
Ifent. Les autres préfentant de plus grandes difficultés
, & n’exigeant pas une déc'fion inftante,
je vous inviterai , après vous avoir préfenté
quelques idées , à les renvoyer à votre comité
de confiitution , qui le concertera à cet égard
avec le comité militaire.
Si l’ufage & le développement de la force militaire
dans une grande monarchie , exige la célérité
dans les ordres , l’enfemble dans les mou-
. vemens , rapports immédiats dans les projets ,
& unité de force dans l’aftion ; fi enfin l’im-
pulfion doit être donnée par le centre & communiquée
à toutes les parties, il s’enfuivra qu’une
feule penfée doit préfider à toutes les opérations
qu’ une feule volonté doit diriger toutes les forces
individuelles qui confti tuent la force publique &
la sûreté de l’empire : l’armée devra donc être
remife entre les mains du pouvoir exécutif. De
là réfulte la nécefiité d’un premier décret conf-
titutionnel , qui déclarera le roi chef fuprême
de la puiflance militaire.
Après avoir confacré cette première bafe , après
avoir conféré au chef de la nation , un pouvoir
que la nature des chofes rend indifpenfable -, la
prudence vous appelle, Meilleurs, à prefcrire
immédiatement les précautions qui doivent en
prévenir l’abus. Les repréfentans de la nation
doivent prévoir qu’ il peut arriver un temps où
la France ne fera pas , comme aujourd’hui, gouvernée
par un roi citoyen , qu’ il peut en exifter
un jour, q u i, aveuglés furleurs véritables in-
téi êts , ■ chercheraient un autre pouvoir que celui
de la confiitution ; que, même avec des intentions
droites , ils pourroient être dirigés par des mi-
niftres q u i, méconnoiffant les--grands principes
des droits des hommes & des peuples , croî-
roient encore que les rois font nés pour commander
aux nations, au lieu d’être inftitués par
elles pour faire exécuter les lois , qui , par
l ’amour 8c le.fouvenir du pouvoir, voudroient
fouftraire le monarque à cette dépendance immédiate
, qui voudroient ènfin le mettre hors
de la nation ; en lui créant un intérêt particulie
r* en le féparant de l’intérêt national. Il n’eft-
pas hors des règles de la prudence, de leur fup-1
pofer de pareilles. intentions , & il eft de x fon
devoir d’en prévenir les dangers.
Divers moyens pourrpien.t être employés avec
fuccès contre la confiitution
. Si les miniftres étoient les maîtres d’augmenter
le nombre des troupèsy-ils p o u t fO ien tpar des
économies faites pendant plufieürs années , foit
.fur les revenus particuliers du roi , foit fur les
fonds attribués à chaque département, 8c dont
ils préfenteroient afl'ëz facilement un emploi
îinexa& , 'foit par des chàngefnens dans la laide , j
.augmenter le nombre , des foldats , 8c ' menacer
;Ia liberté.) Ces dangers -font faciles à prévoir, 8c
4a confiitution doit les prévenir-; elle prononcera
donc que le nombre des troupes 8c la {bide id
l’armée, ne pourront être changés que par des
décrets du corps légiflatif.
Si les miniftres étoient les maîtres de corn-
pofer l’armée de troupes étrangères , d’hommes
qui ne feroient liés , ni par les intérêts, ni par
les devoirs qui attachent les François à leur
patrie, la force deftinée à la défenfe de l’état
pourroit être facilement tournée contre fa liberté.
Il eft donc important que ce moyen d’oppreffion
ne foit pas en leur pouvoir.
J’aurois voulu, Meilleurs, qu’il me fût pof-
fible de vous engager à confacrér en ce moment
une grande vérité ; c’eft qii’une nation de vingt-
fix millions d’hommes doit le fuffire à elle-même,
& n’être pas réduite à appeler'des étrangers'pour
la défendre. Je crois ^ Meilleurs, que Fétablif-
.fement de ce principe intéreffe également 8c la
liberté & l’honneur national ; mais j’ avoue en
même temps.que les circonftances préfentes ne
permettent pas d’en tirer des conféquences ri-
goureufes , que l’étaç aâuel de l’Europe , que
la fermentation qui y règne , que les événemens
qui s’y préparent , que les impreflions différentes
qu’a produit, dans divers pays, notre révolutio
n , 8c les projets qui peuvent en être la fuite;
qu’enfin le foin de l’avenir doit nous rendre
prudens , & que ce ne feroit pas fans dangeV
que vous retrancheriez en ce moment la portion
fi- confidérable & fi eftëntielle que forme les
troupes étrangères dans l’armée françoife, &
qui irait accroître encore des forces ennemies.
Divers moyens feront propres à concilier l’intérêt
général, avec les égards que. méritent des
militaires diftingués par leurs talens 8c les fer-
vices fignalés qu’ils ont rendus. Je me .bornerai
à propol’er en ce moment ', que-.la confiitution
prononce qu’aucune troupes étrangères ne pourront
être employées au fervice de la France fans
le confentement du corps légiflatif.
Si. les miniftres étoient les maîtres de diriger
à leur gré l’aâion des forces militaires dans l’intérieur
du royaume , il leur l’eroit facile , en
paroiflant agir pour le maintien de l’ordre & la
. sûreté publique, d’attenter à tous les droits des
citoyens, & de préparer la ruine de la liberté.
Il eft donc important que le pouvoir confti-
• tuant détermine avec le plus grand foin les règles
auxquelles^ fera alliajetti l ’emploi des forces militaires
dans l’intérieur du royaume. Ces règles
rélulteront du rapport établi par la confiitution ,
'entre la'force militaire 8c le pouvoir civil. Vous
avez déjà ordonné , ’Meffieurs , que les troupes
préteroient ferment en prélënce des officiers municipaux,
8c qu’elles ne pourroient agir que fur
leur^réquifition ; mais cette difpofition eft ab-
fôhiment infuffifante : il faut encore ftatuer, fur
leurs Relations avec les milices n a tion a le s ca r
je .me garderai de mettre en doute que vous ne.
confacriez cette inftitution, qui a fi puiflamment
contribué à la conquête de notre liberté , &
qui en fera toujours le plus ferme appui. Et
quoique ces relations portent toutes fur ce grand
principe , que les troupes réglées font auxiliaires
des milices nationales, pour le maintien de l’ ordre
•intérieur, 8c que les milices nationales font auxiliaires
des troupes réglées pour la défenfe extérieure
, & qu’en confequence elles font alternativement
fubordonnées les unes aux autres , à
raifon des fonctions auxquelles elles font employées
; les ftatuts à faire à cet égard ne laif-
feront pas que d’être difficiles 8c compliqués.
Les règles à établir pour lès garnilons , & ïur-
• tout pour les places fortes , q u i, pouvant tou- •
jours, être attaquées, doivent être confédérées
• c o m m e é ta n t to u jo u r s e h é t a t d e g u e r r e , & o ù
.le s c h e rs m ilita ir e s é ta n t re fp o n fa b le S d e to u t
ce qui eft relatif à la défenfe de la place , doivent
difpofer de toutes les forces qu’ eile renferme ;
les mefures à prendre à cet égard , Meilleurs ,
ne laifleront pas que dé préiënter d’ affez grandes
difficultés , & ont befoin d’être mûrement exa-
- minées ; elles exigent particulièrement un concours
de connoiflances militaires & de principes
politiques; elles ont befoin fur-tout d’être calculées
d’après les bafes qui auront dirigé la formation
des milices nationales. Les queltions relatives
à leur établiflehient n’ayant pas encore
été. difcutéës , je ne me. permettrai pas de vous
fou mettre mes idées fur cét objet , penfant que
le comité de confiitution , réuni au comité 'militaire
, devront être invités à vous préfenter les
, leurs.
. Si les miniftres étoient les maîtres de defticuer
un militaire de fon emploi, fans motif & fans,
formalité , non - feulement ils deviendroient les
arbitres defpotiques de la deftinée d’une multitude
de citoyens, mais ils pourroient , par la
dépendance abfolue dans laquelle > ils les tien-.
droiént, tourner leur force contre la confiitution - 8c ainfi le fort de l’état , ou au moins fa tranquillité,
feroient incefTamment dans leurs mains.
Il faut donc pourvoir à ce danger ; il faut
■ que l’état & l’honneur d’une claffe précieufe de
.citoyens ne puiflent, quel que foit leur grade,
.dépendre que d’un jugement. Le foldatcomme
les. chefs , a droit d’attendre que fon honneur
. & fon exiftence ne feront point compromis par
.une exclufion arbitraire. En un mot, la forme
des juge mens doit être aufll fimple , aufli appropriée
au maintien de la diicipline qu’ il fera
poihble ; mais il doit être prononcé confiitution-
nellcment qu’aucun militaire ne pourra être cafte
ni deftitué de fon emploi fans un jugement préalable.
Vous avez décrété, Meilleurs, que le recrutement
de l’ armée aâive le fei-oit parle moyen
. d’engageiuens volontaires; vous ayez penfé que
la confcription militaire , pour cette première
ligne de troupes, n’étoit pas admiïïible , & l’on
île peut difco,nvenir qu’ elle préfentoit de grandes
difficultés. Vous avez penfé avec raifon , 8c d’après
l’expérience , que les engagemens volontaires , &
fur - tout lorfque le fort du foldat feroit amélioré
, pourroient fuffire pour en procurer le
nombre luffifant en temps de paix : mais une
autre grande difficulté fe préfente,. & il faut la
réfoudre ; c’eft de trouver le moyen de foutenir,
d’alimenter, d’augmenter même très-confidéra-
blement l’armée ordinaire , dans les temps de
guerre , 8c de répondre à l’immenfe confomma-
tion d’hommes qu’elle entraîne néceftairement.
Je fais , Meilleurs , que la philofophie calcule
avec peine ces grands défaftres , ces fléaux déf-
trucleurs de l’efpèce humaine ; je fais aufll que
l’heureufe révolution qui s’ efl opérée parmi nous,
ne s’arrêtera pas aux limites du royaume, 8c
que la liberté changera tôt ou tard la face de
l’univers. Mais jufqu’ à cette époque défirée , mais
jufqu’au moment où toutes les* nations de l’Europe
auront dit , d’une manière aufll énergique
que nous, qu’elles veulent être libres, & auront
établi entre elles des rapport* d’alliance 8c de
fraternité; vous fentes, Mefliëurs , combien il
1 eft important de co nier ver avec elles une proportion
de force qui puifte en .impofer & ôter
aux monarques qui en difpqfent, le défit* de
nous attaquer, par l’efpoir de le'faire avec fuccès;
vous femez combien fl eft important de nous
aflurer, de mettre au grand jour nos moyens de
defenfe , pour éloigner de nous les a greffions , ,
on les repoufler fi elles avaient lieu. Nous devons
donc préparer des moyens dignes d’une grande
nation, 8c qui nous mettent à même d’en uf’er
rarement.
Quand il s’agira de déterminer quel nombre
de troupes eft néceflaire à la polit ion géographique
de la France , & aux circonftances politiques
dont elle eft environnée , il fera facile
de prouver que les cent quarante mille hommes
demandés par le comité militaire ne font pas ,
en temps de paix, un nombre trop confidérable,
& ne forment pas, en temps de guerre , la moitié,
des forces qui peuvent être nécèflaites à notre
défenfe. Il eft donc indifpenlable de vous occuper
des mefures à prendre pour vous procurer cette
quantité de foldats ; car il eft impoflibie de vous
dilFimuier, Meli'ieurs , que les engagemens vo-
: îontaires' font abfolument infuffifans pour ali-
menter l’armée en temps de guerre ; que , de
tout temps, il a fallu recourir à l ’emploi des
milices, 8c que c’eft à ce régime , vicieux à tant
d’égards, qu’il faut luppléër.. C’eft ici le moment
de rappeler le principe , que- tout citoyen doit
fes fer vice s à la patrie , & qu’il eft de fon devoir
do voler à'fa-défenfe. Jadis , cette obligation
étois pénible , lorfque la guerre fe faîfbit prefqae