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33 Gênes, Luques, Saint-Marin , on peut re-
» garder la Suède , la Pologne & l’Angleterre
» .comme des républiques fous un roi; mais la
33 Pologne efl h feule qui en prenne le nom. »
Voltaire écrivoic ceci en 1764; mais dans le
commencement du dix-neuvième fiècle, où nous
copions cet article, les états ont éprouvé la plupart
de grands changeme'ns en Europe , fans ceux
dont ils font encore menacés.
.. cc Or , maintenant, lequel vaut le mieux, que
33 votre patrie foit un état monarchique ou un
33 républicain ? Il y a quatre mille ans que
33 agite cette queftion : demandez-en la fo-
» Iution aux riches; ils aiment tons mieux l’arif-.
» tbcratie; interrogez le peuple, il veut la dé-
*> mocratie : il i f y a que les rois qui préfèrent la
3> royauté. Comment donc eft-il poflible que pref-
33 toute la terre foit gouvernée par des mo-
33 narques ? DemandezJe aux rats, qui propoféient
M de pendre une fonnète au cou du chat. »
Chofe ne leur parut à tous plus falutaire ;
La difficulté fut d’attacher le grelot.
“ Mais, en vérité, la véritable raifon eft, com-
93 me on 1 a dit, que les hommes font très-rare-
» ment dignes de fe gouverner eux-mêmes.
: ” P ,n’ÿ a qu’un efcîave qui puiffe dire qu’il
» préfère la royauté à une république bien conf-
33. tituée, où les hommes, jouiflant, fousde bon-
»3 nés lois, de tous les droits qu’ils tiennent de Ja
»? Nature, feroienc encore a l’abri de toute oppref-
»3 fion étrangère ; mais cette république n’exifte
30 point, parce qu il n’y a point de gouverns-
»3 ment parfait dans, la pratique, ofons le dire,
33 fur les objets, les plus importans pour les hom-
33 mes, lafûreté, la liberté civile , la propriété,
» la répartition M'es impôts, la liberté du com-
»3 merce & de i’induftrie : les. lois devroient êtie
» les mêmes dans les monarchies comme dans les
*> républiques, & l’intérêt.du monarque devroic
« fe confondre avec l’ intérêt général, comme
>3 celui du corps légiflatif & du pouvoir exécutif.
33 D’ailleurs, les princîpës qui doivent diàer des
3> lois fur tous ces objets, fondés fur l’intérêt du
•a corps politique & fur la raifon, devroient être
33 indépendans des différentes formes dé conftitu-
33 tion politique.
« Mais ce qui vient tout gâter,.dans quelque
33 gouvernement que ce puiffe être; ce font les
et pallions des 'gq.uyérnàns > .des hommes qui oc-
33 cupent les places 8t de ceux qui; youdroient les
». occuper.
^.Cependant il eft trifte que fouvent, pour
» être un bon patriote, on foit l’ennemi du refte -
» des hommes, L’ancien Caton , ce bon citoyen ,
»? .difeit toujours, en opinant au fénat, tel eft mon
33. avis , c’èft qU’ôn fuihé Carthage, Etre bqn p.a-
» triote eft foühaîtér que' fa.ville s’énrichiffe par,
33 le commerce & foit puiffante par les armes.111
» eft clair qu’uo pays lié peut gagner fans qu’un
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» autre perde, & qu’il ne peut vaincre fans fait®
30 des malheureux.
« Telle eft donc la condition humaine, que
» fouhaiter la grandeur de fon pays, c’eft fou-
» haiter du mal à fes voifins. Celui qui voudroit
» que fa patrie ne fut jamais ni plus grande,ni
» plus petite, ni plus riche ni plus pauvre, feroit
» le citoyen de l’Univers 33
A la bonne heure; mais celui qui fe borne à
defirer le bonheur public, peut le délirer, ce fem-
ble, fans que ce foit aux dépens du bonheur des
autres nations.
Mais pour les militaires, que pourroit donc être
la patrie, fi l’on ne s’attachoit pas davantage
qu’on ne l’a fait jufqu’à préfent, à leur rendre cher
le pays qui les a vu naître? d’où, s’enfuit le plus
grand fcrupule dans le choix des citoyens à qui
l’op veut confier la défenfe de la patrie, la nécef-
fité de les prendre parmi les propriétaires ou leurs
enfans, & l’avantage de ne les retenir fous leurs
drapeaux, pendant la paix , que quelques déca-
■ des. C’eft au milieu des dieux pénates, c’eft au
^ milieu de leurs parens, de leurs amis , à côté de
leur maîtreffe, qu’ils doivent apprendre à aimer
toujours davantage un pays qui renferme la fource
de toutes leurs jouiffances, & à faire le ferment,
bien naturel & bien volontaire, d’empêcher qui
que ce.puiffe être de l'envahir & de leur ravir le
feul bonheur auquel ils attachent un grand prix.
PAYE. Henri IV, cjui vouloir que chaque laboureur
eût tous les dimanches la poule au pot,
vouloit auffi que, le foldat trouvât le bien-être
dans fa condition. Celui qui verfe fon fang pour
nous, difoit-il, doit être payé du moins autant que
l’ouvrier qui fait notre habit ou notre ehauffure.
Les fueceffeurs de ce grand-homme , & furtout
leurs miniftres, ont vu bien différemment, & ,
depuis fon règne , le foldat français a toujours
langui dans la mifère : fa paye aétuelle ; comparaison
faite du prix de toutes chofes, eft à peine
moitié de celle que Henri trouvoit trop modique.
Que de maux naiffent d’une économie fi mal
: calculée ! ,
Si l’on vouloir .examiner ce que les batailles
perdues par cette parcimonie ont entraîné de
dépenfes, pour ne rien dire des autres fuites fu-
neftes,.on yérrpit qu’il én a coûté au centuple
de ce qu’on a cru épargner.
Il .feroit plus avantageux fans doute d’avoir
moins Me troupes, mais mieux payées, mieux
nourries, plus robuftes que ces innombrables mul-
jtirudes qui fe fondent fans.combat, & qu’il faut
renouveler fi fouvent, fans parler de l’énergie que
l’ame du foldat puiferoitdans le degré de confidé-
• ration que répandroit fur, lui|un traitement plus
| honnête.
Mais, combien d’autres moyens notre gouvernement
n’a-üroit-il pas pour une augmentation de
lo’lde, s’il p ou voit fe réloudre à frapper fur cette foule
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foule d’abus de toute efpèce qui dévorent les re-
venus’publiçs ! Le premier emploi, celui lé plus
facré de la-contribution des peuples, ne doit-il pas
être de pourvoir aux befoins de leurs défenfeurs ?
Il s’en faut bien que la foible addition faite à la
folde dû foldat français l’ait tiré de l’indigence :
on ne fait pas affez à quels moyens funeftes à leur
être, ceux de ces infortunés qui n’ont pas la ref-
fource d’un métier, font forcés d’avoir recours
pour fupplier à l’ihfuffifance de la folde. Ce n’ eft
qu’en multipliant fur eux les veilles & les fatigues
du fervice, en couchant la moitié de l’année fur
les planches d’un corps-de-garde, en facrlfiant leur
tempérament, leur Fanté, & précipitant le terme
de.leurs jours, qu’ils parviennent à fe procurer
l’équivalent de leurs premiers befoins.
Suffit-il, au refte, que le foldat ait le néceffairè
phyfique ? Doit il être privé de tous les plaifirs de
la vie, lui dont les devoirs font fi pénibles, lui
que le joug pefant de la difcipline ne laiffe pas
refpirer un inftant, qui eft fans ceffe entouré de
fupérieursde tant de grades, de tous caraéteres,
dont il faut qii’il endure non-feulement la févé-
rité, mais trop fouvent encore l’humeur & les
injuftices? Pour le dédommager de tant d’amertumes
, eft-ce affez de l’empêcher de mourir de
faim?
PAYS ( C c n n o i s s a n c e d u ). Pour juger des
mouvemens de fon ennemi & déterminer les opérations
d’une campagne , il eft indifpenfablé de J
connaître détendue & le détail du pays dans le- J
quel on doit faire la guerre ; & fi cette connoif- j
fance demande des talens particuliers de la part de
ceux qui veulent l’acquérir , il eh faudra davantage
dans ceux dès montagnes, car les premiers
font Toujours divifés par des rivières , ruiffeaux ,
naviües ou canaux, dont la connoiffance, jointe
â celle de la direction des chemins , Qe laiffe
plus à dtfîrer que des détails fur le volume des
eaux, 'leur viteffe, la nature des rives qui bordent
les rivières dans l’étendue de leurs cours ; fur les
marais, étangs où forêis qui fe trouvent dans
leur intervalle ; fur la pofition des places & l’état
de leurs fortifications _& fur la nature du pays, par
rapport aux reffources qu’on en pourra tirer.
Au lieu que les féconds exigent de plus un
développement de toutes les chaînes de montagnes
qui s’y rencontrent, de leurs liaifons, de ia
facilité ou difficulté que leurs penchans’ préfente-
roient aux troupes qui voudroient les gravir ; une
dîftinction fideile dès chemins propres à toutes
fortes de voitures, de ceux qui ne peuvent fervir
qu’aux bêtes de charge ou firr.plement aux gens de
pied , obfervant d’indiquer l'époque à laquelle ils
peuvent êrre praticables; relativement aux vieilles
ou nouvelles neiges; une obfervation fur les tor-
rens ou Vravins qu’on aura à paffer , & qui varient
prefqu’à chaque pluie d’orage ou grande fonte de
Beigec, avec ies moyens de vaincre les obftacles qui
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pourroient s‘y rencontrer; enfin , iin examen plus
fcruptileux des parties les plus refferrées des ef-
carpemens et des défilés.
La guerre des montagnes fe borne ordinairement
à l’étendue qui fert de limite aux fouverains
auxquels on veut la déclarer.
Par exemple , la Savoie, le Haut Dauphiné &
le cours du Var étoient autrefois l’étendue fur
laquelle la France avoit à opérer contre le roi de
Sardaigne ; elle fe trouve bornée au nord par les
Suiffes, & au midi par la Méditerranée.
Les hautes & baffes Pyrénées , les montagnes
d’Arragon & celles, de Catalogne fervent de limites
entre la France & l’Efpagne ; mais comme les
abomemens qui ont été faits jufqu’à ce jour, n’ont
pas été ceux qu’on devoit ponctuellement établir,
puifque le traité des Pyrénées n’a point été fideile
me ht suivi, & que véritablement Ja France a
cédé à l’Efpagne un terrein immenfe & très-précieux,
tant au Civil qu’au militaire , il fera nécef-
faire défaire une nouvelle démarcation afin de fai-re
rentrer la France dans tous fes droits. L’on fe
contentera de dire un mot concernant la défenfe
aCtuelle de cette frontière.
, Soit qu’on faffe une guerre offenfive ou défen-
five , il faut, autant qu’il eft poflible, ajouter à la
connoiffance de la frontière de l’ennemi, & on ne
peut prendre trop de précautions pour fe l’aflurer.
Le fimple détail de quelques débouchés peut
fuffire aux officiers fubalternes ; mais la connoiffance
d’un général & de fon chef d’état major-
général doit embraffer , indépendamment de l’étendue
où ils doivent opérer, les pays les plus
rapprochés de la droite & de la gauche, en forte
qu’ils foient en état de prévoir toutes les diver-
fions qu’on pourroit leur oppofer.
~ En fuppofant donc que la guerre fe faffe dans
les Pyrénées , il eft néceffaire qu’ils fe rendent les
maîtres abfolus du pendant des eaux par ce feul
moyen iis garderont tous les débouchés qui exiftent
le long de cette frontière : fans douce ils fe trouveront
toujours en état de fe défendre de l ’ennemi
qui voudroit pénétrer dans notre territoire , & ils
feront bien plus à portée de l’attaquer fur di'ffé-
rens points , lorfqu’ils le jugeront à propos. Tout
militaire inftruit dans Part de la guerre fait, que
lorfque l’on eft maître du pendant des eaux , l’on
a la certitude de fe défendre & d’attaquer avec
fuccès toutes les fois que les cas l’exigent.
Tout officier n’eft pas également propre à acquérir
les connoissances d’un pays : les uns ont
le talent naturel du local, & dans leur tournée
en confervent fi bien la mémoire , qu’ ils s’y trouvent
en état de diriger des marches' ou d’y pratiquer
des attaques & des défenUs; d’autrts; après
avoir paffé plusieurs fois dans le même pays, ne
font pas en état d’en rendre compte, & encore
moins d’en retirer les avantages defirables.
Parmi ceux qui ont le talent naturel du local,
les uns connoiffeut le pays militairement, & les
Kkkkk