
voûté ! À quels dangers doit être expofé l'homme 1
frivole, avec quel mépris il doit être regardé j
par l'homme fenfé j quelle confiance accorder à
l'homme frivole ! Quel elpoir fe permettre fur
fon compte ! talens, vertus, tout e f t mis à l’écart
par l'homme frivole , chez une nation furtout
où la légèreté tient au caractère , & où jufqu’ à
préfent on a été fi indulgent envers les jeunes
gens fur leur frivolité! Oh ! vous* jeunes F: ançois,
deftinés à foutenir la gloire de vos immortels
concitoyens, lorfque vous ferez appelés à prendre
les. armes pour combattre les ennemis de la
patrie, craignez de ne vous y être pas pris a l l e z
à terris pour étouffer ce penchant fi dangereux
à la frivolité. Appliquez vous de bonne-
heure à ’l'étude & à l’accompliffement de vos
devoirs comme homme & comme citoyen j mettez
tous vos foirs à vous faire une fécondé
nature par l'habitude confiante au travail , &
à tout ce qui peut étouffer les germes de la
frivolité* . - :
FROID. Savoir fe préferver du froid eft un -objet dont en général, on ne s'eft férieufement
occupé en France pour aucune claffe de citoyens.
Nous devons nous borner à celle des militaires.
Vêtus trop chaudement en é té , nos foldats ne
peuvent fe garantir, ni du froid, ni de l'humid
ité , ni de la pluie_en hiver. Leurs habits trop
courts & trop étroits ne font que desvêtemens,
de parade, leurs culottes trop ferrées, furtout
aux articulations , les gênent ou les bleffent ;
leurs guêtres & leurs fouliers les fatiguent, &
ne les garantiffent ni de la pouffière, ni de la
boue, ni du froid, ni de l'humidité.
Un gilet à manches d’un drap léger, une vefte
courte croifée, une redingotte, dés culottes à
haute ceinture defcendant jufqu’au talon 5 un
chauffon de cuir & par deffus une bottine, venant
jufqu'au deffus des chevilles du pied 5 doubles
femelles fortes , garnies eh entier de doux rivés
entre deux cuirs ; on pourroit pour l’été donner
deux grandes culottes & deux gilets en toi e
écrue Rien 11e feroit plus efferitiel fans doute
que de pouvoir endurcir le foldat, & diminuer -
les befoins & fes dangers 5 mais rien ne feroit
plus dangereux en même téms que de ne pas
prendre toutes les précautions qui peuvent aider
à conferver fa force & fa fanté. Les foldats français
ne font nés ni dans les déferts, ni au milieu
des glaces de la Sybérie ; accoutumés à un climat
tempéré , le grand froid leur eft infupportable ;
îl faut donc les en garantir , ainfi que dè l'humidité
qui pourroit nuire à leur fanté ou la
détruire.
FR.ONDÇ. On lit dans Montagne des re'fLxions |
fur des armes à feu , qui peut-être ne feniblefonti
T pas déplacées ici.« Les batailles des anciens, dit-il,
fe voient bien mieux conteftées. Ce ne font à cette
heure que déroutes. Et chofe que nous appelons
à la fociété d'un fi grand hàfard, doit être
en notre puiffance le-plus qu'il fe peut : il eft bien
plus apparent de s’afi'urer d’une épée1 que nous
tenons au poing, que du boulet qui efchappe
de notre piftolet, en laquelle il y a piufieurs
pièces, la poudre , la pierre , le rouet, defquelles
la moindre qui vienne à faillir vous fera faillir
votre fortune. On affure peu furement le coup
que l'air vous conduit.
E t quo f e r r e v e l in t p erm itte re , v u ln e r a v e n t i s ,
E n f i s h a b e t v ir e s & g e n s qus.cum.que v ir o rum e f i
B e l la g e r it g la d ii s .
Lucain ; livre V I I I , v. 384, &c.
« Mais quant à cette arme-là fauf l'étonnement
des oreilles j à quoi déformais chacun eft appri-
voifé, je crois que c'eft une arme de fort peu
.
d’e ffet, & efpère que nous en quitterons un
jour l’ ufage. »
5 ec Les anciens avoient piufieurs moyens à quoi
l’ufage les dreffoit, & qui nous femblent incroyables
par expérience : par où ils fuppléoient
aux defauts.de notre poudre & de nos boulets,
ils dardoient leurs piles de telle rpideur, que
fouvent ils en enfiloient deux boucliers & deux
hommes armés & les coufoyent. LeF coups de
leurs frondes n’étoient pas moins certains &
lointains. »
« Les Gaulois nos coufins en A lîe , haiiffoient
ces armes traîtreffes & volantes : duits à combattre
main à main avec plus de courage. Les
grandes bleffures ne les touchent point tant,
lorfque la plaie eft plus large que profond^ , ils
croyent combattre encore d une maniéré plus
honorable j mais fi ils fe Tentent frappés’'•de la
pointe d’ une flèche o u d 'u n b o u l e t , qui ne leur
faffe qu'une petite bleffure en apparence j alors
ils fe couchent par terre tranfportés de rage &
de honte, de ce que fl peu de chofe leur donne
la mort. Tite-Live, livre 38, chap. 21. w
Au moment où Montagne paroiffoit faire aufli
peu de cas des arm:s 2 feu , elles étoient à peine
connues, d uneconftruébon très imparfaite, très-
pofantes, très-difficiles à manier j les préjugés
de la chevalerie lubflft oient encore ; la gendarmerie
étoit encore en réputation. François Ier.
avoir mis à honneur d’être reçu chevalier, &
ri:n ne pouvoir rendre plus fuperflue cette bravoure
fl renommée , & ces hauts-faits d'armes
tant vantés , qu’une découverte où l’homme le
p.us faible & ireme le plus lâche, pouvoit avec
une arme, qui lui permetroit de fe tenir très-
éloigné ,,
-éloigné, donner la mort fans courir de grands
dangers j mais depuis que les armes à feu ont
•été autant perfectionnées , depuis l'inflant où
elles font devenues les feules en ufage, le péril
eft égal de p a r r& d'autre| & il faut avoir beaucoup
de fermeté & de courage pour relier
expofés aux coups de canons. La maniéré même
de fe fervir de ces derniers, en les faifant traîner
& tirer jufqu’au milieu des rangs ennemis , a
■ rendu cette arme tellement meurtrière & def-
tru&ive, furtout lorfque l'infanterie fe décide
à attaquer avec la bayonnette , la troupe ébranlée
& ravagée par l'artillerie , qu'il faut efpérer que
de tels moyens de deftruélion feront toujours
craindre davantage de fe faire la guerre. Qui le
croiroit cependant, un officier françois, recommandable
par fes connoiffanèes , le chevalier
Folard , a voulu foutenir les avantages des armes
& de la baftilique des anciens ; mais on croiroit
faire trop peu de cas des connoiffances des militaires
qui liront cet article,, fi l’on s’attachoit
à prouver les erreurs du chevalier Folard fur
cet objet comme fur quelques autres. Nous nous
.Contenterons de dire que nous devons à cet
officier eftimable des difeuffions & des recherches
très-utiles, qui ont fervi à exciter l’émulation
de quelques militaires, & à augmenter les lumières
furcetart,devenufinéçeffaire& fl deftruéteur.
FRONT DE BANDIÈRE. C'eft à proprement
parler le front du camÇ ou l'efpace qui eft deftiné
a la tête du camp , à recevoir en bataille les
troupes qui occupent le camp j ainfi, grâce à notre
manière de nous mettre en bataille fur trois de
hauteur, & à l'efpace qu'on laiffe entre chaque
bataillon pour la place & la manoeuvre de fes
canons j les fronts de bandière de nos camps
font d'une étendue immenfe, & exigent pour leur
furete une grande quantité de gardesj & fi ce
font des camps de pofition, il faut pour leurs
L ' ■ défenfes multiplier les redoutes & ies redans.
Sous quelque point de vue que l ’on puiffe envi-
fager d’aufli grands inconvéniens, il doitparoître
effentiel d'y remédier, pour atteindre ce but.
Ne faudroit-il pas enfin décider la préférence en
faveur de l’ordre à quatre de profondeur comme
primitif, c’eft-à-dire comme devant indiquer
l’ étendue du front du bataillon ? Les doublemens
à huit ou feize devant fe faire par divifion ou
fe&ion, en laiffant vides entr'elles les efpaces
occupés précédemment par les compagnies ou
divifions, un doublement plus confidérable ne
pouvant plus être que celui du bataillon entier.
Dans ce nouvel ordre de chofes, en fuppofant
les bataillons de huit compagnies de fumiers,
quelque nombre qu’on adopte enfuite de compagnies
de chaffeurs & de grenadiers , elles n'en-
treroient jamais dans l'ordre de bataille du bataillon
, étant deftinées à la guer re, les chaffeurs
a marcher à l'avant-garde, les grenadiers à 4a
■ Mt Milit. Suppl, Tome IV ,
réferve. D’après ces idées & celle de ne plus
donner aux bataillons des pièces de bataille,
il femble très-impoflîble de racourcir confidé-
rablement le front de bandière d’un camp, c’eft-
à-dire à-peu-près de la moitié. Encore faudroit-il
diftinguer deux chefes, le terrein fur lequel on
doit camper, & fi le camp eft de paffage ou
de pofition. Si le camp n’ eft que de paffage,
peut-être faudroit-il camper en profondeur,
c’eft-à-dire de manière que chaque bataillon pût
fe mettre en colonne dans chaque rue de fôn
camp. Si le camp eft de pofition , il eft alors
effentiel de le fortifier avec des redoutes à flèche,
des redans, & c . , & il faut étendre le front de
bandière en raifon des défenfes à faire par l ’artillerie,
la moufquetterie ou la malle des troupes.
Les militaires inftruits par l’étude ou par l’expérience
, fendront facilement l’avantage de réferrer
l’étendue d’un camp, d’où doit s’énfuivre
la plus grande facilité pour le défendre & mille
autres avantages incalculables. Dans la guerre
de la liberté, les François ont négligé en général,
les fourrages & les campemens , deux parties
effentielles de la guerre , qui exigent des précautions
trës-multipliées & des connoiffances très-
étendues j mais il n’en relie pas moins important
d’en recommander la connoiffance, & de
propofer tous les moyens de les mettre à exécution
de la manière la plus avantageufe & la
plus favante.
FRUGALITE. La frugalité a triomphé partout
du luxe militaire & s’eft emparée de fes trophées.
La vertu de la frugalité va beaucoup plus loin
que la fobriété> elle porte aufli fur les moeurs
dont elle eft le plus ferme appui. Les Lacédé^
moniens en faifoient profeffion expreffe, les
Curius, les Fabricius , les Canailles, ne méritèrent
pas moins de louanges à cet égard que,
par leurs grandes & belles victoires. Phocion
s’acquit le titre d’homme de bien par la frugalité
de fa vie : conduite qui lui procura les
moyens de foulager l’ indigence de fes compatriotes
, & de doter des filles vertueufes que leur
pauvreté empêchoit de s’établir.
Quand on n’ eft touché comme dans nos moeurs
a&uelles que de l’éclat de la magnificence, on
eft peu difpofé à louer la vie frugale des grands
hommes > qui paffoient de la charrue au commandement
des armées, & peut-être commençons
nous à les dédaigner dans notre imagination.
La raîfon néanmoins ne voudroit pas que nous
en jugeaffions de la forte 5 & puifqu’il ne feroit
pas à-propos d’attribuer à la libéralité les excès
des prodigues , il ne, faut pas non plus attribuer
à la frugalité, la honte & les baffeffes de l’envie.
Rendons plus de juftice aux tems des beaux
jours de la république romaine. Les grandsjiommes
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