
changer de centre de mouvement, & produire
dans une même étendue une multitude de feux
couverts de quatre-vingts coups par décharge
fur chaque point d'une rade , quantité dont
aucune méthode connue V a pu donner jul-
qu’ à pçéfent la dixième partie ; encore cette
petite quantité a-t-elle toujours pu être détruite
facilement par le feu des gaillards & des hunes
des vaifleaux dans les batteries à ciel découvert ,
les feules qu’ on fût en ufage de pratiquer.
Mais ces affûts à aiguilles qui avoient fervi
à l'ile d'Aix pendant toute la guerre avec des
fuffrages unanimes, tranfportés à Cherbourg &
n’y trouvant perfonne qui fût au fait ni de
leur conftruétion, ni de leur manoeuvre, l’ ingénieur
Meûnier, employé alors à Cherbourg,
ne faifîflan-t pas fans doute tous les avanragrs,
ni toutes les modifications dont ce fyftême de
con iruélion étoit fufceptible , crut par des
changemens qu'il y feroit, remédier au défaut
du tracé des embrâfures conftruites dans les
forts de Cherbourg, & obtenir beaucoup plus
de promptitude dans le fervice du canon. Les
teur fi confîdérable, que ce n’eft: qu’au moyen
des forces les plus multipliées & avec beaucoup
de tems, qu’on parvient à leur faire faire quelque
mouvement & à changer leur dire&ion horifon-
tale ; les affûts que le général propofe d’y fubf-
tituer, font au contraire très-mobiles, ils font fup-
portés , ainfî que les affûts de canons, fur un fort
châlits, compofé de huit pièces de bois de 14 &
15 pouces d'équariflage entretenues par de forts
boulons & liens de fer, qui les tiennent aflujettis,
& par le moyen d’une cheville ouvrière qui fixe
le devant du châffis fur la plate-forme, & de
deux roulettes de fer, placées à fon extrémité oppoféej
le châffis, l’affût & le mortier peuvent être mus
horifontalement par un féal homme, à l ’aide d’un
levier de 6 & 8 pieds de longueur, qui fe place
à l’extrémité du châffis. Plufîeurs figures jointes
aux explications qui fe trouvent dans ce chapitre
ne laiflenr rien à délirer pour l’intelligence de ces
fortes d’affûts.
Il faut obferver que ce ne font point ici des
idées théoriques ; tous les affûts dont il s’agit dans
ce volume ont écé exécutés en grand nombre
éprouvés & reconnus d’un bon ufage, entr’autres
par un fervice de cinq ans dans le fort de l’île
d’Aix, dont toufé l’artillerie fut montée fur des affûts
conffruits fuivant ces méthodes, avec l’approbation
des officiers du corps d’artillerie employé dans
cette île.
Les pians, coupes, profils & élévations des affûts
à aiguille pour les pièces de bataille , pour les
vaifleaux & pour les mortiers, font exprimés fur
quatre grandes planches contenant 11 1 figures.
affûts à aiguille du général qu’il avoit foui
les y e u x , & les affûts de côte fi multipliés,
lui firent naître l’ idée des changemens qui fe
trouvent dans l'affût qu’il a fait exécuter depuis,
& les expériences comparatives qu’il n faites' à
Cherbourg de ces affûts avec l’affût à aiguille
de l’ ile d’A ix , ont pour objet de prouver que
le premier a un grand nombre d’avantages que le
dernier n’a pas.
Le premier objet que l’ ingénieur Meunier prétend
avoir rempli par les changemens qu il a
faits dans la composition des affûts mobiles fur
un centre , eft de pouvoir augmenter le champ du
1 tir horizontal dans une embrâfure donnée. Nous
difons positivement à ce fujet qu’ il eft dans
l’erreur, que l’ on ne fera avec fon affût à
double châffis que ce qui pourra fe ’ faire avec
l’ affût à aiguille de l'île d 'A ix , & que par le
moyen d’aucun affût, on n’augmentera le champ
du tir horifontal ; qu’on ne le peut qu en changeant
«a direction de la partie intei ièure des
joues de l’eïlîbrâfure, pour lui donner le tracé
de celle appellée à plufîeurs centres, lorfqù on
voudra employer la méthode des changemens
de centre de mouvement des affûts pour augmenter,
le champ du tir dans la même ouverture
extérieure , d’ une embrâfure donnée : fi
l’on en change entièrement le tracé , cette
embrâfure reftera avec tous les défauts de fa
conftru&ion première, fans que les différentes
compofitions d’aucun affût puiffe y remédier.
Enfin le plus grand angle de tir des canons
dépendra toujours des dimenfions obfervées dans
la conftruftion des cafemaces & de leurs embrâfures
, de manière qu’elles feront d'autant
plus défeôlueufes -qu’elles borneront davantage
l’étendue du tir de leur artillerie.
L’addition d’une flèche aux affûts de l’ingénieur
Meunier & qu’il qualifie de correction,
fe fait également aux affûts à aiguille , aiafî
qu’aux affûts à double châffis ; & ce n’eli point
une correction , c’eft une addition qui complique
l’affût, fans contribuer en aucune manière
à augmenter le champ de tir dans une embrà-
fure donnée : l’addition d’une flèche à çes affûts,
n'opère donc.aucun autre effet, que celui de
pouvoir, par un mouvement continu , changer
le centre de mouvement de l’affût dans les
embrâfuies , dont le tracé à été fait à plufîeurs
centres, propriété due à ces fortes d’em-
brâfures, & non à ia flèche ajoutée à l’affût ;
mais cette addition d'une flèche oblige nécef-
fairement à en faire une autre. Dès que les
mouvemens du châffis ne doivent plus fe faire
autour d'une chevil.e ouvrière traverfanr fon
entre-toife du devant, qui fixoit fon point
d’appui à fon centre de mouvement, il faut y
fuppléer par un point d’appui mobile. Ce point
d'appui dans la conftru&tioq, du général coiv
flfte dans une roulette de fonte de fe r , qui _fe
place au milieu & evn avant de l’entre-toile. Ce.
moyen n’oblige point d’entailler aucune des pièces
de bois du devant du, châtfis > mais d apres
la compoficion de l’ affut de Cherbourg, il n’eût i
point été poffible d’employer un moyen aufli Ample
; le talon de la flèche tenant lieu d’entre- .
toife , fe prolonge jufqu’ à 'à cheville-ouvrière ;
de là cette flèche ne peut être élevée au-deifus
du tei rein que de deux à trois pouces ; & de-là
eft venue la neeeffité d’employer deux roulettes
à l’affût de Cherbourg, entaillées dans les-fous-
fhfques, de huit pouces de profondeur fur dix
à douze pouces dans un autre feris 5 ce qui n’eft
pas un petit inconvénient de cette méthode.
Mais enfin, il eft évident que cette flèche &
ces roulettes, de quelque manière qu’elles foient
posées, ne peuvent influer fur l ’étendue de
l’angle de tir horizontal dans les embrâfures à
plufîeurs centres.
Il faut donc que cette théorie ait été méconnue
ou mal comprife par ceux qui ont dirigé
l’exécution des forts de Cherbourg, puifque l’ingénieur
Meunier s’étoit perfuadè qu’en plaçant
la cheville-ouvrière des affûts au point de réunion
de tous les centrés du mouvement, il
augmente le champ de tir des embrâfures ; &
cette erreur eft peut-être la caufe de ce qu’on
s’e ft -fi peu occupé de corriger les grands défauts
qui exiftent dans le tracé de toutes les
embrâfures de Cherbourg , puifqu’aucunes de
celles qui ont été exécutéés , n’ont les tracés
qu’ elles devroient avoir}.... les remedes qu’on
a cherché à y apporter, chaque fois qu’on a eu
à en exécuter dans les forts bâtis depuis celui
du Houmet, n’étant point dans les principes
#|ui doivent faire la baie de la théorie ides em-
brâfûres.
E m b r a s u r e s .
Principes généraux pour leur trace.
i° . Dans toute conftru&ion d’embrâfure, il
ne faut fe découvrir qu’autant qu’il est néceffaire
pour tous les objets que le tir à exécuter dans
i’embrâfure peut avoir à remplir.
2°. Il faut donc avant tout déterminer ces objets
pour chaque embrâfure , foit en direction
horizontale , foit en direction élevée ou inclinée
} d’où il fuit que les tracés doivent être dif-
férens toutes les *fois que les objets à remplir le
feront ; mais ces différences ne confifteront jamais
que dans les ouvertures en largeur ou en
hauteut, tandis que la méthode du tracé reftera
la même.
3°. Les ouvertures des embrâfures en hauteur
doivent être telles que les pièces puiffent y avoir
Art Mi lit. Suppl. Tome IV ,
quatre degrés d'élévation, tant au-deflus de la
ligne du niveau de l’ame qu’au-deffous, en obier
vant que la hauteur en éléyafon de l’embrâ-
fûre doit toujours diminuer à proportion que les
objets à frapper feront moins élevés, & les ouvertures
en inclinaifon au-defïous du niveau de
l’ame1 des pièces doivent fuivre la même loi ;
de façon cependant qu’ une embrâfure qui fè-
trouveroit au niveau du terrein ou de la mer,
n'ayant aucun angle d’inclinaifon à prendre, de-
vroit n’avoir d’ouverture au plus que pour un
angle de trois degrés , puifqu’ à trois cenrs toifes,
qui eft la diftance du tir du but en b la n c c e t
angle donneroit environ cent pieds d’élévation j
les hunes des plus gros vaifleaux n’en ont que
quatre-vingt, & qu’il n’eft point d’occafion ou
l’ on puiffe tirer avec fuccès fous un pareil angle y
car alors ce feroit diriger un boulet~comme on
dirige une bombe, ce qu’on peut appeller des
coups perdus , excepté les cas particuliers ou
les objets- à frapper fur terre feroient fort élevés.
11 fuit de ce principe que les ouvertures
des embrâfures en hauteur doivent changer relativement
à la ligne de niveau de l’axe de l’ ame
des pièces, autant de fois que les objets que
ces pièces auront à frapper feront plus ou moins
élevés, par rapport aux pièces.
Toute embrâfure doit avoir fes joues parallèles
au plus grand angle du tir horizontal
qu’ on veuille fe procurer dans la même em-
' brâfure 5 ce principe eft fondamental} & comme
l'on n’y peut tirer fous un-plus grand angle que
celui formé par fes joues , qu’en avançant le
point de réunion des différons centres de mou-
vem nt qu’on peut donner à l’ affût , il fuit que
tandis que l’ouverture extérieure refte U même,
l’ intérieure augmente ; puifqu à ce cen re de
mouvement, il fe forme toujours deux angles
oppofés au fommet, la face extérieure du mur
foifant la bâfe de l’ un . tandis que fa face intérieure
fait la bâfe de l’autre , & l’effet eft te
même que la cheville-ouvrière , foit en-dedans
du mur , fur le prolongement des lignes de tir
oblique , ou qu’elle foit placée à la réun < n des
centres en faifant aux affûts l’addition d’ une
fléché..
Le tracé de ces fortes d’embrâfures fe détermine
donc d’ une manière génétale dans tous
les cas, par deux cercles concentriques, autour
du point de réunion des centres } l’ un ayant
pour rayon un pouce de plus que le demi-
diamètre du canon au renflement du b o u le t }
& l ’autre , un pouce de plus que le demi-diamètre
du bourlet.
Alors pour trouver les joues de l’embrâfure ,
il faut tire'r celles de fa partie intérieure tangente
au grand cercle , 8c celles de la partie
extérieure tangente au petit cercle.
V v v