
714 I v K
des foldats qui meurent dans les hôpitaux, font
brûlés par l’eau-de-vie & le vin : i’ivrefle eft la
caufe première des punitions infligées aux foldats j
mais cette vile paflion, fi dangereufe pendant la
paix , le devient bien davantage pendant la
guerre ; aufli les Carthaginois ne permettoient
point à leurs foldats de boire du vin pendant
tout le tems de la campagne j le foldat romain
n'en buvoit pas non plus : cependant, c'eft moins
la privation totale du vin dont il faut s'occuper ,
que de chercher à en prévenir les excès, pendant
la paix comme pendant la guerre.
L'excommunication lancée fous Charlemagne ,
contre les foldats qui s’enivroient, feroit de nul
effet dans ce moment. Ce même prince voulut
encore que le militaire qui avoit trop bu ou qui
avoit invité quelqu’un à boire, avalât une quantité
d'eau déterminée. Cette efpèce de loi du
talion feroit bonne fi le foldat rougiffoit de l’ivrognerie
5 mais elle ne paffe point pour un crime
parmi eux , & l’opinion du peuple ne l’a pas
rangée parmi les actions honteufes. Charlemagne
déclara aufli les ivrognes incapables de tefter :
rarement le foldat feroit-il puni par cette difpofi-
tion de la loi, & elle feroît aufli dure que difficile
dans (on application. François Ier. voulut que
tout homme convaincu de s’être enivré, fût èmi
v R
prifonné pour la première fois, foueté la fécondé ,
éforeillé & banni à la troifième. Avec une pareille
loi, combien d'hommes feroient fans patrie &:
fans oreilles ! Et comment donc François 1er. au-
roit-ii fait pour punir des fautes plus graves ? Si
l'on veut faire refpeéter les lois, il faut les
rendre d'une exécution facile. Banniffez l'o’fi-
veté parmi vos foldats , & bientôt l'ivrognerie
deviendra moins commune j frappez de nullité
d’avancement tout foldat adonné au vin j dégradez
tout fous-officier ou tout officier fujet à
ce défaut capital, puni fiez très-févérement tout
militaire qui s’enivrera lorfqu’il fera de fervice j
condamnez aux peines les plus févères toutes les
fautes que l’ivreffe fera commettre $ ne pardonnez
pas furtout au vivandier qui aura donné à
un foldat plus de vin ou d’autre liqueur enivrante
qu'il n'en falloit pour lui faire perdre la rai-
fon, &c. Nous devrions aufli adopter une loi
établie en Priifie : il eft défendu à tout officier
ou fous-officier de parler au foldat ivre. Souvent
en le réprimandant pour un léger délit, on l’ex-
pofe à commettre des fautes plus graves, peut-
être même des crimes : il en eft de i’ivreffe
comme de la colère j ce n'eft pas au moment où.
ces paffions font dans leur force, qu’il faut chercher
à les vaincre.
J
T ALON. On donne le nom de jalon à une longue
perche qu'on plante dans la terre, & à l'ex trermte fu-
oérieurede laquelle on attache un faifceau d herbe
ou de paille : ces jalons fervent, foit a déterminer
une ligne de direction pour fe mettre en bataille,
foit le chemin qu un corps de troupe doit lrnvre.
JALONEURS. Les jaloneurs font des fous-officiers
ou des foldats que l'on emploie pour affurer
la direction d'une colonne ou la marche d un ba-
caillou déployé. ht B
Pour diriger la marche d une colonne vers un
point donné, trois jaloneurs vont fe placer fuccef-
livement à trente pas les uns des autres, & la ,
dans la dire&ion indiquée, offrent ainfi des points
intermédiaires : il eft prefqu'impoffible a la colonne
de fe devier. Cette manière de diriger la
marche des colonnes eft mathématiquement m-
faillible ; mais eft-elle militaire g & eft-il pofl.ble
d'avoir des jaloneurs à la guerre ? Si ce moyen de
diredion eft impraticable en campagne, pourquoi
remployer pendant lapaix? N'eft-cepass expofer
à la marche ridicule & mal affûtée des hommes
menés trop long-tems à la lifière. Les pamfans des
ialoneurs prétendent que l'habitude une fois pnfe
pendant la paix, on pourra impunément abandonner
ce moven pendant la guerre & en tirer un
grand parti ; mais qe doit-on pas craindre, au con-
traite .qu'habitués à fe diriger fur des points très-
réels, on ne lâche plus s'en paffer. Si nous femmes
foibles & mal-adroits, dit Rouffeau, c eft que nous
avons des moyens en foule pour fuppleèr a notre
mal-adreffe & à notre manque de force : d ou 1 on
doit conclure qu'il feroit bien plus avantageux
d'habituer les foldats à favoir marcher droit devant
eux, fans fé jeter ni à droite m a gauche,
que de leur donner des moyens de direction dont
il eft impoffrble de faire ufage à la guerre .
Les rédacteurs des ordonnances ont il bien re
connu les vices du jalonement en avant, quils
n’en ont point fait ufage dans la marche en ba-
taille, & onc préféré de placer les jaloneurs en-altière
t mais ce jalonement un peu moins vicieux
JALOUSIE. Le defir de pofféder ou de jouir»
exclufivement devenu paflion, fe translorme en
une fantaifie ombrageufe & chagrine, appelée ja-
loufie. L'amour-propre, la vanité, 1 envie, contai
pofent l'effence de cette paflion.
La jaloufie, qui tient beaucoup à l'envie, eft
l'inquiétude produite en nous, pat 1 idée d un
bonheur dont nous fournies privés, & dont nous
fuppofons les autres en jouiffance. La jaloufie fup-
pofe une abfence des avantages ou des qualités
que l'on fuppofe exifter dans ceux dont on eft
jaloux.
a toujours le vice radical de ne pouvoir pas etr
employé à la guerre, 8c ne doit confequemment
point être adopté pour la direction des colonnes
ou de la marche des troupes en bataille : on doft
préférer le choix des objets très en vue , 8c qui
doivent aider à diriger dans la marche, a éviter
les flottemens 8c à faire arriver plus directement
au but ; de encore comment efpérer pouvoir “
fetvir de ces moyens à la. guerre, au milieu de
c._HH Lriiît . la terreur , 8cc,?
L'envie 8c la jaloufie font des fer.timens naturels
à tous les hommes j mais pour le bien de 1a
fociété, on doit réprimer foigneufemenr l’une 8c
l'autre. La jaloufie a occafionné de grands maux,
furtout de la part des militaires affligés de cette
paflion-malheureufe : tout eft devenu à leurs yeux
un fpeCtacle déchirant ; il n'eft point d'avantages
obtenus par quelqu'un de leurs égaux ou de leurs
inférieurs , qui ne leur ait porté un coup mortel
& fait commettre quelques fautes ; irrités par leur
élévation, bleffés par leur réputation, leur gloire
les a mis au défefpoir, & iis n'ont rien négligé
pour y nuire. i \
ACtius avoit remporté trois grandes victoires fur
Gondicaire, roi des Bourguignons, 8c une fur Attila;
mais l'empereur Valentinien I II, jaloux des
éloges dont Rome combloit ACtius, ie tua de fa
propre main, & condamna fes amis à differens
fupplices. ^ ■
Agricola fournit le premier l'Ecofïe & l'Irlande-
aux Romains ; il réduifit les Bretons & conferva
fes conquêtes pat fes vertus 8c par le maintien de
la difeipline militaire. Bientôt fes victoires furent
l'objet de la jaloufie de Domitien, qui le rappela ,
8c-cet empereur lui fit ordonner d’entrer de nuit
à Rome, afin de le priver dés honneurs du triomphe.
Agricola, trop fage pour témoigner fon ref-
fentiment à ce monftre, fe retira chez lui, & y
vécut dans un repos honorable.
Antoine de Leve empêcha le duc de Brunfwick
de pénétrer dans la Lopbardie, parce qu’il étoit
jaloux de la gloire qu’il auroit acqüife dans cette
expédition.
Le duc d’Orléans renonça aux conquêtes qu'il
pouvoir faire dans de Luxembourg, par un motif
lâche 8c honteux : une jaloufie mêlée de haine
contre le dauphin, lui fit craindre que ce prince
ne vainquît Iss Efpagnols dans une bataille rangée,
8c il voulut, finon lui ravir, au moins partager
avec lui la gloire de cette aCtion.
Jaloux de ne pas commander en chef, le maré-
Xxxx i