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fupérieure à Ton fiècle & à Ton fexe, étant aflîégée
dans Tolède, & dépourvue à?argent pour payer
fes troupes, réfolut de Vemparer des riches &
magnifiques ornemens de la cathédrale de cette
ville : mais pour ôter à l’a&ion qu’elle alloit Faire
l’apparence d’impiété , qui auroit pu offenfer &
révolter le peuple , elle fe rendit à l’églife en pro-
ceffian folemnelle ; elle étoit. vêtue. ainfi que tous
ceux qui la fuivoient , de longs habits de deuil ;
fon vitage portoit l’empreinte de la douleur, elle
fe frappoit le fein 3 des larmes couloient de fes
yeux : cette conduite adroite prévint tous les maux
que l’imputation de façrilège auroit pu produire.
Des militaires blâmeront peut-être les ménage-
mens qu’eut Dona-Maria 5 cependant ils paroif-
fent Fages : ne choquons jamais les opinions populaires
, les heurter de front ce n’eft point être
philofophe , c’eft être infenfé ; c’eft méconnoître
un des moyens des plus sûrs de conduire les hommes.
Ainfi penfoit Catinat; ce grand homme, a fiez
inftruit pour s’élever au-deflus des préjugés , fa-
voitnéanmoins les refpeéter, fu r -to u t quand le
bien du fervice le demandoit. Voye^ dans l’ article
R el ig ion .3 la conduite qu’il tint à Mantoue en
a y o ï.
A R IG O T , ou Yarîgot. Nom d’un inftrument
militaire , fait en forme de flûte ou de petit flageolet.
ARM E . Quoique l’académie françoife n’ait
point encore fait ufage du mot arme pour défi-
gner les différentes efpèces de troupes dont une
armée eft compofée , quoique cet illuftre légif-
lateur de la Jangue françoife n’ait point encore
adopté ces phrafes : dans quelle arme ferve^vous 3
pour demander à un militaire s’il fert dans la cavalerie
ou dans l’ infanterie ? il faut placer les différentes
armes fur le terrein qui leur convient, pour
dire qu’il faut placer la cavalerie & l’infanterie fur
le terrein qui leur eft le plus favorable 3 nous emploierons
cependant, dans ce dictionnaire de l’Art
militaire, ce mot avec cette acception : de bons écrivains
militaires s’en font fervis , les ordonnancés
en font ufage , & il eft néceflaire 3 car il évite de
longues périphrafes.*
Parmi les queftions militaires qu’il importe le
plus de réfoudre, fe préfente celle du mélange des
armes. Elle peut être énoncée ainfi : comment doit-
on difpofer fur le terrein les différentes armes qui
compofent une armée ?
Les militaires fenfés ont peine à concevoir aujourd’hui
comment on a pû , pendant des fiècles
entiers, rejetter éonftamment la cavalerie aux extrémités
de l’ordre de bataille, & mettre, fur
toute efpèçe de terrein, toute l’infanterie dans le
centre-; leur étonnement cefleroit s’ils daignoient
réfléchir fur le peu d’inftru&ion des fiècles qui ont
précédé le nôtre ; ou s’ils vouloient feulement ,
‘jettant les yeux autour 4 eux , voir que des abus,!
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très-aifés à détruire , des vices dénoncés par tou*
les bons efprits, reconnus même par la multitude,
n’en fiibfiftent pas moins , & femblent même acquérir
, chaque jou r, des forces nouvelles : tant
il eft vrai que l’imitation & l’habitude ont beaucoup
plus d’empire fur nous, que la raifon fécondée
par l’expérience elle-même.
La première des règles de l’art de difpofer les
troupes pour les faire combattre, c’e ft, fans doute ,
celle-ci : v o u s m e ttr e \ ch a q u e armé f u r le te r r e in q u i
l u i f e r a le p lu s f a v o r a b le 3 car c’eft de-là que dépend
la victoire; mais fi l’on doit combattre dans
une vafte plaine ,* fur un terrein uni, découvert,
comment difpofefa-t-on fes troupes ?'
La queftion que nous venons de pofer devoit,
il y a quelques fiècles , être divifée en deux queir
tions différentes : il falloit d’abord favoir fi l’on
devoit entremêler les armes de haft avec les armes
de jet 5 & puis fi on devoit entremêler les troupes
à cheval avec fes troupes à pied : aujourd’hui
il ne nous refte à réfoudre que la fécondé de ces
deux queftions.
Tous les écrivains qui méritent quelque confiance
tiennent pour le mélange des a rm e s , mais
ils font divifés entre eux : les uns veulent qu’on
fe borne à les entremêler par gros corps, & les
autres demandent qu’on les entremêle par pelotons.
Quelle eft de ces deux opinions .celle qui
mérite la préférence ? Pour le favoir, interrogeons
les hommes, mais fur-tout l’hiftoire ; rapportons
les évènemens, tranfcrivons les opinions, & b iffons
aux militaires le foin de pefer les unes &
d’apprécier les autres.
Lanoue , le premier des écrivains qui doive aujourd’hui
faire autorité, car il eft le premier militaire
qui ait écrit depuis la renaiffânce de l’art
de la guerre, entremêle quelquefois des gros corp9
avec de gros corps , il place quelquefois de petits
pelotons d’arquebufiers à côté de gros corps de
cavalerie, & quelquefois de petites troupes de
cavalerie à côté des groffes colonnes d’infanterie ;
mais toujours il entremêle les différentes armes.
Montécnculi n’ eft pas moins partifan que Lanoue
du mélange des armes : il prétend qu’il eft
indifpenfable de mêler avec la -cavalerie de petits
détachemens de quarante ou de cinquante fan-
taflins.
Le maréchal de Saxe penfe que toute troupe
qui n’ eft pas foutenue eft une troupe battue , or
une troupe qui n’eft pas entremêlée n’eft pas foü-
tenue , donc une troupe qui n’eft pas entremêlée
eft une troupe battue : auflî ce général propofe^t-il
de mettre des colonnes d’infanterie entre les lignes
de cavalerie , & des petites troupes de cavalerie
à vingt cinq ou trente pas de l’infanterie ; mais
il ne veut point qu’on mette de petits corps d ’infanterie
proche des gros corps de cavalerie : la
foibie/Tede cçt ordre intimide, d i f i l , vos troupes
d'infanteri©
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^infanterie ; elles Tentent quelles font perdues fi
la cavalerie eft battue, & la cavalerie qui s’ eft
flattée de leurs fecours eft toute déconcertée dès
que par un mouvement un peu brufque, elle ne
peut plus en recevoir du fecours.
Le chevalier Folard e ft, comme chacun le fajt,
grand partifan du mélange, des armes ; il vêtit
qü’on entremêle les armes longues & les armes
courtes, des pelotons d’infanterie parmi les efca-
drons ; mais il v eut, comme M. de Saxe , qne
l’infanterie foit fur une certaine profondeur.
M. de Turpin veut que le mélange des armes
fe fafle par gros corps , par brigade , .ou au moins
par régiment.
M. de Grimoard, après avoir balancé les avantages
& les inconvér.iens du mélange des armes,
fe décide pour le mélange mais il veut que ce
foit par très-gros corps; c’eft-à-dire , qu on placé
de fuite fept ou huit régimens de la même arme.
Je ne citerai plus qu’ une autorité , mais elle
eft d’un grand poids, c’eft celle du général Lloyd.
Il eft néceflaire , dit i l , de placer l’infanterie &
la cavalerie dans la ligne, à portée de s’appuyer,
& de fe flanquer l’une l’autre , de combiner leurs
efforts, & de les diriger contre le même point.
V o ilà , félon moi, en quoi confifte la perfe&iop
d’un ordre de bataille ; ,c’eft l’unité d’aCtion qui
peut feule aflurer la victoire , & je crois que cette
unité ne peut, s’accorder avec la manière dont les
anciens & les modernes femblent être convenus
de placer la cavalerie , « quant à la manière dont
on doit entremêler les différens corps , le général
Lloyd fe rapproche beaucoup de Montécuculli. «
Je fuis entièrement convaincu de cette vérité,
( qu’il eft indifpenfable de mêler avec la cavalerie
de petits détachemens de quarante ou cinquante
fantaflins, ) que j’ ai peine à comprendre qu’elle
ne foit pas généralement adoptée ; d’autant qu’il
eft poflible , comme je le démontrerai par la fuite,
de donner à une compagnie d’infanterie affez de
confîftance pour combattre avec fuccès la cavalerie
, même dans la plaine. » Après avoir tranf-
crit les opinions, pafions aux évènemens.
tions militaires qui méritent de la confiance les
évènemens qui fe font pafies dans des tems très-
reculés , parce qu’une obfcurité fouvent impénétrable
les environne ; parce que le récit, en a été
tronqué par les premiers écrivains , défiguré par
les traducteurs , dénaturé par lés faifeurs de fyftê-
« e s , & enfin parce que les armes & la manière
de faire la guerre ont éprouvé chez les modernes
des changemen« très-confidérables ; je ne parlerai
ni de la bataille de Mantoue, ni de celle d’Ar-
belies , ni de celle de Pharfale, ni de celle de
Renevent donnée en 1266, ni même de celle de
ilongres, livrée en 1408. Je fixerai mes premiers
A n milita Suppl, Tome i y %
regards fur la bataille de Pav/e , en ï j i y ; tous
les guerriers qui en ont parlé conviennent que les
Efpagnols durent, principalement leurs fuccès, à
la précaution , alors nouvelle , d’entremêler avec
lesefeadrons des pelotons d’arquebufiers.
La bataille de Cerifoles, livrée en 1544, offre
la même inftruCtion : le duc d’Anguien divifa fon
armée en fept gros batailons , comme on parloit
dans ce tems-ià, trois d’infanterie & quatre de
cavalerie ; les chevaux-légers occupoient la droite
de l’armée , enfuite venoient les bandes françoi-
fes , puis la gendarmerie , puis l’infanterie fuiffe,
puis les volontaires à cheval, puis l’infanterie italienne
, & enfin les guidons & les archers de la
gendarmerie.
La Vieilleville. éprouva aufli en 15 5*4 combien
il eft avantageux , quand on eft plus foible en cavalerie
que l’ennemi, de foutenir cette arme avec
des pelotons d’infanterie. Le maréchal de Briflac
l’éprouva aufli en Piémont à-peu-près dans le
‘mêmq tems.
Coligni & Henri I V . , fon digne élève , entremêlèrent
prefque toujours les deux armes , &
prefque toujours ils eurent lieu de s’en féliciter.
Guftave-Adolphe, qui marcha fur les traces de
ces deux héros , dût au mêfrie moyen fes Victoires
à jamais inftruCtives & mémorables.
Le grand Condé entremêla à R o c ro i, parmi
I’aîle gauche de fa cavalerie, des gros pelotons
d’infanterie.
Le célèbre Montécuculli, ce digne rival de
Tu renne ,d û t , de fon aveu , à- cette même précaution
les lauriers qu’il cueillit-à St.-Godard.
Turenne avoit reconnu avant Montécuculli l’utilité
du mélange des armes ; il en avoit fait ufage
aux Dunes, & il s’en fervit encore à Sintzeim &
à Ensheim.
Le maréchal de Talard éprouva à Hochftet
combien il eft avantageux d’entremêler les différentes
armes , afiu qu’elles fe prêtent un fecours
mutuel ; fa cavalerie ayant été repouffée une première
fois , il fit avancer deux brigades d’infanterie
& les entremêla avec fes efeadrons ; après
cette manoeuvre il ramena fa cavalerie au combat;
les huit bataillons ayant fait feu , la cavalerie fran-
çoife s ’élança fur la cavalerie de Malbouroug, &
la culbuta : fi elle ne conferva pas ce premier
avantage, la faute en fut à l’imprudence de cette
même cavalerie françoife, qui abandonna le fou-
tien auquel elle devoit fon premier fuccès , & à
la précaution qu’avoit prife le générai ennemi de
multiplier le nombre de fes lignes.
A Almanza la vi&oire ne refta long-tems ea
fufpens que parce que Lafrninas avoit pris la pré-
caution d’entremêler fes armes par gros corps; ce