
manquoit d'appuyer fa théorie par de la pratique.
Tout devient alors une four ce de réflexions : un feul
événement vous en fait calculer une foule d’autres
> une faute , une erreur vous en fait éviter
mille j une combinaifon juftifiée ou trompée j
une pofition bien ou mal prise, vous donnent
des c o n n o i (T a n c e s qui doivent contribuer à vous
afliirer des fuécès.
C^ajlaw OU Ch.otu.Jih'> — 1742. — 1 7 mai.
Le prince Charles de Lorraine avoir raffemblé
trente mille hommés dans la Baffe-Autriche pour
ruiner les magafins de Czaflaw-& de Koliin : le
roi de Pruffe eft obligé de marcher avec une
partie de fon armée vers Czaslaw et Kuhenberg,
Pour s’oppofer à ce projet. Le prince Léopold
de Breflaw. Au lieu de fai fi r ces ocçafions , par une
fécurité impardonnable, il fe laiffa .furprendre, &
fut battu en grande patrie par fa faute. Le roi donna
encore plus de pri e que lui a la cenfure. Il fut averti
à rems du projet des ennemis ; il ne prit aucune
meiure fuffilante pour s’en garantir^ Au heu de mar-'
cher à Joegerndorff pour éparpiller encore plus fes
'troupes , il auroit dü raffembler toute fon armée &
la placer en cantonnement refferré aux environs de
Neiffe : il fe laiffa couper du duc de Holftein, &
fe mit dans la néceflité de. combattre dans une pofi-
tion ou , en câs de malheur, il n’avoit aucune
retraite, & où il rifquoit de perdre l’armée et de fe
perdre lui-même. Arrivé à MolWitz, où l’ennemi:
cantonnoit, au-lieu de marcher avec vivacité pour
féparer les cantonnemens des troupes de la reine , il.
perd.deux heures.à fe former méthodiquement devant ^
un village où, ,aucun .ennemi ne, paroiffoit j s’il avoit •
-feulement .attaqué ce village de Mollarirz, il eut
pris, toute cette infanterie.autrichienne , i à-peu-près
de même que vingt-quatre ,bataillons français furent
pris à Blindheim. Mais il n’y avoit dans fon armée
que le maréchal de Schw'erin qui fût un homme de.
tête & un générai expérimenté, Il régnoit beaucoup
de bonne volonté dans les troupes , mais ellés ne
>cOnnoiffoient que les petits 'détails ; & faute d’avoir
dàit la guerre , elles n’alloient qu’èn , tâtonnant &.
■ craignoient les partis déci'fîfs. Ce qùÙfauva proprement
les Prufliens, ce fut leur valeur & leur
difçipline, MolWitz ffut l’école du roi & de fe s 1
troupes.
Après les obferyationScde Frédéric, ofons ajouter
.combien il fut aifé de lé .convaincre>, dans la.jcarnée '
(de Mollv/icz, que ces .mêmes.-Pruffiens, formés de
longue main à tenir leurs rangs,ferré s fans gêner le
: foldaç, à marcher enfemble par bataillons & par
r^gimens, en faifanr.conftamment foixanre & quinze
pas par minute, fa voient porter en avant,, leur ligne
è.ï3<ffement alignée , . en . obfervant imperturbable- !
des,in^rYaWes..cqjjjp;Urs;fgaux. çntçfr, leurs" ba.
le fuît le lendemain avec le relie ; vers la nuit,
le prince fe trouve en face des ennemis , qui
s’étoient déjà emparés de Czaslaw : il fe campe
près de cette ville & de Chotufilz.
La bataille fe donne-; l ’aîle gauche de la cavalerie
autrichienne eft affaillie & culbutée par la
cavalerie pruflienne ; le roi la fuit avec la droite
de fon infanterie : fur la gauche des Prufliens, Ls
ennemis font plus heureux; après s’être renforcés
, ils renverfent la cavalerie pruflienne, &
l’infanterie autrichienne s’avance vérs Chotufilz ;
mais l'aile droite du roi déjà vi&orieufe, décide
de l’iffue du combat en prenant l’ennemi en
flanc près de Chotufilz. En même-terns-le général
Levaid fo: t de ce village & fond, la bayonnette
au bout du fufil, fur ce qui refte d’ennemis , qui
fuit & gagne la Moravie (1 ).
taillons,, leurs efcadrons & leurs lignes. Ils fe déve-
loppoient par échelons fur_le point où ils jugeoient
à propos, foie à leur droite , foit à leur gauche, &
portoient plus ou moins ,de forces fur celui où ils
vouloient faire effort, avec" la plus grande célérité ,
tandis que le refte de leur armée, jaientiffant fon
pas, & finiffânt. quelquefois par s’arrêter, refufoit
ainfi de s’engager, & fe bornoit alors à Contenir &
à couvrir le flanc de l’attaque. Bientôt on les vit
porter enfemble leurs lignes de cavalerie à deux mille
pas au moins en avant, au galop , fans déranger
leur alignement, foit avec des intervalles entre les
efcadrons, foit en muraille. L’infanterie avoit déjà
la pc>lïxbilité de pouvoir fournir un feu continu 'bien
fuperieur à celui de l’infanterie autrichienne & des
autres puiffances, par la conftruétion particulière de
fes fufils, & par fa formation fur trois de hauteur,
au moment bù leurs ennemis étoient encore fur
quatre & fur cinq. On ne tarda pas auffi à s’appec-
cevoir combien ils poffédoientle grand art de cacher
long-tems leur projet par des mouvemens fimulés ,
qui, femblant menacer tout le front de l’ennemi,
1 obligent de fe tenir également en garde fur tous les
•points, jufqu’au moment où ceux fur lefquels les
Prufliens £e,font décidés à faire effort, foient attaques
avec l’ordre & i’enfemble obfervés alors dans
leurs -lignes ; ce qui prouva que cette fcience de
.faire manoeuvrer toute une ligne procuroit le grand
avantage de.pouvoir prefque toujours attaquer, &
d avoir la facilité de renforcer affez la partie attaquante
, pour culbuter <Sc renverfer tout ce qui
peut fe trouver devant elle 5 & fe rabattant alors
fur les FLncs de l’ennemi, l’obliger à une retraite
précipitée.
(1) Nous allons continuer de copier le jugement
du roi de Pruffe fur cette bataille. Les généraux des
deux .partis .firent d^s fautes : il eft bon .de les
J . .examiner , pour n’.en pas . .commettre . fle . .pareilles.
I Commençons par M. de Kçenigfeçk. Il .forme .le
Mais le roi de Pruffe, en reprenant les armes
en 1744 j ne va P^us ®:re dans ^fcS arrn^eS uniquement
pour s’inftruire ; il va fe montrer le général
de fes généraux , & donner à fes actions militaires
un caractère plus décifif. Cependant.les événe-
mens qui fe fuccè !ent rapidement & qui lui font
contraires, viennent mettre (Frédéric dans la
pofition la plus critique. L’empereur Charles VII
meurt 5 Marie - Thérèfe conclut avec le jeune
électeur de Bavière la paix de Fulfen ; elle oppofe
à l’union de Francfort l’alliance de Varfovie avec
la Saxe, l ’Angleterre •& la Hollande : la Ruflie
y accède. Elle fait d’avance avec la Saxe , par le
projet de furprendre les Prufliens; il s’empare de
nuit' de Gzaslaw, & fes troupes légères efearmouchent
jufqu’au lever de l’aurore avec les grand’gardes
des Prufliens. Etoit-ce à deffein de les tenir alertes
& de les empêcher d’être furpris, ou dé les avertir
du projet qu’il méditoit? Le jour de i’àéfion il pouvoir,
dès l’aube du jour, tomber fur le camp du
prince Léopold , que ie roi ne joignit qu’àfix heures.
Que fait-il : Il attend jufqu’à huit heures du matin
pour fe mettre en mouvement, & l’avant - garde
pruflienne arrive. Quelles fautes fait-il dans la ba-,
raille même ? Il laiffe au maréchal de Buddenbroek
la liberté de fe faifir d’une hauteur avantageufe ,
d’où la cavalerie pruflienne fond fur fon aile gauche
& l’accablé : il prend le village .de Chotufilz ; &
au-l:eu de s’én fervir pour tourner entièrement le,
flanc gauche de fon ennemi, il fe prive de cet avantage
en y mettant le feu & en empêchant lui-même
fes troupes de le paffef ; ce qui protège, la gauche des
Prufliens. Il fixe toute fon attention fur fa, droite, &
il néglige fa gauche, que le roi déborde & force de
reculer jufqu'au ruiffeau de la Dobrava, où la con-
fufion de cette aile fe communique à toute l’armée.
Ce qu’on peut cenfurer dans la conduite du ro i,
o’eft de n’avoir pas rejoint fon armée dans ce camp.
II. pouvoit confier fon avant-garde à un autre officier.
Quant aux fautes commifes dans la manière
d’occuper le terreiu, elles doivent être attribuées au
prince Léopold; il auroit.dû fortir de fa fécurité,
averti des desseins de l’ennemi par fes continuelles
efcarmouches. il n’avoit pas fait un ufage judicieux
du terrein on il devoir combattre ; il auroit dû jetter
quelqu’infanterie dans le parc de Spilaw qui cou-
vroit fa gauche ; elle auroit empêché la cavalerie
autrichiennè d’en approcher. Sa cavalerie auroit dû
s’appuyer à ce parc ; par-là elle auroit laiffé derrière
elle les ruiffeaux qu’elle fut obligée de psffer en
préfence de l’ennemi, & fe feroit trouvée dans un
terrein où elle eût pu agir librement. La faute principale
du prince Léopold, avant l’aélion, fut de ne
vouloir croire à l ’attaque des ennemis qu’au moment
°u il vit leurs colonnes fe déployer devant fon front.
Heureufement la valeur des troupes triompha des
ennemis, des obftacles, du terrein, & des fautes de
ceux qui les Commandoient.
traité de Leipfîck, une répartition de plufieurs
Etats du roi de Pruffe, dont elle rejette les pro-
pofitions : il ne s’agiffoit de rien moins que ds
ramener Frédéric à la fortune de fes pères.
Hohenfriedbèrg. — 1 7 4 4 . — 3 juin.
Une feule bataille , qui dura trois heures,
changea dès le début-la face de toutes les chofes,
fauva la Siiéfie, & donna au roi la fupériorité
pour le refte de la guerre (1). Mais cette bataille,
Frédéric fut la oifpofer, y conduire les ennemis,
& y faire tout plier devant lui, par fon génie.
Le prince Charles & le duc de Weiffenfeid mar-
choient pour envahir la Siiéfie. La fituation des affaires
demandoit donc un événement décifif. En fe
tenant fur la défenfive, & fe bornant à empêcher
les ennemis de pénétrer en. Siiéfie à travers les
montagnes, le roi auroit été obligé'de facrifier
bien du monde, &c d’énerver fes provinces &
fes finances, parce que fon armée auroit été
obligée dé fubfifter à fes propres dépens , en
courant encore les rifques dé ne pas réuflir par
rapport à la fupériorité des forces de l’ennemi,
qui avoit derrière lui toutes celles de la Bohême,
& une fi grande quantité de troupes légères ,
qu’ il lui étoit très-aisé de paffer toute la campagne
à faire la petite guerre. De plus, le roi
ayant befoin de toutes fes forces pour faire rête
au prince Charles & au duc de Weiffenfeid, devoir
abandonner des hauteurs de la Siiéfie , où il
étoit à craindre qu’on ne lui rendît fes fubfif-
tances très-difficiles. Il étoit donc abfolument
néceffaire d’amener une bataille, afin de chafler
les ennemis de la Siiéfie , tic de tranfpott; r le
théâtre de la guerre en Bohême. Frédéric fit
donc un coup de génie en feignant de craindre
la fupériorité de l’armée combinée, & en faiiant
courir, le bruit qu’ il alloit prendre un pofte entre
Breflaw et G lo g aw , fur l’Oder, pour la commodité
de fes convois. En conféquence il évacua
les montagnes de la Haute-Siléfie &r le pays de
G la tz , raffembla tous les corps de fon armée,
(1) Comment les hommes qui tiennent les rênes
des gouvernemens peuvent-ils jamais oublier l’influence
décifive de certaines batailles , qui, dans
l’efpace de quelques inftans, anéantiffent toutes les
combinaifons de la politique, trompent toutes les
efpérances de l’ambition, ôtent ou donnent des
provinces, renverfent des trônes, humilient ou fub-
juguent des nations ? Comment, à la vue de ces
grandes leçons, peuvent-ils négliger leurs armées
dédaigner les vertus îiffiitaires, & ne pas s’affurer
d’excellens officiers-généraux , & des foidats pleins
de vigueur, de courage & de patriotifme.
(Eloge du roi de Prujfe. J