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M ÂCHICOULIS. L’auteur de l’article mâchicoulis
, dans le Dictionnaire de VArt militaire,
nous a fait connoître quelle étoit la conftruétion
& l'ufage des mâchicoulis dans la fortification
des anciens : nous allons faire connoître le parti
que peut en tirer un officier chargé de défendre
une maifon.
Les mâchicoulis dont on peut faire ufage dans
une maifon que l’ on veut défendre, confiftent en
une efpèce de tribune que l'on confiruit au deffus
des portes & des fenêtres du rez-de-chauffée5
cette tribune doit avoir cinq ou fix pieds d’hau-
t-eur, deux à trois pieds de faillie, & autant de
longueur qu’en a la porte ou la fenêtre qu’elle doit
protéger > le devant de cette tribune doit être
couvert avec des planches ou de forts madriers
deftinés à mettre à l’abri de la balle les hommes
placés dans le mâchicoulis. Cette tribune doit être
foutenue fur des folives ou des poutres que l’on
fait pafferpar des trous faits dans le mur, & qu’on
fixe contre le plancher, afin qu’elles ne puiffent
point faire labaffecule ; le fond de la tribune doit
être compofé de planches mobiles. Pour communiquer
de l’intérieur de la maifon à la tribune, on
fait dans le mur un trou de quatre pieds en carié.
Le devant de la tribune doit être percé de créneaux
: le foldat fefert de ces créneaux pendant que
l’ ennemi eft encore éloigné. Quand l’affaillant eft
au pied du mur, ou pour le faper, ou pour enfoncer
la porte, on fait tomber fur lui, en enlevant le
plancher de la tribune, des pierres , de l’eau bouillante
, & tous les autres objets qui peuvent ou le
blefîer ou l’incommoder. Il eft.prudent de creu-
fer dans l’intérieur de la maifon, en arrière du
mâchicoulis, un foffé femblable à ceux dont nous
parierons dans l’article Maison, & que nous avons
confeillé de faire vis-à-vis chaque fenêtre de premier
étage.
MAGASINS.
Des magafins dans les demi-brigades ou les règimens.
Les différens corps militaires qui compofent actuellement
l ’armée françaife, doivent; avoir des
magafins de grand & de petit équipement. -
En 1776, fous le miniftère de M. de Saint-Germain
, on fit un réglement d’adminiftration, qui
obligea chaque corps militaire à établir des magafins
de petite monture, dans lefquels il devoit
toujours y avoir un approvifionnement pour deux
cents hommes, de tous les effets dont le foldat eft
obligé de fe charger à fes dépens. Un officier,
nommé parle confeil d’adminiftration, devoit être
chargé de cemagafin. Le réglement prefcrivoit les
formalités que le confeil devoit obferver, tant
pour affurer la comptabilité de cet officier, que
[ pour fixer le prix & conftater la bonté des effets
qu’il devoit fournir au foldat.
Ce qui détermina M. de Saint-Germain à créer
un magafin pour les effets de petite monture, ce
fut fans doute la comparaifon qu’il fit delà paye
des foldats français, avec les dépenfes auxquelles
ils font tenus. Ce miniftre ayant reconnu quex la
paye des troupes ne pouvoir pas leur procurer les
effets dont elles font obligées de fe pourvoir à
leurs dépens, chercha à établir entre la recette
& la dépenfe du foldat, une balance nécefïàire j il
imagina qu’il atteindroit ce but important s’il
parvenoit à former dans chaque régiment une efpèce’
de manufacture. En effet, en tirant les-matières
premières de la première main, en les fai-
fant détailler & confectionner fous les yeux d’un
officier intelligent, & fabriquer par les foldats ,
leurs femmes & leurs enfans, on devoit procurer
aux troupes, des fouliers,desbas, des chemifes, &c.
d’une qualité bien fupérieure à ces mêmes objets
achetés chez les marchands détailleurs, & à meilleur
marché 5 en outre, on détruifok par ce moyen,
des abus très-crians & très funeftes à la difcipline
militaire, les grivèleries des fous-officiers : on éloi-
gnoit les foldats & leurs femmes de l’oifiveté, &
par conféquent de la débauche & du vice : on don-
noit àleurs enfans un métier utile & lucratif, dont
ils pouvoient, dans tous les tems , tirer une fub-
fiftance honnête y enfin, au moment de la guerre,
on n’avoit pas à s’occuper de la formation de ma-
gafîns-généraux de petite monture, chaque régi-
ment devant tirer de leur dépôt particulier tous
les effets qui lui feroient néceftàires.
Rien aflurément n’etoit mieux vu & mieux rai-
fonné j rien de plus utile, rien de plus néceffaire
que ces magafins ; & cependant la pratique ne répondit
point à une théorie auffi heureufe : une infinité
de caufes qu’il importe de faire connoître
y concoururent.
Lorfque les magafins furent établis, les régi-
mens changeoient de garnifon prefque chaque
année 5 ainfi les frais de tranfport des matières premières
& des effets déjà fabriqués abforboient &
au-delà les bénéfices qu’on pouvoit faire fur les
achats & fur la main-d’oeuvre : De là de juftes
plaintes, ou de la part du foldat qui pâyoit les
effets trop cher, ou du confeil d’adminiftration,
qui étoit obligé, pour les vendre meilleur marché,
de verfer des fonds extraordinaires dans la
caiffe de la petite monture; lorfque le confeil d’adminiftration
ne jugeoit pas à propos de faire tranf-
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porter à la fuite du régiment, les cuirs, les toiles
ou les étoffes qui étoient en magafin, il les faifoit
vendre, & il éprouvoitde greffes pertes, car on
vend mal lorfqu'on eft forcé de vendre précipitamment.
Il arrivoit auili que l’officier chargé des
achats , ne fachant point d'où tirer les matières
premières, employoit des commiflionnai res qui le
trompoient ou lui faifoient chèrement payer
leur probité 5 quelquefois le marchand lui-même
entre mêloit a vie art, dans.le même envoi , des
pièces d’une qualité fupérieure,, médiocre & mau-
vaifej & comme l’officier s’appercevoit fouvent
trop tard de la friponnerie, ou ne s’en apperce-
voit point, la maffe générale ou le foldat étoit
encore Jéfé. Les maîtres-ouvriers, fâchés d’être
réduits à un falaire fixe, déprifoient les matières
premières, ou les détailloient avec peu d’attention
& d’économie ; les ouvriers, animés par le
même efprit, & aflurés des difpofitioqs de leurs
maîtres., fabriquoient mal ce qu'on leur confioit;
les fourriers venoient à leur tour; fâchés de ne
pouvoir plus faire fur les foldats les bénéfices illicites
qu’ils faifoient précédemment, ils décla-
moient, & contre la main-d’oeuvre, & contre les
étoffes, les toiles & les cuirs, &c. Comment,
d'après tous ces motifs, les foldats n’auroient - ils
pas conçu la plus grande averfion contre les magafins,
& comment les magafins auroient-ils pu
çéfîfter à tant d’efforts“réunis?
En récapitulant donc les caufes qui concoururent
à la chute des magafins de petite monture,
on voit qu'elles fe réduifent à cinq.
i° . Les vices de la conftitution militaire.
2°. La nouveauté de ces étabüffemens.
L’incurie ou l’ignorance de fes adminiftrateurs(.
4°. L’amour du gain de la part des maîtres &
des ouvriers.
5°. Une baffe & honteufe cupidité de la part
des fous-officiers.
Il étoit très-poffible de détruire alors toutes ces
caufes, ou d’en prévenir les funeftes effets, & le
confeil de Ja guerre en étoit fi convaincu, que,
dans une ordonnance du 20 juin 1788, concernant
l’adminiftration des maffes, il preferivit que
le linge & la chauffure, c’eft-à-dire, tous les effets
de petit équipement fuffent façonnés par économie
dans l'intérieur des règimens, & que le capitaine
nommé par le confeil d’adminiftration &
l’officier qui lui feroit adjoint, tiraffent autant que
faire fe poiirroit, les étoffes, les cuirs, &c. des
manufactures. Ce même réglement vouloit aufli
que l’on donnât des magafins aux troupes pour cet
objet, & il entroit dans tous les détails relatifs à
cette importante adminiftration. x
La révolution qui vint détruire toutes les lois,
les ordonnances, les ufages, les coutumes, les
habitudes, &c. n’epargna pas plus cet établiffe-
mèntqueles autres j mais il rénferme trop d’avantages
pour ne pas fe faire un devoir d’en écarter
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tous les obftacles qui contribuèrent à fa chute
après le miniftère de M. de Saint-Germain, qui en
étoit le créateur, Ainfi le premier vice, la mobilité des régi-
mens & les changemens continuels de garnifon,
tout porte à croire que l’on s’eft enfin convaincu
des avantages immenfes attachés, finon aux garni
fons abfolument permanentes, au moins à celles
qui, en fixant une certaine quantité de troupes de
toute arme dans chaque divifion militaire, ne per-
mettroit des changemens de garnifon que dans
cette divifion 5 ce qui équivaudroit à peu près à
la permanence, par le peu de chemin qu’auroit à
parcourir une troupe pour fe rendre d’une garnifon
dans une autre ; mefure d'ailleurs qui doit
tenir naturellement au mode de la confcription
pour les recrutemens, & aux avantages incalculables
qu’il y auroit politiquement, moralement
& militairement, en compofant les corps attachés
à une divifion militaire avec les confcrits tirés de
cette divifion.
La fécondé caufe feroit détruite par la feule
volonté bien prononcée & bien foutenue de la
part du miniftre de la guerre, fur la fiabilité de
cet établiffement.
Le gouvernement feroit difparoître le troifième
en prenant quelques foins paternels & dignes de
lui ; par exemple, en faifant compofer, pour l’inf-
truétion des officiers chargés d'adminiftrer les magafins
, une notice des endroits d’où l’on pour-
roit tirer, dans chaque chef-lieu des divifiohs militaires,
les matières premières , les plus parfaites
& à meilleur compte j celle de les faire voyager
à moindre frais,; le nom des fabricans auxquels on
pourroit s’adreffer, &c. : tout cela cependanffe
borneroit à des avis & non à des ordres., qui dé-
généreroient bientôt en privilèges exçlufifs, dont
il faut foigneufement éviter les abus. La même
inflruélion pourroit contenir des leçons fur la
manière la plus économique de couper les cuirs
les toiles, ikc. ; fur les moyens d’en faire des
chemifes , des fouliers , &c. & fur ceux de n ’être
pas trompé fur la qualité desmarchandifes. Guidés
par de pareils moyens, les officiers chargés de
cet objet feroient à l’abri de la mal-adreffe ou de la
mauvaife foi des fabricans, des marchands, des
maîtres & des ouvriers.
Pour la quatrième caufe, faites craindre- aux
ouvriers des règimens, que vous préférerez ceux
que vous trouveriez fi facilement dans les garni-
fons, & vous les verrez vous fupplier de les employer
de préférence & fe foumettre aux conditions
raifonnables que vous voudrez leur impo-
fer.
La cinquième caufe enfin eft une de celles qu’il
eft le plus important de détruire : on fentira, en
effet, combien eft nuifible cette cupidité de la
part des fous-officiers , & combien elle peut avoir
& elle a troj) fouvent de funeftes effets. En vain
les fous-officiers vous diront-ils que les foldats
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