
dire créateur?. L’art de la défense s cependant >
ne fie pas les mêmes progrès. En effet, il n’y a de
bonne défenfe que celle qui eft offenfive & qui
cette ligne fe développant à melure que le terrain fe
feroit ouvert , l’auroit rendu maître du champ de
bataille qui fe trouve toujours à la tête du camp ;
alors l’armée françoife ne pouvant plus fe raffembler
en ligne, auroit été écrafée en détail.
Dans cette affaire, les alliés mirent d’abord les
François en déroute par un feu de fufil v if & meurtrier
5 & ceux-ci qui fe jettérent enfuite fur les chevaux
de frife des ennemis & les chargèrent avec
leurs piques & leurs bayonnettes, en vinrent facilement
à bout, leurs fufils ne.pouvant plus leur être
ut.les, les bayonnettes n’étant point encore à douille,
mais à manche.
La fupérioricé du feu étranger bien conftatée par
cette bataille, fit former le projet de fubftituer les
fufils aux moafquets.
L ’année fuivante le prince d’-Orange fut contenu
par la pofîtion favante que prit Luxembourg a
Melderr; ce général ayanc fon front -couvert par des
hauteurs & une vallée' marécageufe 5 fon flanc droit
hors de ‘toute infulte, & communiquant avec Tir-
lemont 5 fa-gauche feule paroît avoir été fufceptible
d’être attaquée.
Le prince d’Orange crut enfin avoir trouvé le
moyen de l ’entamer au moment où Luxembourg eût
rétrogradé fur Vignacourt, -en apparence , pour
couvrir le liège de Huy. Craignant pour Liège, il
fe porta fur Neervinden pour protéger la marche
de dix bataillons envoyés de renfort dans cette ville 5
il voulait de plus forcer les lignes des Pierres, &
feire contribuer le pays qui étoit fous leur pto-
teéfion.
Luxembourg profita de ce .moment qu’il s’étoit
ménagé pour attaquer Guillaume, ayant paru d’a-
bprd en vouloir à Liège, puis être très-effrayé pour
les lignes des Pierres. Il fit marcher partie de fa
fécondé ligne fur la diredion du Bas-Efcaut, &
partit lui-même avec fon aîle droite, paffa le Jaar à
Waren, y joignit le détachement qui paroiffoit marcher
au fecours des lignes, & parut à la vue de
l ’ennemi dès les crois heures après midi, le 1 8 de
juillet 16513j avec l’aile droite de fa cavalerie : le
xefte des troupes arriva à minuit.
Le prince d’Orange qui eût pu éviter le combat
en repartant la Cette , employa toute la nuit à fortifier
le village de Neervinden , en avant du centre de
fa ligne, & à couvrir de redans fon iront: de bataille.
Mais avec la plus légère connoiffcnce de la nature
de ces fortes d’ouvragej , .comment peut-on compter
fur une ligne de redans élevés dans une nuit ? alors
les retrançhemens font très-nuifihles ; les foldats y
prenant une t'op grande confiance, qui, fi elle eli
trompée, fi l ’ennemi les perce dans quelque partie ,
G U E
multiplie les obftacles fur les pas des alfiégeans.
Malheureufement les progrès de la fcience de
la guerre furent (1) retardés ou par des habitudes
il croit tout perdu & fe débande fans aucune poffi-
bilité de le retenir. Le village de Neervinde étoit
mal retranché : on voit, par le récit du duc de Bar-
wick, qu’il n’avoit eu que des haies à forcer, &
qu’il n’exiftoit d’aucun côté dé ce village de retranchement
capable de préfenter .des obftacles. Le
camp du prince d’Orange manquoit aulfi de profondeur.
M. de Luxembourg paroît avoir employé une
manoeuvre pour déployer fes douze colonnes, qui
prouve combien il avoir de connoiffances jufqu’alors
inconnues dans la fcience des déploiemens rapides.
Ce .déploiement s’exécuta en onze minutes.
Peut-être pourroit-on reprocher., au général français
, de .n’avoir pas attaqué le Aànc"3 roit de l’armée
ennemie., qui paroît avoir été un peu découverr 5
on auroit lans doute, par ce moyen, obtenu une
victoire plus aifée, au lieu de g’obftiner aulfi opi-
niâtrément à emporter le village de Neervinden. Ce
qui paroît confirmer cette observation , c’eft qu’on
ne parvint à emporter le village qu’en embrafiàut
fes flanps, preuve toujours plus forte de la foibleffe
des attaques de front, fi elles ne font pas fécondées
par des attaques de flanc.
Dans la campagne fuivante, on trouve la marche
de Vignamont à Efpierres, qui a été l’objet de
beaucoup d’éloges, & qui paroît les mériter en effet,
non-feulement par l’ardeur & la volonté qui doivent
régner dans une armée capable d’exécuter de fem-
blables mouvemens, mais encore par la magnifique
ordonnance du général qui l’a projettée. Quelle
fagacité ne faut-il pas dans un chef pour lire ainfî
dans l’avenir, pour prévenir Timpofïibilité de fon
ennemi de pouvoir rien entreprendre contre lui dans
les polirions qu’il faura piendre, & s’alfurer par
cette tentative, la honte d’une campagne inutile 1
Partir vingt-quatre heures plus tard, avoir fait quarante
lieues quand fon ennemi n’en a pas fait vingt-
deux , eft un prodige réfervé feulement pour des
têtes organifées en-grand, dont le génie fe développe
d’autant plus , que "les çirconftances font plus difficiles.
Cette campagne du maréchal de Luxembourg
doit être mife au rang de fes plus glorieufés j des.
villes conquises, des batailles gagnées, font dues, le
plus fouvent, au hafard de la fopériorité des forces.
Ici ce font les parties les plus lavantes de l’art qui
font .conrimiéllement employées à rompre toutes‘les
mefnres d’im ennemi fupérieur j & par une adrèffe
au-dellas .de fes forces, lui oppofer fans eelTe des
obftacles impoffibles à fermontef; Ce grand général
mourut l’année fuivante, âgé de foixante-fepe ans.
D’après-des faits conftans :& nombreux -que
nous venons d’e x p o fe r il parole terrain que l ’art cfe
nuifihles, ou par des changemens mal entendus
Sic funeftes à l’humanité. On eut des armées, très-
nornbreufes} on multiplia l'artillerie ; & les arla
guerre étoit encore réduit, même fous Coudé &
fou s Tureii.ne, à déployer fi lentement les. colonnes
par la méthode procefiionnelle, qù il fiilloit un long
efpace de tenas pour pouvoir fe ranger en bataille ,
Jorfqu’on n’étoit pas fous le feu de l’ennemi j, mais
fi l’on avoit le grand inconvénient d’y être expofé,
l’ordre & l’enfemble ceffoient alors à peu-près d’être
ojpfervés.
.Une ligne fort mal en ordre, fè mée par deux
ailles de cavalerie cqmpofées d’efeadrons auffi mal
ordonnés que les bataillons, s’avançoit- très-lentement
vis-à-vis d’une autre , qui, heureufement pour
elle, n’écoit pas en meilleur ordre. La cavalerie
siébranlant au pas, enfuite au trot, alloit charger
les efcadroBS qu’elfe avoir en face;; deux des fix ,
c-jnq oit quatre rangs de l’efcadron, étoient deftinés
à charger l’ennemi en queue. Cette manoeuvre s’exé-
cutoit en s’ouvrant par demi-rangs & en caracolant
à droite & à gauche : il paroît que le front d’efeadrons
aulfi peLans étoit bien peii enfëmble au moment
de la charge. Celui qui avoit réuffi à faire invertir
l’efcadron qu’il avoit en tête, fer la queue ou
fur les flancs, avoit un avantage trop d,écidé pour
avoir à combattre long-temps. Aînfi lé fuççès d’une
aîle entière dépèndoit prefqu’uniquement de la bonne
manoeuvre de chaque chef d’efcadrori.
Si cette 1 gne, au partie de cette ligue, étoit
battue ,. vu la difficulté de faire avancer en ordre la
féconde, on prenoit le parti de faire aller à fon
fècours quelques-uns des corps de cette même ligne
qui avoit eu le moins de part à l’aéfion. : le* vide
devoir être rempli par des corps de la féconde ligne,
ou par des réferves placées entre les deux, comme
l’on en a vu dans les. ordres de bataille de. Condé &
de Turenne.
L ’ancien ufage de combattre dans un ordre prefque
toujours parallèle, étoit & devoit être la caufe inévitable
de cette pefanteur & du peu, d’ordre dans les
mouvemens.
Aucune des batailles dont nous venons de rendre
compte n’offre des manoeuvres bien inftru&ives ni
bien décifîves 5 tout s’y décide à force ouverte ; &
les fuccès & les difgraces dépendent en bien grande
partie du plus ou du moins de courage des com-
battans.
Chez les étrangers, on vit Montécuculli chercher
de tout fon pouvoir à exécuter les grands, principes
de faire foutenir les armes l’une par l ’autre, & de
Javoir faire combattre plusieurs contre .un. Le prince
«l’Orange chercha à faiie ufege du même fecret.
On voit les troupes françoifes, fous Turenne ,
donner les premiers exemples de ces campagnes
méeSj moins faciles à mouvoir & à nourrir, en
devinrent infiniment plus difficiles à conduire 6c
à commander. Quelques grands - hommes,, les
d’hiver, imitées, die- nos jours, par le- génie vraiment
militaire du roi de Prulfe , qui- lembloit créer
en- per ieét tonnant.
Plus le fyftême de marcher bien enfembte Sç
bien aligné acquit de force',, 8c plus les moyens
d’atteindre fort ennemi de loin, tendirent à fe perfectionner.
La milice pruffiénne cpm.mençoit à fe fermer sous
le grand électeur.
Le prince /l'Orange avoit montré, même dans
fes difgraces., combien il étoit poffible , dans les
batailles , de s’éloigner de l’ordre routinier de la
parallèle.
Nous venons 4 e parcourir une époque où l’arc
militaire fit- de grand« progrès fous les. habiles généraux
qui fe trouyoient alors à la tête des armées.
Nous avons vu Turenne profiter des exemples
d’ordre & de méthode dont il avoit été témoin chez
les.étrangers, pour difpofer fes marches de manière
à. changer promptement l ’ordre de marche e,n ordrq
i de bataille, fuivant le grand précepte de Monté-.
I cuculli.
Sous Luxembourg, Puifegur paroît avoir fait des,
S cfiangemens utiles, en. faifant exécuter à, de très-nom^
[ breufes armées l’important précepte de Feuquièies ,
' de marcher ou comme on efi campé, ou comme on
; veut camper , ou comme on-veut combattre. Ce pré-
! cepte fuppofe un général maître d’attaquer , ou ayant
î èn tête un ennemi masl-a4ro»c 5 mais fi. l’on eft atta-
| qué, pour fe mettre en défenfe, il, faut favoit dé-
î ployer ; & dans le tems dont nous parlons, cette
! fcience étoit à fes premiers élémens.
' Si le pays eft ouvert, il faut même marcher en,
; bataille , non pas de front, mais en colonnes, ne fe
• dépaffant point, & étant toujours à hauteur.
C ’eft-là certainement le grand fecret des marches.
; Si le pays n’eft pas de plaine , il faut ouvrir des
chemins, pour le partage 4es colonnes , mais avec
lesdiftanGes, de manière à pouvoir les mettre en,
: bataille fer les flancs et fer leur front, ou même
1 fur leur derrière. Il eft indifpenfable , pour former
: la ligne avec célérité & jufteffe dans la po fit ion,
| jugéej nécelTaire, que les colonnes marchent d’uii
! pas dont la durée foit fixe & certaine ; par ce
i moyen, le général peut connoître l’heure déter-
■ minée de l’arrivée de la colonne. Cet avantage
ne paroît pas avoir été connu du tems de Feu-
| quières.
L’ufage des .ayant-gardes paroît aulfi avoir été:
| réglé de manière à les faire précéder feulement
i quelques heures le corps de bataille.
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