
eft 1 auteur de telle aflion ? Cependant il faut fe
garder d une confiance trop précipitée, & ne pas
perdre de vue qu’il s'agit de la punition d’un citoyen.
Trop fouvent les chefs fubalternes diftri-
buent au hazard leurs conjectures & leurs juge-
niens fur des faits qu’ils traitent peut-être avec
trop d indifférence ; trop fouvent aufli les citoyens
, habitués à voir punir le foldat fur la
moindre plainte, fe hâtent d’accufer des hommes
lans defenfeurs, & trouvent bien plus aifé de fe
plaindre, qu’il ne le feroit de chercher quel eft le
vrai coupable. Combien de fois n’a-t-on pas entendu
dire : On s’eft plaint de telle faute: Iesfoldats
vont librement partout 5 c’eft donc eux qui l’ont
commue ? N’a-t-on pas vu des payfans arranger des
faits faux & vraifemblables, pour venir accuser '
des foldats & les faire croire coupables des fautes
qu ils ayoient commifes eux-mêmes? & ne s’eft-il j
pas trouvé alors des chefs qui, pour s’éviter la
peine de s’inftruire fur les plaintes, de faire éclaircir
les faits & de calculer les probabilités, ont condamné
les foldats fur les Amples apparences ? '
C’eft dans des circonftances aufli critiques qu’il
faut mefurer fa raifon & réfléchir long-tems avant
d ofer accufer un homme & le punir; cependant
il faut châtier, & puifqu’il y a des hommes allez
vils pour faire d.s fautes, il faut des hommes allez
clairvoyans & affez fermes pour les condamner,
d’autant que s’il eft affreux de punir, il i’eft encore
davantage de relier dans l ’ina&ion 5 il faut donc
que le châtiment foit aufli prompt que la faute.
Mais en pufiiflant il faut encore obferver, non-
feulement de punir à propos, mais encore de ne
pas augmenter le châtiment, en choififfant mal la
peine -que l’on inflige. Trop fouvent la punition
des fautes n’ cft qu’un calcul fait par l’incorifé-
qcence & la partialité. On ne fauroit donc trop
repéter que le foin le plus important de l’homme
qui eft chargé de punir, eft de bien connoître le
délit fur lequel il va prononcer. Il n’en eft pas des
foldats comme du commun des citoyens : nos lois
défendent les perquifirions fur tout autre objet
que celui qui fait l’objet de l’accufation ; ma's
dans le militaire, pour I’obfervation exa&e de la
difcipline, il eft effentiel que l’on connoiffe le
caractère, les moeurs & les intérêts des hommes
qui fervent, & que le pafle vienne aider à éclairer
le préfent : tremblez de punir l’innocence, & prononcez
enfui te. r
] Etudiez les probabilités , mais bien plus encore
étudiez les hommes eux-mêmes ; fuivez vos foldats
-dans leurs corps-de-gardes, dans leurs cafer-
nes, fous la toile, dans les tems où, libres & dans
le repos , ils donnent un plus grand eflbr à leur
amei fuivez-jes au milieu des alarmes & des combats;
fuivez-Ies dans leurs peines,; fuivez-les dans
leurs plaifirs ; que 1 habitude enfin de le$ entendre
& de comparer leurs difcours âvpc leurs, actions1
vous apprenne le. vrai fens de ce langage de ]’in-
tét.êt qui ne dit jamais ce qu’il y eut dire.
1 Lorsqu’il s’agît de quelque crime, la loi feule
j peut être dêpolîtaire & difttibutrice des peines j
! mais dans les contraventions aux lois particulières
, les lois les mieux faites n’ayant pas pu pré-1
voir toutes les fautes, fe font tues fur la punition,
& elles ont laiflé à la prudence, des chefs l'importante
& trop délicate obligation de punir
quand il le faut & comme il le faut. Ce malheu-
reux pouvoir expofe les foldats à des jugemens
arbitraires , & les fait condamner quelquefois,
non pas félon la faute, mais félon les pallions ;
non pas félon la chofe ,. mais félon le moment :
abus terrible que l’on ne faurpit trop fe hâter de
corriger.
Au moment de punir, rappelez-vous qu’il fera
toujours très-aifé de tirer le plus grand parti d’une
nation fur l’efprit de laquelle l’idéè des titres
fait autant d’impreflion, & que la' crainte feule,
0 être blâmée ou l’efpoir d’être récompenfée peut
faire furmonter tous les périls.
A ces idées, que nous nous fommes crus auto-
rifés de prendre dans l’ouvrage intitulé le S o ld a t
' c^ o y e n , nous allons joindre celles de deux militaires
, dont l’un , après avoir pâffé par tous les
. grades de la milice, & avoir appris à connoître les
: foldats en vivant long-tems avec eux comme ca-|
marade & enfuite comme chef, a cru que, mieux
qu’aucun autre, il pourroit rendre un compte fidèle)
■ de l’efprit & ducara&ère du foldat français, qu’il
avoit étudié pendanc la plus grande partie de là
vie, & conféquemment de la manière dont ou
devroit les punir; & l’autre a écrit fur Bfjpnt
militaire un ouvrage fort efkmé.
§. III.
O p in io n d u p r em ie r m i l ita i r e .
1 Jamais, dit ce vieux militaire , je n’ai vu les
Français vraiment braves , vraiment intrépides ,
que fous les ordres de chefs juftes & fermes, proportionnant
les peines aux fautes, & ignorant juf-
qu’au nom.de grâce, mais prenant un foin infini de
la fante & de la nourriture des hommes , en même
tems qu’ils exigeoient que juftice févère-, mais
toujours jufte, fût rendue à ce s hommes qui far
vent fi bien apprécier le caractère de ceux qui les I
commandent. *
J'ai remarqué, contimie-t- i l , que c’étoit moins
1 efpece de punition que_la publicité qui lui étoit
donnée,, qui affeétoit d’une manière fàcheufe le
, loldat français.
Plus on ufe de la punition de la Pâlie de difcipliiiî,
de la prifon ou du cachot, plus l’homme puni de-
vient mauvais fujet, plus fon ame.s avilit : dans les
armees d’ailleurs „ cette efpèce de punition y elt
injprati cable , ou elle y détruit la fan té des coupa-'
tues, & les rend à charge aux compagnies qui font
obligées ..de fane leur, fervice de toute efpèce ;
aufli les hôpitaux font-ils très-fojivent remplis de
foldats qui paffcnt leur vie à la garde du camp ,
& qui font réellement le fléau des armées & de
l’état auquel ils coûtent fort cher, & font à charge
au lieu de lui être utiles.
En effet, il vaudroit beaucoup mieux, pour les
états & pour les années, que l ’homme qui entre
à l’hopitaJ, pût être pou lié jufque dans fa commune
, où il fe rétabliroit bientôt, épargneroit
des frais confidérabks à l’état & des embarras im-
menfes aux armées.
Après ces obfervations préliminaires , l’auteur
propofe de nuancer les punitions pour les délits
militaires , de la manière fuivante.
Pour le défaut auquel le foldat eft le plus en^
clin , l’ivrognerie , il propofe de faire placer le
coupable fur un piquet, dans la cour du quartier,
& de lui faire boire une certaine mefure d’eau ,
félon que l’habitude eft pEs ou moins invétérée ,
& de continuer une certaine quantité de jours proportionnés
aux récidives.
Pour le défaut d’inexaCFtude aux appels, con-
figné au quartier , & condamné à recevoir fur
k s fcfles , cinq , dix, quinze ou vingt-cinq coups
de plat de fabre , félon l’efpèce du fujet 8c le
manque ~a l’appel ; jufqu’à cinquante fi la faute
eft aggravée par quelqu’âutre.
N . B . Jamais Es coups de plat .de fabre ne
doivent .excéder cinquante dans le même jour ; &
quand la faute en exige davantage, il faut les
donner par vingt-cinq les jours fui vans. Tant que
k foldat reçoit ou doit recevoir des coups de plat'
de labre, il doit-être à:la falle de difcipline, mais
en fortir dès qu’il ne doit plus en recevoir.
Tout homme qui foigne mal fes armes, fes
vêtemens , &c. configné pour les lui faire né-
toytr, & de cinq à quinze coups de plat de fabre,
félon les* récidives.
Pour manquerd’attention aux exercices, dans
l’infanterie , port de trois armes croifées devant
la porte du quartier, ou de plufîeurs manteaux
dans la cavalerie ; une ou pluueurs heures au piquet
s’il-y a récidive , & de cinq à quinze coups
de plat de fabre ; fi le défaut d’attention devient
habituel, renvoi en outre à l’école d’inftru&ion.
L’infubordination ne doit être punie que de
coups de plat de fabre s’il y-a mutinerie fufcep-
tible d’occafionnèr infurreCtion-: un caporal de la
prévô é doit admipiftrer la punition, appuyée par
une verge dé bois de coudrier de neuf lignes de.
diamètre , fur deux pieds & demi de'largeur.
Le vol & la maraude punis de même.
La rébellion décidée doit être punie de la même
manièreen y ajoutant la marque du fer rouge
aux deux joues, ce fer devant imprimer une R, ou
un V lorfque ce feroit pour un vol récidivé.
La défeniOn , l’inexa&itùde à rejoindre après
un congé, punies, la- première fois , par autant de
mois d’augmentation de . fervice .que' Loti auuoit
ete abfent de jours d’une manière illicite ; pour la
defertion, ori doit ajouter; la première fois, cinquan
te coups de plat de fabre j la fecon de , cent ;
la troifième , cent cinquante ; la quatrième , deux
cents, & placé alors dans un régiment de garni -
Ton , marqué à chaque joue de la lettre L, léger 5
fi le déferteur étoit fai fi paflant à l'ennemi ou à
l’étranger, marqué de la lettre T , traître.
Tout homme ainfi placé dans un régiment de
garnifon &: qui en dëferteroit, vingt ans 6c un
jour aux fers.
Tout homme marqué d’une R ou d’un V, trouvé
dans une rebelhon , puni de mort. La même chofe
pour tout déferteur pris les armes à la main.
Quant aux officiers, ceux qui négligeroient leur
inftruêbion, les devoirs exigés par les ordonnances
ou les ordres de leurs chefs, qui fe livreroicnt au
jeu, contracteroient des detres, riendroient des
propos infubordonnés devant le foldat, manque-
roient à la fubordination envers leurs chefs , fe-
roient punis par les arrêts.
Tout officier puni trois fois par les arrêts, à la
quatrième’feroit cité devant un confeil de guerre
qui , félon l’efpèçe de faute , pourroit condamner
a la prifon & même à la deftitution.
Mais fi un officier avoit détourné de l’argent
d’une caifîe militaire , ou étoit convaincu d'un
vo l, il feroit cafte , Sc marqué aux deux joues de
la lettre V; s’il étoit coupable de rébellion, de la
Lettre R , &c. _
En faifant ainfi connoître la manière de punir
les foldats français , propoféè par un officier qui
a pafle par'tous les grades , nous n’entendons pas
adopter précifément fon opinion 5 mais nous
croyons qu’elle mérite d’être méditée , & qu’elle
peut fournir des idées précieufes fur un objet aufli
délicat qu’il eft important : on ne peut ni l’on ne
doit fe refufér à cette trifte vérité , que les hommes
ont befoîn d’être retenus par la crainte des
peines, & que dans un état où les moindres fautes
peuvent avoir de fi funeftes fuites , il faut
être plus févère à les punir, & furtout plus foi-
gneux à les prévenir : or, pour les prévenir . il
n’y a qu’ un moyen , effrayer par la grandeur delà,
punition.
On ne doit pas cefler de le r-'péter : les Romains
, ces hommes fi fi. rs d’eux- mêmes^'faifoient
fouëter de verges le foldat coupable , & ce foldat
étoit-il un mercenaire engagé a prix d’argent, ou
conduit par le libertihage ou la débauche, à con-.
traéber un engagement ? Non , c’étoit un homme
libre, pris dans les clafles les plus aifëes des citoyens
qui étoiefit obligés de porter les armes
pour acquérir le droit de remplir les autres
places de l’état. Après ce fait, à quoi fervi,roit-iI
d’ajouter que prefquè, chez tous les peuples , le
bâton ou les verges ont été l’inftrumënt le-plus
adif & la caufe la plus prochaine de la difcipline
militaire ? A11 re.fte ,. nous allons faire connoître
l’opinion du fécond militaire fur la même matière,,
afin de multiplier les moyens de fe décider d’une'