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riez pas faire fi le dépôt étoit à treftte lieues, |
puifqu'il eft impoffible de couvrir une ligne de I
cette-Jongueur.
LIGNE DE FRONTIÈRE. Le même général
anglais , dont nous venons de tranfcrire les idées ,
s eft occupé aufli avec un grand fuccès de la défenfe
des frontières d’ unétat. Il reconnoît, dans les frontières,
deux efpèces de forces j la force réelle &
la force relative. La force réelle confifte dans les
obftacles naturels que l’ennemi trouve à l’on approche
pour l’attaque : il y en a de plufieurs fortes
; les montagnes, les fleuves, les bois , les défilés
, le genre de culture d’un pays & fa fertilité
entrent aufli pour beaucoup dans la compofîtion
de la force ou de la foiblefîe d’une ligne de frontière.
Quant à la force relative, elle dépend de
la diftance où la frontière eft de*la capitale & des
grandes places de guerre où font établis les maga-
fins de 1’ ;armée qui doit la défendre ; elle dépend
aufli de l’emplacement où l’ennemi a pu établir les
liens : cette diftance eft ce qui fait connoître la
longueur de la ligne d’opération pour l’ un & pour
1 autre , & fuivant que cette ligne eft plus ou
moins longue, les opérations de la guerre font
plus ou moins difficiles. (Voyez les Mémoires politiques
& militaires du général Lloyd.)
Sur les lignes de circonvallation & de contrevallation
y fur celles propres à défendre des frontières
, voyez, dans ce Supplément, au mot Fo r tification
DE CAMPAGNE.
LIMITES. Les limites militaires font des poteaux
plantes autour de chacune de nos villes de
guerre, qui indiquent aux foldatsle terme au-delà
duquel il ne lui eft point permis de pafler fans en
avoir obtenu une permiffion exprefïe. Ces poteaux
font prefque partout très^rapproches du quartier.
En renfermant les troupes dans des enceintes trop
peu étendues, on les prive réellement de cette
efpece de liberté qu’on a l’air de leur accorder, &
la loi fait fouvent des coupables. D’après la com-
pofition aéluelle de nos troupes, nous devons témoigner
aux foldats la confiance qu’ils doivent
mériter , & alors nous pourrons , ou nous paffer
t3es limites „ou les tranfporçer fur des points très-
éloignés.
LITS. ( Voyez U stensiles , & c. )
LOGEMENT des gens de guerre. ( Voyez
au mot Marche dans l’intérieur de la République.
)
l JP U A N GE. La louange, qui eft l’ hommage
rendu aux vertus par l’admiration , ou au génie
par la reconnoiffanée, eft une des chofes les plus
grandes qui foi'ent parmi les hommes. Par fon auto-
r ite , elle ipfpire un refpeét naturel pour celui qui
r? merlte£ & Suil’obtient j par fa juftice, elle eft Ja
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j voix des nations qu’on ne peut féduire, des fiècles
I qu’ on ne peut corrompre j par fon indépendance
1 autorité toute-puiflante ne peut l’obtenir , l’aqî
torité toute-puiflante ne peut l ’ôter $ par fon étendue
, elle remplit tous les lieux -, par fa durée, elle
embraffe les lïècles. On peut dire que par elle le
génie s étend , l’ame s’élève, l ’homme tout entier
multiplie fes forces, & de là les travaux, les méditations
fubûmes ; de là le fang verfé pour la patrie
j de là la paffion pour la gloire de la part des
âmes ardentes & actives.
On connoît le mot de Philippe, à qui un cour-
tifan féroce confeilloit de détruire Athènes. Et
P<*r qui ferons-nous loués ï Ces mêmes Athéniens
étoient les maîtres & les tyrans d’Alexandre , qui
étoit le maître du Monde ; c’étoit pour eux qu’il
combattoit, qu’ il détrônoit, qu’il faifoit des roisj
il fe précipitoit fur les champs de bataille , -pour
que les poètes, les muficiens & les ouvriers d’Athènes
difent, en fe promenant fur la place : Combien
Alexandre étoit un grand-homme !
Ce fentiment étoit un aiguillon pour les uns &
un frein pour les autres. Souviens-toi, difoit un
philofophe à un prince, que chaque jour de ta vie eft
un feuillet de ton hiftoire. Ainfi l’amour de la gloire
veille autour de ceux qui en font dominés, pour
en repouflèr les foibleffes & les vices ; car tel eft
le caractère de ce fentiment j il eft fier f délicat,
févère à lui-même. A chaque penfée, à chaque
action qu’il médite, il s’environne de témoins j
l’Univers eft fon cenfeur, & la poftérité fon juge.
On a beaucoup déclamé contre la gloire, parce
qu’il eft beaucoup plus aifé d’en dire du mal que
de la mériter. Tacite difoit que c’étoit la dernière
paffion du fage : chacun y prétend en fecret ; mais
l’un s’affiche, l’autre fe cache j l’ un a la vanité des
petites chofes, & l’autre l’orgueil des grandes.
Otez le fentiment de la gloire, tout va changer
fur la Terre : le regard de l’homme n’ animera plus
fon femblable j il fera feul dans la foule j le pafle
ne fera r ien , le préfent fe referrera, l’avenir dif-
paroîtra j l’ inltant qui s’écoule , périra éternellement
fans être d’aucune utilité pour celui qui
devra fuivre.
En parcourant l’hiftoire des empires, on voit
partout quelques hommes très-élevés, & le troupeau
du genre-humain, qui fuit de loin à pas lents
& en rampant : la gloire guide les premiers, ceux-
ci guident l’Univers.
En politique comme en mécanique, il faut préférer
les grands effets par les petits moyens. Sparte
a befoin de trois cents hommes qui meurent} ils
fe dévouent. Sparte fait graver quelques lettres
fur les rochers teints de leur fang : voilà leur ré-
compenfe. C ’eft avec deux ou trois cents couronnes
a® chêne que Rome conquit le Mpnd.e.
Mais n’attendez pas de faire dominer cette paffion
de la gloire & des louanges chez un peuple
où domine l’ intérêt : la gloire & la louange font h
monnoie des états j elles ne repréfçntent rien ; la
u valeur
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valeur repréfente tout $ ne les attendez pas d’un
peuple vo’uptueux ; il n’a que des fens, il ne fait
renoncer à rien, il ne fait pas perdre un jour pour
gagner des fiècles j ne les attendez pas d’un peuple
elclave : la gloire eft fière & libre. Cherchez donc
ce fentiment de la gloire, ce defir des louanges
parmi les hommes-réfléchis & profonds qui fe
nourriffent dans la retraite : c’eft là qu’occupé
de grands travaux, on eft frappé de la rapidité de
la v ie, & qu’on veut étendre fut l’avenir une exif-
tencefi courte j c’eft à cette diftance des hommes
que la renommée paroît augufte, que la poftérité
fe montre, & que la gloire tourmente & fatigue
l’imagination.
La Nature femble avoir créé la gloire & les
louanges pour fervir de contre-poids au malheur ,
qui eft fi commun parmi les hommes.
Soit intérêt, foit juftice, on a donc rendu partout
des honneurs aux grands-hommes : de là les
ftatues, les infcriptions, les arcs de triomphe : de
là furtout l’ inftitution des élogés j inftitution qui
a été univerfelle fur la terre. Malheureufement
l’intérêt & la crainte ont prodigué bien des chofes
j mais la poftérité , fans efpérance comme fans
crainte, re&ifie ces jugemens, & n’a d’égards ni
pour des tombeaux ni pour des cendres.
H feroit inutile de vouloir parler ici des avantages
que l ’on retireroit des eloges faits à la tête des
armées ou des troupes rafiemblées à cet effet, de
tous les militaires qui auroient fait quelques actions
d’éclat ou qui feroient morts en combattant
pour la patrie : déjà l’on a ordonné, dans chaque j
département, l’ére&ion d’une colonne qui por- j
tera les noms des braves défenfeurs de la patrie j
de ce département, qui font morts au champ de i
l’honneur : déjà nos orateurs ont fait l’ éloge des
Marceau, des Joubert, des Championet, des De- j
faix, des Kleber, des Dugommier , & c . Ainfi les j
noms des généreux citoyens qui fe font facrifiés
pour la liberté & ie fa lu td e la République, feront
tranfmis à la poftérité, & ce jufte tribut, payé à
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leur courage 8c à leur dévouement, excitera leurs
braves fucceffeurs à fe couvrir de la même gloire
& à mériter de juftes éloges de la patrie recon-
noiffante.
On trouveroit peut-être encore une caufe très-
aélive de belles actions , fi chaque compagnie ,
chaque bataillon , chaque brigade avoit un livre
où 1 on les infcriroit avec des notes hiftoriques ,
fur l’officier, le fous-officier ou le foldat qui les
auroit faites.
LUNE. Comme la clarté de la lune eft infiniment
moins éclatante que celle du fo le il, il eft
moins important de combattre le foleil que la lune
à dos. L’hiftoire nous offre cependant deux faits
qui prouvent que le général ne doit pas omettre
de tirer parti ae cette circonftance. La première
caufe, difent les hiftoriens , de la perte de la bataille
qui décida du fort de Mithridate, fut la pofi-
tion de la lune, relativement aux Romains > ils
l’avoient à dos , & elle alongeoit leurs ombres
tellement, que les Afiatiques, qui les croyoient
très-proche , tirèrent de très-loin & épuifèrenc
vainement leurs flèches. L’ éclat que répand cec
aftre contribua auffi fans doute à la défaite de
Mithridate, comme il contribua à celle de Vitel-
lius par Vespafien , lors de la bataille de Crémone.
( V oyez > Pour cette dernière anecdote ,
l'Hiftoire univerfelle anglaise , tom. 23 , pag. 201 3
& pour la première, le Dictionnaire hiftcrique ,
compofé par une fociété de gens-de-lettres, tom.
4 > Pag* JT2.‘)
C ’eft dans les furprifes d’armées ou de places ,
que la lune a furtouc la plus grande influence. Une
nuit conftamment éclairée par la lune eft'peu favorable
à ce genre d’entreprife. Si l’on étoit abfo-
lument le maître du choix, on devroit fe déterminer
pour une nuit où la lune paroîtroit fur l'horizon,
jufqu’ au moment où l’on arriveroit très-
proche dé l’armée , de la place ou du pofte que
l’on veut furprendre.