
par des forts avancés. Niais de quelle efpèce feront
ces forts?Des redoutes telles qu’on les a conftruites
jufqu a préfent feroient de beaucoup infuffifar.tes.
Il n’y a encore rien eu de fatisfaifant de Lit,en
ce genre. Les fronts baftionnés ayant toujours
attiré toute l’attention des gens de l'art , la partie
des petits forts a été totalement négligée. Tous
les détails dans lefquels nous fommes entrés fur
les forts imaginés par l’auteur , prouvent combien
il a penfé différemment.
Ici , la fituation exige qu’on occupe deux
montagnes éloignées de douze cents & tant
de toifes l’une de l’autre , qui plongent dans
la ville & en embraffent plus delà moitié» mais
au moyen des forts du général & de fes tours
angulaires , les hauteurs les plus irrégulières ne
font pas plus difficiles à fortifier que les plaines 3
& l’on peut aller jufqu’ à tirer avantage du défa-
, vantage de la pofition.
Ainfi, pour rendre inacceffibles tous les points
de la montagne 3 l ’auteur forme d’abord des
doubles parapets en glacis, traverfés de quarante
toifes en quarante toifes, afin d’y être d’autant
mieux couverts des'parties plus éitvées de cette
crête de montagnes, en plaçant à l’extrémité
& de diftance en difiance fuivant le befoin, &
pour défendre mieux la communication des
petites tours angulaires de cinq toifes de diamètre.
On a vu que ces petites tours, dont la ,
conftru&ion eft très-peu coûteufe, font d’une
très-bonne défenfe| & dans une pareille fituation
où elles ne pourroient être battues par le
çanon, il feroit impoffible de les forcer. Mais
ce n’eft point afiéz d’occuper le haut d’une
montagne 3 furtout lorfqu’elle eft fort élevée;
il ne faut pas que l’ennemi puilTe fe tenir impunément
au pied de fon efearpement , fans parler
des mines qu’il pourroit pratiquer dans certaines
^.fituations, c’eft qu’il faut commander également
a la plaine 3 ce qui ne fe peut que par des feux
a-peu-près rafans, partant d’un parapet d’enceinte
pratiqué tout autour , plus haut ou plus
bas, & contourné de diverfes manières fuivant
la difpofition du terrein.
La fécondé montagne eft fuppofée acceffible
dans toute fa croupe, ayant une arête qui s’élève
de plus en plus inacceffible, à mefure qu’elle
s’approche des montagnes plus élevées auxquelles
elle fe joint. Sur une pareille montagne l’auteur
ne fe borne pas à une tour angulaire, il y place
un de fes forts triangulaires, dont nous avons
parlé, en l’appropriant au terrein. Il fait ufage
auffi du double parapet des petites tours, &
entoure de même le forr & la montagne, d’un
rempart qui leur donne une communication affurée
avec la place.
M#is une autre petite montagne élevée en
pain de fucre, & totalement ifoléa, n’étant pas
fufceptible d’être traitée de la même manière,
fon plateau n’ayant que vingt-quatre toifes de
diamètre , l’auteur y place un fort rond. Ce
fort flanque toute la partie de l’enceinte
au devant de laquelle il eft placé , & l’on
dirigeroit difficilement des approches fous
, fon feu , fi le terrein permettoit qu’on y conduisît
du canon; mais comme cela eft impoffible
dans le cas fuppofé, l’auteur n’a pas donné à
l’enceinte de la place dans cette partie , la même
force que du côté des deux petites plaines, où des
attaques régulières pourroient fe former. Une
quatrième montagne étant fuppofée abfolument
la même que la fécondé, a été fortifiée abfolument
de même, avec la feule différence que
fon rempart d’enceinte devant être ifolé, fe
ferme en entier.
Après avoir donné la plus fcrupuleufe attention
aux montagnes voifînes de cette place ,
l’auteur s’eft occupé des plaines par lefquelles
l’ennemi peut former fes attaques. Deux forts
triangulaires ont été placés de chaque côté ,
à fix ou fept cents toifes en avant, qe manière
u’il faut abfolument s’en rendre maître avant
e pouvoir rien entreprendre fur la place. Ces
forts n# pèuvent être inveftis à caufe des feux
de la place; & des feux qui fe croifent dans
ces plaines, ne permettent pas à un cordon
de troupes d’en former l’inveftiffement du côté
d’aucune des montagnes, dont les feux les plus
éloignés ne s’en trouvent pas éloignés de fept
cents toifes. Voudroit-on tenir l’ennemi encore
plus éloigné? deux autres forts avec une redoute
rendroient certain, que non-feulement cette place
ne feroit pas prife, mais qu’en outre il ne pourroit
pas y tomber une feule bombe.
Maintenant, fi l’on veut confidérer comment
toutes les parties de cette place fe prêtent un
mutuel fecours , comment la pofition des forts
qui l’environnent en éloigne l’ennemi, quelle difficulté
il auroit & quel tems il lui faudroitpours’em-
parer des feuls forts, on fentira qu’il n’exifle
point de moyens plus puiffims à oppofer. Avec
deux cents nommes dans chaque fort, ^autant
fur chacune des deux montagnes , & deux cents
hommes diftribués dans les différentes tours ou
redoutes, ce qui ne feroit que mille hommes,
le refte de la garnifon pourroit être bien tranquille
dans l’enceinte de la ville. Deux mille
hommes de garnifon feroient donc füffifans pour
une pareille place, & pourroient y faire la plus
longue & la plus vigoureufe défenfe; mais deux
mille hommes ne font pas la garnifon d’une place
à quatre baftions , à fix cents homnrçes chacun,
il en faudroit deux n ille quatre cents. Cependant
, l’enceinte angulaire de cette ville équivaut
à une enceinte de quatorze baftions; la garnifon
devroit donc être de plus de huit mille hommes
d'infanterie; quelle énorme différence! Elle eft
due en partie à ces forts environnans que l’ennemi
ne peut abfolument laiffer derrière lui,
qu’il ne peut inveftir, qu’il faut abfolument qu’il
prenne, malgré la vigoureufe défenfe qu’ils
peuvent faire, & d’autant plus vigoureufe que
leur garnifon fera relevée toutes les fois qu’on
le jugera à propos. C’eft obliger l’énnemi à n’attaquer
qu’un feul point éloigné de tout le refte,
difpofé de manière qu’un très-petit nombre y
étant toujours à couvert, a toutes fortes d’avantages
, & peut fe défendre même très long-tems
contre une armée entière. Ces forts font donc
un moyen précieux à employer, puifqu’outre la
réfiftance dont ils font capables par eux-mêmes,
ils diminuent néceffairement les garnirons, &
conviennent parfaitement aux fituatiosns les plus
défavorables. Mais fi ces moyens font fi avantageux
pour les places en général, ils font inef-
timables pour les ports de mer, confidérés comme
arfenaux d’une grande marine.
Fortification des ports de mer,
II ne fuffiroit pas de faire d’un arfenal de
marine nationale une fortereffe, il faut con-
ferver le fol, les vaiffeaux , les magafins , &c.
que ces places contiennent, il faut encore les
garantir d’être brûlées & détruites ; mais comment
y parvenir avec les fortifications actuelles?
Comment avec elles embraffer allez, de terrein
pou* tenir l ’ennemi hors de portée des bombes ?
Ce ne fera pas en employant les méthodes
ordinaires, puifqu’une enceinte de baftions auffi
étendue qu’il feroit nécêffaire qu’elle fût, outre
la dépenfe énorme qu’elle occafionneroit, ne
pourroit être défendue qu’avec une armée pour
garnifon. Cependant, c’eft d’un bombardement
qu’il importe le plus de fe garantir. On n’ a point
à craindre pour les ports de la République de
liège en règle, les forces confidérables qu’on
feroit en état de raffembler pendant fa durée,
ne permettroient point à l’ennemi de former
une pareille entreprife. Il faut donc s’occuper
principalement des moyens de le tenir ün certain
tems hors de portée d’ un bombardement , & des
forts de diftance en diftance , tels que nous
en avons déjà décrits, rempliroient parfaitement
cet objet; cependant ce ne font jamais ;
que. des enceintes baftionnées qu’on propofe 1
des qu’il s’agit de mettre en fureté un port de
. mer.
Après ces observations, en penfant à la grande
étendue de côtes qui appartiennent à la France
fur l’Océan & la Méditérannée , ainfi que toutes
fes colonies , on fentira combien eft importante
une défenfe des ports de mer qui les meteroit
a 1 abri même du bombardement; & le général
Montalembert aura doublement mérité de la
reconnoiffance de fes compatriotes véritablement
amis de la patrie par fes études &
fes découvertes, fur un point auffi effentiel
à la fureté des vaiffeaux, des magafins , des
rades, des ports & des villes qui les renferment.
Nous allons fuivre le général dans fes
réflexions & fes projets relativement à ce point
important.
On trouve dans l’archite&ure hidraulique de
Belidor , un plan des ouvrages projetés pour
la ville & le port de Cherbourg , contenant neuf
baftions & quatre demi-baftions avec fes demi-
lunes , efearpes & contrefcarpes en maçonnerie ;
ce plan ne peut coûter moins de fix millions j
& malgré cette dépenfe , la place fe trouvant
commandée à la portée du fufil par trois hauteurs,
ce feroit beaucoup fi elle tenoit douze
jours, la garnifon vue jufqu’au talon dans tous
les ouvrages ne pourroient y réfifter. Comment
donc avec un peu de réflexion concevoir le
projet de fortifier une place avec cette dépenfe
dans une place dominée d’auffi p ès par des montagnes
& ne pas les occuper ; mais pour un port
de mer ce projet eft encore bien plus mal conçu.
L’ennemi s’embarraffera peu de tous ces baftions
& de ces ouvrages conftruits à grands frais dans
la plaine ; H~ viendra fur ces hauteurs d’où il
embrâfera dans vingt-quatre heures de tems,
la ville ainfi que le port, & il aura rempli le
feul objet qu’il peut avoir.
Les réflexions de l’auteur deviennent donc toujours
plus importantes; & ce n’eft pas la ville ,
dit-il, qu’il faut garantir , c’éft bien plus effea-
tiellevnent fes approches ; & il en indique les
moyens. On n’a parlé que de trois montagnes dominant
Cherbourg, mais là non plus que pour les
autres ports de mer, il ne fuffit pas d’occrper
ces montagnes, il faut de plus occuper les
environs de la ville & du port à quinze ou
dix-huit cents toifes de diftance, un peu plus
un. peu moins fuivant la difpofition du terrein.
Ainfi dans cette vue l’auteur propofe huit forts
formant la première'enceinte; le premier fort
triangulaire eft un objet de deux mille toifes
cubes de maçonnerie; & les fept autres de chacun
huit cents toifes environ ; d’où l’on voit que
tous les forts formant cette enceinte avancée ,
1 ne font qii’un objet de fept milles fix cents toifes
: cubes. Trois forts ronds placés à la fécondé
enceinte , peuvent être évalués l’un dans l’autre
à quatre cents toifes cubes de maçonnerie. Enfin „
les quatre redoutes placées dans cette fécondé
enceinte , peuvent avoir chacune deux cents
toifes cubes de maçonnerie, ce qui feroit pour
cette enceinte mille deux cents toifes cubes de
maçonnerie. Le total , neuf mille deux cents
toifes cubes, ce qui fait moins que deux fronts
baftionnés, c’eft-à-dire deux baftions avec leurs
demi-lunes, tenailles , contrefcarpes , &c.