
la valeur Sr le feu qui l’animent ne fe font jamais
démentis : fon premier choc eft terrible ; il eft
donc important pour le général qui la commande i
de favoir faire naître des occafions conformes
à fon caractère ; rien n’y eft fi propre que les
affaires de détail; une difpofition couverte de
redoutes eft celle qui convient le mieux à l ’im-
pétuofité françoifet On y envoie toujours de nouvelles
troupes pour repouffer l'ennemi s’ il attaque
, ou fî vous attaquez vous-même, vos
troupes qui Tentent leur retraite allurée , en combattent
avec bien plus de valeur.
Le maréchal de Villars forma en 170(5 3 le
projet de s’emparer de l’ile du Marquifat 3 qui
eft vis-à-vis du fort Louis 3 &r n’ en eft féparée
que par un bras du Rhin. Cetté entreprife où
il fe préfentoit de grandes difficultés,.rendît par
la fageffe du général & la valeur étonnante des
troupes françoifes. Champagne & Navarre alloient
entrer dans des batteaux pour paffer le bras du
Rhin qui féparoit de l’île du Marquifat ; Barbery ,
lieutenant-colonel de Navarre , qui commandoit
le premier détachement de grenadiers , ayant ap-
perçu Pécomme, lieutenant-colonel de Champagne
, qui fe cachoit pour fe jetter à l’eau 3
s'y jette lui-m.ême avec tous les grenadiers de
Navarre fans connoitre aucun gué $ & plufieurs
fe feroient noyés fans des branches qui fe trouvèrent
là fort heureufement. Telle eft l’excel-
lepce de la nation françoife; on l’ankne, on la
vivifie prefque plus par des exemples 3 ou par
des paroles flatteufes, que par des récompenfes
utiles.
Les nations qui vivent fous un climat tempéré
, font plus propres pour la guerre dans lés
différens climats.
Une nation vive 3 a & iv e v io le n te & fou-
gueufe, comme la nation françoife, doit dans fes;
combats toujours chercher à aborder l’ennemi 51
fans cela vous coupez les bras Sc les jambes,
aux foldats.
C ?eft à la charge à la bayonnette que nous
devons nos viéloires, c’elt ainfi que combat-
toient les anciens généraux. Ceux de nos jours
les ont imités & fe font couverts de gloire, ainfi
que tous leurs freres d’armes.
Envain a-t-on fouvent voulu dénigrer le foldat
françois; la feule caufe de nos maux & de nos!
fautes, eft dans nos inftitutions & non dans
notre caractère. Le foldat françois eft de la meilleure
efpèce poffible ; il eft plein de courage,
de volonté , d’intelligence, naturellement porté
à l’ obéiffauce ; quand il s’écarte de ces qualités ,
c’ eft la faute des officiers qui les excitent ;& les
encouragent à tnal faire par leurs exemples & par
leurs difcours.
La retraite tant vantée des Grecs n*approche
pas de celle des François, depuis Prague jufque.
fur les bords du Rhin. . . La bataille de Marignan
eft une preuve affez forte,que les François , quand
ils font bien conduits', peuvent avoir ce courage
patient qui eft quelquefois auffi néceffaire
que l’ardeur impétueufe qu’on leur accorde.
Lifez les détails, relatifs aux différentes, campagnes'
de la guerre de la liberté , contre le def-
potifme coalifé. Voyez à Fleurus les François
repouffés depuis le matin jufqu’au foir, -reve-*
nant continuellement à la charge , & remportant
une viétoire éclatante. Voyez-les pendant trois
campagnes confécutives;, paffer. le Rhin fur d L
férens points en préfence d’un ennemi formidable
; quelle valeur pour ’ repoufler l’ennemi
jufque fur les bords du Danube,; quelle patience »
quel courage quand il eft obligé de .fe retirer
fous les ordres de Moraux ! Suivez-le dans l’ Italie ,
depuis le moment- où il attaque les Autrichiens
& les Piémontais à Miilefimo, jufqu’à celui ou
il eft près d’arriver aux portes de Vienne, &
vous ne pourrez ni nombrer ni comprendre fes
a&es de valeur & de patience ; fes marches
forcées pour arriver fur les points où il devoir
combattre ; enfin fon infatigable confiance pour
féconder le génie du jeune héros qui les con-
duifit fi conftamment à la victoire & à l’immortalité.
FRANCHISE. Dire fon avis avec franchife i
c’eft fe conduire ouvertement & noblement.
Parler avec trop de franchife 5 c’eft ouvrir fon
coeur. D’après ces définitions, on fentira combien
la franchife doit être en recommandation
aux militaires-, combien il fera avantageux aux
généraux d’êtte entourés d’hommes francs, qui
(auront non-feulement fe conduire ouvertement
& noblement eh difant leurs avis, mais encore
qui fauront ouvrir leurs coeurs en parlant avec
franchife.
FRATERNITÉ D’ARMES. Rien ne devroit
être plus naturel & plus commun qu’une étroite
amitié entre les enfans ; ayant reçu le jour d’un
même père & d’ une même mère, élevés en-
femble, ayant les mêmes habitudes, tout devroit
contribuer à les unir. Rien cependant n’ eft plus
rare que la véritable arrfitié fraternelle; des intérêts
communs à difcuter, des préférences quelquefois
injuftes à fupporter de la parc des parens ,
trop peu de raifons pour s’excufer mutuellement
fes défauts, afin de vivre plus cordialement
enfemble ; mille caufes femblent concourir à/
éloigner les enfans les uns des autres plutôt qu’à
les rapprocher. Il n’ en eft pas de même de la
fraternité d’armés ; c’eft l’intérêt, c’eft lebefoin
qui la forme , c ’eft la, refpeétaible amitié qui en
refferre tous les jours davantage les liens facrés.
( Voyez le mot amitié dans ce fupplément, &
Vous y trouverez tous les devoirs auxquels doivent
fe foumettre tous les frères d’armes. ,
FRISURE. Manière d’accommoder Ies '“che- ,
veux. On a voulu foumettre à la mode , la frifure
des foldats françois comme celle du refte de là
nation. Ainfi nous avons vu les foldats françois
porter une boucle, formée par un morceau de
carte, fur laquelle les cheveux des faces étoient
arrêtés avec du plomb; & une treffe relevée
avec un peigne ; la boucle & la treffe étoient
maftiquées avec de la colle. La perte des cheveux
, une dépenfe confidérable & des fluxions
fur les yeux, firent fupprimer cette frifure ; elle •
fut remplacée par une petite boucle fans colle
& fans carte, & par une petite bourfe à che- ;
veux, vulgairement nommée crapaud. , la cherté
du crapaud & les dégradations qu’il faifoit éprouver .
à l’habit, le firent réformer. On adopta alors
le catogan, les faces furent étagées à l ’avant-
garde & le toupet taillé en vergetté. Au catogan :
qui arrachoit les cheveux & qui pouvoit occa- j
fionner des incommodités , fuccéda une queue j
de dix pouces, le toupet toujours en vergette, ;
& les faces étagées à l’avant-garde , ne couvrant j
ue le cartilage de l’oreille. Au commencement j
e la guerre de la liberté , plufieurs patriotes j
ayant adopté les cheveux ronds, on vit bientôt j
cette méthode fi commode fe répandre dans les !
armées. Sous le régime de la terreur, elle é toit, ;
pour ainfi dire un de attributs du patriotifme <
apparent, & la majorité des citoyens avoient
de;; cheveux ronds , Ja mouftache, le fabre &■ 3
l’ habit bleu. A l ’inftar des Romains qui quittoient j
le laticlave 8c prenoient le fagum dans les momens
où la république étoit en danger, tous les citoyens
françois avoient vêtu l’habit militaire. Après le
thermidor , ce fut prefqu’un crime de porter
des cheveux ronds , les jeunes gens fe coè'ffèrent -
à la viéritne, des cheveux treffés & relevés-avec
un peigne , des face^ en oreilles de chien , & ;
l’éfpïit de parti s’empara'de cette mode avec 1
laquelle on vouloit rappeler le coftume des victimes
traînées à la guillottine. Tout citoyen en J
cheveux ronds fut traité de jacobin, & dans les ;
départemens furtout où la réaction fut la plus
en vigueur , ce fut un figne de profeription , la 1
queue reparut alors. Mais à l’époque où les réac- j
teurs fe crurent les plus forts, où les émigrés !
rentrèrent avec impunité, efeortés par les prêtres
réfraêlaires , oh vit fe former, furtout à Paris , ;
la fedieftes incroyables & des têtes ou des coëf- ■
fures à la Titus. Tous les jeunes gens eurent
les cheveux coupés à l’Etrufque , ou cachés fous
une perruque à cheveux écourtés , la .moitié •
de la figure dans une cravate énorme, le corps
-dans un fac appellé habit quarré, & le bout
du piëd dans ün foulier très-découvert & très-
pointo. A la tenue , aux propos , à la conduite ,
a l ’immoralité fi révoltante de nos incroyables,
joindre encore la frifure à la T itu s , n’étoit-ce
pas mettre le comble au ridicule ou à Ja pitié.
Quoiqu’ il en foit de-ces inconféquences, auxquelles
les hommes raifonnables doivent être
accoutumés de la part de la jeuneffe françoife,
dans la tête de laqueller réfide imminemment
le caractère de légéreré , reproché mal à-propos
à fa nation entière, obfervons que la coëffure
en cheveux ronds a été adoptée de préférence par
les patriotes , les terroriftes de Robefpierre, appelés
fans-culotte, & les terroriftes de LouisXVlII,
appelés incroyables; réa&eurs, compagnons de
Jéfus , du foleil , & c . Cette coëffure étoit celle
des anciens peuples les plus connus, les Grecs ,
les Romains , &c. 5 celle des modernes jufqu’ à
Louis XIV ; elle eft celle des citoyens de la
campagne, des arrifans, des manoeuvriers ; elle
convient à merveille par fa fimplicité à la propreté
& à la fan ré ; elle fait très-bien avec les
cafques, même avec le chapeau à trois cornes;
Charles XII étoit en cheveux ronds; avec cette
coëffure le foldat peut très-habituellement fe Javer
la tête , & il n’ a aucun embarras pour fe coëfter.
Il feroit inutile de s’étendre davantage fur un
objet qu’on a cru effentiel de traiter, mais dont
il doit être fuftifant d’avoir indiqué les avantages.
FRIVOLITÉ. Les hommes font frivoles quand
ils s’occupent férieufement des objets frivoles.,
ou quand ils traitent légèrement les objets fé-
rieux. On eft frivole parce qu’on n’a pas affez
d’étendue & de jufteffe dans l’efprit pour mefurer
le prix des choies, du tems & de fon exiftence.
On eft frivole par vanité, lorfqu’on veut plaire
dans le monde où on eft emporté par l’exemple
& par l’ ufage ; lorfqu’on adopte par foibleffe
les goûts & les idées du' grand nombre ; lorf-
qu’en imitant & en repérant on croit fentir &
penfer. On eft frivole lorfqu’on eft fans partions
& fans vertus. Alors pour Te délivrer de l’ennui
de chaque jour , on fe livre chaque jour à quel-
, qu’amufement qui ceftè bientôt d’en être un:
on fe -recherche fur les fantaifies, on eft avide
de nouveaux objets, autour defquels l’efprit vole
fans méditer, fans éclairer ; le coeur refte vide
au milieu des fpeâaçîes , de la philofophie, des
maîtreffes, des affaires, des beaux-arts, des
magots, dés foupers, dçs amufemens, des faux
devoirs , des differtations , des bons mots , &
prefque toujours de belles aérions.
Si la frivolité pouvoit exifter îong-tems avec
de vrais talens 8c l ’amour des vertus, elle dé-
tiuiroit l’un 8c l’autre ; l’homme honnête &
fenfé fe. rrouveroit précipité dans l’ ineptie 8c
dans la dépravation.
Que de réflexions devroient faire naître le
peu 4e mots que l’on vient de lire fur la fri