
blanche produit deux genres de combats : celui |
de jet & celui de choc ; mais celui de jet précède I
celui de choc : Tordre propre au combat de jet I
doit donc être Tordre primitif
3°. L'adoption de Tarme à feu a donné l’avantage
à la défenfe fur l ’attaque j elle devient inutile
dans les mains de l’homme qui marche : Tordre
convenable à la délènfe doit donc être Tordre
habituel.
4°. L’état primitif eft l’état de défenfe : fon
ordre habituel doit donc être le même.
Voici les réponfes , & en même tems, les objections
des antagonittes :
i L’ arme à feu n'eft pas la plus meurtrière :
les troupes , fans s'ébranler, en effuient les effets
des heures entières , tandis qu’ elles fuient pref-
que toujours dès qu’on les approche pour les combattre
à Tarme blanche. D’ailleurs , o n a frappé
bien des coups à Tarme blanche avant que l’arme
à feu ait pu tirer une ou deux fois : il ne faut
donc pas fonder l’ordre habituel fur Tarme à
feu.2
°. Si le combat de jet précède celui de choc ,
avant d’ en venir au combat de jet il faut marcher
& manoeuvrer j ce qui ne fauroit fe faire avec
fureté fur trois rangs»: cet ordre ne doit donc pas
être primitif.
3°. Malgré la préférence donnée à l’arme à
feu, il n’eft pas vrai que la défenfive ait obtenu
l’avantage fur l’offenfive , & , pour le prouver , il
fuffiroit de dire que , toutes les fois que le roi de
Pru(Te a attaqué, il a battu , & qu’il a été battu
toutes les fois qu’il s’eft laiffé attaquer : ce^qxii
procure les fuccès, ce n’eft pas le fe u , mais la
promptitude , l’audace des mouvemens, la facilité
, la confiance de joindre l’ennemi 5 & Ton ne
peut obtenir aucun de ces avantages avec des bataillons
fur trois de hauteur.
40. L’état primitif d’une armée n’ eft pas l’état
de défenfe, mais celui de repos, duquel il faut
paffer fubitement à l’attaque ou à la défenfe : or,
rangé fur trois rangs, on eft bien moins préparé,
même pour la défenfe, que formé en ordre profond
j car toute armée attaquée qui ne manoeuvre
pas, eft battue. Mais pour manoeuvrer il faut
quitter Tordre étendu. Pourquoi donc s’y être
mis, puifque, pour le quitter.& fe mettre en colonne
, on s’expofe , pendant le mouvement, à
être mis en défordre par quelques efeadrons de
troupe? légères, qui arriverpient au moment où
les colonnes font encore à divifions ouvertes ou
en chemin pour fe former ?
Il ne peut y avoir à la guerre aucune pofttion,.
ni dans cette pofition aucune circonftance locale,
même dans la défenfive, pour obliger de déployer
yn feul bataillon d’avance. D’abord, on ignore où
l’ennemi portera fes coups ; enfuite un point quelconque
à défendre, eft acceffible ou il 'ne l’eft
p s : s’:jl eft a c ç e fl lb le c e n’eft pas le cas de fe :
déployer» s* il ne T eft pas, on a toujours le tems
de s’y déployer.
Ces objections paroiffent fi puiffantes à M. de
Laiffac , qu’ il ne trouve ni dans fon efprit ni dans
aucun écrit fur l’ordre mince, rien de folide à
répliquer ; & , fans chercher à pénétrer dans les
penfées & les motifs du roi de Pruffe, pour avoir
préféré cet ordre , qui ne lui auroit pas réuflî,
| dit-il, s’il n’avoir pas combattu en perfonne avec
! des troupes fupérieuves à toutes celies de l’ Europe
dans l’art des manoeuvres, l’auteur jette les
yeux fur une armée formée dans cet ordre.
Je vois, dit M. de Laiffac, une multitude im-
menfe alongée dans un efpàce quelquefois de
plusieurs lieues, fur un fimple front de trois hommes
de hauteur. Derrière ce fil fragile, j’en vois
un autre femblable : voilà une armée moderne
dans fon ordre de bataille. Or , quel eft l’homme
qui n’aura pas été fubjugué par 1 autorité' ou par
l’ habitude, qui ne fente d’abord l’extrême loi-
bleffe d’une armée ainfi ordonnée ? En vain lui
diroit-on que ce n’ eft là que Tordre d’attente ; ce
feroit le tromper , car Tordre de combat ne diffère
que par quelques légères modifications : ce
font toujours & uniquement trois hommes de
hauteur, ou des portions plus ou moins étendues
, plus ou moins flottantes de ces deux
lignes fi débiles qui formoient Tordre primitif.
Si vous appercevez des corps plus épais & plus
folides, ce n’eft: point fur le champ de bataille;
c’eft fur le chemin qui y conduit : en arrivant
fur la fcène du combat , vous verrez ces maffes
fe diffoudre & fe réduire en longs & foibles fila-
mens, n’oppofer partout à l’ennemi qu’une ré-
fiftance de trois hommes.
Et c ’eft là le plus haut degré de perfe&ion
de l’art militaire ; mais c’eft là l’habitude, &
elle feule peut nous faire méconnoïtre l’abfur-
dité de notre ta&ique.
Après avoir mis le leêfceur en état de décider
auel doit être Tordre primitif, il fe préfente
aeux autres queftions : Quel ufage doit-on faire
de Tordre du feu , rejeté comme primitif & habituel
? Quelle eft la meilleure efpèce (Tordre profond
? L’auteur difcute ces deux queftions.
L’arme à feu n’eft pas', félon l’auteur, la meilleure
arme militaire qui exifte » mais, de fon
aveu , elle a des avantages qu’on ne doit pas
méconnoïtre : fi ce n’eft pas la plus décifive pour
la victoire, c’eft elle qui la prépare. Il y a même
bien des circonftances où c’ eft la feule qui puiffe
agir : il faut donc tirer de cette arme univerfelle-
ment en ufage, tout le parti dont-elle eft fuf-
ceptible ; fes effets d’ailleurs.peuvent non-feulement
fe concilier dans toute leur plénitude avec
les effets puiffans de l'arme, mais encoure font
très^propres à les féconder
M. Ménil-Uurand, qui a mitigé les idées outrées
de Folard, mais qui n’eft pas tout-à-fait exempt
lui-même du défaut de fon prédéçeffeur > M. Méril
Durand n’a pas affea fenti combien l’ordre
profond peut recevoir de protection , de feçogrs
& d'appui du feu de l'ordre déployé. Ce taèticien
met trop au hazard le fuccès de fes attaques : il
5 ex pôle trop à voir entamer & rompre les colonnes
par des décharges réitérées auxquelles il
n’oppolè prefque rien 5 car le feu des grenadiers
6 chaffeurs, q u i, dans ce fyllème, forment le rideau
des colonnes , doit être compté pour bien
peu- , . H e .
Que Ton fuppofe cependant que, maigre la roi-
blelfe ou la nullité de ce rideau, les plélionsaient
l'audace d'avancer : alors , lien ne les voilant a
l ’ennemi, ne dirigera-t-il pas contr’elles tout le
feu de fon artillerie & de fa moufqueterie avec
trop de lumière & vraifemblablement trop de
fuccès ? Ce n’eft pas que les ravages du canon dans
la colonne fuffent tels, que Ton veut bien le dire ;
mais un certain nombre d’hommes tués à la tête
de la pléfion , feroit capable de la défordonner.
Au lieu donc d’employer auflï peu de feu devant
les colonnes, l’auteur voudroit leur donner pour
rideau,des brigades, des divifions entières, fe
déployant ën première ligne, & engageant avec
l’ennemi un combat régulier de moufqueterie ;
c ’eft enfuite à la faveur de ce mafque, fous la
tutelle de ce feu , qu’il mène fes colonnes au combat
: elles paflènt par l’intervalle des batailons
pour fondre fur l’ennemi, qui, fatigue de tirer,
ne pourra plus leur oppofer qu’un feu bien peu
dangereux , fi même il a le courage de les attendre.'
C ’eft par cette combinaifon bien fimple de Tordre
étendu & de Tordre mince , ajoute l’ auteur,
qu’on tirera de l ’un & de l’autre tous les avantages
qu'ils peuvent rendre ; combinaifon qui réunit
dans leur entier les effets du jet & du choc , &
met en aêtion toutes les forces d’une armée.
Ainfi, convaincu d’avoir trouvé la meilleure
manière de tirer un grand parti des deux ordres
oppofés, l’auteur paffe à l’antre queftion : Quelle
eft la meilleure efpèce d’ordre profond ?
L ’objet de cet ordre étant de joindre l’ennemi
& de l’enfoncer , il doit réunir au plus de légèreté
& de force poffible, le moins de prife au feu
de l’armée ennemie : il faut donc que la colonne
n’ ait ni trop ni trop peu de pefanteur. La plefion
paroît trop foible à l’auteur : il voudroit donner
vingt files à fa colonne & trente rangs : à cela
près, la pléfion lui paroît parfaitement bien entendue
pour fon mécanifme central. Quant a la
marche , l’auteur voudroit que fa colonne marchât
avec un intervalle plus confidérable entre
la première & la fécondé moitié, afin que fi la
première étoit endommagée ou mife en déroute,
fa fécondé , entière & en ordre, fuffït pour percer
la ligne ennemie. Au refte, comme M. Ménil-
Duraod, l’auteur voudroit qu’à deux cents pas
de l’ennemi les foldats de la colonne priffent- la
courre fi l’on pouvait Us habituer à ce mouvement,
qui feroit fi avantageux. -
Après avoir confiiéré 1a tactique en elle-meme,
il auroit relié à l’auteur de confronter les deux
ordonnances , eu égard à la différente nature des
pays tk des lieux; à mettre le leêteurà portée de
décider fi celle qui ne peut fe paffer d’ appui a i un
; & à l’autre de fes flancs, qui eft perdue fi elle s en
fép.are un inftant , qui n’ofe fe montrer dans une
campagne r a fe ; ii cette ordonnance vaut mieux
que celle qui partout fait le défendre, partout
eft forte par elle-même , libre par conféquent fur
le choix de fa route , fur le choix du théâtre oe
la guerre, qui fe plie à h défenfive comme a 1 offensive
, qui eft enfin capable de tout ce qui elt
poffible à l’autre, & peut ce qui eft impoflible a
fa rivale. Mais il lui a fuffi, dit-il, d ’avoir éclairci
& fixé les points principaux de l’importante du-
cuffion qui depuis long - tems divife le militaire
de l’Europe.
Dernière opinion fur les différens ordres en taffiique ,
confiante dans Le manujerit d un ancien militaire.,
M. de Séguier.
Jufqu’au moment où Ton aura vu une ligne de
troupes en ordre profond, chaffée de fon terrein
& détruite par une ligne contiguë de même front,
on pourra encore douter de ^infaillibilité de l’auteur
de YEJfai général de tactique & de fa réfutation
complète. %
Qu’on fe rappelle le camp de 1769, a Verbe-
r ie , fous Compiègne : on y produisit devant le roi
& toute la cour, une ligne de quarante-deux bataillons,
qui tous avoient été exercés depuis deux
ans par les plus habiles faifeurs, réunis plufieurs
fois à Metz, & tourmentés jufqu’ à la cruauté, pour
la précifion , Taîignement, la cadence , & ç . Pour
leur épargner la peine d’un alignement primitif-,
on leur en avoit tracé un fur lequel ils firent leur
feu , q u e , par parenthèfe, tous les roulemens
poffibles ne pouvoient faire ceffer ; ils marchèrent
fur un terrein uni & battu ; mais au bout de cent
pas il n’y avoit plus ni alignement, ni diftances
gardées : à cent cinquante, les intervalles furent
entièrement effacés ou doublés la^ ligne fut
changée en redoute. Qu’auroit - ce été s’il avoit
fallu marcher dans des champs inégaux, chargés
de grains, cultivés en filions, coupés de chemins,
de ravins & autres difficultés fi communes fur les
champs de bataille ? Et fi quarante-deux bataillons
en quarante-deux colonnes étoient arrivés fur cette
ligne, n’auroit- elle pas été infailliblement ren-
verfée?
A l’appui de cette affertion, l’auteur rapporte
un fait qui lui eft perfonnel dans la guerre de fept
ans. Je commandois, d it- il, le bataillon des grenadiers
& chaffeurs de ma brigade ; elle étoit
compofée de cinq bataillons, & celui que je commandois
de cinq cents hommes d'élite , tonnant