
déjà d i t , de ’juger entre ces différentes difpofi- j
tions -, je n’ ai point la vue aflez étendue , affez
exercée , pour faifir en même temps ce grand
nombre d’objets qu’ il faudroit comparer afin de
les bien juger*, & je ne pourrois d'ailleurs,
dans un ouvrage du genre de celui-ci , tranf-
crire toutes les pièces néceffaires à l’éclaircif-
fement de cette queftion importante : je me bornerai
donc à ne mettre dans cet article fous les yeux
des leéleurs , que celles de ces colonnes qui ne
font point très-connues , quoiqu’elles méritent
cependant de l’être , ou qui n’ont point été livrées
au public par la voie de l’impreflion *, renvoyant
pour les autres à l’ordonnance du I er juillet 1776 > 8c aux ouvrages de MM. les chevaliers Folard ,
de Guibert , Duméfhil Durand , & c : ouvrages
que tous les militaires connoiflent, ou qu’ils font
à portée de çonnoître , puifqu’ ils font très-
répandus. ,
M. Dutheil , major du régiment de Tou! artillerie,&
aujourd’hui lieutenant-colonel de ce même
corps , a fait imprimer à Metz en 178z un ouvrage
intitulé , Manoeuvres d?infanterie pour réfifier à la
cavalerie ê’ l ’attaqueravec fu c c è s .C e militaire
lavant , après, avoir avancé que toute difpofition
d’infanterie en bataille , dont les flancs & le front
ne font point couverts, fut-elle fur fix de hauteur,
■ eft infuffifante pour rélifter à la cavalerie *, après
avoir combattu la difpofition des colonnes placées
à côté les unes des autres *, celle des colonnes
placée en crémaillère -, la colonne de J ’ordonnance,&
quelque s-autres du même genre *, propofe ,
en citoyen qui ne veut pas fe'.borner à détruire,
une colonne qu’il croit moins aifée à vaincre que
celles qu’ il a renverfëes. Nous ne donnerons point
le détail de la formation de cette calofine , on le
trouvera dans l’ouvrage que nous venons d’ indiquer
y mais nous croyons devoir dire que fi la
difpofition de M. Dutheil ne réunit point tous les
avantages poflibles , elle n’en eft pas moins de
beaucoup Supérieure à la plupart de celles que
nous connoiffons. Fouillant dans un ouvrage
militaire imprimé en 1615 , 8c compofé par jean’
Jacques de "Walhanfen , nous avons, trouvé une
manoeuvre d’infanterie contre la cavalerie , qui a
avec celle de M. Dutheil une analogie fenfible :
ce jean-jacques de Walhanfen, qui avoir toujours
fervi fous les ordres du fameux Maurice , prince
d’Orange, déclare , dans l’intr-oduöion de fön
livre , que fon art militaire eft félon la pratique
de ce très-illuflre & très-excellent chef de guerre. Ce
n’eft point certainement pour enlever à M. le
chevalier Dutheil la gloire de nous avoir donné
une bonne colonfte , que nous avons rapproché fon
ouvrage de celui de J. J. de Walhänfen y nous
femmes convaincus que cet officier ne connoiffoit
ni l’ouvrage de Walhanfer. f ni la colonne du
prince d’Orange *, mais c’eft pour fixer fur le
travail heureux de ce ta&icien moderne Rattention
de ces hommes qui jugent des ouvrages
d’après le nom de leurs auteurs, 8c pour prouver
que le génie arrive naturellement , dans tous les
temps , aux mêmes réfultats. M. Dutheil , eût-il
connu d’ailleurs la colonne du prince d’Orange,
n’en méritoit pas moins beaucoup de recon-
noiffance de notre part pour l’avoir reftituée &
appropriée à notre formation & à nos ufages.
L’ auteur du Mémoire fur l’armée pruflienne,
a donné aufli une difpofition pour l’infanterie
qui a de la cavalerie à combattre *, il penfe « que
l’infanterie n’a alors d’autre ordonnance a prendre
que de fe former en malle , par pelotons , en
arrière fur le centre du régiment-, avec la plus
grande célérité poftible *, qu’elle doit placer ^fon
canon à la tête djss intervalles des colonnes , 8c
mettre fes tambours , fes muficiens 8c tous ceux
qui n’ont pas de place , dans les rangs contre les
colonnes ».
« Cette ordonnance eft précife : dans un mftant,
on peut, -d it-il, faire face de. quatre côtés , faire
tel feu que l’on, veut, faire menve paffer les fufils
des derniers rangs au premier , 8c flanquer les
quatre' angles morts par le canon y on peut cheminer
aifément dans cet ordre y l’on donne très-
peu de points d’attaque à la cavalerie *, l’on peut
détacher dès tirailleurs, fi cela eft neceffaire ».
Cette ordonnance eft à peu-près celle de M. de
Claufen, que MjvL les infpeaeurs avoient adoptée
& fait inférer dans une ordonnance provifoire ,
excepté que le caLon étoit placé dans les angles ,
& que l’ intervalle qui refte entre chaque colonne
étoit fermé par des pelotons doublés : je crois
que cet ordre eft très-bon a employer lorsqu’on a
le temps de le former.
Lorfque l’ infanterie a des chariots , on peut s’en
fervir très - avantageufement pour couvrir fa
marche y mais cette circonftance exige , comme
je l’ ai dit , une difpofition particulière.
M. de -Séguier, cet officier général fi refpec-
table par fes moeurs , fi aimable par fon efprit ,
& dont nous avons eu occafion de parler dans
les articles G a r d e 8c L i e u t e n a n t -d e - r o i , me
confia, peu de temps avant fa mort , un mémoire
qu’il avoit fait en faveur de l’ordre profond : ce
mémoire rempli de vues fages , contient une
manoeuvre contre la cavalerie , qui m a paru
mériter d’être rendue publique. L’auteur voudroit
qu’un régiment d’ infanterie fur le point d’être
attaqué par de la cavalerie formât avec fes deux
bataillons une colonne ferrée .en maffe *, mais avec
des intervalles perpendiculaires au fron t, & qu’il
couvrît la tête de la colonne qu’ il auroit formée
avec dés grenadiers, & la queue avec des chafleurs.
’ Nous ne parlerons point dans ce moment plus
Iau long de cette colonne, étant obligé d’y revenir
dans le paragraphe des colonnes d:'attaque.
Chacune des colonnes dont nous venons de
nous occuper, 8c chacune de celles dont nous nous
nous femmes contentés de nommer les auteurs,
ont fans doute leurs avantages ; toutes annoncent
du génie, de l’étude, de profondes réflexions-,
les militaires qui les ont imaginées ont , fans
doute, de grands droits à notre admiration & à
la reconnoiflance publique. Convetions-en cependant
, aucune de leurs colonnes n’ a frappé le but *,
aucune ne réunit toutes les conditions.qu’on peut,
qu’on doit exiger. Je dis plus , quelques efforts
qu’on faffe, on ne formera , peut-être, jamais de
colonne contre la cavalerie qui foit parfaite :
chaque fcience a fes problèmes infolubles , & la
colonne contre la cavalerie eft à mes yeux celui'de
la tactique. Oui , il me paroît impoflible qu’un corps d’infanterie , armé à la moderne 8c dépourvu
de tous fécours étrangers , puiffe , quelque bien
ordonné qu’il fo it , réfifter aux efforts réitérés 8c
bien dirigés d’une cavalerie nombreufe 8c brave.
Je pourrois appuyer cette opinion fur un grand
nombre de preuves , je.me contenterai cependant
d’eii; donner une , mais elle eft concluante.
U n e preuve certaine que la formation la meilleure
ne peut mettre l ’infanterie , armée à la
moderne, à l ’abri des - efforts de la cavalerie ,
c’eft'que de tous les auteurs qui ont créé ou
adopté une manoeuvre pour l’ infanterie contre
la cavalerie , il n’en eft aucun qui n’ait renforcé
fa difpofition foit avec des armes de longueur,
des piquets ou des pieux *, loit avec des avant-
trains , des chauffe - trapes oh des chev-aux-de-
frife ,■ foit enfin avec quelqu’autre machine plus
ou m o in s in g é n i e u f e .
M. le chevalier Dutheil a . avancé , j’en conviens
, que fa colonne dépourvue de canon peut ,
par la Supériorité de fa formation , -réfifter à la
cavalerie •, mais en lifant le livre de cet officier
avec toute l’ attention qu’il mérite , on découvre
que ce n’eft que pour tout prévoir & pour parer
à tout , que l’auteur a fuppofé fes bataillons dépourvus
d’artillerie , de caiffons , & c , & qu’ il
fonde , en effet , prefque tout l’efpoir du fuccès
fur fon artillerie & les machines qui en dépendent.
Comme nous avons d’ ailleurs pour détruire l’opinion
de M. le chevalier Dutheil, celle de plu-
fieurs auteurs militaires & notamment celle de
M. de Guibert, ( voye^l’effai général de tactique :
l’auteur d it , il rfy a ni feu ni ordonnance fur
fix , qui puijfe empêcher notre infanterie nue
■ & mal armée d’être ren ver fie par la cavalerie') ;
nous nous croyons autorifés à conclure que l’infanterie
.doit, pour réfifter à la cavalerie , non
feulement prendre le meilleur ordre poflîble ,
mais encore oppofer à fon ennemi quelque obf-
tacle phyfique , capable, de rompre fon e n s em b le
& de diminuer fon impétuofité.
Puilque l’ infanterie d o it, pour réfifter à la
■ cavalerie , recourir à des fecours étrangers & fe
fortifier par des moyens mécaniques , nous
devons à préfent examiner les- differens moyens
Art. M i lit. Suppl. Tome I F »
mécaniques q u i, jufqu'à ce jour , ont été crées pat
les écrivains , ou mis en ufage par 1< s guerriers ;
& voir s’ il en eft un qui réunifie toutes les qualités
qui lui font néceffaires , c’efl-à-dire , qui
foie (impie , facile , sûr & peu diipcndicux.
te s armes de haft, telles que la fariffé & la-
pique,s’offrent d’abord à nos regards, comme elles
fe préfentèrent naturellement à ceux des premiers
guerriers : une c o lo n n e fraifèe de longues piques
réfifterdit facilement, j’en conviens , aux attaques
réitérées de la cavalerie ; mais comme le même
homme ne peut conftamment porter la pique &
le fufil , nous fouîmes réduits à opter entre ces
deux armes : il n’eft guéres poïïible que notre
choix refte fufpendu , car fl la pique eft encore
excellente contre la cavalerie , elle n a point la
même avantage contre ^infanterie y les gens de
pied ont d’ailleurs plus fouvent à combattre des
fan ta (Tins que des cavaliers. .Quant aufafil-piqne ,
il a fans doute fes avantages , ïnais il eft compliqué
, il eft une machine & une machine trop
lourde pour la plupart de nos fantaffins.
Les Romains , les Anglois , les Turcs , les
Ruffes & les François , ont fait fouvent ufage
de ,pieux pour mettre leur, infanterie a 1 abri des
attaques de la cavalerie. Voye\ l’ article P ieux-
Ce moyen étoit excellent*, l’hiftoire romaine en
offre des exemples , & plufieurs journées marquées
dans nos faftes avec des traits de fang , en font la
preuve : cependant l’écrivain qui propoferoit aujourd’hui
de faire porter par chaque foidat, pendant
toute une campagne , deux ou trois pieux
du poids de cinq-à fix livres, pour ne s’en fervit
peut-être qu’ une fois , exciteroit de vives réclamations
, 8c peut-être même des ris amers y.
malgré ces éclats & ces^clameurs, nous n’héfi-
terions pas à demander qu’ une araie,, defenfive fi
heureufe fût rétablie , fi nous n’avions pas en main
de quoi la remplacer avec avantage.
Une colonne entourée de bons chevaux de frife
a bien peu à craindre de la cavalerie : mais quelle
fomine d’argent ne dépenferoit-on point pour fe
procurer tous ceux qui feroient neceff'aires, a
une armée entière ? quelles fommes. n en cou-
terpit-il point pour les faire parvenir jul’qu’au premier
camp’ que d’embarras pour les tranlporter
d’un camp à l’autre '. comment les faire marcher'
à la fuite d’un corps obligé de faire une traité
forcée ? Les chevaux de frife ont encore plufieurs
autres inçonvéniens : il eft poffiblè a un ennemi
valeureux de les enlever*, il lui eft facile de les
. détruire avec le canon *, les débris d’une de ces
machines , frappée par un . boulet , peut être très-
nuifihle à ceux qu’elle protégeoit *, une troupe
entourée de chevaux de frife veut-elle changer de
pofition , il faut qu’elle abandonne ce qui faifoit
fa sûreté : elle ne peut fortir de fon fort lans
y faire des ouvertures par lefquelles l’ennemi peut
entrer lui-même y & fi elle eft ftiiyie avec yiteffe g