
que c ’eft le feul mouvement que l’on puiffe pratiquer
quelquefois devant l’ennemi ; il le propofe
même à deux bataillons enfemble.
A tous ces détails préliminaires dévoient en
fuccéder d’autres fur la manière de tirer parti des
troupes pour former des maffes propres à marcher
, manoeuvrer ou combattre. Audi l’auteut
Îaffe-t-il à la formation des colonnes, qui , félon
ui j ne peuvent fe former que par le flanc ,
c’eft-à-dire, fur le prolongement de la ligne qu’occupe
le bataillon ; ou par Je front , c’eft-à-dire ,
en avant & en arrière de ladite ligne : la direction
que doit fuivre la colonne quand elle eft formée,
doit déterminer laquelle de ces deux efpèces il
faut employer.
La formation de'colonne fur le flanc, que l’auteur
appelle rompre un bataillon en colonne, confifte-à faire
rompre un bataillon par peloton ou par divifîon,
& s’exécute au moyen des quarts de converfion.
La formation de colonne fur le front, que l’au- t
teur appelle ployer le bataillon en colonne , peut
s’exécuter de trois manières : par la droite 3 par
la gauche & par le centre 3 ou bien en avant &
en arrière, ou en avant & en arrière tout à la
fois , fuivant les circonftances & la lituation du
chemin à fuivre par le bataillon.
Des trois manières de former la colonne, l ’auteur
regarde celle fur le centre comme la plus
prompte, & conféquemment celle à préférer
quand on n’eft gêné ni par les circonftances ni
par le terrein.
La colonne une fois formée, on peut s’en fervir
pour attaquer l’ennemi, pour manoeuvrer ou
pour faire route. Examinons, avec l’auteur, la
manière de l’employer pour chacun de ces objets,
& d’abord pour le plus effentiel, relativement à
la tactique : celui d’nne colonne, formée dans le
deffein d’attaquer l’ennemi, d'autant que c’eft ici
ou l’auteur développe fa façon de penfer fur l’ordre
profond ; objet fur lequel nous projetons' dé
revenir après avoir analyfé les différens fyftèmes
fur. la tactique, & quand nous nous permettrons
de parler d’une manière un peu plus particulière
fur l’ordre profond & fur l’ordre mince, ainfi que
fur les antagoniftes & les partifans de l’un & de
l’autre ordre.
• Selon l’auteur, il ne peut être avantageux d’at-
taq ter, l’ennemi en colonne, que quand il eft derrière
un retranchement ©u dans tel autre pofte3
de l’ordre profond, & combien il reftreint à
quelques cas particuliers l’ ufage des colonnes:
continuons de le fuivre, & peut-être étonneiohs-
nous encore davantage nos letteurs.
dont les flancs naturels ou artificiels réduifentné-
celfairement à attaquer les faillans, & à ne pas
fe préfenter fur les flancs} c’eft-quand, ne pouvant
déboucher fur l’ennemi que par un.chemin, on eft
forcé de raffembler fes troupes fur ce débouché, ,
Çç d’arriver par ce feu] partage; c’eft enfin quand ,
d’ un retranchement ou d’un porte fermé, on veut
faire une fortie fur l’ennemi attaquant , & déjà mis
en défordre par le mauvais fuccès de fon attaque.
On voit déjà, par -ces apperçus , combien l’au-
t£ur de YEJfaieh peu <Taccord avec Jss partifans
Quel eft, dans ces circonftances ( c’ eft l’auteur
qui parie ) l’avantage de l’ordre en colonne ? Ce
n’eft point, comme bien des gens le croient, la
force du choc, produite par la preflion exadte des
rangs & des files, puifque cette preflion ne fauroit
avoir lieu entre des individus a&ifs & çenfans,
au point de former un corps fans interftiees, &
capable d’acquérir une force combinée fur la quantité
de mafle & de mouvement.
Cependant, foit que l’on fe flatte d’approcher
de cette preflion chimérique, foit que l’on fe laifle
guider en cela par la routine, comme en tant d autres
chofes, voici comment fe forment toutes les
attaques en colonne : on s’ébranle, on approche
de l’ennemi, on crie aux foldats : Sene[3 ferre^.
L’inftinét machinal & moutonnier qui porte tout
homme à fe jeter fur fon voifin, parce qu’il croit
par-là fe mettre à l’abri du danger, ne porte déjà
que trop à l’exécution de ce commandement : les
foldats fe preflent donc, les rangs fe confondent
bientôt au rang du front & aux files extérieures
près qui confervent quelque liberté de mouvement}
la colonne ne forme plus qu’une maffe tu-
multueufe & incapablede manoeuvrer. Queja tête
& les flancs de cette colonne foient battus d’un feu
v i f , que du premier effort elle ne furmonte pas
les obftacles qu’elle rencontre , dès - lors les officiers
ne peuvent plus fe faire entendre : il n y a
plus de diftance|entre les divifions} le foldat, étourdi
, fe met à tirer en l’ air} la maffe tourbillonne, fe
difperfe, & ne peut fe rallier qu’ à une diftance
très-éloignée: quelques-unes de ces attaques réuf-
fiflent cependant,parce que l’ennemi fe defend mollement
, parce qu’il s’effraie de cette maffe d hommes
qui arrive à lui} parce que la tête des colonnes
étant toujours compoféè de troupes d é lite ,
ces troupes pénètrent & fraient le chemin ; mais.,
portée dans le retranchement, la mafle étonnée
de fon fuccès ne peut plus s’y débrouiller ; elle
n’eft plus en état ae fe déployer & de s’étendre.
L’ennemi a-t-il des troupes fraîches à portée? il
marche fur elle , la culbutte, & c’eft a recommencer
fur nouveaux frais. Qu’on life les details
de la bataille de Nerwinde, dans Feuquières; il
raconte les effets de ce défordre, dont l’auteur dit
venir de démontrer les caufes. Après de pareils details,
peu de militaires, Vils les pr^noient à la
lettre, oferoient perfifter à prêter quelques avantages
à l’ordre profond} cependant, qu ils ne perdent
pas tout-à-fait courage: l’auteur promet de
remédier à ce défordre fi l’on veut réfléchir &
fonder la conduite de ces fortes d’attaques fur fes
principes.,. :
Ainfi les avantages de l’ordre en colonne ne
confiftent point, répète-t-il, dans la preflion exaéle
des rangs & des files, mais dans la fuçceflion continue
tînued’ efforts que font les divifions, fe fuccèdant
rapidement, pour fe porter au point d’attaque. .
Ils confiftent en ce que la .colonne ayant peu
de fond, on peut la porter fur les faillans, fans
qu’elle ait beaucoup à fouffrir des faa s.
Ces avantages confiftent enfin en ce que cet
ordre donne de la confiance à 1 affailiant, & intimide
l’attaqué.
C ’eft après avoir aufli parfaitement fait comprendre
quels font les avantages des colonnes ,
dont l ’auteur jufque-là bo-rned emploi à 1 attaque,
d’un retranchement, qu’il s’arrête avec complai-
fance à prouver que ces colonnes ne doivent pas-
avoir plus d’une divifîon de front & deux bataillons;
qu’il entre enfuite dans les détails fur les
différens pas quelles doivent exécuter, & fur l’attention
néceflaire dès que les colonnes font dans
le retranchement, de veiller à leur déploiement,
pour qu’elles foiént en état de pouffer leur avantage
, & de préfenter un front à l’ennemi qui vou-
droit tenter quelques attaques.
Cependant il ieroit injufte d’accufer l’auteur de
borner l’ufage de fes colonnes a 1 attaque des. re-
trânchemens; il s’ en fert aufli pour manoeuvrer
devant l’ennemi : en confequence, fi 1 on eft oblige
de manoeuvrer devant un corps de cavalerie, 1 auteur
, s’ il a plus de quatre bataillons , en forme
plufieurs colonne s d’une divifîon de front,* & les
fait marcher en forme de tuyaux d orgues, fans
oublier les fameufes cordes, afin de les. tendre
s’il eft attaqué : verte à favoir fi cette manière de
ranger fes colonnes auroit tous les avantages
qu’il croit.
Une troupe peut encore manoeuvrer en colonne
iorfque, dans les difpofitions préparatoires
qui conduifent à la formation d un ordre de bataille
, il faudra fe porter fur le terrein du déploiement,
refufer ou renforcer telle. o u , telle
partie, menacer'l’ennemi fur un point pour attaquer
fur un autre : ici les colonnes ne font que
manoeuvrer, & attendent le moment ue fe déployer
pour combattre.
Enfin, on pourra manoeuvrer en colonne lorf-
que, l’ordre de bataille écançpris, il faudra porter
des troupes d’un point ou d’une aile à> 1 autre, &
faire quelquefois des changemens confiderables
dans fon ordre.
On voit encore que tous ces mouvemens ne
font en aucune manière pour indiquer des moyens
de faire combattre les troupes en colonne, & dans
ce qui fuit 1 auteur ne s’en occupé pas‘davantage;
c’eft pour fe mettre en marche-, quil reprend 1 u-
fage des colonnes , l ue front, leur, profondeur,
leurs pas, &c. Il appelle ces details, avoir donné
des principes fur les propriétés de l’orare en colonne,
fur les circonftances dans lefquelles il faut
s’en fervir, & fur les moyens de l’employer.
Comme le but de l’auteur n’eft pas de.fe fervir
de l’ordre profond pour combattre, ainfi que nous
venons de nous en convaincre, par ce que nous
Art Milii, Suppl. Tom. 1F .
avons dit précédemment, il lui étoït effentiel.de
donner des moyens de déployer les colonnes &
de fe former en bataille,, & c ’eft ce que .fait l’auteur
en entrant fur cet objet dans les détails les
plus minutieux. Ainfi f réformation de - la colonne
en bataille, déploiement de La. colonne, diverfes manières
de mettre'un bataillon en bataille , principes
généraux pour la formation en bataille des colonnes
de plufieurs bataillons. Tels font les points lur lesquels
l’auteur, s’arrête avec cornplaifmce, comme
la véritable bafe des manoeuvres les plus elientielles
de i’infanterie.j & après la difcuflîon defquels
il croit devoir terminer fes idées fur .la radique
de cette arme; & l’auteur eft tellement pénétré
de cette idé e, que , lorfqu’il en vient à traite-r de
la grande radique, il ne trouve que dans la tienne
les véritables moyens d’arriver d’une manière infaillible,
à prendre l’ordre de bataille lè, plus convenable,
& aflurément ce ne fera pas.l’ordre profond,
mais au contraire celui très - mince , adapté
feu'ement à la nature du terrein, à la pofition
qu’occupe l’ennemi & à la difpofition qu’ il a pri—
fe ; & dès î’inftant où les colonnes feront rendues
fur le terrein qu’elles doivent occuper, l’auteur
met en pratique les méthodes favantes, fûres &
| rapides de fes déploiememens ; les troupes fe
trouvent alors en bataille, & l ’attaque commence
avant que l’ennemi ait eu le terris ae démêler ou
l ’on veut le frapper; mais fi l’ennemi ne fe mqt
. en prife ni par fa pofition ni par fa difpofition ,
alors le général refte en colonne,‘fe retire, prend
une pofition & attend une occafîon pl is favorable
; & voilà, félon Fauteur, la véritable fcience
de la formation des ordres de bataille.
Troifième fiyftème , attribué a M. de Maiçeroy.
Le troifième fyftème eft développé dans un ouvrage
intitulé Cours de tactique théorique 3 pratique
& hifiorique.
Dans fa préface, l’aüteur fait déjà preffentir fa
façon de penfer fur les principes de ta&ique
adoptés de nos jours,
. Quoique ^invention de la poudre, dit-il, & les
nouvelles,armes aient occafionné divers changemens
dans le mécanifme de la guerre , il eft certain
qu’elles n’aut-oient dû influer que très-peu fur
! les principes de la taélique , & point du tout fur
j ceux de]a ftratégie : c’eft l’opinoti contraire, qui,
depuis environ un fiècîe, a fait prévaloir ]e mau-
[ vaifes maximes, & nous a écartés de la bonne route;
c’eft elle qui a, fait étendre les bataillons aux
dépens,fie leur hauteur, qui a fait former des l'gnes
minces & flottantes , fans■ folidit, & (ans action ;
c’eli .elle qui a multiplié à l’excès les bouches à
feu , & fait rechercher , dans l’extrême vit. fie de
leurs coups, un appui à la foibieffe de l’ordon-
nançe.* r- t
Après s’être expliqué -aufli chirement fur fa
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