
général Burçoyne & fon armée } quelques-unes
du général Waginfton, &c. Mais en comparant
les diffërens faits militaires de cette guerre avec
ceux des guerres de l'Europe, par exemple celle
de fept ans, on peut à peine les regarder comme
de très-petites affaires de poire.
11 n’en eft pas tout-à-fait de même de la guerre
foutenue par les Français contre la plus grande
partie de toutes les puilfances de l'Europe coali-
fées contt'eux pour leur faire reprendre des fers
qu’ils avoient fi çourageufementbrifés. Sans doute
les militaires inftruits verront avec étonnement
les troupes les mieux exercées & les plus favam-
ment manoeuvrières de l’Europe, être battues
partout où elles ont ofé fe- mefurer avec des
Français appelés dans, les armées par la réqui-
fition , & n'ayant jamais reçu la moindre inftruc-
tion militaire. On voit bien parmi les généraux
français quelques hommes de méiite j mais rien
n'approche de la patience,'de la fermeté, du
fana'.ifme de courage, de la bravoure , de i ’en-
thoufiafme des foldats français. En général les
polirions favantes, les marches , les convois , les
fourrages , les campemens , tout paroît négligé j
& cependant dès qu'il faut fe battre, la viétoire
eft toujours là aux ordres de ces mêmes hommes,
qui femblent avoir tout oublié pour fe l'afTurer :
il faut cependant en convenir } on a vu fe développer
& s'aggrandir dans cette guerre un moyen
de defiruétion domt les François ont tiré un
d'autant plus grand parti, qu'il falloit, pour le
rendre véritablement très - utile, l'appuyer de
l ’arme blanche & d’une bravoure à toute épreuve/
Nous voulons parler de l'artillerie légère, avec
laquelle les Français ont entièrement déconcerté
tous les efforts de la cavalerie ennemie, qui ,
une fois ébranlée par les obus, ne favoit plus
réfifter à l'impétuoficé des troupes légères fran-
çoifes à pied & à cheval ; dès-lors l'infanteriè
françoife entonnoit fes-chants patriotiques j on
battoit le pas de charge} & l'infanterie ennemie,
fans défenfe fur fes flancs, & peu faite; à cette
furie de courage des nouveaux enfans de la
lib e r té , étoit mife en fuite. S i, à ces moyens
perfectionnés avec tant d’art par les François,
on ajouté les marches inôuies de certaines divi-
fions de troupes françoifes que l’on a vu en
Italie faire plus de douze lieues dans la même
journée , pour fe trouver à trois combats & contribuer
à trois victoires} à la pointe du jour, à
midi, & à fix heures du foir , on conviendra de
l'efpèce de progrès qu'avoit fait la fcience de la
guerre à l'époque dont nous parlons. Mais quel
eft le général qui oferoit former des projets
d’après de femblables prodiges ? Quel eft le
peuple où l'on peut citer de femblables miracles
? Sous tous les climats , contre quelque
peuple que ce foit} fur les bords du Rhin, dans
les âpres montagnes de la Franconie, des Alpes,
des Pyrennées, de l'I-Ielvétiê ; dans les climats
brûlans & dévorans de l'Italie & de l'Egypte ;
fur le rocher aride de Malthe, contre le Pruf-
fien , l'Allemand , l'Anglois , l’Efpagnol, le
Suide , l'Arabe, lé Mameluck ; fans vêtement,
fans vivres.J fans tentes , fans équipage; politi-
quant, chantant, fonffrant, fe battant, & enchaînant
continuellement la viêïoire : à fes drapeaux.
Ainli l'art de la guerre eft arrivé progreflîve-
ment, chez les modernes, au point de perfection
où nous l’avons vu porter par Frédéric; & fi
1 on ne s'occupe très-jerieufement, à la paix, de
faire revivre fes grands, principes, il eft à craindre
qu'il ne rétrograde au-lieu de fe perfectionner.
Pour éviter en grande partie cet inconvénient,
nous croyons important d’indiquer pour les modernes,
comme nous l'avons fait pour les anciens,
quels font les ouvrages où l'officier ftu-
dieux peur aller puifer tous les fecrets de,,1a
fcience de la guerre.
Cependant il feroit inutile de vouloir faire
connoitre tous les auteurs qui ont écrit fur l'art
de la guerre chez lés modernes ; les ouvrages de
la plus grande partie d’entr'eux n'étant que la
peinture de l'art de la guerre au moment où ils
en écrivoient, fe reflentent ou de la barbarie ou
de l'ignorance des teins. I f eft donc important
d e fe borner aux auteurs eflentiellement utiles,
& dans les ouvrages defquels on peut puifer des
lumières & des inftfuCtions.
Quoiqu'écrites dans un tems plus reculé, on
peur citer les Institutions de Iempereur Léon ,
qui, voulant rétablir la difcipline & relever la
taClique , avoit puifé dans les livres anciens tout
ce qu’ii avoir cru pouvoir contribuer à fes vues.
Cet ouvrage eft rempli de quantité de maximes
& d’exceilers préceptes dont on peut faire.ifon
profit ; on y voit ce qu'il penfoic fur les qualités
que doit avoir un général, fur les moyens de
difcipiiner & d’aguerrir les troupes, fur la conduite
qu'on devoit tenir de fon tems contre les
Turc s , les Arabes, les Francs, les Sarrafins &
les Hongrois, dont il décrit les moeurs & les
ufages, ainiî que la manière de combattre.
Après l’empereur Léon, afin de citer des ouvrages.
qui fuivent à-peu-près, les différentes
puances que nous avons fait, remarquer dans les
progrès de la, fcience de la guerre, depuis
Céfar, nous parlerons des Commines, des Du-
bellay, des Fleuranges, des Moncluc , de
Henri IV, de d'Aubigny, de Lanoue, de Lefdi-
guîères, qui prouvèrent chez les François, qu'iis
favoient auffi-bien écrire fur la théorie militaire,
n'en appliquer les principes aux grandes a&ions
e la guerre.
Pefcaire , Spihola, Mansfeldt, Georges Bafta,
Vulhaufen, M elle, le duc d'Albe chez les étrangers
, avoient également laide des preuves dura-
bies^de leurs talens pour développer aux militaires
d'importans fecrets de leur ar t, St pour
leur en prouver l'excellence par de brillantes
applications.
Commines, homme de cour, guerrier & rtego-
dateur, parle de tout ce dont il a été témoin
avec la franchife gauloife, & accompagne fes
récits de reflexions fouvent tr-ès-intérefiantes.
Du Bellay & Fleuranges font des guides affez :
exafts pour l’hiftoire politique & militaire de leur
tems. Si le premier ne commanda jamais en chef,
ii ne paroît pas moins en avoir été très-digne. On
lit dans fes 'mémoires , ainii que dans ceux du
maréchal de Fleuranges, d’affez bonnes chofes fur
l’ordre, l’enfemble & la discipline qui^ doivenc .
régner 'dans une armée bien conftituee ; leurs
mémoires auroient dù être commentés par quelqu'un
de plus militaire que le Laboureur.
Montluc, malgré fon amour-propre eXceffif,
qui perce à chaque page de fes mémoires, a conduit
prefque toutes les expéditions dont il a été !
charge, avec autant de fuccès que d’ aâivité & de |
courage.
Ses mémoires contiennent beaucoup d’exemples
St de réflexions propres à former un jeune
officier à la petite guerre.
Le journal militaire d’Henri IV prouve fans
ceffefa valeur, Ca.bonté, & fouvent une grande
capacité militaire; c’ eft au milieu des braves guerriers
de ce tems que ce prince paroît avec le plus
grand éclat par la furprife de Cahots, les combats
de Courras, la bataille d’Ivry, le combat d’Aumale,
& beaucoup d'autres faits militaires très-
brillans.
Le duc d’Angoulême, Lanoue, Lefdiguières,
nous ont laiffé des mémoires écrits avec bien de
la naïveté, & dont on peut retirer de l ’inftrnc-
tion ; les mémoires de Lanoue furtouc, rendent
avec clarté tous les faits de guerre.
Le journal de Lefdiguières contient des détails
militaires affez bien faits.
Pefcaire eft mort trop jeune pour avoir laiffé
des réflexions bien mûries par l’ expérience ; mais
elles montrent toutes un génie vraiment militaire.
Les autres paroiffent avoir encore plus vu les
détails de leur art que les grands résultats à en
obtenir.
Ainfi Spinola, Mansfeldt . Georges Bafta, s’occupent
le plus féuvent de détails ; le dernier ,
cependant plus fameux, nous a Iaifle un tiès-bon
traité fur la cavalerie, où l'on trouve difcuté avec
clarté la meilleure ordonnance, la meilleure armure,
& le meilleur emploi de cette arme eifen-
tielle } mais en apprenant à connoître les inconvénient,
il apprend peu à les éviter.*
Spinola & Maurice ayant plus fait la guerre de
liège, ont plus dirigé leurs vues de ce côté ; mais
cette partie de l'art ayant été très-perfeéUonnée ,
leurs ouvrages ne font pas d'une grande utilité.
Dans tous ces auteurs, on peut affez bien s’inf-
truire des moyens de dreffer des embufcades, de
paffer des rivières', de faire des marches forcées,
d'efcalader des places entourées de Amples murailles
, de favoir choifir un pofte & s'v défendre,
mais il feroit difficile d'y apprendre le grand arc
de former un plan de campagne, offenfif ou dé-
fenfif} de l ’étendre ou de le refferrer, fuivant
les circonftances} de l’exécuter avec vigueur 8c
rapidité } de favoir fe battre quand les avantages
du gain d’une affaire furpaffent de beaucoup les
rifques de la perdre } de conftituer & de former
une armée docile, manoeuvrière, ayant pour but
de porter.avec lè plus grand enfemble & la plus
grande célérité, des portions plus ou moins con-
fidérables de troupes dont elle eft compofée, dans
les points jugés décififs par le général. Cette
importante fcience, & même celle des autres
parties de la grande guerre, paroiffent n'avoir
point encoie été apperçues alors, jufqu'au moment
où Guftave v in t, dans la guerre de trente
ans, éclipfer tous les guerriers de fon fiècle, &
laifler à ceux qui dévoient lui fuccéder, les. plus
grands exemples & les leçons les plus inftru&ives.
Sur la fin du dix-feptième fiècle , & au commencement
du dix-huitième , oa vit paroître
les écrits de Santa-Cruz, du duc de Rohan, fous
le titre du Parfait Capitaine; les ouvrages des
Cohorne, Pagan, De ville, Vauban, fur la fortification
, l’attaque & la défenfe des places} les
mémoires de Montécuculli} ceux de Feüquières
fi amers, mais fouvent fi intéreffans & fi inftruc-
t ifs } les vies, mémoires ou campagnes de Guftave
, de Naffau, de .Turenne, de Condé, dô
Luxembourg, de Catinat, d'Eugène, de Vendôme,
deVillars, de Berwick,dé Malboroug j
l'art de la guerre, du maréchal de Puifégur.
Ce véritable homme de guerre eft un de nos
premiers officiers qui ait fenti l'importance d’af-
fujettir les grands détails de là tactique à des
calculs 8c à dès règles précifes. Il paroît être lè
premier qui ait trouvé le moyen d’affurer les généraux
de pouvoir faire exécuter de grands moii-
vèmèns en colonne ou en ligne , avec ordre 8c
prédfion, dans lin rems fixe & détermihé. A la
vérité on ignoroit encore l’art des alignemèns en
grand.
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