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les ceffer •, écoutez même le récit de leurs maux ;
cette complaifance contribuera autant que les
remèdes à hâter leur guérifon. Vificez fouvertt
les prifons de votre régiment -, l’homme coupable
doit être puni , mais non renfermé dans
un endroit mal-fain. Je ne vous dirai point de
ménager à la guerre le fang & les peines de
vos foldats ? celui-là eft indigne du nom d’homme ,
qui , pour le faire line renommée , les expofe
à des maux , à des périls fuperflüs : lâchez d’ailleurs
que la gloire qu’on obtient à ce prix n’eft
ni? belle , ni durable.
Les c o lo n e ls françois font renommés depuis
long-temps dans l’Europe entière par leur poli-
teiTe -, on ne fera jamais pour vous , j’en fuis
certain v une exception qui vous 1er oit inju-
rieufe ; loin de relier au-deffous de vos modèles,
vous les lurpafférez *• la plupart des c o lo n e l s ne
font polis qu’avec, les femmes , leurs fupérieurs
& leurs égaux; vous , vous le ferez avec vos
inférieurs. Vous ne parlerez jamais . aux officiers
de votre régiment, 8c jamais vous né parlerez
d’eux avec ce ton impérieux ou léger qu’aiféâent
quelques-chefs de corps« : fouvenez-vous , je vous
le répète , que beaucoup de vos fubalternes ont
mieux mérité que vous de commander un régi- |
ment ; que beaucoup'ont une origine plus antique
8c plus illuftre que la vôtre , & qu’il ne leur a
manqué pour être élevés au-deffus de vous , qu’un
peu de richeffe ou de bonheur. Soyez donc accef-
fible , affable , poli , prévenant , mais; encore
davantage avec vos inférieurs qu’avec.vos égaux;
la politeffe. avec l’es égaux n’eft fouvent que
l’effet d’une. politique adroite ; celle dont on ufe
avec, les fubalternes. eft une preuve de-Ja bonté -
du: coeur. Les. louanges que j’ai reçues pour,
n’âvoir jamais fait fentir le poids de mon autorité
doivent vous, encourager, à imiter ma conduite.
Si jamais vous commettez des fautes., hâtez-
vous d’en convenir , 8c fur-tout de les. réparer.
Quoique cette manière d’agir foit bien naturelle ,.
8c quoiqu’elle ne mérite point d’être louée , elle
vous, attirera cependant des louanges , vous
gagnera des coeurs , & vous fera pardonner des
fautes ; je l’ai fouvent éprouvé moi-même;
Soyez très-attentif dans le choix des jeunes-
gens. deftinés à entrer dans- votre régiment :
prenez , autant que vous le pourrez , les fils &
lès, parens.des officiers.de votre corps : au défaut
de- ceux-ci, donnez la préférence aux e 11 fans dé
militaires^, & enfin à la nobleffe qui habite dans
fes terres..
Aimez, diftinguez les officiers qui annonceront;
quelque talent pour, la guerre , & ceux qui fans,
négliger leurs devoirs , s'adonneront.à la culture.
des, beaux-arts.
Qccupez.'rvous'i beaucoup des-, -jeunes officiers: dè. '
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votre régiment , veillez vous - même fur leur
conduite , fur leur inftruéliôri & fur leurs moeurs;
l’oyez , comme je vous l’ai d it , leur père , leur
foutien , 8c s’il faut ,leur inftituteur ; vous n’aurez
un bon régiment qu’au tant que. vos officiers feront
très-inft tarifs , & que leur zèle pour le fer vice
fera vif 8c confiant *. croyez bien que vous n’obtiendrez
ces précieux avantages qu’en donnant
une attention extrême aux jeunes officiers , &
qu’en leur faifant contra61er de bon heure l’habitude
d’une conduite régulière. Faites en forte
que les vieux officiers conçoivent pour les jeunes
la tend ré (Te qu’ un pere' a pour fes enfans , ou du
moins qu’un Mentor a pour fbn pupille; faîtes
que les jeunes officiers aient pour les anciens les
égards , la condescendance 8c le refpeft que des
enfans tendres & bien élevés ont pour leur père ;
veillez à faire naître & à maintenir l’union dans .
votre régiment ; hâtez-vous d’étouffer les divifion.s
naiffantes , de déraciner les inimitiés , ou du
moins d’en prévenir les effets deftru&eurs : c’eft-
là , mon fils , une des premières & des plus effen-
tielles obligations impofées aux colonels.
Sachez tout ce qui fe paflera dans votre régiment
, mais n’employez jamais pour y parvenir
I le vil moyen de l’efpionnage ; celui qui fait lé
métier de délateur ou d’efpion de fes camarades
eft un malhonnête homme , 8c ne mérite aucune
confiance : ne recourez à d’autres yeux, à d’autres
bras , que lorfqu’il vous fera absolument impof-
fible de tout voir, de tout faire par vous-même ;
delcendez dans, tous les détails ; on ne fait bien
les chofes que lorfqu’on en cônnôît les plus petites
particularités ; ce n’eft pas aux colonels à voir en
grand ne cherchez cependant point à attirer à
vous les détails que la loi confie à vos Subordonnés
; contentez-vous de les' Surveiller tous ,
& de faire remplie à chacun- £es devoirs.
Voici enfin mon dernier précepte : fou venez-
vous fans ceffe., mon fils , que ce n’eft point pour
'vous que vous avez été fait colonel , mais pour
lé bien du fervice & pour l’avantage'du régiment
qui vous eft confié; que la gloire de l’ état foit
donc votre grande étude ; & le défir de rendre
vos fubordonnés heureux votre grande, occupation
: fi vous réuffiffez à prouver à votre régi->
miëht que vous êtes anime par ces motifs , chacun
des hommes qui le compofent fe fera un devoir,
un plaifir de concourir- à vos' vues ; alors toutes
les difficultés difparoitront*,. vous obtiendrez ùnë ■’
gloire pure, parce que vous l’aurêz-méritée ;
vous verrez l’eftime publique & les faveurs du
roi voler au devant.de vous1, & vous ferez énfin
-, le bonheur d’un père qui vous ainie ».
Occupons-nous à préfent du choix des colonels 8c desmeflrès de-camp • rappof toj-js'ce que lés lcfis -,
prèfcrivèh’t , 8c ce que les militaires; pénfentJl’iir.
, cet: objet..
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Nos rois fe font refervé dans 'tans, les temps le
droit de confier le commandeipent des régimens
aux perfonnes qu’ils ont jugé 5 propos de choifir.
C2 choix tomboit toujours ou prefque toujours
autrefois fur des enfans dè quinze a feize ans ;
M. de Choil’eul retarda un peu l’époque de l’ad[-
miffion au grade de c o lo n e l y M. de St 'Germain
exigea qu’un m e jlr e d e cam p commandant eût
atteint fa vingt-neuvième année , 8c eût occupé
pendant fix ans une place de m e jlr e d e camp
en fécond. Il faut aujourd’hui , avant d’être fait
c o lo n e l , avoir été quatre ans major en fécond ;
pour être major en fécond , avoir la commillion
de capitaine , & cinq ans de fervice révolus. Les
c o lo n e ls font choifis par le roi , ceux de l’infanterie
dans les troupes à pied , ceux des troupes
a cheval dans les troupes à cheval. Cet ordre de
chofes, qui n’a pour lui que de vieux préjugés,
fera fans doute bientôt détruit. L’intérêt que la
nation a à un, meilleur choix ne laiffe point lieu
d’en douter.
Les régimens de cavalerie , de dragons 8c de
huffards, ont été donnés de même, pendant très-
long-temps , a de jçupes côurtifans,fortis à peine
de l’académie ; mais on ne les donne aujourd’hui
qu’a des militaires qui ont rempli les mêmes
conditions que les c o lo n e ls d’infanterie.
Les régimens d’infanterie , de cavalerie, de
huffards 8c de dragons , font uniquement r é f e r v é s
à la p r em iè r e n o b le j je , à c e t te n o b le j fè q u i e j i
a p p e lé e p lu s p a r t i c u li è r em e n t p a r f a n a if ja n c e a u
c om m a n d em e n t d e c e s r é g im e n s . Ne croiroit - on
pas lire le code militaire d’un peuple qui auroit
volontairement confacré l’ariftocratie par des lois
conftitutionnelles.
Les régimens de grenadiers royaux , les régi**
mens provinciaux attachés à .l’artillerie 8c à l’érar-
major de. l’armée , les fix derniers régimens
dè cavalerie, défignés naguère par le nom de
c h e v a u x lég e r s , 8c les fix régimens..dechaffeurs,,
ont été deftinés pendant quelque temps à fervir
d,encouragement 8c de récompense aux anciens
lieutenans- c o lo n e l s 8c aux anciens majors de
l’armée : leur deftination eft aujourd’hui changée ;
la cour à tout abforbé.
Lesrégimens d’artillerie ont été prefque. tou jours
nommés par l’ancienneté : c’eft auffi l'ancienneté
ou un mérite diftingué & reconnu qui jufqn’ici.
ont procuré aux officiers du corps royal du génie
le brevet de c o lo n e l .
Les c o lo n e ls datent du jour de leur brevet pour,
devenir maréchaux de.cajnp* Ils le -deviennent
au bout de feize . ans , de . fervice. On comptoi.t
jadis aux officiers élevés par leur mérite au grade;
de c o lo n e l , la moitié du temps qu’ ils avaient, fervi
comme capitaine? , en retranchant toutes fois les.
dix ^premières années ; aujourd’hui ,1e , fervice de
capitaine ne compte plus ., &,deux. : années, jde..
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’ fervice de major ne comptent, que pour une. Les
détails que nous confignons ici vont devenir inutiles
aux militaires , parce qu’ils vont être ren-
verfés par des lois conftitutionnelles ; mais il
étoit intéreffant de laîffer dans l’Encyclopédie
des preuves de l’exces auquel l’ariftocratie militaire
étoit parvenue. Ces traits feront fentir leur
bonheur à nos. neveux , ils leur donneront une
j.ufte indignation contre, le pouvoir arbitraire,- &-
les empêcheront ainfi de fe livrer à- une ■ aveugle
confiance.
Beaucoup d’écrivains & de militaires f e font
élevés , ’ comme on l’imagine bien , contre l’ufag©
où l’on étoit jadis de donner à un régiment un
adolefcent pour chef ; le marquis* de Feuquières.
s’eft exprimé fur cet objet avec l’énergie qui lui
eft propre. « Les jeunesrgens fans expérience à
qui on donne des régimens , ont dégoûté, dit-il>
les vieux officiers qui étoient à la tête des;vieux?,
corps , parce qu’fis, fe font trouvés, obligés-
d’obéir à des. enfans. Ces mêmes, enfans- ont-
prop.ofp au. miniftre des fujets incapables* de
former de bons états-majors.,. & de là;tous lès
abus qu’on trouve dans. l’état militaire , 8c la
plupart des malheurs que; la France a éprouvés »v
Auffi conclut-il qu’il faut que Ton- oblige, là
jeuneffe , de quelque qualité qu’elle foit , de
paffer par les degrés , afin que, par l’cb'éiffance ,
elle fe rende capable du commandement. M; le
maréchal, de Saxe a parlé âulTi de la«manière de1
choifir le s '.c o lo n e ls . .« En Confiant un régiment à un-
jeune; homme de dix-huit ou.vingt ans, a-t-il
d it, on ôte toute émulation, au refte des officiers
& à. toute la'.pauvre nobleffe du. royaume , qui
par la eft certaine de .ne pouvoir jamais parvenir
a des p.oftes dont la gloire.puiffe.les dédommager
des foufftances & des peines d’une vie laborietilè » ;
auffi ce grand homme confeilloit-il de ne donner
des régimens aux perfonnes d’un rang.illuftfe, que
quand ces marques de préférence font juftifiées
par un mérite diftingué , ou quand-par ' là on
peut récompenfer un pauvre gentilhomme à qui
fes infirmités ne peuvent permettre de continuer
fes fer vices. Voilà ce qu’ ont penfé deux écrivains
militaires qui méritent de la part _ de tout admi-
niftrateur une confiahce bien .grande^ Joignons à
ces deux opinions les principes de l’auteur de-
V E x a m e n c r i à q u e d u m i l i t a i r e f r a n ç a i s , 8c ceiixde
l’écrivain à qui nous devons l’ouvrage intitulé , d e
V E f p r i t .m i l i t a i r e : ils font dignes de fixer l’attention
de‘ nos leâeurs.;
Mi. de,B. avoue .que;Jes -grades doivent être
la^récompanfe. de la. conduite , &•^ principalement
du-talent de,commander à laï-'gtîerie ; il convient
qu’accorder des; grades à la protedion c’eft
non feulement commettre une injuftiee envers
celui qu.i.par fon.métiteavoit droit-d’y prétendre •
mais .que ceft encore; mettre en place un homme
dont l’état, ne pe^twattendre que des fautes- H
T à