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que les autres*à la ehofe publique5 cependant,
comme elle étoit le plus grand objet cks folli-
C'tud-. s des peuples an c ien so n décida allez généralement
par-tout que ceux-là feuls qui avoient
de la fortune , fupporteroient k s frais & les
fatigues de la guerre : mais afin d’affurer, d'une
manière invariable, des défenfeurs à la patrie 3
dès-lors , du côté du phyfique, toute l'éducation
n'eut pour but que de former des hommes
robuftes , adroits & inllruits dans le métier des
armes... Du côté du moral, un ferment folem-
nel & regardé comme facré,lioit chaque individu
à la force publique, dès qu'il eut atteint
l’âge de puberté ; enfin , pour, pouvoir remplir
les emplois civils , il fallut avoir fervi un certain
nombre d'années dans le militaire : auffi les
mêmes hommes avoient-ils fouvent, à Rome ,
rempli fuccelïivement tous les différens emplois
de la (ociété, quoique toujours fpécialement
attachés à la défenfe de la patrie jufqu’à
foixante ans.
rombre defiinê a compofer la force publique.
Il feroit infiniment trop difficile de vouloir
indiquer quel étoit le nombre d'hommes defti-
nés à compofer la force publique chez les anciens
, puifque chaque citoyen jouiffant d une
certaine fortune , étoit compris au nombre des
défenfeurs de la patrie, depuis dix-huit ans juf-
qu’à quarante .pour le dehors , jufqu'à foixante
dans l’intérieur du pays. Ce feroit donc vouloir
s'aftreindre à donner des approximations d'après
les recerrfemens connus.!..'... On fait cependant
que , fous Lycurgue , Lacédémone comptoit,
dans les premiers. jours de la république, à-peu- ;
près 6000 foldats ; nombre qui augmenta avec ]
la population de la ville & du pays. (La Laco- j
nie pouvoit éntretenir .30,000 hommes d’infanterie
pefante & 1500 hommes d ; cavalerie. )
On fait auffi qu'une phalange étoit compofée de
16,384 combattans , & qu'une armée étoit ra- 1
rement compofée d’une feule phalange ; mais la
Grèce étoit divifée en tant de républiques ,
qu'il n'étoit guère poflïble que chacune eût une
force publique bien nombreufe 5 cependant dans
les guerres des Grecs contre les Perles , on
voit des armées de 60,000 hommes j ce qui s’explique
par la confédération de plufieurs républiques
, & l’enrôlement des affranchis & dès
artifans dans des cas auffi urgeris.
Chez les Romains, on vit la légion varier
depuis trois jufqu'à fix mille trois ou quatre
cents hommes... On levoit ordinairement quatre
légions à la-fois. Cependant à l'époque de la
bataille de Cannes, les Romains avoient plus
de cent cinquante mille hommes fur pied ; mais
il eff effenti-el de diftinguer entre un peuple qui,
contre toute bonne politique, tourne toutes fes
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| vues 8c fes moyens du côté des conquêtes, & 1 un Etat allez fage pour fe borner à la défenfe
de fes poffeffions 5 bientôt un peuple conqué-
I rant ne peut plus fuffire par lui-même à fa force
j publique ; dès-lors obligé d'employer les moyens
les plus impolitiques pour l’augmenter, il multiplie
, peut-être dans les premiers momens, le
nombre de fes poffeffions 5 mais vièlime nécef-
faire de fon ambition, il ne tarde pas à devenir
l’exemple le plus effrayant d’une chute inévitab! .
Augufte crut obvier en partie à ce grand inconvénient,
en inftituant une milice perpétuelle j
mais quoique reciutée par les provinces , dans
chacune defquelles tout homme poffeffeur d’une
portion indiquée de fortune, fut obligé au fei-
vice militaire, les abus prefque néceffaires dans
un empire auffi vaille que celui des Romains ,
rendirent, comme nous l’avons dit plus haut,
cette inftitution auffi vicieufè qu’infuffifante pour
la force publique.
Combien , au contraire, n’étoit pas exempte
d’inconvéniens, la manière fi fage adoptée pour
compofer la force publique, dans le premier
âge des républiques grecques & romaines !___
L’éducation & les loix faifoient des foldats de
tous les citoyens un peu aifés. Auffi pour la
fureté de la patrie , navoit-on befoin que de
calculer les ennemis qu’elle avoit à combattre,
les rifques qu’elle couroit, les furetés qu’elle
devoit prendre, & on levoit dans un infhnt le
nombre d’hommes fuffifant .pour compofer la
force publique dont on avoit jugé à propos de
fe fervir pour repouffer l’ènnemi.
Solde•
Lorfque les Perfes menacèrent les Grecs de
la fervitude , les dangers & les befoins de l’Etat
armèrent tous les citoyens fans diftindtion de
claffis 5 mais lorfque la Grèce fut délivrée, ja
claffe pauvre fe trouvant, à Athènes, armee ,
nombreufe & devenue néceffaire, déclara qu’elle
ne communiqueroit point avec les trois autres,
fi l’on n’aboliffoit point la loi qui i’excluoit des
charges, 8c fi l’ on n’établiffoit qu’ il n’y avoit
point d’autre diftindtion entre les citoyens que
celle du mérite perfonnel. Les trois autres clafles
préférèrent fagement cette innovation, qui étoit
jufte, à une guerre inteftine. On s’apperçut dès-
lors, mais trop tard, qu’en claffant les citoyens
relativement au fervice militaire, on auroit dû
n'en exempter aucun, afin de s’ affurer une défenfe
fuffifante, & de s’oppofer au penchant invincible
de domination inhérent à la richeffe &
à 1a force 3 cependant en fe fervant des citoyens
peu riches & dans l’impoffibilité de fournir par
eux-mêmes à leur entretien T ü fallut pourvoir à
leur fubfiftance & à leur armement par une foldej
dès-lors le fantaffin reçut d'abord 7 fols 4 den-
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par jou r , 10 liv. par mois > enfuîte 12 fols par
jour , 18 liv. par mois.... On donna le double
au chef d’une cohor e , & le quadruple ;.u général.
Le cavalier eut 3oJiv., quelque fois 36 1.
par moi? : en temps de paix, où la fol de cef-
fo it , le cavalier re çut, pour celle de fon cheval,
environ 14 liv. par mois. Mais dans l'ignorance
où l’ on eft quel étoit le vrai rapport du
prix des denrées à cette va'eur, on fe trouve
embarrafle pour juger ce qu’elle étoit au jufte
pour le foldat.
On croit que les troupes de Sparte nç recevoient
une folde que lorfqu’ elles s’engageoient
au fervice d'un prince étranger.
Les citoyens romains fervirent à leurs frais
pendant les trois premiers fiècles. Après la prife
d’Anxur, le fénat, fans aucune demande de la
part du peuple ni de fes tribuns, affigna une
folde à l’infanterie.
' Jufqu’ à JulesrCéfar, elle fut d'environ 6 fols
2 den. de notre monnoie j Céfar la porta à 12 f.
4 den.; Domicien, à 15 fois 5 den. Les centurions
recevoient le double des foldats.
L’an 35.0 de Rome, on fixa une folde aux cavaliers,
d’abord de 18 fols 6 den. ; fous Céfar,
de 37 fols; fous Domitien, de 4 6 fols 3 den.
On leur donna de plus un fupplément de folde,
nommé afpararium , pour la nourriture de leur
cheval ; on doubla ce traitement, lorfqu’ils eurent
chacun deux chevaux.
On pourra juger de la valeur de ces différentes
payes , quand on faura qu’avant les Gracques ,
foixante-cinq livres pefant de blé ne coûtoient
aux foldats qu’ un fol de notre monnoie, & qu’a-
prës les Gracques, ce même poids de blé leur
étoit délivré pour 10 den. , de manière que le
prix du blé pour un mois ne montoit pas plus
haut que la paye d’ un jour.
Rien de plus naturel, rien même de plus néceffaire
peut-être que de procurer à des hommes
deftinés à de grandes fatgues, une bonne nourriture
& même la facilité de fe procurer quelques
douceurs , avec ce que l’on pourroit ap-
peller le fuperflu de leur paye 5 cela devient
d’autant plus indifpenfable q u e , dans un bon
gouvernement, il faut décider des citoyens honnêtes
à abandonner leurs foyers 8c les gains
u’ils auroient pu faire en travaillant........ Mais
ans des Etats allez mal conftitués pour avoir
un grand nombre d ’habitans affez malheureux
pour être obligés de mendier 5 dans des Etats
où l’homme riche ne femble affurer fa fortune
& fes jouiffances que fur la multitude qui manque
de pain , on peut calculer que , malgré la modi
cité de la paye, on trouvera toujours une affez
grande quantité d’êtres qui fe décideront à s’enrôler
pour affurer leur fubfiftance.... On laifTe à
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penfer cependant quelle efpèce d’hommes com-
pofera les armées , quand le libertinage , la fé-
dudion ou la misère k s auront faits foldats.
Armée auxiliaire.
Avec la fage habitude qu’avoient les anciens,
de ne mettre fur pied que des armées peu nom-
fcreufes , il devoit leur être aifé de les entretenir
compîettes , au moyen de la confcriptiôn
militaire j mais quand il fallut fe défendre contre
des ennemis infiniment nombreux, tels que les
Perfes, par exemple, les Grecs, obligés d’ avoir
de plus grandes armées, fe décidèrent à les recruter
avec des affranchis, des efclaves & 4de's
étrangers.
Chez les Romains, où la guerre étoit devenue
pour ainfi dire un état habituel, on s e to it
occupé férieufement de cet objet 3 ainfi dans le
cours d’une longue guerre, on levoit chaque
année des fupplémens ou reciues, que l'on en-
voyoit à 1 armée. Il y avoit de plus, à la fuite
des légions, un certain nombre de furnuméraires,
nommés adcéhfi, adfcripticii, adoptati. Ceux qui
avoient l’âge militaire, recevoient la ration &
la folde 3 les autres fervoient à leurs frais.
On formoit auffi, fuivant le befoin , des cohortes
réparées , que l ’on nqmmoit extraordinaires
ÿ elles étoient deftinées à la garde dès villes
& des poftes où un grand nombre de troupes
n’étoit pas néceffaire , & on les faifoit enfuite
pafler à l ’armée comme fupplément. Quand le
général manquoit de recrues, & que deux légions
étoient devenues trop foibles pour le fervice
de campagne, on en réuniffoit deux en
uns feule , qui prenoit^le nom de gemina ou
gemella. Enfin on laiffoit dans Rome deux lé gions
, nommées urban& , tant pour la défenfe
de la ville que pour les envoyer où il étoit né-
cefl’aire.
AdmiJJton des troupes étrangères au fervice de
l'Etat.
Les anciens, qui n’avoient befoin de foldats
que pour le moment de la guerre, avoient l’attention
de s’allier avec des puiffances qui s’engageoient
à fournir des troupes , lorfque l’attaque
ou Ja défenfe étoit jugée indifpenfable.
Mais outre les fecours que les anciens tiroient
de leurs alliés, ils prenoient à leur folde des
troupes mercenaires , & quelquefois ils en
avoient plus que de nationales... On voit toutes
ces efpèces de troupes dans le dénombrement
que fait Theucydide de l'armée athénienne qui
fit voile de la Sicile ï oa y compte 1500 Athéniens
enrôlés, 700 citoyens de la première claffe
qui montaient les vaifieaux, 500 alliés & z;o o
mercenaires.