
qui s’y firent remarquer par leur frugalité-, fachant
fe borner à l’héritage de leurs ancêtres, ne furent
point tentés de changer l ’ufage groffier de ce
qu’ ils poffédoient pour embraffer le fuperfiu ;
nourris félon les règles de l’auftère frugalité, ils
furent les reffources de leur patrie dans les guerres
périlleufes qu’elle eut à foutenir.
A d a , reine de Carie, ayant envoyé à Alexandre-
le-Grand , des mets délicatement préparés, &
lui ayant offert fes officiers pour le fer vice de
fa t a b l e c e prince les congédia. Léonidas mon
gouverneur, leur dit-il, m’a- pourvu de cuifi-
niers affez habiles 5 beaucoup marcher dès le
lever du foleil me prépare un excellent dîner ;
& dîner fobrement m’apprête un fouper non
moins exquis.
Pour fentir le prix de la frugalité,. il faut en
jouir j: ce ne feroit point ceux qui font corrompus
par les délices, dit l’auteur de Y E fp r i t
d e s l o i s , qui aimeront la vie frugale ; & fi cela
avoir été commun, Alcibiade n’auroit pas fait
l ’admiration de l’univers. Ce ne feroit pas non
plus ceux qui envient ou qui admirent le luxe
des autres qui vanteront la frugalités des gens
qui. n’ ont devant les yeux que des hommes riches
ou des hommes aufli miférables qu’ils le font,
détellent leur mifère fans aimer & fans connoître
ce qui fait le terme de la mifère.
L ’amour de la frugalité eft excité par la frugalité,
& c’eft alors qu’on en fent les précieux
avantages; Sc l’amour de la frugalité bornant le
defir à l’attention que demande le néceflairev
pour fo i , réferve le fuperfiu pour le foulage ment
de fes frères ou- le bien de fa patrie.
C ’eft avec la frugalité qu’on parvient a diminuer
lès bagages d'une armée, à empêcher les
maladies, à s ’oppofer aux dépenfes fuperflues,
à s’ affurer les moyens de faire des marches
rapides & de grands mouvemens, &c. Mais cette
frugalité il ne faut pas fe borner à la prêcher aux
fbldats ; depuis le général jufqu’ au dernier officier
tous doivent en donner l’exemple.
FUYARDS. Une terreur panique s’étant emparée
de l’armée de Cecina, pendant la nuit qui
fui vit la première journée des Long-Ponts , tous
les foldats prirent la fuite & gagnoient la porte
du camp- oppofé à l’ennemi, quand Cecina ne
pouvant les retenir, ni par prières, ni par
menaces, fe coucha au travers de la porte ;
l’horreur de fouler aux pieds leur général fut
une barrière pour eux.
Le grand Condé au combat de la porte Saint-
Antoine , voyant que fes troupes commençoient
à fuir, fe met à leur tê te , ralentit peu-à-peu fa
marche, fait rentrer fes troupes en ordre ; U
fait enfuite une converfion vers l’énnemî; fes
troupes le fuivent & il eft victorieux.
L’hiltorien Velli parle des fuyards à l’inftar de
l’ homme taillable, volonté, abonné, queftable ,
corvéable, main-mortable, termes aufli barbares
que la chofe qu’ils lignifiaient, fiméprilables enfin
qu’on ne croyoit pas pouvoir réduire à un état
plus humiliant, le lâche qui oubliant fa patrie
fuyoit honteufement devant l’ennemi. Cette maniéré
de punir les fuyards ,.pourroit pour le bien
du ferviee & la gloire de l’Etat, faire le fujet
d’une loi bâfée fur cette idée & rendue analogue
à notre conftitution aêtuelle^
FUITE. La fuite peut être vraie ou fimufée ;
vraie, elle peut entraîner les plus grands maux ;
Emulée y elle peut être le ftratagême le plus heureux
pour s’affurer la viétoire. Ecoutons Montagne
, toujours fi bon â confulter. Plufieurs
nations très-belliqueufes, dit cet excellent obfer-
vateur, fe fervoient en leur fait-d’armes de la
fuite pour avantage principal , & montroienr le
dos à l’ennemi plus dangereusement que leur
vifage. Les Turcs en retiennent quelque chofe,
& Socrate & Platon fe mocquent de lâches qui
avoient défini la fortitude > fe tenir ferme en
fon rang contre les ennemis. Quoi f it , il feroit-ce
donc lâcheté de les battre en leur faifant place 1
& lui allègue Homère qui loue en (Eneus la
fcience de fuir; & parce que lâches fe ravifant
advoue cet ufage aux Scythes : il lui allègue
encore l’exemple des gens de pied Lacédémoniens
(. nation fur toutes duites- à combattre de pied
ferme) qui en la journée de Platée, ne pôuvant
ouvrir la phalange perfienne s’advifèrent.de s ’efi*
carter & tourner le dos : pour par l’opinion de
leur fuite, faire rompre & diffoudre cette maffe
en les pourfuivant, par où . ils fe donnèrent la
victoire. A ces réflexions, on peut en ajouter
d’autres avec quelques exemples. Laiffer pénétrer
l'ennemi dans le pays , afin qu’il s’affoiblifîe par
des garnifons.. Se retirer devasit lui pour pouvoir
^attirer dans des embufcades; le harceler fans
ceffe, font trois manières de foutenir avanta-
geufement la guerre défenfive.
Dans un combat contre leshabitans de Mafage,
qui fortirent de leur ville pourcombattre Alexandre
qui vouloit les affiéger, ce prince rangea fon
infanterie à un mille de diftanee de fa cavalerie,
& il donna ordre à celle-ci de s’avancer contre
les barbares, & enfuite de fe retirer en feignant
Pépouvante. Les Indiens croyant que c’étoit un
effet de leur valeur, fuivirent les Macédoniens
comme fi ils avoient gagné la bataille ; mais
quant ils furent arrivés à l’endroit où Alexandre
avoit pofté fa phalange, la cavalerie & les archers
fondirent fnr leurs flancs, tandis que le toi
les chargeoit de front.
A la bataille de Celano, entre Charles d’Anjou |
& Conradin, Erard de Valeri, après avoir com- J
muniquéfon deffein au ro i , fe détache, fuivi d’un 1
cofps de cavalerie comme pour faire le coup de 1
lance ; puis feignant d’être épouvanté , il prend
la fuite du côté qui lui paroît le plus für; l’ennemi
trompé par ce ftratagême , quitte fes rangs
pour le pourfuivre ; alors Charles attaque le corps
en front, tandis qu’Érard tournant br:de l’ attaque
en flanc ; les ennemis font défaits, &r donnent une
preuve du danger de rompre fes rangs en pourfuivant
l’ ennemi.
FUREUR. Divinité allégorique ; les poètes la
rçpréfenrent la tête teinte de fang , le vifarge
déchiré de mille plaies & couvert d’un cafque
tout fanglant; ce dieu, ajoutent-ils, eft enchaîné
pendant la paix , les mains liées derrière le dos,
affis fur un amas d’armes, frémifïhnt de rage,
& pendant la guerre ravageant tou t, après avoir
rompu fes chaînes.
Voici la defcription qu’en fait Pétrone, dans
fqn poème de la 'guerre civile entre Céfar &
Pompée.
A b r u p t i s ceu lib e r h a b e n is ,
S a n g u in em la t e t o ll i t cap u t oraq u e m i l le ,
V u ln e r i s c o n fo jfa çruenda cajfide v e la t ,
ü a r e t M a v o r t iu s l&v& de tr ib u s am b o ,.
In n um e r a b ilib u s t e li s gravis. ; a tque f la g r a n t i
S t ip i t e d e x tra m in a x , te r r is in c e n d ia p o r tâ t .
La fureur qui eft le degré extrême des partions
violentes, a été appliquée avec jufteffe à tous
les maux de la guerre : chez le poète, chez
l’ artifte ; cette paffion s’ eft quede l’enthoufiafme ;
chez le guerrier, c’eft une véritable frénéfie ; tous
les devoirs de l’humanité font oubliés; le combat
fe livre , le foldat tombe bientôt dans une efpèce
d’ivreffe, & déjà il n’eft plus que le meurtrier
de fes femblables. Sera-ce donc toujours inutilement
que la philofophie tonnera contre les fléaux
deftru&eurs de la guerre? le defpotifme, l’ambition
, l’avarice, l’amour du brigandage, le defir
de fatisfaire les partions les plus dangereufes &
les plus viles, ne cefferont-elles jamais de dominer
les hommes, & de les faire continuellement.
s’entre-détruire de leurs propres mains ?
FUSIL. Quoique l’ufage perfectionné de l’artillerie
légère ait infiniment diminué celui du
feu de la moufquètterie, on fe fert cependant
encore beaucoup de ce dernier, & il feroit à
fouhaiter de pouvoir en tirer tout le parti dont
il pourroit être fufceptible ; en cherchant à rendre
encore meilleure la conftruCtion de nos armes
à feu.
Nous allons parcourir fucceffivement les différeras
moyens de perfection, dont nous avons
pu avoir la connoiffance, & d’abord ceux à
employer pour les armes à feu actuellement en
ufage.
i° . Dans les modèles donnés pour les armes des
troupes à cheval ; parmi les défauts principaux ,
on remarque que t.outes les vis font taraudées
fur cuivre. L’écrou d’une vis de fer arrache
néceffairement le filet du cuivre. Le cuivre qui
appuie lè grand reffort ne peut avoir allez de force
pour en foutenir le mouvement.
2°. Les canons de piftolets n’ont que fept
pouces ; cette longueur n’eft pas proportionnée
au calibre; il faut qu’ils aient au moins huit
pouces, la portée y gagnera beaucoup.
30. On eft dans le pernicieux ufage de percer
les canons à l’eau avec des tournants très-rudes,
ce qui eft très-nuifible , parce qu’ il eft impoflîble
que l’ouvrier puiffe répondre de la jufteffe de la
ckreêtion ; le canon devient courbe comme un
arc ; on eft obligé de le redrelfer fur une enclume
à coups de marteau , & néceffairement il fe forme
par cette opération des inégalités dans le canon.
Pour pouvoir compter fur la direction & la
folidité des canons, il faut néceffairement réformer
l’ufage de les forer à Teau; & la meule
dont on fe fert aigrit le fer et le rend fec ;
il n’eft pas poflible de rendre les canons d’une
épaiffeur égale, à caufe de la rapidité avec
laquelle cette meule enlève le fer ; elle prend
toujours plus d’ un côté que de l’autre.
On fait que la poudre fait effort fur tous les
points pour fe dilater ; fi elle trouve une partie
plus foib le , la force s’y porte néceffairement,
& très-fouvent le canon médiocrement chargé
c rè v e , ou bien il eft fous peu hors d’ état de
fervir.
On dira peut être que tous les canons font
éprouvés avant de les livrer ; mais ceux qui ont
vu la manière dont fe font les épreuves dans
les arfenaux, les trouvent abfolument inutiles.
On éprouve les canons n’étant que dégroffis,
& i l . faut les limer & finir après cette épreuve.
On peut aifément juger que fi on ôte du fer
au canon après l’épreuve , il n’ a plus la même
force. On donne pour raifon de vouloir ménager
les culaffes ; mais en y mettant du bon fe r , elles
ne cafferoient dans aucun cas.
L’ épreuve du canon, fi l’on veut être fûr
de fa folidité , ne doit fe faire que quand l’arme
eft abfolument finie & montée; pour lors on
ôteroit le canon de deffus fon bois pour l’éprouver
; & fi les culaffes caffoient ce feroit aux
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