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continuellement dans le corps animal, le met
dans le cas d'avoir un befoin toujours renouvelé
de réparer cette déperdition , pour la conferva-
tion de l’ individu : ce befoin porte chaque animal
à chercher les matières qui font fufcèptibles
d’être converties en fa propre fubftance ; il les
trouvé dans les corps qui ont de l’analogie avec
nos humeurs, fe defquels peuvent fe féparer, fans
dangér , les lues deftinés à l’ouvrage de la nutrition,
Ces corps font tirés du règne végétal ou du
règne animal, le règne minéral ne fourniffant que
l ’eau ^ qui , fans être nourricière par elle-même ,
eft le véhicule des matériaux de la nutrition.
Les matières qui peuvent le plus aifément être
Converties en fucs nourriciers , celles qui peuvent
acquérir des qualités par la préparation, font les
plus propres , & doivent être préférées pour fournir
une bonne nourriture.
Ain fi les grains farineux font un très-bon aliment
3 pourvu qu’ils aient été macérés dans l ’eau
ou fermentés.
On peut faire d’ excellentes galètes avec la farine
de riz : huit onces de cette farine fuffifent,
affine-t-on , fe au-delà , pour la nourriture d’un
manoeuvre ou d’ un voyageur pendant vingt-quatre
heures : on fait le parti qu’ en tirent les Orientaux'}
les Indiens en préparent des gâteaux & de
la bouillie : on en donne quelquefois à nos fol-
dats pendant la guerre : il feroit avantageux de
les accoutumer à en manger pendant la paix ; on
leur apprendroit à l’apprêter * afin de pouvoir leur
en' donner pour fe nourrir dans une marche un
peu' longue , ou des expéditions qui demandent du
iecret fe de la promptitude.
Pendant le fiége de Gibraltar, en 1779 le
général Eiliot avoir déterminé , par des expériences
exactes , que quatre onces de riz , par jour ,
fuffifoient à l’entretien du foldat.
La farine de maïs, la pomme de terre, qui eft nour-
riflante, légère, tempérante fe dont on nëfauroit
trop encourager la culture ; la pomme de terre,
cuite à l’ eau ou fous les cendres , fe mange fans
apprêt J elle a été d’une grande reffource aux fol-
dats français ên Allemagne, pendant la guerre
de la liberté.
Les haricots, les pois, les lentilles, les choux,
les raves, les turneps , fec. font tous des légumes
qui conviennent parfaitement à des perfonnes
qui font vigoureufes fe expofées à des exercices
violens.
En général donc le boeuf & les alimens tirés
dts végétaux dont on vient de parler, conviennent
aux perfonnes d’ une organlfation forte fe robufte,
qui font deftinées à des travaux rudes & pénibles :
tels font les payfans, certains artifans & les fol-
dats ; à tous ceux enfin qui ont befoin de réparer
la déperdition de fubftance qu’occafionne
le violent exercice , fe qui font conftitués de manière
que la force des organes puiffe .aifément cor- {
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figer la difpofîtion des végétaux à la fermentation.
On nous blâmeroit peut - être fi nous oublions
de parler du pain, auquel on habitue, dès
“l'enfance, l’homme riche comme l’ indigent, &
qui eft malheuveulement la bafe de la nourriture
en France j mais outre que les trois quarts du
monde connu fe nourriffent fans le fecours de la
farine réduite en pain, celui que l’on fournit au
foldat eft prefque toujours très-mauvais 5 il faut
furmonter des difficultés infinies, dépenfer de très-
groflfes fommes pour lui en procurer à la guerre ,
fe de toutes les matières q u e J’ eftomac de l’homme
peut digérer, il n’y en a point qui foit plus nui-
fible fe d’ une digeftion plus-laborieufe.
Bien loin donc de confeiller le pain comme
eflentiel à la nourriture du foldat, on defîreroit
au contraire que, pendant la paix , on le déshabituât
de l’ufage trop enraciné de la foupe,
fe qu’on le nourrît avec des légumes , des poïf-
fons falés , de la viande, en y mêlant des pommes
de terre fans apprêt, des galètes de riz , du maïs
ou du bifeuit en petite quantité.
L’Angleterre a deux tiers de moins , en hommes,
que la France., fe elle en a autant & plus
à employer à fa marine fe à fon négoce maritime.
D ’où vient cette différence ? Du régime diététique
des deux nations.
Le peuple, en France, confomme beaucoup
de grains fe peu de viande : en Angleterre, il
mange beaucoup de viande & confomme peu de
pain.
Pour nourrir avec des grains cent hommes qui
ne travaillent pas à en produire par la culture ,
il faut employer au moins le travail de cent
hommes, uniquement voués à cette occupation.
Pour nourrir cent hommes avec la chair des animaux
domeftiques qui paiffent en troupeaux, il
fuffit de quelques hommes fe de quelques enfans.
Il faut porter les grains aux marchés 5 les animaux
s’y portent eux-mêmes.
Que d’attirail, d'animaux, d’hommes pour la
culture des terres en grains ! Quelle différence pour
faire pâturer des animaux, foit par des prairies
naturelles, foit par des prairies artificielles 1
Pendant la guerre, les boeufs deftinés à nourrir
le foldat peuvent être employés auparavant à des
charrois.
Les alimens de nature animale font d'ailleurs
d’une nature plus fubftantielle que les végétaux.
Les hommes qui vivent de viande, font plus forts
que ceux qui vivent de pain.
' Le fyftème du régime animal tient auffi.beaucoup
plus à la tranquillité. On ne fauroit trop
chercher à éviter les inquiétudes populaires , en
matière de fubfiftance avec des grains.
Il faudroit auffi habituer les Français à faire
un plus grand ufage /des viandes faîées, de la
chou-croûte fe des boiffons analogues à cette
nourriture.
L a
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La préparation de la viande falée, qui concentre
le& fucs nourriciers des chairs, a en outre l ’avantage
de rendre la confommation plus économique.
Quant à la boiflfon, l’eau froide, très-légère,
fans odeur fe fans goût, eft la plus faine pour un
homme robufte } l’eau froide eft adoucififante fe
elle fortifie : il fembleroit donc qu’il faudroit,
réferver là bière , le vin & les autres liqueurs
fortes pour les occafions où il s’agit d’échauffer
fede donner du mouvement.
§ . I L
Quantité de nourriture nécejfaire au foldat.
On eft aflez généralement convaincu que le
régime eft néceflaire à toutes fortes de perfonnes,;
foit pour fe maintenir en fanté, foit pour prévenir
la maladie. Pendant que l’homme fe nourri; d'ali-
mens convenables , & qu’il n’en prend que la
quantité néceflaire pour entretenir fe réparer fes
forces, la digeftion, qui fe fait fans peine, devient
réellement falutaire. ,
A l’égard de la quantité de nourriture, les foldats
doivent être compris dans cette clafle d’hommes
qui vivent du travail de leurs mains, mènent une
vie dure, fatigante fe pénible} diffipent beaucoup
& ont befoin d’ une nourriture abondante : ainfî,
occupé à pouvoir' leur procurer une nourriture
fuffifante, on doit peu craindre des excès ni des
abus de leur part : bien loin donc de s’arrêter à
des recherches fe à des expériences pour déterminer
quel eft le terme moyen qui convient à
tous les hommes pour lès nourrir, on devroit fe
borner à en faire pour découvrir la nourriture qui
feroit en même tems la plus nourriflânte fe la
moins difpendieufe.
La paye que reçoit actuellement.le foldat, eft
aflez forte pour lui procurer une nourriture faine
fe fuffifante.
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M. de Saxe-avoit propofé, dans fes Rêveries,
des vivandiers qu’on auroit chargé feuls du foin
d'acheter fe d'apprêter les denrées néceflaires pour
la nourriture des troupes : c’étoit offrir un objet
d’économie, une diminution d’embarras pour le
foldat, une meilleure nourriture fe des avantages
réels pour la fanté. On auroit dû faire plus d'attention
aux différens projets de ce grand-homme
de guerre, fe l ’on a peut-être trop négligé de
croire à fon expérience fe à fa capacité : on fait
que les janiflaires ont leurs cuifiniers, fous-cuifî-
niers fe porteurs d'eau, fe que ces foldats mangent
dans des efpèces de réfectoires. On pourroit, fans
s'aftreindre à fuivre cet exemple , attacher un vivandier
ou deux à chaque compagnie, en les chargeant
de l'achat fe de l’apprêt de la viande fe des
légumes.
Les vivandiers auroient deux marmites ; dans
l’une, ils feroient cuire la viande j dans l’autre, les
légumes.
Au lieu de donner vingt-quatre onces de mauvais
pain à chaque foldat, on lui donneroit douze
onces de biscuit, quatre onces de riz ou une
certaine quantité équivalente de pommes de terre,
une demi-livre de viande fe des légumes.
Le foldat mangeroit, à dîné, du riz en galète ,
ou des pommes de terre ou du bifeuit, quatre
onces de viande, des légumes j le fo ir , des pommes
de terre , du bifeuit, le refte de la viande fe
des légumes j s’il travailloit, comme alors fa paye
feroit plus forte, il déjeûneroit ou gouteroit, &
boiroit de la bière, du vin ou du cidre-, fuivant
les pays où il fe troüveroit.
En habituant ainfî le foldat à manger du bifeuit
& à fe paflfer de foupe, on ne fait peut-être pas-
aflez combien il coûteroit moins à l’é ta t, feroit
plus fort fe plus robufte, fe combien auffi, pendant
la guerre, les armées feroient moins difpen-
dieufes fe plus faciles à mouvoir fe à manoeuvrer.
■ Art Milit. Suppi.. Tome IPr. H h h h h