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concevoir que l’on prenne encore auffi peu de
foin pour conferver la vie des hommes, parvenus
£ difficilement à l'âge de la virilité? Allez dans les
camps j fuivez les années dans leurs marches , affif-
tez a des combats ou à des batailles, mais furtout '
entrez dans les hôpitaux 3 et. vous jugerez par
vous-mêmes , s'il en poffible de pouffer plus loin
l'infouciance fur la confervation de la vie des
hommes , cependant h précieux 8c fi difficiles à
remplacer.
HONNEUR. Il eft l’eftime de nous-mêmes &
le feqtiment du droit que nous avons à l'eftime
des autres.
L'honneur, chez les nations les plus polies,
peut être attaché, tantôt à des qualités 8c à des
a étions eftimables, fouvent à des ufag s funeftes,
quelquefois à des coutumes extravagantes ou à
des vices.
Il faut que l’honneur donne, à tout citoyen,
l'horreur du mal, l'amour de fon devoir3 qu'il
ne foit jamais un efclave attaché à fon état, mais
qu'il foit condamné à la honte s'il ne peut faire
aucun bien.
Lorfque le gouvernement aura ranimé l'honneur,
il le dirigera, il T épurera, il lui ôtera ce
qu’il tenoit du teins de la barbaries il lui rendra
ce que lui avoir ôté le règne du luxe & de la
moleffe. L'honneur alors fera bientôt dans chaque
citoyen , la confcience de fon amour pour
fes devoirs, pour les principes de la vertu, &
le témoignage qu'il fe rendra lui-même 8c qu'il
attend des autres, qu'il remplit fes devoirs &
qu'il fuit les principes.
Le véritable honneur ne fe trouve pas à remplir
les devoirs feulement qui coûtent le moins à l’amour
propre, & à pratiquer les feules vertus
pour lefquelles on fe fent un penchant plus naturel
& plus vif. Tout ce qui eft bon, honnête, équitable
& félon l'ordre lui appartient.
Un général d'armée peut gagner des batailles,
enlever des provinces à l'ennemi, leur impofer
la lo i, décider de leur fort, rendre le nom de
fon maître & le fien redoutables à tous fes voi-
fins j il peut même encore mieux anoblir fa
gloire par un ufage judicieux de les profpérités,
foit en épargnant la ruine & le fang des peuples,
foit en les mettant en fureté les uns contre les
autres.
Néanmoins, tout héros qu’il eft, pourra-t-il fe
flatter d'une réputation bien pure 8c de l’avoir
méritée, fi, dans le cours d'une guerre, il a manqué
de proclamer ceux à qui peut-être il a été
redevable de fes plus grands fuccès, s’il a iaiffé
dans l'obfcurité le mérite qui lui était connu ,
pour ne procurer l'avancement que de ceux qu'il
a aimés ; s’il n'a mis à profit que pour lui feul ce
qui devait être partagé j fi enfin il fe trouve plus
flatté de fa gloire perfonnelle, que de celle de
n'avoir rien oublié pour terminer la guerre, &
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pour procurer une paix glorieufe à fa nation ? Le
véritable honneur eft délicat $ il ne peut fentir
rien de mêlé, rien d’équivoque., fans quoi il répand
un fouffle de dédain fur les aêtions les plus
brillantes qui les défigurent toutes.
L'honneur a fes règles fuprêmes 5 l’éducation
eft obligée de s'y conformer : les principales font,
qu’il nous eft bien permis de faire cas de notre
fortune, mais qu'il nous eft fouverainement défendu
d'en faire aucun de notre vie.
La fécondé eft que lorfque nous avons une fois
été placés dans un rang, nous ne devons rien faire
ni fooffrir qu-rfaffe voir que nous nous tenons inférieurs
à ce rang même.
La troifième, que les chofes que l’honneur défend,
font plus vigoureufement défendues lorfque
les lois ne concourent point à les p.rofcrire, &
que celles qu'il exige font plus fortement exigées
lorfque les lois ne les demandent pas.
HOPITAL. Un chirurgien-major très-inftruit
a donné fes idées fur les hôpitaux, au mot H ô p ita l
(dansce Dictionnaire). Ce mot mérite d’être lu
avec attention. Cependant, jufqu’à la page 69, il
n'y eft queftion que des/hôpitaux purement militaires,
placés dans certaines villes de guerre, avec
des idées pour les rendre meilleurs 5 mais on auroit
déliré avant tout , que l'on eût examiné s'il 11’é-
toit pas infiniment nuifibie de laiffer fübfifter les
hôpitaux militaires, & à ce fujet il| fe pré fente
une queftion infiniment importante, qui doit être
divifée, 8c fur laquelle nous allons communiquer
quelques idées, plutôt comme fujet de méditation
& d'examen, que comme un objet entièrement
arrêté.
La première divifion. En tems de paix, comment
faut-il pourvoir à la fanté & à la guérifon
des foldats malades ?
La Seconde divifion. En tems de guerre, quels
font les moyens à employer pour affurer la guérifon
des foldats malades ou bleffés ?
§. I.
E n tem s d e p a i x , c om m en t f a u t - i l p o u r v o i r à la
f a n t é & a la g u é r ifo n d e s f o ld a t s m a la d e s ?
On ne s'arrêtera pas ici à répéter ce qu’on
a dit fur les hôpitaux militaires dans le Traité
g é n é r a l d es ƒubfi(la n ces , dans le S o ld a t C ito y en 3
dans plufieurs autres écrits, 8c dans mille Mémoires
préfentésau miniftre de la guerre, par les
meilleurs médecins & chirurgiens des armées.
. En l’an 2, dans des obfervations fur les. hôpitaux
, préfentées à la convention, on conve-
noic que tout étoit encore abus dans le régime
des hôpitaux militaires : lés vices de leur admi-
niftration, les infidélités , les dilapidations , le
défaut de poiice & de furveillance fi néceffaires
pour maintenir la probité dau$ les détails, 8c pour
a f fu r e r
h o p
affurer l’exa&itude 8c la bonté du fervice de fanté, |
appelaient alors l’attention la plus vigilante de la
part du gouvernement, & follicitaient de fa fa-
geflè les mefures les plus promptes pour y remédier.
Ce que l'on difoit en l'an 2 , on a pu le
dire toutes Les années fui vantes, & l’on peut encore
malheureufement le répéter en l’an 10 , au
moment où nous écrivons fur cet objet fiintéref-
fant. Quand on voit de près les abus énormes qui
régnent dans les hôpitaux militaires , on eft tenté
de croire qu’ils dépendent d’ un fyfteme déforga-
nifateur, femblable à celui que V o n remarque dans
les autres adminiftrations militaires. Les débris de
la fortune publique ne femblent encore fervir qu'à
nourrir le luxe infolent 8c la corruption conta-
gieufe de ceux qui les dirigent ou les furveillent.
Le fervice des hôpitaux militaires eft confié, ou
à une régie, ou à une entreprife. Le fyftème de la
régie coûte plus que celui de i’entreprife. De-
puis long-tems l’expérience a prononcé en faveur
de la régie, pour les alimens& les médicamens,
tandis que I’entreprife eft plus avantageufe pour
les fournitures. Mais pourquoi s’occuper du plus
ou du moins d’avantages de ces deux moyens, s'il
eft plus utile pour les malades 8c pour le gouvernement,
de ne fe fervir ni de l’un ni de l ’autre.
On croit qu’on y fuppléeroit au moyen des hôpitaux
civils 8c des hôpitaux de bataillon.
Si pendant la paix on fe foumettoit enfin a ne
conferver fur pied que des bataillons de garnifon,
8c les officiers 8c fous - officiers des troupes de
ligne, dès-lors on faurait politivement dans quelles
corhmunes on auroit befoin d'avoir des chambres
pour les malades dans les hôpitaux civils j car
quant aux foldats, officiers ou fous-officiers des
troupes de ligne, 8c aux foldats d'artillerie & de
cavalerie qu'on pourroit retenir aux drapeaux ,
on fe borneroit aux hôpitaux de bataillon, kfquels
feroient auffi fuffifans, pendant les tems deftinés
aux grands exercices de toutes les troupes de la
république, réunies pour cet objet quelques décades
chaque année.^ ^ -
Nous diftinguons ici les bataillons de garnîfons,
par la raifon que fi l’on adoptoit le plan propofé
au mot f o r c e p u b l iq u e , ces bataillons fe renouvelant
tous les ans en foldats, 8c étant compofés en
grande partie de citoyens voifins de la commune
où ils feraiont en garnifon, fi la maladie étoit grave
eu fi le malade étoit en état de fe faire guérir dans
fa famille, on l’y renverroit : dans tous les autres
cas contraires, on fe ferviroit de l’hôpital civil,
dans lequel il y auroit une ou plufieurs- fales destinées
à cet objet. Selon la force de la garfiifon^,
l’état paieroit un médecin chirurgien, 8c un,
deux ou trois aides qui feroient chargés de veiller
fur la fanté des foldats malades, 8c traités à
raifon d’une Comme convenue pour chaque jour.
Un officier,,un fous - officier, un adminiftrateur,
un médécin de la commune former.oient le confiai
de fanté, chargé dé veiller fur l'hôpital, 8c la
A r t M i l i t . S u p p l. T om e I I
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manière dont les foldats y feroient traites 8c s y
conduiroient, les commifiaires des guerres n ayant
plus lien à voir dans cétte partie.
Quant aux hôpitaux de bat tillon , on a déjà
éprouvé combien on pouvoit en tirer un parti avantageux.
A l’inftar des puiffances étrangères, on
imagina, en janvier 1789, de charger chaque régiment
de tous les détails relatifs au traitement de feÿ
malades. On peut voir l’ordonnance donnée à ce
fujet, Sc on pourroit, en y prenant tous les articles
qui conviendroient, y fubftituer ceux néceffaires
aux articles que l’on jugeroit à propos de changer.
Quelques perfonnes mal inftruites ou malintentionnées
s’empreffèrent de faire dans le tems,
des objections contre les hôpitaux régimentaires ,
8c il eft très-probable qu’on les renouvelleroit
dès l’inftant où l'on penferoit à remettre en vigueur
cet établiffement fi utile. Mais d’abord ,
qui doit s’occuper avec plus de fuite 8c d’aCtivité
de la fanté des foldats malades, que les officiers
qui les commandent ? Qui doit plus qu eux chercher
à prévenir les maladies ? Qui peut mieux
qu’eux porter dans l’adminiftration des fonds con-
facrés à cet objet, une,économie fage 8c paternelle?
Cependant ces mêmes hommes, qui ont calculé
fu- les fouffrances 8c la vie des foldats pour
faire leur fortune, vous diront que le s ch iru rg ien s -
m a jo r s n e fo n t - p o in t ca p a b le s d e co n d u ir e un h ô p i t a l ,
& n o n t p o in t a jfe ç de ca n n o iffa n c e s p o u r g u é r ir le s
m a la d e s . Eh ! qui leur a dit, à ces hommes cupides ,
que l’on conferveroit dans les bataillons des hommes,
incapables de bien remplir tous les devoirs
fi effentiels qui leur feroient impofés ? Habitués à
s'enrichir par de monftrueufes infidélités, ils font
portés à croire que tous les hommes penfent 8c
agiffent comme eux. On voit au contraire dans
la formation des hôpitaux de bataillon 3 8c dans
la méthode de fe fervir des hôpitaux civils pour
les garnirons, les foldats en route & ceux fans
moyen dans leur famille , envoyés dans l’intérieur
pendant la guerre, un avantage inappréciable pour
la fanté de tous les citoyens» c’eft la multiplication
des officiers SI fanté très inùruits, 8c la rigidité
néceffaire que l'on mettroit à n’employer comme
, chefs que des praticiens très-inftruits, 8c à en préparer
d’excellens parmi les adjoints & les éleves.
On ajoutera que le * c h ir u rg ie n s -m a jo r s f o n t f im -
p lem e n t ch iru rg ien s , & i l eft beaucoup de m a la d ie s ou,
i l eft néceffaire de r ecou rir a un m é d e c in :■ obj têt ion
de bien mauvaife fo i, car nous avons demandé
un médecin - chirurgien, 8c en outre on fait tres-
bien que les chirurgiens majors ont toujou s été
en général d e très-habiles médecins : eux feu’s fe
chargent ordinairement de veiller à la fanté des
officieis . 8c dans le temsoù les foldats etoi- nt au,
compte des capitaines, plufieurs les faifoient foi-
gner dans une chambre par le chirurgien-major du
i régiment, afin de leur éviter tous les dangers moraux
8.' phyfiques des hôpitaux militaires. Enfin
|: l’ordonnance a paré à cet inconvénient, en pet*
T u t