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Les légats prétoriens qui n'avoient exercé que
la préture , étoient fubordonnés aux légats nom*
mes consulaires , parce qu'ils avoient été confuls:
ces derniers reprefentoient nos officiers-généraux»
Le titre de légat fut changé, fousOthon, en
celui de préfet. ( V o y e [ ce mot. )
LÉGIONS FRANÇAISES. François Ier. , dégoûté
des troupes étrangères dont il avoit eu à fe
plaindre dans plufîeurs circonftances, & qui étoient
d'aiileurs très-coûteufes & très-difficiles à lever,
à raffembler 3 à entretenir & à difcipliner, forma,
quelque tems après fon retour de Madrid, le def-
fein de mettre fur pied une nombreufe infanterie
fiançaife. Ce lïècle étoit celui de la renaiffance
des lettres : on ne penfoit pas encore, mais on
commençoit à étuaier & à admirer les anciens :
on crut donc devoir faire porter à ces corps nouveaux
le nom que les vainqueurs du Monde avoient
donné auxdivifions de leurs armées 3 & on adopta
celui de légion.
Ces légions furent au nombre de fept > elles
dévoient être compofées chacune de fix mille
hommes : les foldats de ces corps devoîent être
armés, les uns de piques, les autres de hallebardes,
& quelques-uns d’arquebufes 5 les arquebufiers
formoient les deux feptièmes de chaque légion 5
l'une de ces légions devoit être levée en Normandie
, une en Bretagne , une en Picardie, une
en Languedoc, une en Guyenne, une en Bourgogne*,
Champagne, Nivernois, une en Dauphiné
, Provence, Limofin & Auvergne.
Réflexions fur les légions de François I er. & Henri II.
Les légions françaifes n’eurent prefque rien de
commun que le nom avec les légions romaines :
on n'y rencontroit point ce mélange heureux de
cavalerie , d'infanterie & de troupes légères, qui
faifoit la force des armées de la république : on n'y
voyoit point cette divifion fage des combattans en
différentes claffes, toutes fupérieures les unes aux
autres, qui, par leur compofition & leur ordonnance
, permettoient jufqu’au moment de la déroute
l'efpoir de la victoire j il leur manquoit fur-
tout cette difcipline favante qui, exaéle & même
févère , avoit néanmoins l’efpérance pour bafe.
Les mots, les noms ont fans doute un très-
grand pouvoir fur l’efprit des hommes ; mais ils
n’en ont point un affez confidérable pour détruire
tout l'effet des inftitutions vicieufes. La formation
des légions de François Ier. nous offre cependant
une idée infiniment heureufe, & qu’il feroit
fi avantageux de mettre à exécution ; celle de
compofer chaque légion d’officiers, fous-officiers
& foldats de la province dont la légion portoit
le nom. _ ■
On n’héfite pas à le dire : la nation ne fera
vraiment libre, elle n'aura une armée nationale ,
bonne, peu chère, animée d’un efprit vraiment ‘
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patriotique j que dès l'inftant où elle aura adopté
cette idee lumineufe. Quel eft le foldat qui ofera
déferter fes drapeaux, quand il laura que par fa
désertion il fe bannit a jamais des lieux de fa
l naiffance ? Et l'on ne réfléchiras affez par combien
de côtés le lieu de la naiffance tient à l'idée
de patrie 1 Quel eft celui qui ne domptera point
la crainte de la mort, quand il verra autour de
lui des hommes avec lefquels il fera obligé de
paffer fa vie entière ? Quel eft celui qui fe permettra
uneaétion flétriffante, quand il en aura pour
témoins fes voifins, fes amis, fes parens? Connoî-
tra-t-on dans les corps militaires.cette maladie du
pays, qni dégénère fi aifément en confomption ?
Quel eft le fous-officier qui ofera être dur ou ef-
croc, quand il fe fouviendra que le foldat qu’il
vexe aujourd'hui, pourra demain fe répandre dans
fa commune en juftes plaintes contre lui ? Quel eft
l’officier qui fe laiffera guider par fes pallions, par
d injuftes partialités, quand il commandera à fes
parens, à fes voifins ? Quel eft le chef de corps
qui voudra commander en defpote à des hommes
qui peuvent demain redevenir fes égaux ? Dès le
moment où l'on auroit adopté cette idée, les en-
rôlemens, fi difficiles à effectuer aujourd'hui, fe
feroient avec une grande facilité 5 les jeunes gens
ne craindroient plus de s’éloigner de leurs foyers,
quand ils feroiént affurés de trouver dans les corps
où ils vont entrer, leur oncle, leur frère, leur cou-
fin, leurs amis, leurs camarades de l'enfance, &c. ?
Les maladies feroient beaucoup moins fréquentes
& moins longues, par les foins plus affidus &
plus tendres que prendroient des malades des
hommes attachés à eux par les liens du fang ou
ceux de l'amitié : on pourroit alors plus aifément
multiplier le nombre des congés, les officiers ,
fous-officiers & foldats n’ayant plus que quelques
lieues à faire pour fe rendre chez eux ou rejoindre
leurs drapeaux. L'agriculture, les arts & la population
gagneroient infiniment à cet ordre nouveau
: on pourroit permettre plus facilement le
mariage des foldats, & les corps militaires, non
plus que les armées , ne feroient plus furchargés
de cette foule de femmes qui nuifent tant en paix
qu'en guerre.
Au moment.de la guerre, où les corps militaires
devroient marcher à l’ennemi , des bataillons ou
des compagnies de garnifon recevroientles recrues
deftinées à tenir continuellement au complet la
compagnie auxiliaire de chaque bataillon qui feroit
en campagne.
On peut fans doute faire des objections contre
ce projet, dont on fe contente de donner ici l’idée;
mais ces objections feront bien peu diCtées par
l’amour de la liberté & du honneur public, &
conféquemment faciles à détruire. |
Une des objections que l’on ne manquera pas
de faire, fera celle du rédéraîifme & du pouvoir
donné à chaque département que l’on expoferoic
par-là à en abufer en fe coalifant avec les dépar
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temens voifins, & en pouvant s’oppofer quelquefois
peut-être à l'exécution des mefures générales
& fages que le gouvernement croiroit néceffaires.
Ainfi un auteur moderne va chercher une des
grandes caufes de la révolution dans l’établiffe-
ment projeté & effayé des adminiftrations provinciales,
dont la première idée étoit de M. Turgot,
& dont M. Necker s’empara.
On fentira facilement combien ces objections
font futiles & de mauvaife foi. Les troupes font
toujours commandées par des officiers particuliers
& généraux, dont l’avancement. & la fortune
dépendent entièrement du gouvernement, & qui
ont un grand intérêt à le foutenir, à moins qu’il
ne youlût commettre quelqu’aCte injufte ou clef-
potique, auquel cas il n’y auroit pas de mal que
la force armée montrât, d’accord avec les bons
citoyens, une oppofition aux mauvaifes intentions
du gouvernement.
A l’égard des objections que l’on pourroit faire
fur les difficultés qui naîtroient de l'exécution de
ce projet, ce n’eft pas ici le cas de s’en occuper,
& il fuffira, pour les réfoudre, d’en appeler
au jugement des hommes inftruits en adminiftra-
tion militaire, pour apprendre d'eux fi réellement
on trouveroit des obftacles dans l'exécution d'un
projet que toutes les formes adminiftratives &
militaires de la république rendroient fi facile.
Que l'on veuille bien fe rappeler que, fous un
gouvernement ennemi de la liberté, on avoit
grand foin que les gouverneurs , les commandans,
les intendans, les receveurs-généraux, les évêques
meme dans chaque province, nèfuffentpasde cette
province, afin d'éloigner par ce moyen l'affeCtion
fi naturelle qu'auroient pu prendre pour le pays
& les intérêts de fes habitans, des hommes qui
euffent eu dans la province des attachemens de
confanguinité, d’amitié, d'habitudes & de propriété.
LÉGUMES. On fe fert de ce mot pour défi-
gner, & certains fruits qui viennent dans des
gouffes, & toutes les efpèces d'herbes potagères,
& de plantes ou de racines bonnes à manger.
Les légumes forment, foit pendant la paix, foit
pendant la guerre, une portion confidérable de la
nourriture du foldat. Pendant la paix, il fe pourvoit
de légumes avec la portion du prêt qu’on lui
diftribue ; il le feroit bien mieux qu’il ne le fait, au
moyen de la culture des jardins, comme nous
1 avons propofé à ce mot auquel nous renvoyons.
Pendant la guerre il cueille les légumes dans
les environs du camp, en achète des payfans ou
en reçoit du gouvernement. Les légumes que le
foldat cueille pendant la guerre dans les environs
du camp, font de deux efpèces : ceux qui ont été
plantés ou femés par les hommes , & certaines
racines, herbes ou plantes que la terre produit
»ans culture, & qui 3 ayant de l’analogie avec
celles de nos jardins, peuvent fervir à la nourriture
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des hommes. Il faut fe garder de priver le foldat
de l’une & l’autre efpèce de légumes qu'offrent les
environs du camp ; mais il eft toujours prudent
d’y faire conduire les troupes en ordre, pour
éviter une inutile confommation, & empêcher le
foldat de s'écarter trop loin du camp afin de marauder.
Si la difcipline militaire fe foutient dans nos
armées , fi l’on parvient à être bien convaincu
que l’on ne doit faire la guerre qu’aux hommes
armés, que le dégât & la dévaftation d’un pays
entier ne hâtent point la paix, les généraux veilleront
à faire approvifionner leurs foldats de légumes
par les payfans des environs du camp, en
les payant ainfi que le font nos grandes villes
de guerre.
Comme le gouvernement fait fouvent diftribuer
du riz aux troupes dans le commencement & vers
la fin des campagnes, il feroit utile d’en faire manger
quelquefois aux troupes pendantla paix, afin de
les habituer à le faire cuire à propos & à l’apprêter.
Les légumes entrent auffi dans l ’approvifionne-
ment des places ; ils y font conftamment néceffaires,
furtout vers la fin d'un long fiége, où la
viande devient très-rare.
LENTEUR.On a vu au mot général les effets
heureux de l'adlivité à la guerre. En montrant les
dangers de la lenteur, on peut donner plus de
force à ce que l'on a dit fur l’importance de l ’adU-
vité pour un général.
Lorfqû'en 1415 on èntama les négociations
pour les provinces que l’Angleterre réclamoit, on
perdit à parlementer un tems qu'on auroit dû employer
à agir. Pendant que nous délibérions , les
Anglais raffemblèrent leurs troupes & leurs vaif-
feaux, & ils abordèrent en France, où nous n’avions
rien préparé pour notre défenfe. Cette
époque n'eft pas la feule dont parle l’hiftoire , de
notre rivalité avec ce peuple célèbre, tandis que
nous n’avons peut-être à citer qu'une feule cir-
conftance où nous ayons été prêts à combattre
avant eux ; auffi fîmes-nous cette fois une guerre
glorieufe & une paix utile.
En iyo3 , dit l’hiftorien de Louis XII, fi le
duc de Nemours avoit marché avec moins de
lenteur, il eut battu les Efpagnols, parce qu’ils
n'auroient pas eu le tem$ de le retrancher.
Les Français fe feroient rendus maîtres de
Logrogno fi Lefpaire n’eût point imprudemment
facrifié trois jours au caprice plutôt qu'au
befoin de fes troupes : ces trois jours donnèrent
à la nobleffe efpagnole le tems de fe jeter dans la
place, & d’y faire entrer des munitions de guerre
dont elle avoit befoin.
Quelques jours donnés au repos & au plaifir par
l’amiral Bonnivet, furent employés par Colonne
à le chaffer de devant Milan.
Avec moins de lenteur, Lautrec auroit rendu
dangereufe & peut-être impoffible la retraite des