» Il eft allez démontré que le fufil joint à la
bayonnette eft embàrraflant, trop lourd du b o u t,
& trop court comme arme de main. Ne fau-
droit-il pas conféquemment raccourcir le canon
du fufil de dix ou douze pouces & le fortifier
dans la culaffe de manière que le centre de gravité
fe trouvât entre les deux mains dans le
tems de préfeme\ les armes3 ce qui le rendroit
facile à manier & moins pefant du bout qu’il ne
l ’eft à préfeiit ?
« Le général Clerck a inventé une efpèce de
fufil qui paroït très-bien remplir tout ce qu’ on
peut defirer à cet égard. Au- lieu de la bayon-
net:e j on. voudroit une lance de quatre pieds de
long d’un bois fort lé g e r , ( comme le frêne par
exemple ) il y auroit une hampe d’acier de fix
pouces , dont les deux derniers formeroient la
pointe 3 & le refte du bois ferait garni de deux
lames de fer pour l’empês her de caffer. Cette
lance fé porteroit fous le bras gauche la pointe
en b as , elle feroit fa te de manière à pouvoir fe
fixer au bout du fufil , mais avec deux tenons
au lieu d’ un pour plus de folidité.
» Si le fufil brifé ou perdu dans le combat,
au moment où l’on joint l ’ennemi, & que le
feu celle par conféquent, cette lance même feule
pourroit être d’un grand ufage 5 mais attachée au
fu fil, elle 'feroit excellente contre l’infanterie &
même contre la\ cavalerie.
» Les trois quarts de l’infanterie feroient armés
de ce fufil avec la lance ; l’autre auroit des
piques de douze pieds, un bon fabre & des pif-
tolets à la ceinture.
» L’infanterie ainfi armée feroit formée fur
quatre rangs , dont les trois premiers n’auroient
que le fufil & la lance, le dernier auroit les
longues piques.
» Ainfi formée la ligne feroit d’un quart plus
courte 3 ce qui lui donneroit plus de force &
d’a&ivité ; mais il feroit facile de conferver une
étendue égale j en exigeant, d’unè compagnie,
divifion ou bataillon à l'autre, des intervalles
qu’on rempliroit avec des grenadiers ou des
chafleurs ».
FORTIFICATION. Ouvrez le Di&ionnaire
Militaire au mot fortification , lifez avec attention
ce mot d'un bout à Fautre, 8c dans les
cent quatorze pages qu’il contient, vous y verrez
à la vérité le fyftême de Vauban porté aux
nues , 8c cet officier confidéré comme ayant
atteint la perfe&ion dans la défenfe & l ’attaque
des places ; mais vous n’y trouverez pas un mot
fur les différentes manières propofées par les
anciens ou les modernes pour fortifier une place ,
& conféquemment le plu* profond filence fur
les découvertes aufti ingénieufes qu'utiles du
général Montalembert. Comment cependant ofer
fe permettre de garder le filence fur des objets
qui tiennent d’aufii près à la fureté & à la
trànqui lité du territoire français 8c de fes frontières!
Comment auifi ofer s'expofer au reproche
d’avoir nég.igé de réparer une faute au (fi grol-
fière ? Nous avons, il eft v ra i, une grande quantité
d’ouvrages de la part de l’ auteur de la
fortification perpendiculaire ; mais les préjugés,
l’ignorance ,. l'efprit' de corps 8c mille autres
caufes ont concouru à éloigner des militaires le
defir de lire 8c de méditer des écrits auffi
récieux. Nous croirons donc remplir un devoir
ien facré envers nos freres d’armes en mettant
fous leurs yeux un extrait des idées fi
précieufes du général Montalembert fufTesfortifications
3 8c fur la manière la plus avantageuse de
faire ufage des armes à feu.
Les places fortes font actuellement devenues
moins un obftacle qu’un fujet de triomphe. Dès
ue le fort d’une bataille a décidé de celui qui
oit refter maître de la campagne ; le vainqueur
ne fait que voler de conquête en conquête; des
vdle.s puiffantes entourées d’un bon mur 8c d’un
bon foffé, ne lui donnent pas le tems de douter
de leur fourmilion. .
A peine les fappes & les batteries font-elles
établies fur la crete du glacis, que l’on fepreffe
de rendre la ville.
Les villes mêmes les plus fortes, celles qui ont
des doubles & triples enceintes , qui ont coûté
des fommes immenfes à fortifier , qui onç be-
foin d’une armée pour les défendre , tiennent à
peine fix femaines ou deux mois de tranchée
ouverte.
Cependant ces villes font encore un puiflant
obftacle ; 8c fi- l’on pouvoir leur donner plus de
fo rc e , fi l ’on pouvoir rendre la défenle fupé-
rieure à l’ attaque , elles Teroient capables alors
d'arrêter les armées les plus formidables.
Peu de militaires peut-être favent combien
il faut de peines & d’argent pour raflembler
tout ce qui eft néceflVre pour le, fiège d ’une
vil e du premier ordre. Il femble d'ailleurs que
l’on n’a plus rien à defirer pour l’attaque, & s’il
falloit y ajouter encore 8c plus de canons 8c
plus de monde 8c fur-tout plus de tems, il
arriveroit que très-fouvent l’on feroit forcé de
fe retirer honteufement au moment où la faifon
ne permettroit plus de tenir la campagne.
Avec des places plus fortes , c’eft-à-dire ,
dont l’attaque devienaroît plus difficile , on parviendront
donc , foit à défendre fes frontières ,
foit à aflurer fes magafins d’une maniéré bien
plus avantageufe.
Avant de parler des moyens d une meilleurs
défenfe ; arrêtons-nous d’abord à voir ce qu e--
toient autrefois les fortifications , ce que font
les fortifications aftuelles , combien ces fornfictions
font peu fuffifantes , 8c les raifons pour
lefquelles elles font infuffifantes.
Ce qu étoient les fortifications anciennes.
Un folié paliffadé fut fans doute la première
de toutes les fortifications ; mais bientôt pour
conferver leurs femmes , leurs en fan s , leurs
richefles , les peuples plus éclairés é'evèrent de
hautes murailles , iis les firent fort épaifles,
ils les flanquèrent do tours plus hautes encore
& plus fortes. En avant de cette enceinte, ils
creufèrent un fofle large & profond.
Afin de fe procurer de meilleurs flancs, les
anciens entremêloient une ou deux tours quar- ■
rées entie des tours rondes plus faillantes que •
les premières.
Avant l ’invention de la poudre , les flancs ;
des remparts étoient d’une toute autre influence j
qu’ils ne l’ont été depuis , parce , qu il falloit j
féjourner aux pieds des murail es pour y faire
brèche avec les béliers continuellement expofés
aux attaques des flancs.
Tandis qu’avec le canon établi en-deçà du fofle ,
on renverfe toute une face de baftion.
Dans ce premier fyftême de fortification , il
paroït que la^ défenfe étoit bien fupérieure à
l’attaque.
i°. Les affiégés n’avoient rien à craindre pour
leur muraille , tant que le comblement du fofle
n’étoit point achevé.
2°. Les tours qui flanquoient la muraille obli-
geoientles afliégeans de s'attacher-à la partie de
la muraille que nous avons depuis appellee courtine
, pour y faire brèche ; mais alors les helle-
pores ou tours bélières étoient expofées par
leurs faces 8c par leurs flancs à tous les traits,
ainfi qu’aux feux d’artifice partant des remparts
; fouvent ces énormes machines s’écrou
Ioient,.après avoir fuccombé fous les efforts
redoublés des affiégés , avant d’avoir rendu^ la
brèche praticable. L’ afllégeant alors étoit obligé
de conftruire de nouvelles-tours ^ avec une perte
de tems 8c dès difficultés infinies qui devenoient
quelquefois fi grandes, que plufieurs places ont
dû leur faluc à la deftrudion de ces tours (x).
On fait les noms des différentes !j villes anciennes
qui fe font immortalifées par l’opimatreté
de leur défenfe > & devant lefquelles on a ete
forcé de fe borner à un blocus.
Il faut cependant remarquer que les anciens
mettoient autant de fcience dans la conduite de
leur attaque , que de valeur dans leur exécution
, 8c comme ils y joignoient prefque tou-
; jours une grande confiance , on doit en conclure
que des remparts capables de réfifter a des
moyens auffi puiflans, étoient un genre de fortification
qui laiflbit peu de chofes a defirer.
Avant l’invention de la poudre , & depuis
cette invention jufqu’ à., celle des baftions , il
régnoit une efpèce d’équilibre entre 1 attaque &
U défenfe des places ; on pouvoir meme dire en
mettant les défauts de fubfiftances à
la défenfe avoit eu fouvent la fuperiorite , pc fi
avant l’invention de la poudre on citoit les fieges
de Lilibée, de Jérufalem, de T y r , de Carthage ,
de Numance, de Rhodes , de Marfeille, & c . ;
on pouvoir, citer avant l'ufâge des baftons
& depuis celui des canons & de la poudre^
les lièges de Conftantinople, de Belgrade, de
Rhodes, de M e tz , de Mézières, de Landrecies,
de Thérouenne, &c.
Mais depuis l’époque des baftions , ou plutôt
depuis le maréchal de Vauban l’attaque a pris
le deffus à tel point, Sc la défenfe a été tellement
négligée , qu’on ne peut prefque plus regarder
les places de guerre comme des places
fortes ni comme des obflacles à la guerre. En
e ffe t, les défenfes les plus mémorables ne vont
jamais à deux mois de tranchée ouverte. En
1702, M. de Mélac tint dans Landau quatre-
vingt-deux jours de tranchée ouverte , le feul
terme 8c le plus long des fièges depuis plus de
cent ans.
Ce que font les fortifications modernes.
Des faces a , des flancs b , avec une
courtine c , qui les tient ( i ) , v o i^ tout le.
fyftême des fortifications connues actuellement;
c'eft fur les différentes longueurs & inclinaifons
de ces .trois lignes , qu’on a éçtit des volumes
& imaginé mille fyftêmes différens.
f i) V o y c { la planche I ' " du fupplément, figure
I 8c i .
( i & 3.) Planche I îte , figure 8 , ( 4 , ƒ & 6 ) ,
figure 9.