
de la moindre faute du général ennemi ! fes
moindres mouvemens renferment des inftruc-
tions qui doivent être foigneufement imirées par
les militaires. Les manoeuvres de Guftave pour
gagner les hauteurs font très-favantes , & on
doit admirer le mouvement du corps de cava-
Guftave ne pouvant pas difpofer à fa volonté des
troupes faxonnes, fut obligé de les placer à fa gauche,
au delà du ravin, & formées fur deux lignes.
Horn commandoit le corps de bataille , compofé
d'infanterie aufli fur deux lignes.
La droite, deftinée à faire le plus grand effort,
étoit commandée par Guftave ; fes efcadrons étoient
tntre-mêlés de pelotons de moufquetaires, qui continrent
d'abord par le feu, les efcadrons pefaus &
peu manoeuvriers des Impériaux, & y jettèrent bientôt
de l’embarras & de la confufion.
Cependant Guftave s’avançoit lentement & en
bon ordre, & faifoit filer la droite pour s'établir
fur le flanc gauche de fon ennemi, fécondé par fes
canons de cuir bouilli, qui contenoienf la gauche des
Impériaux.
Guftave, en exécutant fon mouvement, s’étoit
féparé de fon infanterie j mais ce vide avoir été auflï-
tôc rempli par une réferve placée judicieufemenc à la
gauche de l’aîle droite.
Malgré cela Papenhaim voulut encore charger ,
mais Guftave l'ayant attaqué fur-le-champ, de front
& fur fon flanc g-uche, culbuta fes efcadrons &
roula fa ligne, malgré tous fes efforts. Les efcadrons
de la fécondé ligne furent alors, chargés d’achever la
déroute & de pourfuivre les fuyards, & les moufquetaires
marchèrent pour prendre l’artillerie impériale
, placée fi mal-à-propos fur la fommité des
coteaux de Bieitenfe d. Auffitôt elle fut dirigée fur
Je centre & la droite de T illy , où elle fit de grands
ravages, dans des bataillons formés fur feize de
profondeur.
Mais de ces hauteurs on s’appercevoit aifément
de la défaite, de l’armée faxonne. Guftave, inquiet
du corps de Horn , dont Tilly pouvoit inquietter le
flanc gauche, malgré le ravin, lui envoya un renfort
de cavalerie, mêlee fans doute , félon fon ufage, de
pelotons de moufquetaires. Ce renfort arriva à Horn
trèsrà-propos j Furshenberg, fécondé par une partie
de la cavalerie de T illy , étoit venu à bout des
Saxons ; & après avoir culbuté leurs deux lignes &
pris leur artillerie, il l’avoit tournée fur le corps de
bataille des Suédois. Le renfort envoyé par Guftave
arriva dans ce moment critique , remit de l’ordre
dans l’infanterie fuédoife, & attaqua celle des Allemands,
qui, déjà très-ébranlée, ayant fes rangs &
fes files mêlés, ne put pas réfifter à cette attaque 8c
à celle dé Guftave, qui vint le prendre à dos ; en
vain Furftenberg efTaya de venir au fecours de Tilly,
celui-ci, bleffé & défait, put à peinp fe fauver fur
H a ll, & tout de fuite prefque fur Halberftadr, avec
cinq à fix mille hommes.
L ’année fuivante , ce vainqueur s’étant encore
mefuré avec le même général, Tilly y termina glo-
rieufement une carrière illuftrée par des fuceès lans
revers, jufqu’au moment où il fut obligé de fe me-
furer avec Guftave. Dés-l-rs l’empereur fut obligé
de mettre tout fon efpoir dans le fuperbe Walftein.
Cet arrogant & féroce guerrier ayant pris le commandement
abfolu des troupes impériales, fe dirigea
encore fur la Saxe, dont la pofition 8c la richelfe la
rendent unè proie facile & feduifante pour les armées
ennemies. Profitant de l'éloignement de Gufe
tave, il s’étoit réuni à Papenhaim , & ces deux gé-.
néraux s’étoient emparés de la plus grande partie de
la Saxe. Alors Guftave s'arrachant de la Bavière ,
fur le point d’être affujettie en entier, accourut au
fecours, de la Saxe & du Brandebourg 5 dont la perte'
étoit également concertée.
En arrivant , il s’empara du point important de
Kofen, qui lui donnoit un pont fur la Saale, & reprit
Naubourg.
L’armée de Walftein étoit fupérieure en force,
au moins d’un tiers, fur celle de Guftave j mais
cette infériorité n’empêcha pas ce prince de fe porter
fur lui, & de fe trouver en fa préfence le y novembre
1651.
Walftein a voit choifi d’avance fon champ de bataille
, le flanc gauche de fon armée étoit peu éloigné
de Lutzen : dans la crainte de voir cette ville occupée
par quelque détachement ennemi qui iqquiet-
teroit fon flanc , il y fit mettre le feu ; reflfource
cruelle & barbare, qui ne l’auroit pas mis à couvert
d’être attaqué fur ce même flanc, & qui auroic,
au contraire, couvert la marche d’un corps entre le
Luppen & l’Utren.
Pour être abfolument tranquille fur le fort de ce
flanc gauche, fur lequel il avoit des inquiétudes, il
avoir mêlé un très-gros bataillon parmi fa cavalerie.
Le rerrein, derrière fon arméeétoit à-peu-près en
forme de cul-de-lampe ; un folié, nommé floesgrabeni
ereufé pour l’alféchement de la plaine,( et qui, paf-
fant par Charzits, va dégorger dans le Luppen ,
fervoit à Walftein de ligne de défenfe, il y avoir
appuyé fa cavalerie de droite ; quelques bataillons
de Croates veilloieot fur le bord 5 quatre énormes
bataillons, difpofés en échiquier , faifoient à-peu-
près face à toute la première ligne d’infanterie fué^
doife.
Dans cette pofition, le grand chemin de Weif-
fenfelds à Lutzen décrivoit à-peauprès une ligne parallèle
au front de l’armée impériale j des foliés qui
régnent le long de ce gra'nd chemin,. avoierlr été
creufés, fùrtout vis-à-vis de la gauche impériale-,
le r ie , qui s'avança pour couvrir le flanc droit
de F infanterie fuédoife , & chargea de front
les impériaux j au moment où le roi les preafifez
profondément pour y placer des moufquetaires,
fécondés par une batterie de vingt-quatre pièces de
gros canons placés à leur gauche ; par fepc pièces
placées à barbette fur leur droite, & par d’autres
plus près des foliés.
En arrivant de Weilfer.felds , Guftave trouvant
le chemin qui communique à Lurzen occupé par
l ’armée impériale, prit le parti de faire filer fa droite
dans la presqu’île formée par le Flûtfgraben 8c le
Luppen, d’y former fon armée, & d’attaquer en-
fuite de front & de flanc.
Sa droite parvint bientôt à la hauteur de Lutzen,
où elle fit halte j fa gauche fut appuyée au Floef-
graben.
A la tête de chacune des quatre brigades d’infanterie
de fa première ligne, Guftave avoit placé un
bataillon en colonne, avec du canon.
Le feu des moufquetaires impériaux 6c de leurs
canons incommodant beaucoup l’armée fuédoife,
Guftave détacha des moufquetaires de fa fécondé
ligne pourchaffer les Impériaux, applanir les foliés,
& faire un palfage à la cavalerie fuédoife. Ces moufquetaires
n’ayant pas réulfi, le roi fit marcher la
brigade de fa droite, compofée de fes gardes, &
nommée la brigade jaune.
Cette brigade chalfa non-feulement les Impériaux
du fofle , mais s’empara de trois pièces de
canon, q u i, jointes aux cinq de la brigade, firent
feu fur l’armée impériale ; le folfé fut en même tems
comblé, et la cavalerie vint féconder les efforts de
cette valeureufe brigade jaune qui avoit été attaquer
le gros bataillon impérial formant la gauche du
corps de bataille. Conduite par Guftave , la cavalerie
en colonne avoit gagné les derrières de la hauteur
où étoit la batterie de vingt-quatre pièces de
canon, 6c avoit attaqué vigoureufement la cavalerie
impériale, l’avoit fait plier, 8c enfuite fort endommagé
le gros bataillon d’infanterie placé au milieu
de cette cavalerie.
Les trois autres brigades drinfanterie fuédoife
fliarchoient lentement à caufe du feu ; mais la cavalerie
fuédoife de la gauche ayant voulu fe porter
au-delà des foliés , fut mile en défordre par l’artillerie.
Guftave en étant inftruit, voulut s’y porter :
on croit qu’il fut tué dans ce moment.
Cependant la brigade jaune ayant battu le premier
g os bataillon , attaqua le fécond, où fe trou-
voit Walftein en perfonne. Cette brigade, heureu-
fement fécondée par la cavalerie de la droite, par
les trois autres brigades qui venoient de traverfer
le foflfé, & par l’heureux hafard d’une bombe qui fit
no it en flanc & ii dos . Les troupes envoyées
pour çoi..ivrir le g£inéral
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trouvoit expofé p:ir la cléfaice des Saxons, enfin
l’artiüerie des imp>eriaux tournée contre euxmêmes
, & le foi prenmut leur corps de bâtai 1 e
à dos , telles fon c les différentes manoeuvres
qui concoururent toutes, à a {Tarer la victoire au
roi de Suède, & à lui mériter la réputation
d’un des plus grands généraux connus.
Bataille de Lutzen. La batail'e de Lutzen
où Guftave fut tu é , ne mérite pas moins l’admiration
de tous les tmilitaries. Le duc de Weimard
contribua à la victoire & y participa, mais elle
fut due principalement à la difpofition des troupes
fuédoifes qui étoit entièrement de l’invention
du roi. Des pelotons d’ infanterie mêlés parmi
les efcadrons de cavalerie, l’infanterie rangée
partie en colonne, avec les piqulers en tête &:
les colonnes entre-mêlées de bataillons : voilà
quelles furent les caufes immédiates de la victoire.
En effet, du côté de la cavalerie, celle
fauter les chariots de munitions placés derrière les.
bataillons impériaux , fit une charge combinée qui
eut l’effet le plus décifif; ce qui Força Walftein à
tourner le dos vers Merfebutg, 8c à entraîner dans
fa fuite le refte de fon infanterie.
La cavalerie de la gauche s'étant remife bien vîte
en mefure, vint feconaer des avantages aufli décififs.
Lorfque Papenhaim , qui s’étoit avancé à Hall,
ayant appris la bataille, parut au-delà deChurzicz,
avec environ feize mille hommes de troupes fraîches
, un renfort aufli confidérable auroit dû changer
l’état des choies ; mais Papenhaim tué dès l’abord ,
8c les Suédois ayant formé une feule ligne des deux,
afin de remplacer les vides , attaquèrent ces huit
régimens déjà découragés de la perce de leur chef
8c de la défaire de Walftein, avec tant de réfoluxion,
qu’ils s’enfuirent, les uns vers Merfeburg & Hall ,
les autres à Leipfick.
Quant à Walftein, parvenu à Leitmeritz, 8c
ayant mis entre les Suédois 8c fon armée , la barrière
itnpofante des montagnes qui féparent la Saxe
de la Bohême, il fe crut un peu en fureté.
La force de l’ordonnance fuédoise eft bien démontrée
dans cetre bataille;, même après la mort de
leur roi, cette arme'e en battit une fupérieure de prësr
d’un quart, 8c renverfa enfuite feize mille hommes
frais qui venoient à fon fecours.
Sans doute l’organifation-de ces corps laiffoit encore
beaucoup à defireu ; fans doute cette ordonnancé
étoit fuîceptible d’être perfectionnée ; mais il
refte toujours cette vérité, que les armées bien ordonnées
remportent ordinairement la victoire fut
celles qui le font mal , même fupérieures en
nombre»