
Valenciennes, Condé, le Quefnoi, Landreci,
Maubeuge , Bellegarde , Collioure , Bayonne ,
ne les auroient pas arrêté ; ils n’avoient pas
voulu prendre Cambrai ni Arras.
. Si enfuite on examine les places en elles-
mêmes , on voit que plufieurs d’entr*elles font
d’une fi foible défenfe , que c’eft par un véritable
abus de mots-, qu’on les conlidère comme
des places fortes ; quelques-unes font trop
Vaftes j plufieurs font dominées 5 dans prefque
aucune on n’eft à l’abri de la bombe , bien
rarement occupent-elles des pofitions favantes j
& quand on calcule enfin d’après les principes
de la défenfe des places , quel nombre d’hommes
il faut y employer , l’imagination s’en effraye j
8c quand on voit que le maréchal de Vauban , &
après lui les plus célèbres ingénieurs, recommandent
fur-tout, que les foîdats employés à la
défenfe des places , foient parfaitement aguerris
-& commandés par des chefs très-inteîligens &
très-inftruits , & que toutes ces conditions font
de rigueur, on eft forcé de regarder le fyftême
-de défenfe de la France, comme nul.
Cette idée fe fortifie encore quand on voit d’une
'part , que les apologïftes de la fortification
baftionnée évaluent la force abfolue de la meilleure
place entre trente & quarante jours , &
que d’autre part on eft menacé devoir encore
s’aftreindre à ce même fyftême pour fortifier les
nouvelles frontières que la France vient de fe
donner depuis Nice jüfqu’à Vefel.
Nous ne parlons point ici des fîmples lignes
de défenfe ; on fait que celles en ufage ne font
point attaquées| & qu’un des meilleurs moyens
de faire battre une armée , c’eft de la tenir derrière
de femplables lignes.
Il n’eft donc pas étonnant que quelques militaires
aient penfé que la fureté d’un grand empire,
exigeoit une très-forte armée toujours en
aâivité, & qu’ils n’aient regardé les places de
guerre & les lignes, que comme des acceffoires
fouvent inutiles & quelquefois dangereux. On a
vu Jofeph II adopter ce principe, &c en démantelant
toutes les places de la Belgique, donner
la preuve d’une excellente vue politique &
militaire.
D’autres fouverains ont eu pour fyftême de
défendre les frontières de leurs Etats, par des
incurfions chez les puiffances étrangères, &
quoique rien n’ait une apparence plus déraifon-
nable, que de confommer beaucoup d’hommes
8c d’argent pour conquérir un pays qu’on ne
veut point garder, ce parti a été fouvent le
plus utile à prendre.
Ce n’eft pas que nous prétendions, à beaucoup
près, que cet exemple doit être fuivi, nou
voudrions au contraire fixer l'attention fur les
moyens d’éviter d’y être contraint.
Nous en concevons l’efpérance à l’apperçu du
nouveau fyftême de fortification préfenté par le
général Montalembert, fur lequel nous entrerons
dans de plus grands détails au mot F o r tific a tio n .
Ce fyftême n’eft, pour ainfi dire, plus nouveau
qu’en France; car en Angleterre, où l’on fait
apprécier prefque toutes l.s idées utiles, en
Prufte où l’on lait juger prefque toutes les idées
militaires., ce même fyftême eft déjà étudié par
tous & pratiqué par quelques-uns j ’ mais en
France où l’efprit de jurande & de corporation
qui s’étoit étendu à tout n’eft point encore
détruit, à peine a-t-on fait attention à ce fyftême
, fi ce n’eft pour empêcher de s’en fervir,
uniquement peut être, parce qu’ il n’étoic pas
l’ouvrage d’un officier du génie.
L’académie des fciences cependant l’avoit approuvé,
quelques militaires inftruits, parmi lef-
quels des officiers du génie & de l’artillerie,
avoient ofé en faire l’éloge j mais des minïftres
de la guerre avoient fait peu de cas de l’approbation
de l’académie, & préférant de protéger
un chef de génie, que leur ignorance leur
faifoit fans doute croire infaillible, ils en étoient
venus jufqu’à défendre l’impreflion des écrits en
faveur de ce fyftême ; le vertige même fut tel,
on oferoit le dire fur cet objet, que le citoyen
Carnot qui, avant la révolution, s etoit fait urtô
querelle avec tous les chefs de fon corps*.pour
fouteuir ce fyftême , qui depuis la révolution
s’étoit joint à Mirabeau pour le faire recevoir
en France, & mettre fon auteur à la tête du
génie, arrivé à la toute-puiffance directoriale,
avoit oublié tout/ce qu’il avoit écrit, dit. pro-
jetté , follicité à ce fujet, & fous le prétexte
d’avoir aufli, lui, fait un fyftême de fortification
fupérieur à celui du général Montalembert,
n’avoit plus voulu s’occuper que de fa nouvelle
progéniture 5 en vain le général Montalembert
avoit-il follicité de la connoître pour réformer
fes idées ou les abandonner même, fi celle du
directeur étoient meilleures, il n’avoit pu en
avoir aucune connoiflance.
Ainfi avoir réduit à l’abfurde toutes les inculpations
ridicules de M. Fourcroy, avoir répondu
d'une manière viCtorieufe à toutes les objections
qu’il a pu connoître contre fon fyftême, avoir
fait des obfervations précieufes fur ce qu’on a
dit à l’Ecole Polytechique, relativement à la
fcience de l’ingénieur, 8c à un ouvrage de
l’ingénieur Darçon î avoir écrit au citoyen Boftu
fur le même fujet, ne cefler enfin d’offrir d’entrer
en lice, contre quiconque voudra fe préfenter,
* Tenter , foit pour attaquer la fortification
perpendiculaire, Toit pour défendre le fyftême
des battions : telle a é té , telle [eft encore la
conduite invariable du général Montalembert,
l’officier fans contredit de toute l'Europe qui a
le plus de pratique & le plus de théorie fur l’art
de la guerre, le plus en état de donner d’ex-
cellens confeils, des idées précieufes, & qu’on
laifle cependant tellement dans l’oubli, qu’il
n’a pas encore réufli à obtenir juftice fur ce
que la nation lui doit à tant dé titres , 8c qu’il
eft forcé dans un âge très-avancé de fe fou-
mettre a des privations auxquelles n’auroit jamais
dû s’attendre un officier qui avoit de la fortune,
& qui avoit rendu & rend encore d’auflî grands
fervices à fon pays.
Seroit-ce donc que les avantages de fon fyftême
euflent paru trop peu important? Cependant
il ne s’agit pas de moins que de fubftituer
à des places reconnues infuffifantes, des placés
imprenables tant qu’elles ne feront pas dépourvues
de munitions.
Seroit-ce que la dépenfe des conftru&ions a
paru effrayante? Mais les devis fubfiftent, ils
prouvent que ce nouveau fyftême n’eft pas aufli
. coûteux que celui baftionné.
Seroitrce qu’il demande pour fa défenfe ufte
garnifon trop nombreufe? La différence eft en
moins., & elle eft confidérable.
Seroit-ce qu’il y faudroit des troupes d’élite?
Non, tout hommè y eft égal au soldat le plus
aguerri. \ *
L’avez-vous bien entendu, vous,qui êtes chargé
■ de juger les hommes & les chofes, & qui devez
préférer tout ce qui eft le plus avantageux à la
choie publique? .
Des places imprenables j moins coûteufes à
conftruire, exigeant moins de monde pour les
défendre; & pour la défenfe defquelles tout
homme eft également propre.
Et dans quel moment avez-vous à décider fur
cet important objet ? Dans celui où les nouvelles
frontières, vont exiger par-tout des fortifications,
afin de mettre la France hors d’état de
toute atteinte 5 dans un moment où le bien
devant être préféré à toute efpèce de confidé- 1
ration, il s’agit de décider enfin j
Premièrement, quelles font les places qu’il ;
faut rayer du nombre des places fortes?
Secondement, quelles font celles qu’il faut '
fortifier ? , j
A r c . TSHilit. S u p p l. T om e I V ,
■ Ou plutôt s’ il 'ne faut pas avoir la fagefle &
le courage en adoptant en entier le fyftême du
général Montalemoert, de ne faire des Torts-eu
des places fortes que là où les uns 8c les autres
font d’une abfolue nëceflité , & uniquement
comme le propofe le général | .deftinés à fervir
de magafin, de dépôt & de défenfe, 8c à ne
contenir que les troupes de garnirons, 8c le*
perfonnes néceffaires à la place & aux troupes.
Une feule ville bien fortifiée 8c placée dans
la pofition la plus avantagenfe peut foule arrêter,
toute une campagne, une armée ennemies fi
■ avec votre armée vous favez en faire un pivot ,
dont vous vous écartiez très-peu -, & fi vous
avez quelqu’autre place fortifiée &c à portée de
s’oppofer au paffage de l’ennemi > jugez combien
il feroit errtbarraffé pour continuer uiïe
offenfive. Voudroit-il faire le fiège de la fécondé
ville ?- ,Il lui? faudroit une fécondé arijnée très-
forte , fans, quoi vous renverferiez ttès-aifément
fon invefti-flement. Voudroit-il venir vous attaquer
? Si vous êtes trop foible , vous jettez des
fecours dans les places, 8c vous vous retirez,
ou bien vous vous fortifiez fous la place même,
fi vous vous êtes retiré ; rien de plus facile
encore que de troubler les fièges qu’il you droit
entreprendre, & s’il ne les entreprend pas,
comment aflureroit-il fes fubfiftances ? comment
&,où oferoit-il prendre des quartiers? comment
feroit-il des fourrages un peu éloignés ? 8c c .
Six mille hommes d’infanterie, 8c quinze cents
à deux mille chevaux de troupes légères renfermas
dans une ville un peu grande, bien
fortifiée & bien placée, rendront à la guerre
des fervices plus imporrans que dans quelque
pofition où vous puiflitz les mettre ; ce .corps
fera en fureté, il tiendra à une grande diftançe
tout le pays fous fa domination ; il le fera contribuer
en argent, grains. 8c fourrages > ii fera
des emmagafinemens qui détruiront les gafpil-
lages que l’on fait continuellement parmi les
troupes ; fi la vîlle eft partagée par une rivière
& que l’on veuille la bloquer, il faudra établir
dans fes environs un corps au moins quatre fois
plus nombreux.
Une armée de quatre-vingts mille hommes
paflera à côté de cette ville, voudra faire des
opérations , la garnifon n’en craindra rien j tandis
que l’armée au contraire fera très-gênée pour
tous fe-s convois qui ne pourront lui parvenir
qu’avec de fortes efeortes; cette armée de quatre
vingts'mille hommes fera donc forcée de faire un
fiège en forme, & de refter devant cette .place
à confomn?er des munitions, à dépenser de
l’argent jk à courir les rifques d’être attaquée
par une autre, quand même elle feroit jnfé-'
rieure.
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