
Ordre y difpojkion des troupe?3 maniéré la plus
avantageufe de combattre.
Vegece dit que la guerre doit être une étude ,
& la paix un exercice ; mais les exercices de la
paix doivent avoir leurs règles & leurs principes.
Après avoir été élémentaires, ils doivent être
en fui te une application des élémens aux grandes
parties de l’art de la guerre j il eit donc effentiel
de Amplifier ces principes, de les rendre clairs
<k invariables, de s’appuyer de la réflexion &
de l’ expérience pour les établir, de les calculer
fur la puiffance des agens, fur la diverfité des
circonnances, & fur la variété des terreins où
ils peuvent être mis en pratique, ces différens
objets font ordinairement renfermés fous lé nom
générai de tactique.
C et art qui eft également propre.à la cavalerie
& à l’infanterie, eft pour lès troupes ce qu’eft
la fortification pour un terrein ou un pofte :
comme un ouvrage fait à propos rend une
fituation avantageufe, de même l’ ordre & la
bonne difpofition qu’on fait prendre à une troupe
la rendent fupérieure à celle qui lui eft oppofée.
Dans l’ art de la guerre la taéliqüe ne doit
donc être entendue & exécutée qu’ au moyen
des principes les plus clairs , les plus ailés & les
moins nombreux.
Cependant tout ne femble pas d’abord être
du reffort de la ta&ique, & bien des militaires
n’en font qu’ une partie de 1' art de la guerre j
mais quand on- veut y réfléchir, il femble que
tout doit fuivre naturellement de l’ordre primitif
que l’on a donné aux différentes-troupes ; de
cet ordre doivent naître les marches, les développement
, les formations de colonne, les
deploiemens, la célérité des troupes l’ ai fancè
'à fe fervir de leurs armes, la vélocité pour le
choc , les moyens pour attaquer ou fe défendre,
ceux d’ aller en ordre à l’ennemi .& ceux de
favoir fe rallier, d’où l’on peut voir que les
différentes manières de camper, de conduire un
convoi, de le protéger, de faire un fourrage
de pafler une rivière, de - faire un liège , & c.
* font toutes dépendantes de l ’ordre primitif j &
c’ eft aufli ce qui a fait divifer la ta&ique en
taétique élémentaire & grande tactique.
Ainfi divifée, elle eft fïmple & fublime, &
elle devient la fcience de tous les lieux & de
toutes les armes.
Taftique élémentaire.
, La ta&ique élémentaire doit avoir des principes
généraux, mais fîmples, fixes & invariablés,
indépendans des tems & des circonftances;
& fufceptioles de démonftrations.
Il eft affez évident, par exemple , que des
hommes deftinés à braver de grands dangers &
à foutenir de grandes fatigues, doivent être
choifis parmi les plus robuftes, les plus adroits
& les plus forts j & s’il y a d=s moyens de
rendre les hommes tels qu’ils font, néceflaires
pour la guerre, il eft de la plus grande importance
de s’attacher à les bien connoître & a les
mettre à exécution.
On convient qu’il faut joindre en femble un
-certain nombre de ces hommes, afin de tirer
le meilleur parti poflible, & d’eux & de leurs
armes.
On convient que pour rendre leurs aétions
plus vives, pour les porter plus aifément &
avec plus de rapidité dans tel ou tel endroit,
pour les plier fans inconvénient à toutes fortes
de terreins & à toutes fortes d’attaques, il faut
que la maffe qu’ ils forment puiffe être mue. en
tous fens avec facilité , que cette maffe puiffe
être augmentée ou diminuée avec aifance, &
qu’elle puiffe prendre des formes différentes
avec la plus grande célérité fans con-
fufion.
| C ’eft un principe inconteftable, que les meil-
i leures difpofitions font celles qui procurent les
moyens de faire beaucoup de mal à fon ennemi
& d’en recevoir peu.
Le premier objet & le plus important de la
tactique élémentaire , eft donc de diftribuer avec
choix & dans l’ordre le plus convenable, cette
multitude confufe & indifciplinée d’hommes
nouvellement levés pour la guerre, d’en com-
pofer une certaine quantité de troupes particulières
divifées elles-mêmes, & dont la réunion
faffe un corps exactement proportionné dans
toutes fes parties, capable d’exécuter aifément
toutes les manoeuvres militaires.
Mais après avoir contribué à la meilleure
formation par les divifions & les fubdivifions
les plus heureufes, il faut s’occuper des évolutions.
Ce font elles qu’on peut regarder comme
les caufes premières des combats , qui plus que
toutes les autres contribuent à donner de la
fupériorité fur l’ennemi, à étourdir le foldat fur
le danger, à profiter des terreins & des circonstances
, à fe battre quoique à nombre inégal, &
à mettre chaque, troupe à même de tirer le meilleur
parti de fon courage & de fes armes ; enfin
c’eft après avoir formé le foldat aux évolutions
qu’on peut lai apprendre àfe fervir de fes armes,
& à combattre l’ennemi avec plus d’avantage.
I n f a n t e r i e .
Formation de guerre.
La formation primitive ne s’occupe qu’ à fixer
le nombre d’hommes qu’ il faut dans les différens
corps dont on compolè les armées ; & la formation
de guerre cherche à donner à ces différens
corps la forme la plus avantageufe pour les
évolutions & les combats.
Chaque partie doit donc avoir fa forme particulière,
& concourir dans l’enfemble à la meilleure
formation du tout.
Les compagnies doivent être formées de façon
que les foldats puiffent combattre, fe mouvoir
& fe remplacer aifément, & que les officiers &
bas-officiers foient placés pour donner l’exemple,
& avoir l’oeil fur tous les agens.
Plufieurs compagnies réunies dans un ordre
quelconque forment une maffe qu’on appelle
corps de bataille, dans lequel il a paru effentiel
d’indiquer des divifions & des fous-divifions,
pour rendre les évolutions plus faciles.
Pour le corps de bataille, on croit que les
compagnies de fufiliers doivent être formées a
quatre hommes de hauteur.
Cette formation pour l’ infanterie exige peut-
être que l’on difcute'les raifons qui l’ont fait
préférer à toutes les autres.
De tous les tems , mais encore peut-être davan
tagede nos jours, depuis que l’ onafemblé vouloir
s’appliquer à mieux connoî-rre l’art de la guerre,
on en a fait plus que jamais une fcience de
conjectures & de fyftêmes.
Après les Grecs & les Romains, la guerre.fe
fit fans art & fans principe dans le moyen âge.
La découverte de la poudre ôccafionna d’abord
peu de changemens, & la tadtique refta ignorée
jufqu’à Guftave^Adolphe, qui après avoir de nouveau
créé l’arc de la guerre, voulut, à i ’inftar
des anciens, commander à de petites, armées,
faciles à manoeuvrer , mais dont le génie fût
tirer un fi grand parti de la découverte nouvelle
de l ’artillerie qu’il perfectionna.
Cependant l’art de la guerre avoit dégénéré,
& fi de grands capitaines parurent pour étonner
l’Europe, fous le fiècle de Louis X IV , i's durent
tqut à leur génie ; mais ils laifferent dans l’im-
pèrfeCtion , le grand art du mécanifme de la
marche, celui de la formation & du développement
des colonnes j d’où s’enfuit celui ae
dépafferl’ennemi, de l ’envelopper, de lui refufer
telle ou telle partie ; & enfin, celui de tirer
de grands avantages de l’artillerie. Le maréchal
de Saxe avoit commencé à appercevoir ces grands
moyens. Frédéric le grand les développa, & en
démontra les avantages dans fes nombreufes victoires.
II étoit peut être refervé à la guerre de
la liberté, de voir le perfectionnement de ces
principes par les fuccès étonnans de l’artiILrie
légère.
Mais après tant de découvertes heureufes,
comment fe fait-if que. l’on foit encore en di -
pute fur Ja manière la plus avantageufe de fe
former, & dans le doute à qui l’on doit la préférence
de l’ordre mince ou de l’ordre profond.
Dans les méthodes en ufage, c’ eft la partie-
de l’art de la guerre, où le hafard a communément
le plus de part. Il faudroit cependant
fur ce point adopter ou établir des principes,
il faudroit raifonner d’apiès ceux qu’on croit
devoir préférer, il ne paroît pas certain qu’on
fe foit encore bien entendu, malgré tout ce
qui eft écrit fur cette matière. Cependant, les
batailles ne font que les effets de différens mou-
vernens, & tout mouvement a des lois. Heureux
qui’ peut être initié dans ce myftère. Cependant
, il eft des combinai fous pour un certain
nombre d’hommes qui leur donneront toujours
toute fupériorité fur un plus grand nombre combiné
d’une autre manière ; il doit exifter dans
ces combinaifons , des moyens & des extrêmes >
la plus parfaite doit conferver fes avantages ,
contre la plus imparfaite, même contre un nombre
prefque décuple.
Mais les troupes font-elles comme des maffes
qui acquierrent en rai fon de leur poids & de
leur viteffe? Et tout L’ art de la guerre con-
fifte-t-il à oppofer des corps profonds à d’autres
qui le font moins, afin de les culbuter & de
les battre plus aifément? Doit-on diftinguer deux
ordres - différens, l’un pour faire feu , l’autre
pour attaquer avec la bayonnette ? Enfin , faut-il
en revenir , comme les anciens , à fe mettre fur
huit, douze ou feize de profondeur, ou doit-
on conferver l’ordre à trois de hauteur, commun
à toutes les autres puiffançes ?
Les vi&oires du roi de Pruffe dans la guerre
de feptans, le parti qu’il fut tirer de fes troupes,
pour les faire mouvoir & manoeuvrer , ont parlé
puiflafnment en faveur de l’ordre, à trois de
hauteur dans l’efprit de plufieurs militaires éclairés.
D’autres non moins inftruits ont penfé avec
le maréchal de: Saxe, que là .méthode de ranger
les bataillons fur trois de hauteur, leur donnoit
un front trop étendu & des flancs trop foibies.
Que le flottement,'fuite néceffaire de ce grand