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& aflemblées (bccefïîvement en échiquier, fur un
front d'une & demi, de deux ou de trois , fuivant
ie befoin. Les premières jetées, ayant été recouvertes
du tablier , feroient pouflées en avant pour
tâire place aux fécondés, puis aux troifièmes, &
ainii de fuite, en formant le radeau continu fur
toute la largeur de la rivière, du foffé ou du ma-
rais , & en prenant toutefois la précaution facile
de le retenir contre le courant par quelques amarres
fixées fur la rive.
* , Y n conçoit combien il feroit facile de dérober
a 1 ennemi le lieu & l’heure d’un tel pafTage, avec
quelle célérité le pont feroit conftruit ; quel moyen
î ° rr101t Pour ®es furprifes en campagne , pour
les a Hauts aux places inondées, pour le paffage
des marais, &c.
O u t r e s a p p liq u é e s a l a r t i l le r ie d a n s l e s p a fld g e s
à la n a g e .
Mais des outres feules employées îfolément
peuvent etre d un fecours précieux dans un paf-
lage a la nage 3 tel que l’exige quelquefois la mar-
che rapide d un parti ou les mouvemens d’une
bataille. Quelques outres placées fous les a lues &
lous les caillons ne mettroient-elles pas l’artil erie
a meme de fuivre la cavalerie ?
. ^es. chevaux de la pièce , en paflant d’abord ,
tireroient une petite maille qui feroit filée jufqu’à
leur arrivée à l’autre rive} alors cette maille étant
amarree fur l’avant-train , les chevaux tirant de
pied ferme , mettroient la pièce à l’eau Y & pendant
la traverfée quelques hommes, reliés fur la
première rive j fileroient, en réfiftant, une fécondé
maille, fixée d’un bout fur la pièce, &
-de Pautre tournée à un piquet fur la rive.
Ce paflage de l’artillerie , quelqu’hazardeux
qu il puiffe paroitre , eft loin d’offrir les chances
& les inconvéniens, furtout de celui qui fut exécuté
dans le Neker, fous les ordres de M. de la
Frezelière; les pièces , amarrées fur leur afût 3 fu
rent tirées d’un bout à l’autre paflant au fend de
I eau.
P a f la g e d e v i v e f o r c e .
Dans les paffages de vive force, où les équipages
des ponts aéluels font inutiles, parce qu’il
faudroit avoir déjà pafle fur la rive oppofée un
gros corps de cavalerie infanterie & artillerie ,
les outres femblenc offrir dans ces circonftances de
bien plus grands moyens.
Que 1 on conçoive en effet le train d’outres
qui a été décrit, étendu fur les bouts & les côtés
par 1 application fucceffive de tel nombre d’outres
néceflaires à la fur face que doit occuper le
corps a débarquer, & cette furfaçe recouyerte du
tablier du pont, n’a-t-on pas l’idée d’un radeau
fufceptible de toutes les formés, un radeau capable
de porter les plus grands fardeaux, puifque
chaque portion carrée pourroit être chargée d’un
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millier pefant environ, & que ce radeau n’enfon-
ceroit que d’environ quatorze pouces fous la
charge de toute l'infanterie , la cavalerie & l’artillerie
que fa furface pourroit contenir ?
On croit inutile d’entrer dans tous les détails
dés modifications auxquelles ce radeau pourroit fe
prêter,, comment on le bafiingueroit, on le feroit
naviguer : on pourroit s’en fervir, après le débarquement
, à faire la tête du pont fur la rive ennemie
, en même tems que la queue fe développe-
roit Air la première rive j ce qui accéléreroit la
conftruétion & donneroit les moyens de porter
de nouvelles forces.
D é b a r q u em e n t m a r itim e .
Cette propriété des outres, de fe former en radeaux,
pourroit les rendre très-utiles pour un débarquement
maritime.
E c o n om ie .
Après avoir donné les détails néceflaires pour
la conftru&ion des outres , leur poids & leur
ufage, le .capitaine Wilhiac s’occupe des dépenfes
de leur premier établiffement, de leur entretien
& de leur tranfport. Comparées aux pontons de
cuivre , il y a près dé deux tiers de différence dans
le prix : la travée d’outres ne fe monteroit pas à
3000 liv., celle du ponton de cuivre à plus de
8000 : avec & pour le prix des démolitions des
pontons exiftans è c la valeur des baquets, on conf-
truiroit un nombre égal de travées de pont
d’outrés.
Un autre point d’économie : le tranfport des
ponts d’outres n’exigeroit pas la moitié des chevaux
ou mulets necefiaires pour le tranfport des
ponts en cuivre. Ils pôurroient être tranfportés
partout , même à traveis les plus hautes montagnes
; ils le feroient avec plus de rapidité & fans
gâter les, chemins.
Le pont d’outres exigeroit au plus deux cent
foixante mulets, ou même fdixante charrettes de
Franche-Comté , attelées chacune d’un feul cheval
; & les pontons de cuivre, pour le moindre de
tous les ponts, exigeroit cinquante-fix voitures,
tirées par quatre cent quarante-huit chevaux ; &
fi 1 on compofe l’équipage de manière â pouvoir
pafief' de l'artillerie de fiége, alors les officiers
d’artillerie exigent cent dix haquets $ ce qui feroit
plus de huit cents chevaux, &c.
Ainfi donc le pont propofé par le capitaine Wilhiac
paroît renfermer tous les avantages à un point
éminent, furtout ceux ou propofés ou mis en
ufage jufqu’à préfent.
Simplicité dans l’appareil, facilité & célérité
d’exécution, légèreté des appareils: d'où s’enfuit
la facilité du tranfport & la promptitude, la certitude
de trouver toujours l’équipage fous fa
main, la convenance pour tous les cas de paf-
fage, Ja folidité, l’économie , &c.
p o s
Après tous ces détails , on a lieu de s’étonner
que cette découverte importante n’ait pas été
mieux accueillie, & qu’on ait même refufé de
faire l’elfai d’une travée.
Ofons éfperer, en le defirant vivement, que
l’efprit de corps, qui étouffe en France tant de
découvertes précieufes, ne confervera pas long-
tems le même empire, & que l’on n’écoutera pas
toujours, avec autant de confiance, tel ou tel officier
de celle ou telle arme , &c.
POSITION DU SOLDAT SOUS LES ARMES.
Depuis plus de quarante ans on s’occupe
de l’exercice du foldat fantaflin : on raifonne, on
écrit, on difeute fur la pofition qu’il doit prendre
fous les armes, & cependant on n’eft d accord
fur aucun des points. Les uns veulent les talons du
foldat joints, les autres éloignés de quatre pouces ;
ceux-ci veulent voir former à fes pieds un angle
droit, ceux-là un angle aigu} d’autres demandent
fes bras en arrière, & d'autres très en avant; les
uns voudroient les voir colés à la cuifle, les autres
un peu tournés en dehors} ceux-ci font porter
le haut du corps du foldat très en avant, ceux-là
Veulent voir fon corps perpendiculaire fur fes hanches
j les uns lui font tenir la tête haute & tournée,
les autres la tête peu élevée & fixée droit
devant lui ; celui-ci exige un regard morne & fixé
à quinze pas, celui là un regard-fier & vague.
Mais avant tout ne doit-on pas confidérer le
foldat comme n’étant prefque jamais un être ifolé,
& faifant prefque partout partie d’un rang ou
d'une file.
Dans l’une & l’autre pofition, la Eçon dont le
foldat eft placé, n'eft pas indifférente. Comme
hommede file, il doit être carrément devant lui &
couvrir l’homme qui le fuit, ou être couvert par
l’homme qui le précède.
Comme homme de rang, il doit être le point
d’une ligne droite, être aligné avec les hommes
qui le fuivent de droite & de gauche, avoir le j
corps aplomb & a rête bien placée.
Pour parvenir donc à fixer une pofiticn avanta-
geufe au foldat, on mettroit d’abord fes deux talons
alignés & à deux pouces, la pointe des pieds
environ à huit pouces Tune de l’autre îles cuiffes,
les os du baflin & les jambes bien aplomb fur les
talons; le ventre un peu en arrière, la poitrine
ouverte & Taillante fans affedlation, le dos aplati ,
le corps n’inclinant pas plus fur une hanche que
fur l’autre, les br .s pendans fur les côtés fans aucune
gêne , la tête droite ; le regard fier, hardi
& décidé; enfin, les épaules & les talons dans une
même ligne droite & perpendiculaire au terrein
qu’il occupe. Ainfi donneroit-on au foldat une pofition
naturelle & en même -tems militaire ; ainfi
I on fuivroit les confeils desanatomiftes, ceux des
écrivains qui jouiffent de ia réputation la mieux
méritée , & on fatisferoit aux defirs de la portion
«plus nombreufe des militaires. ( V o y e j le §. 123
P O S 83;
de la T a c tiq u e p u r e , de M. Mille ; Y E j f a i d e T a c t
iq u e , de M. Guibert ; les R e ch e r c h e s f u r l e s p r in c
ip e s g én é ra u x de la T a c t iq u e , par M. Kéralio, &c.)
P o s i t io n d e g u e r r e . Ayez des foldats qui
fâchent marcher en ordre, avec légéreté, & combattre
avec audace , fermeté &■ courage; ayez des
généraux qui connoiflent bien parfaitement les
terreins fur lefquels ils doivent opérer, & qui
lâchent choifirles meilleures polîtionsou les créer,
en fe fervant de i’art pour corriger ou aider la
Nature, Se vous ferez affuré de la victoire.
Le choix des pofitions dépend entièrement de
la fcience, de la connoiffance des terreins : cette
fcience étoit infiniment moins importante pour les
anciens que pour nous. Leurs ordres de bataille ,
plus profonds & plus raccourcis, n’avoient pas
befoin de pofition d’un grand développement. A
peine les voit-on même occupés du choix des pofitions.
Dans le récit des batailles de l’antiquité ,
on ne voit aucun détail topographique. Rarement
voit-on dans l’hiftoire l’aile d une armée qui ait
cherché prote&ion dans la nature du terrein
pour les affaires de poftes ; il n’en eft certainement
jamais fait mention. Mais lorfque les légions
dégénérèrent, lorfqu’elles quittèrent les armes dé-!
fenfives pour devenir timides & tremblantes dans
les plaines , au moment où les catapultes & les
baliftes fe multiplièrent dans les armées, comme
les canons fe multiplièrent dans les nôtres, on
commença à avoir recours aux reffources du terrein.
On chercha les hauteurs, on efpéra augmenter
par elles' les effets des machines de jet, & on
tâcha de mettre des obftacles entre l’ennemi &
foi.
Quand les armes à feu eurent acquis quelque
perfe&ion, le terrein dut commencer néceffaire-
ment à prendre de l’influence fur les opérations
de la guerre; l’infanterie chercha les pays coupés;
elle occupa par préférence les villages, les bois ,
les hauteurs. Ces points devinrent des poftes
des appuis intéreffans à fe procurer. Ils entrèrent
par conféquent dans les combinaifons de la ta c *
tiq u e & de la ftratégique : peut-êrre auffi cette influence
des terreins lur les opérations eft devenue
un peu trop abfolue ; peut-être a-t-elle trop fait
négliger l’arr des manoeuvres, en faifant confifter
prefque toute la fcience de la guerre à choifir des
polirions avantageufes.
Sans doute la fcience de la reconnoiffance des
terreins eft importante : il faut la cultiver, & faire
entrer fes réfultats dans les combinaifons journalières
de la guerre; mais e'îe doit faire partie
de la ftratégique, fans pour cela faire négliger
la grande ta&ique, que trop d’officiers regardent
mal à propos comme une fcience minurieufe &
fubalterne. C ’eft en maniant des troupes que des
officiers-généraux & des officiers de l’état-major-
général fe forrifieroient le coup-d’oeil contre les
illufions produites par la multitude , contre les