
troupes d ifféren tes& de régler leurs rangs 8c
leurs poftes , afin de faire cembattre enfemble
chaque, peuple , chaque tribu. En effet , des
parons ,. des amis, des-compatriotes doivent fe
fou tenir avec plus de zèle èc de courage > chaque
peuple fermant alors fa troupe .particulière ,
ne partage point avec d’à utrés la gloire ou là
honte de leurs manoeuvres. G’eft auflî un moyen
donné à Àgamemnofr pour diftinguer le plus
habile chef, le ioldat le plus intrépide J le corps
le mieux aguerri & le mieux difeipliné.
Ces confeiîs fi fages ont été trop fouvent oubliés
, 8c on pourroit encore les donner de nos
jours..
Dans une autre oecafion, Neftor en ordonnant
Ion infanterie pour l e combat , met dans le
milieu les foldats les moins aguerris , afin de les
encourager par 1 exemple des premiers, 8e de
les forcer malgré eux de combattre par ceux qui
les Auvent.
Cette excellente méthode avoit été adoptée
parmi nous en 1752 *;on la quitta en 1774 pour
prendre celle des Prufliens, de. fe ranger par
rang de taille. Ce n'eft pas la feule ehofe faite
par imitation & fans aucune raifon folide.
Dès-lors les Grecs avoient les armes défend
e s qu’ils confie rvèrem: : le cafque , la cuiraffe ,
les grèves , le bouclier. Leurs armes offenfives
étoient des javelots,, des-piques,, des flèches &
des épées.. > -...
L’infanterie étoit. divifée en pefomment armés 8c armés à la légère. Ils avoient auflî des chars
donc ils fe fërvoient dans les Gombats,
Les combats s'engage oient par les armes de ,
jet ; on fe joignoir enfuite. avec la pique &
l’épée.
Pour faire voir eombierfladifcipline des Grecs
étoit Ajpérieure à celle de leurs ennemis, 'Ho- !
mère peint les Troyens marchant avec un bruit I
perçant & confus, comme celui des grues- fous j
la y mite du ckl. Les Grecs , au contraire x
pleins d’une fureur martiale , marehoient dans le
plus grand ordre , réfolus dé lé foueenir les'
uns les autres j &vd© combattre’fans lâcher Je
pied : le plus profond filence régnoit parmi eux,
afin d’entendre' 8c d’ exécuter les 'ordres plus
promptement.-Jupiter paroiIfeit avoir ôté là voix
a toute cette multitude 5;. & lès armes jetoient
un éclat que l’oeil ne pouvoir foutenir.
Enfin ^ relativement al la caAramétation, Neftor
confeil e de fêïmêr lècamp» des Grecs dune
bonne -muraille 'flanaUée de tours - fort éle-:
vées y- pour mettre à l’abri les vaiffekux ' 8é les
troupes, dé faire ■ dl’èfpace ei> efp.ae0 -des portes
jpour le paffage des chars , de l’environner d’un
folfé large & profond, garni de pàliffades , afin j de fe raffure r contre les forries des ennemis, &
. de. mettre les quartiers en sûreté.
Mais au milieu de tous ces détails , on voit
; "combien l’art.militaire étoit encore dans fon enfance
: au fiégë1 de Troye , on était bien éloigné
des moyens employés depuis pour attaquer lés
villes & pour les défendre. Ici l’on ne voit ni
les armes de la baliftique , fi néceflaires pour faire
un fiége, ni les ouvrages pour combler le folle
8c approcher la muraille afin de battre en brè-
: xhe j il n’eft fait mention ni des ballftes, ni des
catapultes, ni des béliers, ni des machines im-
menfes mifes depuis .en ufage. Tout fe paffe
hors des murs de Troye ; ce font des combats
f-éqtiens livrés en rafe campagne entre les af-
fiégeans 8c les affiégés : bien loin d’être renfermés
dans leurs murs par .des lignes; bien loin;
d’être occupés à défendre leurs murailles & à
retarder les approches des machines de l’ennemi
, les alftégés fortent err troupes, fe rangent
en bataille,' & font fouvent trembler les Grecs
dans leur camp. Au® Neftor leur confeiîle t-tl
de le fortifier ;■ & faute de cette fage précaution,
ils font obligés plus d’une fois de fe-réfugier
fur leurs vaiffeaux , ou les Troyens le;s
fuivoient le fer & fa flamme à la main. Mais
l’art militaire ne pouvoir pas marcher tout dé
fuite à fa perfeéhon ; nous le verrons y arriver
lentement, 8c mériter le nom’ de fcièncé affez.
tard ,. & après bien dès tentatives & des
: fautes.
Cependant au moment où fe terminoit là
guerre de Troye , on eélébroit déjà plus fréquemment
en Grèce ces fêtes 8c ces jeux qui
faifoient partie du cuire & des honnéurs rendus
à la mémoire dès héros, &)qui préparèrent
les Grecs à de fi. grandes chofes en- tous genres'.
G Y k ü s .;
Tels étoient les premiers pas qu'avoit faits
■ lart militaire, guidé par le génie des Grecs ^
lorfque Cyrus voulut entréprendre la conquête
de l'Afie. A en croire Xénophorr, la difeipiine
Jdes Perfes 8c leurs1 éonnèinances militaires , 4
; cette époque-, égaToienr celles dès Grecs. Mais
1 Cyrus avoit pu très-probablement connoître 'es
moyens dont s’étoient fer vis les.Grecs pour per-
feétionner parmi eux Tart militaire ,. 8c il eft naturel
qu’il en ait fait tirage , en donnant à fes
Perfes fes armes 3Ç Fordonnance des Grecs.
L’Afie nvtîeuré étoit pleine dé’ villes grecques,
dont lès peuples - comBàtrô’ren'tr1 très - peu différemment
dès Greçé d’Europe ; Créfus en avoir
même beaucoup à fa foldé. Ott vouloir eh avoir
dans toutes tes ai3néesi‘& 'C*ét6it leur taài^ue >
leurs armes 8c leur difeipiine dont or. tâchoit
d’approcher quand on vovloit s’affurer la victoire
; auffi Xénophon , en donnant les détails de
la bataille de Thimbrée , étale-t-il tout l’art de
la taâique grecque en en fai Tant prendre aux
Perfés les principes 8c les manoeuvré^ , fe feiv
vant des mêmes dénominations , & défîgnant les
mêmes fortes de troupès.
Peu importe, après tout , fi Xénophon n’a
fait qu'un roman en écrivant les allions de
Cyrus, fi ce roman peut être utile par lés maximes
de la meilleure politique 8c par d’êxceliens
préceptes pour un général. D'ailleurs'", là bataille
de Thimbrée fût-elle une fiétïon, il n’en refte-
roit pas moins des détails de ta&iqué & de Conduite
militaire qui proüveroient à quel point
en étoit la fcience de la guerre au moment où
écrivoit Xénophon (1) :
( ï ) M . F r e r e t , fa iis a v o i r c o n n u l a p r a t iq u e
d e la g u e r r e , a r em a r q u é d an s le s m ém o ir e s de
lit t é r a tu r e , t o m . V I , in-4 0. , pâg. ƒ 3 S , d eu x
c h o fe s im p o r t a n te s fu t l a b a t a i lle d e T h im b r é e .
S a p r em iè r e r em a r q u e ë f t q u e le r e t r a n c h em e n t
m o b i le d e c h a r r io t s , d o n t C y r u s fo rm a fo n a r r iè r e -
g a r d e & q u i lu i r é u f lî t f i b i e n , a é t é e m p lo y é
h e u r e u fem e n t p a r d e g r a n d s c a p ita in e s m o d e rn e s .
L o r fq u e le d u c d e P a rm e , A le x a n d r e F a r n è 7 e ,
v in t e n F r a n c e , p e n d a n t le s g u e r r e s d e l a L i g u e ,
il t r a v e r f a k s p la in e s d e P i c a r d i e , m a r c h a n t e n
c o lo n n e a u m i lie u d e .deux file s d e - c h a r r ie : s ' q u i
c o u v r o ie n t fes. t r o u p e s ;, & H e n r i I V q u i c h e r c h o i t
à l ’ e n g a g e r a u c o m b a t , n ’ o là jam a i s e n t r e p re n d r e
de l’y fo r c e r , p a r c e q u ’ i l n e l e p o u v o i r fa n s a t t a q
u e r c e r e t r a n c h em e n t m o b i l e , c e q u ’i l n e p o u v o i r
fa ir e fa n s s’ e x p o f e r à u n e p e r c e p r e fq u e c e r ta in e .
L e d u c ,de L o r r a in e em p lo y a l a m êm e d i fp o f i t io n
a v e c u n fu c c è s é g a l , lo t f q u ’a p r è s a v o i r te n te in u
t i lem e n t d e je t t e r d u f e c o u r s d an s B r i fa c „ a f lïé g é
p a r le d u c d e W e y m a r , i l fu t o b l ig é d é f e r e t ir e r
p r e fq u e fa n s c a v a l e r i e , à ta v u e d e c e t h a b i le
g é n é r a l , q u i a v o i t u n e a r ff ié ë t r è s - f o r t e e n t ro u p e s
a ch e v aK L e d u c d e L o r r a in e m a r c h a fu r u n e fe u le
c o lo n n e , c o u v e r t e fu r fe s d e u x f la n t s p a r le s c h a r—
r io t s d u c o n v o is q u ’ i l a v o i r v o u lu je t t e r dans. B r i f a c ,
& c e r e r r a n c h em e n t r e n d i t m u t i le to u s le« e f fo r t s
q u e fi t le d u c d e W e y f n a r pco ü ï le r om p r e .
L a fe 6 o n d e e h o f e q u i p a r o î t a M . F r e r e t m é r ite r
e n c o r e .p lu s d ’ a t t e n t io n d an s c e m êm e c efm b a it, e ’e f t q u e
C y r u s d u t p r e fq u ’ u n iq .u em en t fa- v i v o i r e a u x q u a t re
m i lle h om m e s q u i é to ie n t d e r r iè r e l e r e t r a n c h e r
m e n t , p u i fq u e c e fu r e n t c e s t ro u p e s q u i e n v e lo p p
è r e n t & p r i r en t e n fla i îc le s d e u x p o r t io n s d e s a i le s
d e L’ a rm é e , l y d i e n n e , aV e c lefqaelJ .es Ç r e f u s e fp é -
r o i c e n v e lo p p e r l ’ a rm é e p e r / a n n e .
C é f a t em p lo y a une fem b iî$ r té d i fp è f i t ïo n à P h â r -
Àinfi voit-on dès-lors, finon la perfeélion de
la fcience de la guerre, au moins une infinité
de précautions, d’ordres 8c dè moyens favans
pour s’aflurer là vidloiré , qui tous prouvent invinciblement
combien Cyrus avoit dû méditer
fur cet àrt , & jufqu’a quel point fes troupes
étoient manoeuvrières , pour être à-peu-
près affuré de vaincre l'es ennemis qu’il avoir à
combattre-rca r la ferehee de la guerre n’â jamais
pu être perfectionnée que fucceftivement,
& en raifon du- plus ou du moins de connoif-
fances réciproques acquifés par les peuples qui
fe faifoient la guerre. Anifî Cyrus, a la tête
dés Perfes qu il avoit exercés & difcîplinés ,.
étoit bien plus afturé. de la viétdire vis-à-vis
des peuplés de- l’Afie qui mettoiént toute leur
confiance dans leurs nombreux bataillons. Mais
avec ■ des forcés infiniment inférieures , Cyrus
avoit eu befoin devoir recours à l’art , 8c de
pouvoir compter fur l’habitude de fes troupes à
favoir combattre , fe mouvoir , fé 1 allié r , revenir
à k charge , prendre des pofîtrons différentes
, &c, pour remporter la vicloire , &
fuppféer au nombre par là fcience. Àinfi à Timbrée
l’attaque des réferves & le ralliement dë
ces mêmes réferves , après avoir fehvërfé les
ailes ennemies pour venir prendre & attaquer
par de-rièré lé centre dés ennemis , tandis qu’on,
i’attaquoic par devant , font des màn’oeavres qui
ne peuvent s'exécuter qu’avec des troupes bien
difciplinées, & qui annoncent autant d’habileté
dans Je général qui les dirigé , que de courage
8c d’i-nftruétion dans les troupes qui les exécutent.
Un fiècle environ .après la guerre dé Tro ye,
les Héraclides étoient revenus dans le Pélopo-
nèfe, 8c avoient mis toute la Grèce dans la
néceïfité de prendre les armes. On fe battit partout,
d’anciennes villes furent détruites, de
nouvelles furent fondées, 8c l'on gémiffoit fous
foie,. & ce fut elle feule qui lui fit remporter la
vk&oire fur l’armée- de Pompée , beaucoup plug- forte que la fienne, fùrtout en cavalerie. Céfon lui-même nous .apprend dans fes mémoires que c’é'tôit de cette drfpofition cfu’il attëndoit lé gain
de la bataille. On appercévrà fan s' peine l’a conformité
.dés deux ' difpofitions de Thimbrée & de
Phairfare éHifaôt lès mémoires dé Céfor, & cette' côn-
forrnité' rft le plus grârid éloge que fort' puiflè fàiré
de CyiQs dans l’ art delà guerre. Elle montre que
ce qu’il avoir fait à Thimbrée, a fervi probablë—
ment de modèlè à un des plus grands généraux
qui ait jamais parti, ou tout au moins qu’îl-s ont
Pui^&T’amre penfé-St agi'de même, dans l’occàfidri
la plus importance* de leur rie. Le' roi’ ’de Phrlfe
a- de ..nos . jours perfe&ionné ces .grands moyens ,,
& s’én eft toujours feûvi avec fuccès