
décidoit d'un coup-d’oeii de fa vie ou de fa mort
dès qu'il étoit enrôlé : aufliaucun Romain n’avoit-
il le droit de combattre avant d’avoir fait le ferment
militaire^ Un foldat jufoit pour toute la légion,
d’obéir au général : chaque foldat en particulier
contvadloit le même engagement.
Toutes les nations ont toujours regardé le ferment
comme le plus fidèle gardien de la religion
& de l’état j de concert avec les autres citoyens,
tk feul s'il le faut.
On pourroit parler ici du refpeél extrême des
chevaliers pour le ferment qu’ils faifoient avant
chaque entreprife militaire ; ferment inviolable ,
dont rien ne pouvoir les difpenfer, & qui obli-
geoit également les chefs & ceux qu’ils com-
mandoient, à répandre tout leur fang plutôt que
dé trahir ou d’abandonner l’intérêt de rérat.
Dans le fervice pruflien, aucun foldat ne fait
t ferment d’être fidèle aux drapeaux qu’après a voir
reçu la communion , afin que la fainteté du ferment
le rende inviolable.
Dans toutes les occafions importantes , les anciens
le fervoient du ferment au dehors & au dedans
de l’état. Les infraéteurs des fèrmens étoient
regardés parmi eux comme des hommes -détefla-
bles, & les peines établies contr’eux n’alloient
pas moins qu’à l’infamie & à la mort.
Chez les modernes, on a fait'aufli ufage du ferment
; & parmi eux, comme parmi les anciens ,
on peut remarquer, dans cette inftitution un mé-
lange furprenant de fagefie & de folie f de vérité
& de menfonge ; tout ce que la religion a de plus
vénérable & de-plus augufte, confondu avec tout .
ce que la fuperftition a de plus vil ou de plus mé-
prifable. Les fermens ont fi rarement empêché les.
hommes de faire le mal, & de n’écouter que leurs
pallions ou leur intérêt, que l’on en fait bien
peu d’ufage actuellement, bien convaincu de l’inutilité
d’en faire prêter.
: SOLDAT. Nous nous bornerons , fur le mot
S o l d a t , à rappeler ici à nos lecteurs ce qu’en
dit M. de Voltaire.
« Le ridicule fauflaire qui fit le teftaraent du
» cardinal de Richelieu, donne pour un beau fe-
» cret d’état de lever cent mille foldats quand
. 3» on veut en avoir cinquante mille.» (Il paroît
que, pendant la révolution françaife, on avoit parfaitement
adopté l’opinion fi dangereufede cefauf-
faire. )
• « Si je ne craignois d’être aufli ridicule que ce ;
V » fauflaire, je dirois qu’au lieu de lever cent |
»i mille mauvais foldats, il 'en faut engager cin-
» quante mille bons, qu’il faut rendre leur profeflion
honorable , qu’il faut qu’on la brigue ,
» & non pas qu’on la fuie ; que cinquante- mille:
as guerriers, âfîujettis à la févérité de la r è g le ,
sa font bien plus utiles que cinquante mille'
»3 moines.
« Que les foldats en petit nombre, dont.on a
»> augmenté l’honneur & la paye , ne défer feront
33 point,
33 Que cette paye étant augmentée dans un état,
&.Ie nombre des.foldats diminué, il faudra bien
33 que les états voifins imitent celui qui aura le
33 premier rendu ce fervice au genre humain.
» Qu’une multitude d’hommes dangereux étant
3> rendus à la culture de la terre ou aux métiers,
>î chaque état ne- fera que plus floriflant. *3
SOLDE. Nous croyons devoir faire connoître
ici un mémoire fur la manière de folder les troupes,
qui a trop de rapport avec les idées qui font
la baféde l’ouvrage intitulé le Soldat citoyen, pour
que l’on ne nous pardonne pas de faifir toutes les
occafions de lui donner plus de poids.
L’etat militaire a une çonfillance folide en
France, depuis que le gouvernement a pris le
parti d’entrece.n:r des troupes continuellement fut
pied : c’étoit le feul moyen d’ en avoir , qui fuf-
fent exercées & difeiplinées- On a fu dès-lors fur
quelles forces ' on pouvoit compter , en cas de
guerre, & on a été afluré qu’ayant aflemblé une
armée, on pourroit fuivre les opérations projetées
fans avoir à craindre qu’au milieu de la campagne
cette armée ne vînt à fe décompo/er, &
ne fît échouer fon général, peut-être au moment
même où fes talens avoient préparé de grands
fuccès. C ’eft beaucoup fans doute ; mais la manière
dont on a pourvu à l’entretien des troupes,
donne lieu à quelques inconvéniens qu’il eft pof-
fibie d’éviter, en adoptant une manière toute différente.
L ’homme qui embraffe la profeflion de foldat,
n’y trouve pour tout avantage , que l’ aflurance de
la fubfiftance pendant le tems de. fon fervice ; il
faut cependant qu’il fa fie le facrifice de fa liberté,
qu’il s’expofe à de grands dangers, & lorfque l’âge
& les infirmités l’ ont rendu inutile, & qu’ il eft
ainfi devenu libre., il tombe dans l’indigence. Il
fuit de là que les troupes fe recrutent difficilement,
& que bien fouvent elles font en grande
partie compofées de libertins devenus, à charge
à leurs parens par une raauvaife conduite , ou
ue la parefle ou la débauche a enlevés aux arts :
'où s'enfuit une multitude d’hommes corrompus,
fans amour pour leur patrie f&j prêts à fervir fous
les drapeaux ennemis fi le moindre avantage vient
s’ offrir à eux : c’ en eft a fiez pour occafionnerides
guerres malheureufes ; mais ce qui contribue;infiniment
à les rendre ruineufes , vient aufli de la
même caufe, de. la manière dont on a pourvu à
la paye du foldat. •
En effet, la folde particulière des troupes exige
une groffe fomme d’argent, qui, levée parles contributions,
paffe dans l.armée , d’où: elle fort
promptement par la confommation des différentes
denrées, pour entrer*dans les mains du refte des
citoyens,d’où elle-retôurneau tréfdr.public. Cette
circulation fe fait naturellement eirtems. de paix,
fans
fans que perfonne- refte en fouffrance : chacun fe j
trouve pourvu d’une portion de cette fomme au j
moment du befoin ; mais en tems de guerre , lorf- i
qu’on agit au dehors, cet ordre de circulation eft '
interrompu ; l’ argent donné aux troupes s’écoule
fans retour : on.eft forcé de multiplier les impôts
qui pèfent alors doublement fur le peuple, tant
à caufe de la diminution dans le produit des arts
& dans la production de la terre,-que par le d é - .
chet que fait éprouver à toute chofe la diflîpation
du numéraire.; en forte que toutes les reffources
font bientôt épuifées. '
Pour corriger le premier de ces inconvéniens,
il faudrôit faire de la profeflion du foldat un état
folide & à vie ; il faudrôit que tous les individus
y trouvaflent une fubfiftance abondante , une vie
douce, & toute la liberté qui peur être conciliée
avec la difcipline ; qu’ en entrant dans cette clafle
de citoyens , ils euflent quelques propriétés , afin
que cette propriété nourrît dans leur coeur l’amour
de la patrie. Enfin , il faudrôit que leur intérêt
les portât à fe livrer à un genre d’occupation
qui , en les rendant plus robuftes & plus
propres à leur éta t, les fauvât en même tems des
fuites funeftes du défoeuvrement. '
Quant au fécond, inconvénient, on y auroit également
porté remède fi l’on faifoit provenir les
fomrnes néceflaires à l’entretien des troupes, d’un
fonds inépuifable où les produits feroient renouvelés
proportionnellement à la dépenfe, indépendamment
de la guerre & de toute caufe étrangère au
corps des troupes ; & comme les mines d’or elles-
mêmes ne remplirpient pastes conditions , il faut
les chercher dans les productions de la terre, qui,
en fe renouvelant tous les ans avec une abondance
confiante, & confervant inaltérablement
une valeur vraie, à laquelle tout le refte fe rapporte
, peuvent fervir de bafe folide à l ’entretien
des armées 5 mais en détournant ces productions
pour alimenter la clafle militaire, il faut qu’il n’en
réfulte aucune charge pour les autres clafies.
C ’eft d’ après ces principes qu’eft formé le plan
que l’on préfente ici.
Afligner aux troupes des cantons de terres qui
ne foient cultivées que par des foldats eux-mêmes,
& dont l ’étendue foit déterminée de manière à
fournir une mafle de denrées équivalente à la
folde ; rendre ainfi le foldat cultivateur, non par
corvée, mais par intérêt & par goût ; qu’il foit
propriétaire, qu’il jouifle, fans obftacle & fans
inquiétude, du produit de fon travail en récom-
enfe de fes foins, alors ion-travail lui fera agréa-
le j il l’aimera & s’y livrera tout entier.
Le canton afligné à un régiment fera fubdivifé
pour les compagnies, & la portion affectée à chacune
d’elles, également divifée en d’autres parties
pour en faire les lots des ferions qui la compo-,
fent, de manière qti’auflitôt qu’ un homme aura
été rangé fous le drapeau, il commence à entrer
en jouiflance avec ceux qui font de la même fec-
A.rt Mi lit,. Suppl. Tome 1}r.
tion que lui, avec la certitude d’en jouir toute fa
vie.P
our allier le fervice avec la culture, il faudra
qu’il y ait néceflairement deux clafies dans l’état
militaire ; l’ une en garnifon, l’autre au domaine ;
mais elles pafleront alternativement de la bêche
aux armes, [des champs aux remparts des forte-
r elfes.
La première clafle eft actuellement exiftante:
le nombre en eft fixé & regardé comme invariable;
l’autre eft dépendante de ce que la terre exige d^
peines & de foins pour en retirer les productions
dont elle eft fufceptible : le nombre ne peut en
être fixé que par des applications particulières.
Nous fuppoferons un degré de fertilité tel qu’on
le trouve généralement dans, la Flandre , & presque
fur toute l’étendue de la frontière , depuis la
mer jufqu’aux Alpes : nous eftimerons de fept.à
huit feptiers de blé, du poids de deux cent vingt
livres, le produit net de chaque arpént de terre,
contenant neuf cents toifes carrées de furface
c’eft l’évaluation moyenne que l’on fait communément
dans les pays que nous avons défignés pour
lès terres cultivées avec foin.
Un travailleur médiocrè peut labourer à la bêche
un arpent de terre en douze ou quatorze
jours; ainfi il lui"fera facile, de cultiver trois ar-
péns dàns une année , d’autant mieux que la réunion
de plufieurs travailleurs donne encore plus de
facilité ; en forte que nous fixerons le nombre des
travailleurs dans le rapport d’un homme par trois
arpens. "
Le prix du blé étant ordinairement de 22 à 241.
le feptier, nous pouvons établir nos calculs, en
fuppofant que la livre pefant dexe grain vaut 2 f. ,
& régler en conféquence la folde de la manière
fuivante :
La folde journalière d’un fergent-major, fixée
à 17 f . , fera repréfentée par huit livres & demie
de blé; ce qui monte, pour l’année
entière, à . ...................... 310; 1. de blé.
L a f o ld e d ’u n a u t r e f e r g e n t ,
f i x é e à T 3 f . 4 d . , f e r a r e p r é f e n t é e
p a r f i x l i v r e s d e u x t i e r s d e b l é , &
a n n u e l lem e n t p a r ..................................... 2 4 3 f
L a f o ld e d ’ u n c a p o r a l , d e 9 f .
4 d . , p a r q u a t r e I iv . d e u x t ie r s d e
b l é , & a n n u e l lem e n t p a r . . . . . . 1 7 0 5
L a f o l d e d u p r em ie r a p p o in t é ,
d e 7 f. 4 d . , p a r t r o i s 1. d e u x t i e r s
de blé , & annuellement par___ 1339
T a f o ld e d ’ u n a u t r e a p p o i n t é ,
d e é f . 1 0 d . , p a r t r o i s 1. c in q d o u z
i è m e s d e b l e , & a n n u e l lem e n t p a r 1 2 4 8
L a f o ld e d e 6 f . 4 d . p o u r u n
f u f i l i e r , p a r t r o i s l i v . u n f i x i è m e
d e b l é , & a n n u e l le m e n t p a r . . . 1 I 5’7
L a f o ld e d ’ un t a m b o u r , d e
8 f . 4 d . , p a r q u a t r e U u n f i x ièm e
d é b l é , & a n n u e l lem e n t p a r . . . . i p . 2
N S s s s s