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tenir tête à l'armée la plus aguerrie. La fortifica-
iion de Louifville fupplée a la qualité des troupes.
Enfin M. de Vauban lui - même nous apprend
que celles des places actuelles, qui font fortifiées
avec le plus de foin , ne font guère plus de dé-
fenfe que les médiocres, à moins qu'elles ne foient
défendues par des officiers dont la capacité dans
la fortification & le fervice de l'infanterie ne foit
entièrement connue. Le fuccèsde la défenfe d'une
telle place dépend donc d'un bon ou d'un mauvais
choix. On a pu remarquer au contraire que,
pour défendre la nouvelle fortification, il fuffifoit
que le commandant fît ufage des moyens qui lui
ont été préparés, fans être obligé de rien changer
à leur difpofition.Lü fortification de Louifville fupplée
au génie des commandons.
Il nous refte encore à dire deux mots fur la
dépenfe. Les auteurs du Mémoire difent, avec
beaucoup de raifon: « Il n'y a de véritable éco--
nomie dans les arts, que celles qui font évidemment
utiles. » Nous adoptons entièrement ce principe,
qui nous paroît inconteftable ; ainfi , en accordant
que la dépenfe du nouveau fyftème feroit
double de la dépenfe de l’ancien, comme le fup- i
pofent meffieurs du génie contre les calculs très-
différens du général Montalembert, la queftion
fe réduiroit à favoir s'il eft plus avantageux de
fortifier pour un prix quelconque une place, de
manière à ce qu'elle foit prife en trente ou quarante
jours , ou de la fortifier pour un prix double
, de manière à ce qu’elle foit réellement imprenable.
~
Avoir propofé un mode de fortification qui rend
la défenfe fupérieure à l’attaque, qui fait qu'une
place fupplée au nombre des troupes, a leur qualité
& au génie des commandans, c'eft avoir propofé
la feule fortification que l'on doive mettre
en ufage. Comment fe fait-il cependant qu'à peine
elle foit connue parmi nousj Ecoutons, en finif-
fant, ce que dit le général Montalembert à ce
fujet.
« Lorfque des préjugés ont paffé pour des vé-
»5 rités pendant une longue fuite d'années, ceux
» qui perfiftentdans l'ancienne opinion, en fe re-
» fufant à des preuves convaincantes, méritent
y» quelque forte d'indulgence : il n’eft pas donné
» à tout le monde de voir d’abord autrement que
*> par les yeux de l'habitude -, il faut dureras pour
>5 fe familiarifer avec de nouvelles idées. D'ail-
35 leurs, on craint d’être éclairé.pour n’avoir pas
»a à convenir qu'on a paffé fa vie dans l’erreur.
33 Alors on fe refufe à l’évidence même. On cher-
33 che à retarder, autant qu’il eft poflïble, un mo-
33 ment qu'on regarde comme humiliant j cepen-
33 dant il eft des vérités qu'il eft encore plus
33 humiliant de ne pas fentir, & celles qui font
33 la bafe de nos fyftèmes de fortification, nous
33 paroiflent être de cette nature , puifqu'ils ne
as font fondés que fur des axiomes inconteftables
33 & qui fe réduifent à un petit nombre.
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•s i°. Nous difons qu'un flanc deftiné à la dé-
33 fenfe d’uu ouvrage eft meilleur qu'un autre,
33 lorfqu'il a plus d’é'tendue , c’eft-à-dire, qu’un
33 flanc de foixante à cent vingt toifes de longueur
33 eft plus avantageux qu’un flanc de vingt-fept à
33 trente.
33 2°. Qu’un flanc couvert que la bombe ne
33 peut détruire , vaut mieux qu’un flanc décou-
33 vert.
33 3°. Qu’une batterie découverte, de quatre à
33 cinq pièces de canon , ne pourra détruire une
33 batterie couverte du double de pièces; mais
»s qu’au contraire cette dernière batterie détruira
33 la première, & qu’elle la détruira d’autant plus
33 tôt, que fa conftruétion fera plus folide & que
33 fa fupériorité en canon fera plus grande.
33 q.°. Que le moyen le plus certain de confer-
33 ver dans leur entier les remparts d’une place
>3 de guerre , eft de détruire l’artillerie deitinée
33 à les renverfer. Il n’eft point de murailles plus
33 fortes que celles contre lefquelles on ne peut
33 tirer.
33 y°. La difpofition la plus avantageufe à l'ar-
33 tillerie de l’aflîégé contre celle de l'affiégeant,
33 eft donc le plus grand avantage qu'on puifie
[ 33 donner aux remparts d’une place de guerre.
| 33 De ce petit nombre de vérités auxquelles il
133 eft impofiible de rien oppofer , il réfui te qu'un
j: 33 fyftème. de fortification fera meilleur qu'un
33 autre, lorfque fes flancs auront plus d’étendue,
33 lorfque fon artillerie fera toujours couverte, &
33 placée de manière à être quatre fois, fix fois,
33 dix fois plus nombreufe que celle qu'il fera
33 poflïble de lui oppofer. «
SYSTÈME DE GUERRE MODERNE ( E s p r i t
d u ) . C’eft avec bien de l’emprefferaent que nous
faififfons ici l’occafion de faire co.nnoître un ouvrage
qui vient d’être publié fous ce titre , traduit
de l’allemand par J e citoyen Tranchant-
Laverne, &r compofé par M. de Buloir, officier
prulfien.
Les officiers qui auront parcouru avec quel-
qu’attention les mots renfermés dans le Diftion-
naire militaire, fe feront fans doute arrêtés à celui
L i g n e d ' o p e r a t i o n , inféré dans le Supplément,
d’après les idées du général Lloyd ; mais peut-être
auront-ils remarqué avec raifon que ce mot étoit
très-incomplet, & que le général Lloyd n’avoit
pas fuffifamment développé ce principe fi important,
& peut-être le feul de la ftratégie dans l'art
de la guerre moderne. Aufli croyons-nous rendre
un grand fervice aux officiers ftudieux, & jaloux
de connoître à fond, tous les grands principes
de cet art, devenus malheureufement fi nécef-
faires, en leur traçant une efquifle fuffifante de
l’ouvrage de l'officier prulfien, pour leur faire
naître le defir de connoître & d'étudier les idées
de cet auteur dans l’ouvrage même.
Ainfi que le général Lloyd, l’officier prulfien
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établit tout© l’importance de la ligne d’opération ;
mais il développe davantage ce fujet en diitin-
guant dans toute opération, i °. le fujet ou la bafe
de l'opération; i Q. la ligne £ opération j 3 ° . l objet.
i° . Le fujet ou la bafe des opérations eft les
magafins. o r / n
20. .La ligne d’opération eft formée par celle
que parcourent les convois pour arriver des magasins
a l'armée qui opère. ' ,
3P. L'objet de la guerre eft la direction des
lignes d’opération , toujours en avant contre le
p iys ennemi, parce que les lieux qui renferment
les élémens de la puiflance militaire (lesmagafins),
font bien plus importans à détruire que les hommes,
qui ne font rien fans leur fecours.
Les lignes d'opération font donc du genre of-
fenfif. - . t 1
Il eft donc néceffaire d'avoir des magalins, oc
non moins important de les avoir dans des places
fortes , afin qu’ils foient d’autant plus en furete.
Mais fuffiroit-il que ces magafins fuffent renfermés
dans une feule place de guerre, qui fer-
viroit de bafe à la ligne d’operation ? L auteur
prouve très-évidemment que ce feroit commettre
une grande faute , par la raifon que les convois,
partant d’un feul point & fe dirigeant fur 1 armee
par*une feule ligne, feroient tres-expofes a etre
coupés à mefure que l’armée s avanceroit, cette
armée ne pouvant point les protéger à moins de
rétrograder, & les troupes qui fe trouveroient
dans la place d'où ils fortent ne le pouvant pas
davantage, parce qu'elles ne feroient pas aflez
fortes pour agir contre l’armée ennemie qui cher-
cheroit à couper, les convois , & qui d ailleurs
feroit affurée des liens, qui lui viendroient de fon
pays, où elle feroit toujours a meme de fe retirer.
^
Il eft donc effentiel d’avoir fes magafins dans
plufieurs places, difpofées à peu près fur une
même ligne fur la bafe ; mais \ auteur prouve
encore ici que l’éloignement qui doit fe trouver
entre ces places , n'eft pas arbitraire, & qu afin
d'entreprendre avec fureté une operation offensive
contre l'ennemi, il faut que les deux forte-
reffes des extrémités de cette ligne foient fituées
à une telle diftance l'une de l’autre, que les deux
lignes d'opération qui en émanent, en fe rencontrant
à l'objet de 1 operation, forment un
angle au moins de 90 degrés : tout angle plus
aigu expoferoit la ligne d operation a etre coupée
prefqu’auflî facilement que s il n y en avoit
qu'une. .
Il faut auflï, autant que poflïble, avoir une bafe
parallèle à celle de l’ennemi.
On fentira facilement aufli que les magafins dont
une armée fe trouveroit féparée par des forteref-
fes ennemies , devroient être confidérées comme
n'exiftant pas pour elle..
Si donc l’on fe trouvoit dans un pays fans de-
fenfe, il faudroit faire ufage des lignes d opéra-
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tions divergentes d’un point central à une circonférence.
Mais ce feroit prouver, ajoute 1 auteur, qu on
n'entend rien à l'art de la guerre, que de commencer
une guerre'offenfive par ces operations
divergentes, parce que les derrières & les flancs
font toujours à découvert. ; ,
Vos lignes d’opération ne font point afiurees,
tandis que l’ennemi n’a rien à craindre pour les
fiènnes. * m
Quant aux attaques parallèles, 1 auteur affirme
qu'à moins d’une fupériorité décifive, les operations
offeniives parallèles ne font pas un moyen de
fuccès. En effet, l'ennemi peut alors fe concentrer
& changer la défenfive en offenfive , & au
moyen des marches diflîmulées ou gagnées , tom-,
ber fur un des corps de l’armée , ou en prendre a
dos, ou agir contre leurs lignes de convois.
Après avoir parlé des manières d’agir offenfive-
ment, l'auteur s'occupe des retraites.
La meilleure manière, félon lui, de couvrir un
pays qu’on a derrière foi, eft de fe jeter fur les
flancs de l'ennemi qui avance, & de changer, par
ce mouvement hardi, la défenfe en attaque.
Une retraite en ligne parallèle eft meilleure
fans doute que les retraites concentrées > mais les
retraites excentriques font les meilleures', tandis
que les meilleures opérations offenfives font celles
concentriques : ainfi ne faut-il pas fonger a arrêter
fon ennemi en s'oppofant à fon front, mais au
contraire en arrêtant fes flancs, qui font fes parties
les plus foibles ; en l’inquiétant fur fes der--
rières, en menaçant fes fubfiftances & fes communications
avec les fources de fa puiflance.
Il eft donc évident qu'il eft plus conforme au
génie de la guerre & à la manière la plus moderne
de la faire, de prendre pour objet principal des
opérations, fes propres magafins & la furete de fes
lignes de convoi, que l’armée ennemie elle-meme.
La raifon en eft, comme l'obferve l'auteur, que les
armées modernes n’ont pas au milieu d'elles, mais
au contraire hors d'elles les fources de leur con-
fervation. Les magafins font le coeur, qui ne peut
être offenfé fans que le raiïembiement d’hommes,
que nous nommons une armée, ne foit anéanti.
Les lignes de convoi font les mufcles du corps
militaire, lequel deviendroit paralytique fi on les
lui coupoit ; mais comme les convois n’arrivent
que par les côtés & par les derrières, il s’enfuit
que l'objet majeur des opérations, foit dans la
guerre offenfive , foit dans la defenfive , eft de
conferver intaèts fes derrières & fes flancs. Il faut
donc éviter les combats, furtout ceux de front :
l'on eft bien plus fur, dans la guerre offenfive, de
forcer l'ennemi à reculer en faifant des mouve-
mens autour de lui & en 1 inquiétant pour fes
fubfiftances, qu'en le jetant de force hors de fa
pofition ; car bientôt il çn trouvera une fécondé ,
où il fe défendra de nouveau.
Quant aux guerres défenfives, il fera facile d'y
Vvvv v z
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