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Les Romains & quelques autres peuples de l’antiquité
étoient fi bien perfuadés que l’armée la plus
brave eft celle chez qui la valeur eft le mieux
récompenfée & la lâcheté le plus févèremènt
punie , qu’ils avoient «“multiplié les récompenfes
militaires avec une efpèce de profufi.on. Les
différentes efpèces de couronnes qu’ils diftribnoient
à ceux de leurs guerriers qui s’étoient fait diftin-
guer par des actions éclatantes ou utiles , eft la
preuve de cette affertion. On en comptoit à
Rome jufqu’ à fix efpèces différentes, La couronne
triomphale , la couronne d’ovation , la couronne
obfidionale, la couronne civique , la couronne
murale & la couronne des camps ou caftranfe.
Nous n’entrerons point dans les détails relatifs
aux différentes couronnes données par les anciens ,
i ’s font inférés dans le diûionnaire d’hiftoire &
dans celui d’ antiquité •, nous nous bornerons à
obferver qu’i l l’eroit aile de tranfporter parmi
nous les couronnes comme récompenfe militaire,
elles pourroient être-'placées dans les armoiries •,
voye{ A r m o ir ie s , & employées comme cimier
dans le calque qu’ on ne peut guères s’empêcher
de donner à nos guerriers.
COURROIES , ( punition militaire. ) Les courroies
font mifes par l’ ordonnance du premier juillet
1786 au rang des punitions militaires infamantes.
Elles font infligées aux cavaliers , huffards , dragons
& chaffeurs à cheval , convaincus d’avoir
-été chefs d’un complot de défertion , qui n’a
point été exécuté. Voye^., quant à la manière de
pafler par les courroies notre article B r e t e l l e s
p e f u s i l s ;
L’homme qui a fubi la punition des courroies
eft chaffé avec_une cartouche jaune.
CO.UTÎLIER, CQUSTILIER ou CENTILIER.
Le yCoujiiiier ou écuyer étoit ainfi appelé d’un
couteau qu!il portoit à côté , comme nos foldats
portent leur bayonnette -, fon principal emploi
étoit de fecourir l’homme d’armes. Les coujîilliers
éxoient en équipage de chevaux légers ; dans les
batailles ils l'ervoient à efcarmoucher avant le
combat , à pôurfuivre la gendarmerie ennemie
lorfqu’elle avoir été rompue , & à empêcher le
ralliement. Ils marchoient derrière les rangs ou
fur les flancs des gendarmes avec les archers ,
les pages 8c les valets.
Le règne de Charles V I I eft le premier où les
bifioriens parlent du cenjlilier. Chaque lance étoit
comp.ofée de quatre hommes , l’homme d’ armes,
deux archiers 8c un coujlilier. Le nombre de chevaux
attachés à chaque, lance augmenta bientôt
après : en 1473 , une lance fournie étoit . de fix
chevaux , un des fix portait le cenjlilier, qui dès-
lors le nommoit coujlilier.
COUVERTURE. Les ordonnances militaires
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ont réglé la longueur , la largeur & le poids des
couvertures que l’on doit fournir aux foldats 3 elles
ont déterminé la qualité des laines qu’on devoit
employer à leur confe&i.on j mais elles ont omis
de fixer l’époque à laquelle on doit les renouveler.
Cet objet mérite cependant quelque attention.
Les garnifons les plus confidérables font
fituées dans les provinces les plus feptentrionales
du royaume ; le foldat n’a qu’une couverture., au
moins faut - il qu’elle folt bonne. On en yoit
très-fouvent qui font ufees au point de n’être
prefque plus d’aucune utilité. D’où cela provient-
il ? Lorfque les commiffaires de^ guerres ou les
officiers généraux font la vifite des cafernes , les
foldats fe plaignent de la qualité des couvertures &
on ordonne aux entrepreneurs de les changer :
ils obéiffent ; mais aux couvertures réformées ils
en iubftituent d’autres aufïi ufées que les premières
; ils redonnent celles - ci à quelqu’autre
régiment qui a obtenu la même juftice ; deux y
quatre , ou fix mois s’écoulent avant que le com-
miffaire. ou l ’officier général rentre dans les
quartiers , alors nouveaux changemens auili frauduleux
que les premiers ; ainfi les couvertures en,
paffant d’un régiment à l’autre durent deux ou
trois ans de plus qu’elles ne l’auroient dû ; 8c
cependant le roi paye comme fi la fourniture-
étoit bonne.
Si , pour remedier à ces abus , on nommoit
des experts', les experts une fois gagnés , le mal
feroit plus grand , car il feroit incurable : fi on>
vouloir que les couvertures fuffent réformées,,
quand elles feroient au-deffous de tel poids oit
les chargeroit de pièces qui leur conferveroient la
pefanteur requlfe , mais non la chaleur néceffairey
quand le défintéreflement ou au moins la probité'
ne, font pas gravés dans l’ame des hommes,
chargés de quelque fourniture publique , il eft
bien difficile à i’adminiftrateur le plus éclairé
d’empêcher les malverfations. Si lorsqu’on renouvelle
un bail pour un -entreprife militaire , on
confidéroit quelles font les qualités» morales ds-
celui qui offre un rabais ; 8c fi on ne fe con-
tentoit pas de faire attention au bénéfice apparent
qu’il préfente , on préviendroit beaucoup
d’abus. ( Voye^ Régie. } On demande par-tout
des cautions de fortune & jamais de probité.
Dans un mémoire remis par le mintftre de la
guerre au comité militaire de l’affembîée nationale
> on voit que les lits militaires font évalués
à douze livres par an pour les bas-officiers y 8c à fix livres pour les foldats •, ce qui fait par
an , non compris les officiers une fomme de plus
d’ un million, deux cent mille livres. Ne feroit-il
pas poflible, au lieu de confommer chaque année
une fomme fi coniidérable , pour payer un 1er vice
mal fa it , d’ acheter aux compagnies financières
leurs fournitures ; de leur payer avec une partie
de cette fomme l’intérôt de leur dette , 8c d’eo
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remettre le refte aux régi mens fous le nom de
inaffe de fourniture ; quoiqu’ ils ne fuffent que les
adminiftrateurs non intéreffés de cette maffe ,
j’oferois affirmer qu’ ils la régiroient de maniéré
que l’état feroit bientôt quitte'avec les compagnies
, & qu’il auroit enfuite une fourniture complexe
en lits militaires , dont il n’auroit plus que
l’entretien à payer. Un objet de cette importance
mérite d’être profondément médité & attentivement
difeuté par des hommes qui auront le
défir de régénérer les finances de la France &
de rendre fes défenfeurs heureux. V 9ye{ L it s
m i l i t a i r e s .
Les ordonnances militaires accordent deux couvertures
à chaque officier , mais par des ordres
particuliers des intendans , les fourniffeurs font
autorifés dans certaines villes a n’en donner
qu’une ; l’exécution des ordonnances du roi
■ devroit-elle dépendre des volontés des commiffaires
départis par lui.
L’expérience du pafle & l ’exemple de nos
voifins , nous ayant appris qu’il faut, pendant la
guerre , donner des couvertures aux foldats ; &
que l’embarras occafionné par le tranlport de ces
couvertures eft compenfé par le prix des hommes
que l ’on conferve , les ordonnances militaires
veulent .que par chaque tente il y ait un nombre
de couvertures proportionné à celui des foldats
que chaque tente doit contenir. Ces couvertures
font portées par les chevaux ou chariots de
peloton. Ôn eft quelquefois tenté de croire que
l’on commence à eftimer la vie des hommes ce
qu’elle vaut.
COUVRE-FEU'. On donnoit jadis le nom de
couvre-feu à un coup de cloche qui indiquoit
l’ heure où chaque citoyen, devoit couvrir fon feu
& refter renfermé dans la maifon. Cet ufage
avoit été établi pour mettre les citoyens a l’ abri
des brigands, dont les villes étoient infectées, 8c les cités à l’abri des incendies. Aujourd’h u i,
grâces en foient rendues à l’architecture & a la
police modernes , le couvre-feu n’indique plus
que le moment où l’on ne peut aller dans les
rues , qu’en portant, ou en faifant porter du
feu devant loi.
Celui qui le premier donna l’ordre de ne point
fortir fans feu après une certaine heure de la
nuit , voulut fans doute que chaque citoyen
portât ou f î t porter une lumière affez confidé-
rablè pour être aperçue de loin , & affez vive
pour mettre les mal-intentionnés dans l’impofli-
bilité de cacher leurs démarches : rien n’étoit
plus fage -, mai* les meilleures inftitutions dégénèrent
infenfiblement & l'e perdent bientôt,
quand une adminiftration aétive & une police
févère ne veillent point fans ce fie à leur maintien.
Aujourd’hui on eft cenfé avoir du feu , toutes
îes fois qu’on porte une petite mèche imbibée
CRA *3?
d’efprk de vin , ou un petit morceau de vieille
corde dont on a èfaufile & allumé une des extrémités
-, ces objets, qui ne jettent aucune clarté , 8c que l’on peut cacher jufqu’au moment où l’on,
rencontre une fentinelle ou une patrouille , n’atteignent
point le but que. le légiflateur s’étoit
propofé.
Si le foin que la police a pris de faire placer
des lanternes »dans les villes, rend inutile l ’ordre
de porter du feu , pourquoi obliger les citoyens
à porter la petite mèche ? Si les lanternes ne
fuffilènt point, pourquoi fe borner à faire porter
une mèche ? Il n’y a point ici de milieu , il faut,
ou rendre au. réglement toute la force qu’il
avoit lors de fon inftitution , ou l’abroger. Le
premier des deux partis paroît le plus fage • il
feroit utile aux moeurs , à la tranquillité & a la
sûreté publique.
COUVRE-PLATINE. Le couvre-platine eft de
cuir; le foldat s’en fert pour mettre la platine
de fôn fufil à l’abri de la pluie 8c de l’humidité.
Toutes les fois que les armes font au faifeeatt
le foldat doit mettre fon couvre-p latine ; il doit
le mettre de même pendant la nuit dans les poftes ;
mais il doit l’ôter toutes les fois qu’il eft en.
fadion,, en marche 8c qu’il peut craindre une
attaque prochaine.
La paix devant être une école de la guerre ,
les troupes devroient pendant la paix faire ufage
des couv res-p lad nés.
CRAINTE. On convient généralement qu’il
n’eft que deux moyens de faire mouvoir les
hommes , la crainte & l’efpérance. Mais on n’eft
pas également d’accord fur l’efficacité de ces deux
reflores. Quelques-uns croient que l’efpcir des
récompenfes fuffit à une armée , ils font dans
l’erreur, mais çertè erreur leur eft honorable :
d’autres v.ondroient toujours voir le bâton levé ;
ils défirent que le foldat craigne plus fes officiers
que l’ennemi : s’ ils ont raifon tant - pis pour la
nature humaine ,' tant - pis pour eux. Moi , je
l’avoue , je me fais gloire d’avoir tort. Les effets
de l’ efpérance font ardens & durables , ceux de
la crainte froids & momentanés ; quand c ’eft la
crainte qui' a g it, la volonté change dès que la
main n’eft plus levée, car la crainte n’agit point
fur le for intérieur , l’efpérance au contraire
agit principalement fur la volonté : il eft cependant
, il faut en convenir , une efpèce de crainte
qui peut être utile ; c’eft celle de la honte ,
c’eft celle de l’ infamie : pourquoi celle-là eft-
elle heureufe ? c’eft que l’opinion l’ infpire, c’eft
qu’il eft imppflîble d’échapper à fes coups, c’eft
qu’elle .eft une efpèce de remords , 8c malheu-
reüfement il n’en eft point de même de cette
crainte , dont les légïihteurs militaires modernes:
recommandent l ’ ufage y car c’eft la 'crainte phy