dédaigner dans les hommes.
, Nous terminerons cet article fur les fêtes, en
Faifant obferver combien il eft dangereux d’en
donner , pendant la guerre , dans les camps 8c
■ dans les villes affiégées ou expofées -à être fur-
prifes....*. Les fêtes 8c les réjouiffances font des
inftans propres aux attaques 8c aux furprifes.
Le • .connétable de Bourbon .& le comte de
•Saint-Pol ayant appris, en 1 5 1 1 , que la ville
d’Hefdin étoit fans garnifo», & que le lendemain
on y célébroit les noces de la fille unique
•du receveur - général de l’Artois, imaginèrent
que les fêtés occafionnées par ces noces, & la
négligence qui en feroit la fuite , leur feroient
favorables pour tenter une furprife : en confé-
quence iis partirent fur-le-champ , 8c par une
marche forcée, traverfèrent l’Artois dans prefque
toute fq, longueur, 8c arrivèrent aux portes
d’Hefdin , tandis qu’on les croyoit encore aux
environs de Bouchain.
Il en eft de même des exercices de la religion.
L’an 854, l’empereur Michel ayant mis le
fîége devant une des -villes des Sarrafins, fituée
fur l’Euphrate, ceux -c i l’obligèrent à le lever
honteufement, en faifant une fortie générale un
dimanche , pendant que L s chrétiens étoient
Art Milit. Suppl. Tome lV*
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occupés aux exercices de leur religion 5 ils mirent
toute l’armée en fui t é , 8c fe rendirent maîtres
du camp & de tous les bagages.
Keykans, roi de Perfe, après une guerre contre
Zulzogax , roi d’Arabie, force ce prince à lui
donn.r fa fille en mariage....... Keykans, enivré.
de fa paffnm , ne fonge plus qu'à donner des
fêtes & à faire régner, dans fon -camp, la joie 8c les plaifirs. Zulzogar, prévoyant ce qui ve-
noit d'arriver, raffemble fecrettement un corps
de cavalerie, fond fur l’armée perfanne, remporte
une viûoire complette & fait le roi pri-
fonnier nouvelle preuve combien les fêtes &
les réjouiffances font des inftans propres aux
furprifes, 8c combien conféquemment on doit,
dans ces circonftances , être fur fes gardes avec
encore plus d’attention que dans les autres
inftans.
FEU. L’auteur de l ’article fe u , dans le dictionnaire
militaire, a parfaitement .traité cet objet
important; mais-les expériences récentes faites
dans la guerre de la révolution françoife* fem-
blent prouver toujours davantage combien, d’une
part* il feut peu compter for le feu.de la mou fi
queterie pour gagner les batailles, 8c de l ’autre ,
combien au moins pour les François, le feti à
volonté, exécuté par des tirailleurs , eft préférable
à tout autre & d’un effet bien plus meurtrier.
Mais toute une armée ne peut pas être
mife en tirailleurs. Non* fans doute; on fait
ufage de ces fortes de troupes 8c de leur feu
pour couvrir ou mafquer les mouvemens de
l’armée , ainfi "que ceux de t’artillerie légère.
D’ ailleurs il eft bien rare, vu la force aétueüe
des armées, de les voir fe joindre fur tous les
points ; la tadique même la plus favante cherche,
toujours à en refufer une partie pour renforcer
l’autre, ou lui procurer.la facilité de dépaflèr 8c d’envelopper une des ailes de l’ennemi. Dans
ces differentes manoeuvres , rarement l ’aîle .référée
peut-elle faire ufage de fes armes ; & dans
le cas où cela lui arrive, elle le peut ordinai-
-rement avec plus de fécurité, parce que lé général
aura tâché , pour la mettre plus en fureté,
de tirer parti des localités, ainfi un ravin un
ruiffeau * des terreins marécageux, & c . , d’où
s’enfuit la poffibilité de faire un feu à volonté
fur deux rangs, 8c même trois 8c quatre, en
ouvrant les files 8c en étendant un peu le front
pour éviter les accidens : quant à la partie déf-
tinée à attaquer, on ne voit pas ni quand ni
comment elle pourroit faire feu 5 car fon grand
but doit être d'enfoncer l’ ennemi, déjà ébranlé
par les tirailleurs 8c plus encore par l’artillerie
volante, qui fera venue fe placer fur fon flanc *
prefqu’à la portée du fufil, 8c porter le défordre 8c la mort dans fes rangs ; alors, ou l’on eft formé
en colonnes* 8c on ne peut pas tirer; ou i’ou