
manière qui pût être utile, les détails fur les peines
militaires des Romains., fans rien propofer fur celles
dont on devroit faire ufage actuellement pour nos
troupes , nous ont paru exiger que l’on s'occupât
de cet objet important, mais d'une manière infiniment
plus fimple & plus facile à mettre en pratique.
§. IM.
Quelle feroit la manière la plus avantageufe de cor-
riger nos lois fur les peines militaires ?
De tous les abus qu'on devroit corriger dans
la conftitution militaire de la nation, les plus
grands peut-être & les plus dangereux font ceux
qui fe font gîiffés dans la partie Ti effentielle des
lois fur les peines.
On doit à l ’ignorance de nos pères la plupart
des défauts dont on a à fe plaindre pour la milice
nationale. Pluluurs fois on a voulu les corriger
> mais en donnant de nouvelles ordonnances
fur lés peines, on a négligé d’annuller les anciennes,
& , en ne s'attachant qu’à 'remédier à
quelques maux particuliers, on a augmenté le mal
général. Le code des lois pénales pour le militaire
n’eft donc qu'un alfemblage d'ordonnances
qui n'offrent fouvent que des contradictions, &
qu’il eft abfolumenc néceffaire de changer pour
en faciliter l'interprétation & en diminuer l'embarras
& la rigueur. .
Il ne faut pas craindre de l’avouer : nos lois fur
les peines militaires font bien éloignées, de la perfection
qui leur feroit néceffaire j prefque toujours
elles font épar fes, & laifiènt trop fouvent des
vides où les chefs peuvent s’égarer.
, Elles n'ont fait aucune divifion des fautes ; cè-
pendant faudra-t-il confondre le délit d'un foldat
envers un autre, & celui d’un foldat envers Tes
fous-officiers ? celui d'un foldat qui , guidé par
l'honneur qu'qn lui a infpiré, & injuftement maï.C
traitep f aura .forcé fes fous-officiers à mettre l'épée
à la main , avec celui d’un foldat qui manque
d fes fupérieurs, qui Je corrigeoient juftement &
avec douceur ? Faudra-t-il traiter avec la même
rigueur celui qui, par befoin. Te feroit fervi de
la portion de pain de fes camarades /& celui qui
auroit dérobé des chofès plus effentielles, ? ’...
-Si l'on confidère les délits relativement au fou-
verain , confondra-t-on celui qui, par inconftance.
ou par foibleffe , s'acquitte mal des devoirs de fon
état, avec celui qui, p.ar opiniâtreté &de propos
délibéré , fait le mal & donne. le mauvais exemple
à fes camarades ? Relativement à l'état, ne diftin-
guera-t-on pas celui qui, par des propos in<3il-
crets. & déplacés', répand.le découragement & la
mutinerie parmi fes femblables, d’avec celui qui
commettra involontairement & par ignorance les
mêmes fautes ?i .
Ne doit-on pas diftinguer les fautes commifes
contre la difcipline générale, & celles contre la
difcipline particulière ?
Que de nuances à marquer entre les fautes que
l'on commet envers les fous-officiers qui reprélen-
tent les officiers, envers les officiers qui repréfen-
ternies chefs, & le chef qui repréfente le fouverain !
N'a-t-on pas confondu trop fouvent les fautes
réelles avec celles de fimple, foupçon ? N'a- t-on
pas puni le foldat pour des fautes imaginée$.,ou
exagérées par les fous-officiers ou les officiers qui
vouloient avoir rai Ton ? On ne fait pas a {fez diftinguer
les droits de l'a,utorité d’avec ceux de la
juftice. Combien de foldats, châtiés par humeur
& par caprice , à qui l’on fait commettre des fautes
par la façon dont on les a traités ! ;
Le foldat français ne peut être coupable, qu'en
manquant aux ordonnances qu'on a eu foin de lui
faire çonnoîrre : ce font là les feules lois qu’il a
promis de fuivre. Partout ailleurs qu’en France, le
foldat eft plus affervi} mais il fent moirïs la fervi-
tude, parce qu’il n'obéit qu’à la loi : c’eft toujours
par ordre émané du prince, qu'il eft commandé
, congédié , récompenfé & puni. Mais
parmi nous , les, fanta-ifîes des chefs, des officiers
& des fous - officiers font faire fouvent bien des
fautes qu'une difcipline plus exactement &■ plus
uniformément obfervée n'auroit jamais eues .à punir.
Les foldats ne font-ils pas quelquefois la victime
de la prévention.& de la partialité.? N'ef-
fuient-ils pas fouvent de; mauvais traitemens fans
les avoir mérités? N’arrive-t-il pas que.les peines
portées par la loi ne conviennent pas,aux fautes
commifes ? Plus fouvent auffi ces lois obfcures
ne fervent-elles pas le goût des chefs qui aiment
à.punir, ou qui ont trop peu d'aptitude pour interpréter
la loi & proportionner les. peinesi aux
fautes ? Les foldats ne font-ils pas des hommes ?
Ne doivent-ils pas être fujets à des- nuances d’hu*
meur & de caprice ? Peuvent-ils être infenfibles
au poids, des mauvais traitemens, qui les conduit au
dégoût, & trop fouvent à faire des fautes-?
Il feroit. donc effentiel de diftinguer, avec une
plus grande exaClitu.de , les différentes fautes qui
peuvent fe commettre contre la difcipline ,mté-.
rieure & d e borner le pouvoir arbitraire de à
c h e fs , qm occafionnent fouyent ces fautes par :es
ordres qu ils.dpnneni à leurrgr4 > ,& don.t ils punifr.
fent les infraCleurs ayec trop 4e ;fëyérité;., .
,Mais après avojr bien diftingué les fautes, il
faudroit déterminer. Ja punition.' On,fait que c'eft
une fifpèce de maxime dans l'empire, que les
peinqs/ont arbitraire?., &, malheureufement cette
maxime accablante & honteufe femble devenir
tpus les, jours,plus vraie. r.
No(us ne copnoifTons pas la jufte étendue de la
punition des verges , dont- pn feffejjt a;flez fou--
on la regardé corqme diffamante
y quelquefois on s'en fert contre, des ..fautes
allez -légères. En la regardant.cpmme diffamante,
nous relions en contradiction avec nous-mêmes,
pulfque nous gardons les foldats qui ont fubî cette
punition$ en la regardant comme une peine lé- ;
gère, nous n'en déshonorons pas moins les cou- ,
pables aux yeux du public & de leurs camaiades, j
en les déclarant incapables de pouvoir entrer dans j
Je corps des grenadiers &r des fous-officiers.
Nos lois n'ont fixé ni quand ni pour combien de ;
terris on le fervii oit des prifoirs : elles ont compté j
pour rien la perte de la liberté d’un citoyen , & j
elles ont laiffé cette punition fi fort arbitraire, j
qu’on oferoit affurér qu’elle n’eft jamais infligée à
propos^
La peine du piquet ne varie-t-elle pas au gré des
chefs ? Les lois, dit-on , font muettes : il faut les
fuppléer j cependant une heure de douleur de plus
ou de moins eft-elle donc fi peu de chofe, que les
lois aient pu négliger de fixer elles-mêmes les
peines ?
N’auroit-on pas dû déterminer pour quelle faute
on deyroit condamner un foldat à faire telle ou
telle côrVéé ? Cette punition, dont on pourroit
tirer' de fi grands avantages, pourroit devenir le
fupplément de beaucoup d’autres : on voit des fol-
dars aller en prifon avec indifférence, & ne pas
fupporter patiemment la peine d’une corvée faite
pour Tes camarades. Tout ce qui peut être regardé
comme punition, voilà ce qui bleffel’amour-propre
du foldat français ; voilà ce qui devient un
châtiment réel, & c’eft une des peinesqu’on ne
fauroit graduer avec trop de foin & infliger avec
trop de difcernement & d’impartialité.
La peine des amendes peut avoir fouvent des
fuites heureufes 5. mais on ne doit la faire fupporter
qu’a des foldats qui ont des hautes-payes , & il
faut avoir le plus grand foin de ne fe fervir de l’argent
qui en provient , que pour le bien-être des
foldats.
.Pour les fautes commifes à l’exercice , il eft
très-bien de fe fervir des fécondés claffes, où l’on
renvoie les coupables 5 mais il faut fixer le rems
qu’ils doivent y relier , & les y faire exercer continuellement
aux feules chofes auxquelles ils ont
manqué : c’eft l’exaélitude que l’on met à punir à
propos , c’eft l’attention que l’on a de proportionner
les peines aux fautes, qui allure nt l’ob-
fervation de la difcipline.
On punit quelquefois les foldats en leur faifant
monter des gardes ou en augmentant les heures
de leur faétion r il femble que cette manière de
punir peut avoir des fuites dangereufes :1a garde
& la faCtion font un devoir effentiel du foldat ;
après la bravoure , c’eft la vigilance : la fureté
d’une armée, d’une ville de guerre, d’un pofte
dépend de l’exaélitude des fentinelles. Que pour-
roit-on attendre d'un homme à qui l’on ne confièrent
la, fûreté & la tranquillité d’ un pofte, que
pour le punir d’avoir manqué d’exactitude ? Bien
loin de fe fervir de ce genre de punition, on devroit
s’attacher davantage à faire fehtir au foldat
de garde l’étendue de fes obligations-Scieurs confequencês.
La multitude des gardes répandues inutilement
dans les villes de garnifon, ne peut que
contribuer à diminuer, dans l’efprit de la fenti-
nelle * l’idée qu’on voudroit lui donner de Tim-»
portance de fes fondions.
On corrigeroit peut-être l’abus qui règne dans
cette partie du fervice, en diftinguant le fervice
militaire du fervice de police > le premier feroit
celui des camps & des armées-; le fécond, celui
de la paix & des garnifons : on pourroit borner
celui-ci prefqu'entièrement à des patrouilles.
Si on le jugeoit à propos, pour la fûreté des
villes de guerre , on pourroit avoir des patrouilles
armées qui feroient, pendant le jour, fur,les glacis
& aux portes, dans le dehors, fous des tentes,
& la nuit fur les remparts.
Certain fervice de police pourroit être regardé
comme corvée, & fervir à punir le foldat.
Ce font bien moins les punitions qui nous manquent,
que la manière dont il faudoit s’en fervir.
En général, cependant, il n’y a qu’un moyen de
rendre utiles les peines que l’on voudroit infliger 5
c’eft de concilier lé moindre châtiment du coupable
avec la plus grande utilité publique.
Mais telle eft aéluellement la malheureufe condition
des chefs, & la fatale néceffité ou les réduit
l’infuffifance de nos ordonnances militaires.,
qu’ils font obligés de régler les peines félon l’efprit
d’une multitude de lois, qui ne font faites, la
plupart, ni pour nos coutumes ni pour nos moeurs,
& qui ne conviennent plus à ce que nous fommes.
§. II.
Q u e l f e r o i t le m e ille u r u fa g e que r on p o u r r o it f a i r e
d e s n o u v e l le s lo i s f u r te s p e in e s m il ita i r e s ?
C e feroit beaucoup fans doute fi l’on pouvoir
avoir de Meilleures lois, dans lefqueil.es ont eût
affez bien différencié les fautes & les peines pour
qu’il n’y eût plus qu’à choifir fans crainte la punition
qu'on veut ordonner ; mais il refteroit encore
aux chefs à qui l’on confieroit ces lois , à en.faire
le meilleur ufage , eh découvrant d'abord quel eft
l'homme qui a commis la faute, en le puniffant
enfuite à propos , & en choifilfant enfin1 avec difcernement
la peine qui convient le mieux pour
intimider le coupable & maintenir la difcipline.
Quel eft l’homme qui a.commis la fauté dont
on fe plaint ? Quelle eft précifément la faute qu’on
a comnaife? Pourquoi ? Comment ? Dans quelles
circonftances ? Telles font les recherches & les
découvertes qu’il faut faire avant de remettre à
la loi la décifion de la peine.
On fent bien que le foldat, entouré de toutes
parts de fes camarades, de Tes fous-officiers & de'
fes officiers , peut difficilement commettre des
fautes fans quil foit bientôt découvert j auffi peut-
on réfoudre dans le militaire, plus aifément que I- partout ailleurs, cette.queftion intérefîante : Quel