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front, ôtoit à cette ordonnance les moyens d'avancer
légèrement fur l ’ennemi, 8c que la foi-
bleffede fes flancs l’expofoit à être battu toutes
les fois qu’ ils n’étotent pas appuyés ou protégés.
D’ailleurs, ajoutent-ils d’après le même général
, dans cette formation , les bataillons fe
touchent tous , ainfi que les compagnies dans
les bataillons ; d’où s’enfuit néeeffairement une
marche très-lente, la preffion vers le centre,
le dérangement de l’ ordre primitif, la criaillerie
des officiers-majors 8c des généraux, les dou-
blemens de files vers le centre qui crè v e , &c.
Il fau t, continue ce général obfervateùr , de l’intervalle encre les divifions, c ’eft la méthode
des Romains, c’ eft la meilleure 5 imkons-les,
ce font nos maîtres. Ainfi que nous , ils avoient ’
des armes de trait qui avoient à-peu-près les
mêmes effets que les nôtres , mais ils en fai-
foient peu d’ufage, ils s’approchoient le plus
vite qu’ils le pouvoient & fe battoient à l’arme
blanche & corps à corps.
Si vous voulez attaquer l’ennemi avec la bayon-
nette, pour le faire avec plus d’avantage,
mettez vos bataillons fur un front moins étendu,
• vous en augmenterez la profondeur , leurs flancs
feront plus fûrs, leur marche plus prompte , leur
attaque plus forte.
Remarquez que Machiavel mit en ufage les
évolutions telles à-peu-près que nous les avons
aujourd’hui ; on faifoit la guerre depuis long-
tèms, on ne favoit pas la faire.
Nous avons déjà vu au mot feu , combien
le roi de Pruffe lui-même faifoit peu de cas
de celui de l’ infanterie, & les partifans de l’ordre
à trois de hauteur, ne parlent guère que des
avantages qu’il a de donner beaucoup de feu.
Cependant, tout ne doit-il pas dépendre du
grand art de manoeuvrer les troupes j & fi cela
eft vrai , ne faudroit-il pas choifïr un ordre
qui puiffe procurer le double avantage de tirer
le meilleur-parti de fes armées, 8c de manoeuvrer
avec facilité & légèreté ?
L’infanterie étant propre à Pa&ion du feu 8c
à l’aétion du choc , il lui faut une ordonnance
qui lui permette l’ufage de ces deux propriétés j 8c au cas que la même ne puiffe pas fervir
pour les deux objets, il faut que de celle qui
fera déterminée* devoir être l’ordonnance primitive
8c habituelle , on puiffe facilement &
promptement paffer à l’ ordonnance accidentelle
& momentanée qui remplira le fécond objet.
Il ne paroît pas difficile de décider quel doit
être l’ordre pour le fe u , une longue expérience
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fembîe prouver qu’ on ne peut faire feu que de
deux rangs, foit dans l’ordre à trois, foit dans
celui à quatre de profondeur. (.1) Refte à décider
enfuite , fi dans le cas d’attaquer ou d’ êfre
attaqué, l ’on conferveroit l’ordre à trois ou
quatre^ de profondeur.
Mais, fi après beaucoup de réflexions 8c de
recherches, on voit que les corps que propofent
la plupart des tacticiens, modernes , partifans de
l’ordre profond, ne préfentent que des maffes
informes qui manquent d’impulfion, 8c ne font
bonnes qu’à rendre une grande quantité d’hommes
inutiles dans le combat, en en expofant beaucoup
d’autres à être détruits par le canon ; fi
d’ un autre côté nos bataillons font trop longs,
trop minces, trop difficiles à manier, à conduire,
à doubler, à dédoubler, &c. il me femble
qu’il faudroi: prendre un milieu, 8c donner la
préférence à des corps un peu plus profonds
que nos bataillons, moins longs dans leur front,
& par conféquent beaucoup plus aifés à manier,
à doubler ou dédoubler, à rendre très- profonds
ou très-minces, à porter partout en maffe avec
aifance & à déployer avec célérité ; à donner
enfuite, quand on le v eu t, un grand nombre
d’hommes vis-à-vis d’ un plus foible; à procurer
avec avantage des efforts fucceffifs ou fimulta-
nés, en un mot, à donner une formation,telle
que pour l’attaque , ou pour la défenfe, on
pourroit faire prendre aux troupes , avec rapidité
, ou un ordre très-mince pour le fe u , ou
d’une certaine profondeur, propre à l’attaque
ou à la défenfe, ou très-profond pour dérober
à l’ennemi les moüvéinens que l'on veut faire,
& fe déployer enfuite fur les points 8c dans
l ’ordre où l’on veut attaquer ou fe défendre.
Mais ne trouveroit-on pas dans l’ ordre à quatre
de hauteur, tous les avantages dont nous venons
de parler ? Pour le Feu, nous venons de voir
u’a la guerre, on eft obligé de fe borner .aux
eux premiers rangs, à moins d’un mouvement
préparatoire , allez fouvent utile 8c poffible ,
au moyen duquel les deux dérniers rangs peuvent
tirer. Pour le choc, après avoir fixé la longueur
du fufil *& de la bayonnette , & avoir vu que
chaque homme occupoit deux pieds de profondeur
dans la file, on a dû fe déterminer à mettre
les files à quatre de hauteur 5 afin que l’arme
du dernier homme, pût dépaffer le corps du
premier. Voudroit-on enfuite charger l ’ennemi
(1) A moins qu’on ne faffe faire à chaque file
une eipèce d’écartement & de dédoublement uiccefiif
qui permît aux deux derniers rangs de faire feu,
parce qu’alors ils fe trouveroient placés vis-à vis une
intervalle qui feroit pour eux un creneau par lequel
ils pourroient tirer fans- danger. dans
dans un ordre épais 8c parallèle, en occupant
un front à-peu-près égal ? Alors on feroit un
doublement fimple des files, ou des divifions,
fans faire rapprocher les divifions, ni les bataillons
les uns des autres, on pourroit défendre
les intervalles ,par des grenadiers de la réferve ; 8c ce nouvel ordre qui préfenteroit des corps
de huit, de douze ,• ou de feize de profondeur
, avec des intervalles allez peu confidé-
rables, feroit très-redoutable par lui-même , avec
toute la légèreté de l’ordre mince 8c tous les
avantages de l’ordre profond, fans en avoir les
ineonvéniens, ce qui le rendroit préférable à
tout autre. Voudroit-on attaquer l ’ennemi en lui
refufant quelques parties de .la bataille ? Alors
on pourroit très-aifément étendre la partie re-
fufée, 8c la mettre à deux de hauteur pour
faire feu , en fe fervant de tous les grenadiers
de cette partie pour renforcer l’aile , les ailes,
ou le centre avec lequel on voudroit attaquer ;
la même chofe fi l’on vouloir border, un ravin,
un rideau , des haies , un retranchement? Voudroit
on fe mettre en colonne pour fe porter
plus rapidement dans tel ou tel endroit, dérober
à l’ennemi l ’ordre de bataille que l’on !
voudroit prendre, 8c ne fe développer que dans
le lieu 8c le moment où l'on voudroit combattre?
Enfin, dans la marche, dans les évolutions
8c dans le combat, on préfenteroit partout
à l'ennemi, de la légèreté & une efpèce
de front de fortification infiniment redoutable,
parce que les parties faillantes feroient très-fu-
neftes à l’ennemi, partout où elles pourroient
l’atteindre.
Evolutions.
Marcher 8c combattre, voilà l ’art delà guerre,
mais pour combattre, il faut s’être porté fur
ün terrein, il faut y avoir pris telle ou telle
pofition , avoir fait des mouvemens 8c des dif-
pofitions, 8c tout cela dépend entièrement de
l ’art des évolutions, de celui des manoeuvres,
& dans le principe, de l’art de fa voir bien,
marcher.
Effayons de fixer quels doivent être les élé-
mens des évolutions.
Toute manoeuvre n’eft-elle pas un mouvement
qui affoiblit une troupe, parce qu’ alors elle eft
défunie? Ne faut-il pas fortir très-promptement \
de cette pofitiona accidentelle} pour paffer à celle
pour laque.le on manoeuvre ?
Pour exécuter les mouvemens avec célérité 8c
fureté, ne faut-il pas qu’ils foient très-fimples ?
ne faut-il pas les faire hors de portée d’êcte
traverfé de l’ennemi, 8c avec des troupes fûres
oc bien exercées ? •
Art Miiu. Suppl. Tome IK .
Si ces principes font vrais 8c reçus, ils doivent
être invariables, 8c fervir à déterminer quels
font les mouvemens néceffaires aux évolutions 8c
aux manoeuvres. Nous réduirons celles-ci aux
converfions, au doublement 8c au dédoublement
des files.
Converfions.
On s’en tient à ce qu’on a déjà dit à ce fujet
dans l’émploi des Français, depuis l’âge de feize
ans jufqu’à celui de vingt-un.
Doublement & dédoublement des files.
Le doublement des files confifte fimpîement
à mettre des compagnies, des fous-divifions ou
des divifions les unes derrière les autres? & le
dédoublement confifte à les remettre dans l'ordre
primitif.
On doit diftinguer le doublement fimple, qyi
ne porte les files qu’à huit de profondeur, du
doublement compofé qui peut les porter à douze ,
fe ize , vingt, vingt-quatre, &c.
Le doublement fimple des files dans un bataillon
, fe feroit par le pas de flanc} les première 8c cinquième compagnies feroient à gauche j les
quatrième & huitième à droite, & après avoir
déboîté elles doubleroient refpeâivement, les
première 8c cinquième fur leurs fécondés compagnies,
les quatrième 8c huitième fur leurs
premières compagnies. ( Le nombre premier, quel
qui’l ffiit eft cenfé occuper la droite, 8c le dernier
la gauche. )
Rien de plus fimple à concevoir que le dédoublement.
Le doublement compofé n’eft autre chofe que
la formation d’une troupe en divifions doublées,
ou dans l’ordre de colonne.
Il fuffira fur quelque-divifion que l’on veuille
doubler, de la faire marcher en avant 8c de doubler
derrière} doubler fur les fous-divifions ou
divifions de droite ou de gauche eft la manière
la plus fimple. Le doublement fur toute autre
divifion exige un peu plus d’attention} quant au
dédoublement, il fe fait par les mouvemens contraires.
M A R c h e s.
Marches de flanc.
On croit ne devoir admettre de vraie marche
de flanc que celle o ù , après avoir fait un quart
de converfionpar compagnies, sous-divilïons ou
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