
homme Amplement vêtu , ou même couvert de ]
groflîèrs haillons , a vu ou peut-être, imaginé des
chofes dont le falut de l’armée dépend, & que
dans un quart d'heure il ne fera pltis te ni s d'apprendre.
Lautrec voulant empêcher les ennemis de paflfer
l’Adda, pofte le comte de Pépolo dans un des
endroits où le paflage.peut s’ effeCtuer avec le plus
de facilité; Pépolo eft attaqué, il dépêche un Courier
à fon'général ; Monfiigneur d or t, fes gens
n’ofent troubler fon fommeil : après de longs délais
, l'envoyé obtient enfin qu'on éveille Lautrec ;
mais il n’eft plus tems d'agir : Pépolo a été re-
pouffé , l'ennemi a pafie la rivière , & les François
font , obligés de fe renfermer dans Milan ,
qu'ils perdent bientôt après.
I l füffit > pour obliger Turenrie à lever le fiège
de St..-Venant, d’enlever un convoi efcorté par
trois, efcadrons -, toute l’armée efpagnole en eft
convaincue ; le convoi fe préfente , l'inftant de
l'attaquer arrive , tout eft prê| pour l'aCtion ; mais
les généraux efpagnols dorment dans leur carrofîe,
perfonne n'ofeles éveiller, aucun officier-général
n’ôfe prendre fur lui d'ordonner l'attaque ; cependant
le convoi paffe, entre dans les lignes des
François, & St.-Venant eft obligé d'ouvrir fes
portés. Cette conduite de Làutrèc , & de Dom
Juan d’Autriche , eft bien différente de celîe>de
Maurice de Naflau & de François duc de Guife:
ces généraux avoient toujours proche de leur
tente deux hommes chargés de les réveiller toutes
les fois qu’on demandoit à leur parler, & quand
ils croyoient la préfence du général néceffaire à
Farmée. Si Villars eut étéinacceffible, peut-être
n'eut-il point fauve la France à Denain , & Cou- ;
ronné fa vie par une aCtiôn auifi utile que glorieufe.
Le falut public , ne dépendît-il point de' l’audience
que l’ on demande au général, il n’ en de-
vroit pas moins être acceffikle à tous lés inftans.
L e chef d’une armée peut-il efpérer de captiver
l’amour de fes foldats & de fes officiers, fi , fem-
blable aux defpotes d’Afie , il ne fe montre jamais
que du haut de fa gloire. Voyez à m o ü r bd
s o l d a t . Et d’ailleurs ne font-ce point les officiers
fubalternes & les fimples foldats qui font la
renommée du général, ou du moins qui portent
fon nom avec promptitude jufques dans les provinces
& dans les villes les plus reculées ? répéteront
ils fon nom avec éloge , citeront-ils fes
hauts-faits avec complaifance , s’il a aliéné leurs
coeurs & leurs efprits en fe rendant inacpeffible ?
Les grands intérêts commis aux foins d’un général,
demandent, je le fais , un nomme tout
entier,.; fi le chef d’une armée fe prêtoit à entendre
tous les rapports minutieux qu’on Voudroit lui
faire, des hommes indifcrets, ou fortement vains.
Viendraient fouyent troubler les profondes méditations*
auxquelles il doit fe livre r , & bientôt il ne
lui refteroir plus ni a fiez de tems , ni a fiez de liberté
d’efprit pour calculer & tracer les grandes
opérations que lui feul peut diriger .* maisfeFoit-
il impoffible de prévenir ces abus ? Le général
q u i, à l’exemple de nos premiers rois, donnerait
chaque jour une audience publique , & qui
imiteroit,le prince d’Orange &r le duc de G uife,
fatisferoit également à fes-devoirs, à fa renommée
& à fon coeur. Voyez A udience.
Puifque le général doit être acccjftble à tous les
inftans & à tout îe monde , les autres militaires
font donc coupables quand‘ils n’admettent point
facilement auprès d’eux tous leurs fubordpnnés, &
même tous les foldats. Il eft des colonels, q u i,
pénétrés de cette vérité , indiquent une heure de
la matinée pour écouter leurs foldats.; d’autres'
qui les entendent à tous les inftans du jour ; d’autres
qui ne font accejfibles que pour ceux qui font
accompagnés par un bas-officier. Cette dernière
méthode a fes avantages , mais elle a aufli fes in-
convéniens. Un foldat a éprouvé ou croit avoir
éprouvé une injuftice ; perfonne n’a voulu en entendre
le récit, ou en opérer la réparation ; Ton
colonel lui refte, mais il ne peut pénétrer jufqu’à
ce chef, s’il n’a un bas-officier pour introducteur.
En 'trouvera-t-il un qui veuille l’accompagner ?
Ofera-t-il en préfence de ce témoin , fouvent inr
téreffé, dévoiler une injuftice faite par un autre
bas-officier ? En adoptant cette méthode y le colonel
n'eft importuné, j’ en conviens , que pour
des chofes aufli importantes-que vraies; mais une
injuftice peu importante, en apparence, ne peut-
elle pas bleffer grièvement un homme très - fen-
fîble , & une accufation peu grave découvrir de
grandes Vérités ? Fixer une heure de la matinée
pour entendre les foldats feul à feul', vaut mieux
que leur donner des audiences en préfence d’un
bas-officier; mais une liberté pleine & entière eft
encore préférable. Eh J qu’ont de mieux à faire les
colonels que d ’écouter leurs foldats, que de chercher
à les rendre heureux, à s’en faire aimer, &
fouvent il ne faut, pour cela , qu’accorder à l’un
d’eux une Conférence d’un quart-d’heure î
C ’eft jufqu’ au milieu de Paris & de la cour que
les militaires élevés en dignité doivent être accef-
fibles à tout le monde & à tout iriftant. Ils font
toujours officiers - généraux > toujours colonels,
ils doivent donc toujours, remplir les fon étions
de ces emplois. Avec combien d’aigreur & de
raifon les officiers ne déclament-ils point contre
ceux de leurs chefs qui ne rougiffent point de fe
faire céJer , pour eux , ou de les lai fier confondus
dans une anti-chambre avec des laquais. Tra-
jan n’étoit-il pas toujours accejftble pour tous >
Un des fouverains de l’Europe , qui pour n’êtrè
point à la tête d’un grand Etat, n’en a pas m oins,
cependant de grandes affaires à conduire, admet
chaque jour en fa .préfence toutes les perfonncs
a c c
-qui veulent lui parler. La porte de tout militaire
élevé en dignité peut être fermée pour cette foule
d’êtres , qui ne fachant que faire , cherchent, à
la hâte , des hommes à qui ils puifient faire partager
l ’infipide fardeau de leur oifiveté , m.ais elle
doit être toujours ouverte pour des perfonnes,
dont l’habit modefte annonce un militaire, & dont
l ’air timide ou préoccupé, dénote un homme conduit
par une affaire importante.
L ’inftruCfcion concernant les revues, rédigée par
le confeil de la guerre , a donné aux foldats &
aux bas-officiers une manière .d’approcher de. leurs
infpeCteurs, qui manquoit à .notre conftitution.
L ’infpeCteur après avoir fait la revue d’une compagnie
, fait annoncer parle capitaine, que fi quelque
homme a quelque réclamation à faire à l’inf-
peCfceur , fur quelque objet que ce puiffe être , il
peut fe préfenter à lui.
Tout homme qui veut faire une réclamation
préfente les armes en filence ; l’inCpeCteur le fait
fottir du rang, le fait paffer à quinze ou vingt pas
de l'un des flancs de la troupe , & écoute feul fa
réclamation ; les officiers devant refter affez en
arrière pour ne point entendre le foldat.
Si tette réclamation eft de nature à être vérifiée
promptement & fans difcuflion , rinfpeCteur la
vérifié ; dans le cas contraire il en prend note ,
afin de vérifier les faits à’ ioifîr.
Le même recours eft permis aux bas-officiers
&: foldats lors de la revue du lieutenant-général.
Cette admiflion , qui, comme je. Fai d i t , manquoit
à notre conftitution, ou plutôt fans laquelle
il n’y a point de conftitution, car il n’eft point
de frein à l’arbitraire, peut bien prévenir quelques
injuftices, quelques abus d’autorité , mais eft-elle
ce qu’elle devraitêtre? Tout foldat qui fait une
réclamation eft regardé avec humeur par ceux de
fes'officiers qui n’ont point reçu de leur éducation
ou de leurs réflexions, les principes d’une
exaCte juftice ; ils craignent l’honvne allez ferme
pour réclamer. De la crainte à la haine le paffage
eft rapide; delà haine aux abus d’autorité,'aux
vexations , il eft plus rapide encore. Il eft d’ailleurs
des hommes q u i, quoique révoltés par les
abus dont ils font les témoins, n’ont cependant
point allez d’énergie pour les dénoncer publiquement.
Au lieu de ces aimiflions -publiques,
il vaudrait donc mieux qu’ on en accordât de-privées.
Pourquoi chaque infpeÇteur n’indiq.ueroit-
il point un certain nombre d’heures de chaque
journée, pendant lefquelles tous les,.foldats pourraient
entrer chez lu i , lui parler en particulier &
en fecret ? La nuit ferait peut-être, le moment le
plus, favorable. C e moyen offre bien quelques inconvénients
, mais ils font légers , & ils ne peuvent
etre comparés avec ceux qui réfujtent de
I avdmiffion publique, & moins encore avec ceux
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qui naîffoient dé la non-admiffion. Les loix doivent
venir fans celle au fecours des êtres les plus
foibles. Nous avons tout lieu d’efpérer .que la
nouvelle conftitution militaire , ayant l,es droits
de l’homme pour baie, rendra les tyrans moins
nombreux & les opprimés plus rares ; mais le
changement que n,ous prapofons, ne prévient-il
qu’ un feul Abus. d’autorité ce ferait beaucoup,
f N e nous diffimulons point que les principaux
chefs militaires, eux , qui depuis long-tems vivent
au fein d’une ariftocratie qppreffiye , & les
jeunes officiers qui ont fucé les .mêmes principes
, ont encore befoin d’ un frein forgé par une
loi protectrice des fubalternes.
A C T IV IT É . Vaéiivité eft une des qualités des
plus néceflaires au générai, & au refte des militaires.
Voyez ce que nous en-avons dit dans notre
article Général , feétion IV , paragraphe XIII.
Voyez auAî l'article Len teur .
Les généraux les plus renommés par leur a£H-
vité fon t, parmi les anciens Agéfîlas , Philo-
pomen , Annibal, Alexandre , Céfar ; parmi les
modernes, Charlemagne, Duguefclin, Henri I V ,
Bannier, C on d é , Türenne, Se Frédéric-le-grand.
On trouvera des preuves convaincantes des avantages
que produit cette qualité, en lifant la vie des
hommes que nous venons de citer, & des réflexions
intérefTantes fur le même objet, dans l’empereur
Léon le philofophe , tome 1 , pag. 220 >
dans Polibe commenté par Folard , tome 1 , pag.
192. ; dans les mémoires de Montltic, tome f ,
pag- 343 359 & 4M j & dans le tome 4 , pag. 210;
dans les mémoires de la V ieilleville, tome 4 , pag,
,238; dans les réflexions militaires de SanCta-Crux,
tome 1 , pag. 125 ; dans les mémoires de M. le
comte de St-Germain, tome 1 , pag. 288 ,& c .
A C T U A R IU S , officier.des armées romaines.’
Voyez ce mot dan$ dictionnaire des antiquités.
A D JO IN T . On donne dans l’état militaire le
nom adjoint, à un officfer.établi pour aider l’officier
titulaire dans les devoirs de fa charge.
On trouve dans notre état militaire des adjoints
à des iieutenants-de-roi & à des majors de .place.
On ne connoît les adjoints que depuis le moment
où une lo i, pleine de fagefle, a décidé qu’on
ne donnerait plus de furvivances. Voyez Su r v i v
a n c e .
Il e ft, fans doute , poflible d’apporter quelques
raifons plaufibies, en faveur des adjoints ,• eft-il
un objet auquel, avec un peu d’adrefie , on ne
puiffe donner une couleur favorable ? Quand on
examine les.adjoints avec une exaCte impartialité,
on eft cependant bientôt convaincu que leur création
eft un fubterfuge imaginé pour éluder la loi
des furvivances. Un officier eft encore capable de
remplir les fonctions 7de la charge dont il eft
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