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armées permanentes , outre davantage de la dé-
fenfe des frontières & du maintien de l'ordre public,
ont encore celui de n’employer, en général,
que les hommes fans profeflion , dont le travail
feroit le moins productif pour la fociété, & dont l’effervescence, qui, fous le joug févère de la discipline
, tourne Couvent au profit des vertus guerrières,
pourroit, au milieu du tumulte des villes,
: être fatale au repos général.
Mais la conscription au contraire, telle qu’on
l ’a conçue, arrache l’agriculteur à fa charue ,
Tard fan à Ses travaux, lartrfte à des occupations
plus relevées & plus lucratives j elle dépeuple les
ateliers, les manufactures, les écoles même 5 elle
arrête les progrès de l’ induftrie, tarit les Sources
du revenu public en détruifant la fortune du
particulier : & bien loin de favorifer le maintien
de l’ ordre & de la tranquillité, elle accoutume
une portion confidérable de la nation à la haine
du travail, à l’oubli des liens de famille & au mépris
de la v ie , qui fouvent conduit au mépris des
lois.
Ces efforts extraordinaires ne peuvent être que
momentanés 5 & c’ eft un devoir, un devoir facré
pour les chefs d’un gouvernement, qui font obligés
de recourir à des refiources aufli deftruêtives,
da profiter des premières circonstances en rendant
la paix à leur patrie, pour rendre les enfans
à leur famille, & les hommes de tou? les états aux
travaux qui constituent la fociété & en affurent la
prolpérité.
Il eft en effet d’autant plus preffant de remédier
aux maux fans nombre occafionnés par la loi
du 14thermidor, que celle du 17 ventôfe an § ,
qui d’abord fembloit devoir adoucir ces maux,
les a feulement palliés pour quelque s:uns, &
rendus plus pefans pour les autres. En effet, la
France , depuis cette lo i, a vu bien plus de jeunes
gens déferteurS ou infoumis à la loi : dès-lors
les peines fur la défertion font devenues à peu
près impoffiblés à exécuter : on les a cependant
laiflë fubfifter, d’où s’en eft fuivi unë foule
de jugemens par contumace, qui ont flétri une
grande quantité d’individus, & en ont pouffé plusieurs
au défefpoir, aTinfurreêtiori & quelquefois
au crime. Le mode des gamifers , employé de
nouveau, elt revenu mettre le comble à la défo-
lation : les hommes en place, chargés de fe fer-
vir de ce moyen, l’ont fait là plupart au gré de
leurs pallions : de là les injoffices & les vexations
inouies j de là la ruine du pauvre & les moyens de
corruption abandonnés aux riches pour le foùf-
tfaire à la loi ou fe la rendre favorable à force
d’argent.
D'après cet expofé très-fuccinél, tout porte
donc à refter Convaincu quë, dans les différentes
lois relatives à la confcription, on a commis plusieurs
fautês capitales : d’où s’én font fuivi? de
grands maux - dont .plu Sieurs durent; encore, !&
ftuxquek on ne faürôit trop s’empreifer dé féQiédicf.
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i° . Mal à propos exigea-t-on la levée d’une
quantité d’hommes environ dix fois au deffus de
celle né.ceffaire 5
2°. On eut tort de vouloir impérieufement
faire marcher tous les jeunes gens compris dans
les cinq claffes deilinées à la confcription >
3°. On établit très-injuflement des jurys où
l’homme riche étoit affuré prefque leul d’obtenir
une exemption ;
4°. On borna à trop peu d’âges le nombre de
ceux qui dévoient fournir au complément de
l’armée |
5 °. On perpétua très-inconféquemment la loi
révolutionnaire fur la requifition ;
6°. Il fut impolitique & injufte de ne pas auto
ri fer le remplacement dès l’origine de la loi, &
dès l'inftant où on l’autorifa on le fit'd’une manière
très-imparfaite, & qui ne rempliffoit en aucune
manière le but qu’on voulut ou qu’on eût dû
fe propofer.
Mais, dans l’impoflibilité de faire connoître ici
toutes les idées & les réflexions qui fe préfentent
en foule en méditant fur cet objet fi important,
& les lois dont il a été la caufe, nous allons nous
borner à propofer, non pas la fupprefiion de la
confcription , mais des modifications abfoTument
indifpenfables dans les lois elles-mêmes, craignant
bien encore que ces modifications ne puiffent pas
avoir tout le fuccès que l’on pourroit en defirer,
tant les maux font grands, les mauvaifes habitudes
très-fortes & les confeils pernicieux trop
favorablement écoutés.
P r o j e t d e l o i f u r la co n fc r ip tio n m ilita ir e ,
Confidérant que l’expérience eft la.lumière la
plus lure des lois, & qu’elle vient de répandre
un jour effrayant fur les inconvéniens du mode de
la confcription militaire adoptée par les dernières
lois ;
Qu’en .confervant le principe effentiel à toute
république, que tout citoyen y naît foldat de la
patrie, on peut & l'on doit, dans les circonftances
préfentes, donner à ce principe d’autres déve-
loppemens , & concilier, par dé fages témpéra-
mens, la défenfe de l’état avec fa profpérité, par
les arts, le commerce, &c.
Pour remplir ces vues, arrêtons :
A r t . 1er. Sont rapportées toutes les lois fur la
requifition & la confcription militaire.
I I . Tout,citoyen français n o n marié, depuis
l’âge dé io ans jufqu’à celui dé 40, eft fo u rn is a la
co n fc r ip tio n m ilita ir e .
III. A cèt effet il fera tenu dans chaque commune
de la république, des regiftres où feront inferits
les.noms , âges &: profeflions defditscitoyens.
C e s inferiptions fe feront publiquement quatre
fois l’annee ; fa voir r les icL vendémiaire, nivôfe,
germinal & méflidor.
IV. Elles fé feront en prêféncè des maires &
de
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de leurs adjoints : toutes les formalités preferites
pour les procès-verbaux y feront obfervées.
V. Ceux dont les noms devront être inferits,
feront appelés pour aflifter à Tinfcription , &
leurs pères pareillement s’ils font fils de famille.
VI. L’ infeription fera fignée à la marge par
chaque confcript s’ il fait écrire , ou à Ion défaut
par le maire fi le confcript eft illettré.
VII. Il fera tenu des regiftres féparés pour
chaque profeflion exercée par les confcripts 5 fa-
voir : i ° . pour les agriculteurs 5 20. pour les arti-
fans} 30. pour les négocians} 40. pour les hommes
de loi > y°. pour les hommes attachés aux arts &
aux fciences.
VIII. Dans chaque regiftre, les confcripts feront
divifés par âge & d’année en année.
IX. Ces regiftres feront publics, & chaque citoyen
pourroit toujours fe les faire repréfenter &
en demander extrait, qui lui feroit délivré fans
frais par le greffier qui en feroit dépofitaire.
X. Le maire enverroit fans délai, au fous-
préfet de fon arrondiflement, une copie certifiée
des nouveaux regiftres des confcripts.
XI. Les fous-préfets feroient tenus, un mois
après la réception de ces regiftres, d’ en envoyer
les réfultats, favoir : au préfet, au miùiftre de la
guerre & au miniftre des finances, afin que ce
miniftre connût la' proportion qui exifte en France
entre les différentes profeflions.
XII. Sans contenir lès noms de tous les individus
inferits, ces réfultais offriroient leur nombre
tota l, dans chaque âge &r chaque profeflion ,
de chaque commune, conformément au modèle
qui feroit ann». xé à la préfente loi.
XIII. Un mois après l'envoi defdits'états, le
miniftre de la guerre feroit parvenir aux préfets
l’arrêté du gouvernement qui auroit fixé là répartition
proportionnelle des confcripts néceffaires j
pour le recrutement des armées.
Cette répartition exprimera, i°. le nombre total
des confcripts par chaque département j 2°. celui
des confcripts par chaque arrondiflement de ce département
5 30. enfin pour chaque commune.
XIV. L’arrêté du gouvernement fera publié &
affiché fans délai, & les fous-préfets & les'maires
procéderont à fon exécution.
XV. En conféquence, à la requifition du préfet
& en fuite des fous- préfets , il fera fait, dans la
huitaine & dans chaque commune, une affemblée
où feront appelés tous les confcripts, & leurs pères
s’ils veulent y aflifter.
. XVI. Cette affemblée fera préfidée par le maire
& fes adjoints, & autorifée par le préfet & les
fous-préfets.
XVII. Après que la Fêlure de l’arrêté du gouvernement
fur le nombre des confcripts à fournir
par le çapton aura été faite, le mjaii e déclarera aux
confcripts , qu’ il leur eft accordé huiy jours „pour
délibérer fur -les.mpyens d’exécuter leüit,arrêté.
XVIIJ. La loi. pré Tentée réduit, cç,S moyens à
A r t M i l i i , S u p p l. T o n i . I V .
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deux : le fervice p e r fo n n e l Sc le fervice par r em p la c
em en t.
M o d e a f u iy r e p o u r le f e r v i c e p e r fo n n e l.
XIX. Après l’expiration des huit jours accordés
aux confctipts pour délibérer fur la manière
qu’ils préfèrent pour l’exécution de la loi & de
l’arrêté du gouvernement, il fera convoqué une
fécondé aflemblée tenue de la même manière,
les confçripts feronc obligés d’y faire une déclaration
formelle du réfultat de leur délibération.
XX. Dans le cas où ce réfultat feroit équivoque
& offriroit quelque doute, le maire requerra-
que ce réfultat l'oit formé dans la même féance par
les fuffrages defdits confcripts , qui feront donnés
publiquement, & la majorité formera leur voeu.
XXL Si le voeu des confcripts eft de préférer le
fervice pèrfonnel au fervicé par remplacemènt ,
dans ce cas, & fans défemparer , il fèra procédé
fur le champ au choix des confcripts par la voie du
fort, jufqu’à concurrence du nombre exigé par le
gouvernement.
XXII. Les confcripts abfens pourront fe faire
repréfenter dans l’affemblée par procureur.
XXIII. Ceux qui ne fe feroient point repré-r
fenter, feroient cenfés avoir, pour leur procureur?
fondé , un des adjoints du maire , lequel tireroit
au fort pour & au nom de chaque confcript ab-
fent & non repréfenté.
XXIV. Dans le cas où le fort tomberoit, i°., fur
une perfonne infirme & incapable , par quelque
caufe phyfique ou morale, du fervice.militaire 5
20. Sur le fils unique d’un père exerçant quèlr
que profeflion dans l’état 5
• 30. Ou bien fur le fils d’une veuve dont les
autres enfans feront encore en bus âge : •
Dans ces cas, le tirage fera cenfé nul à leur
égard, & il fera procédé à un nouveau ; mais, par
forme d’indemnité , ceux à qui le fort feroit
tombé , dans les cas ci-deffus, feront tenus., ou
leurs pères & mères, de.payer une fomtne égale
au vingtième de leurs impofitions, tant foncières
que mobilières , laquelle fomme fera verfée pour
faire fonds aux dépenfes relatives au recrutement
des armées.
M o d e d u r em p la c em en t .
La loi admet deux manières de remplacer le
fervice perfonnel ; l’une, parla voie d’une, contribution
pécuniaire , l’autre, par la fubftitutioii
dhine autre perfonr.e.
M o d e du r em p la c em en t p a r la c o n tr ib u t io n
■ p é c u n ia i r e .
Si l’affemblée dv s,confcripts du canton déclare
que fon voeu eft de jouir du bénéfice de la lo i,
qui permet de remplacer les fol du ts «jfemandés par
Rr rrr